Outre-Mer

M. le président.  - Nous allons examiner les crédits de la mission « Outre-Mer »

Orateurs inscrits

M. Henri Torre, rapporteur spécial de la commission des finances.  - Avec 1,73 milliard, les crédits de cette mission ne représentent qu'une petite partie des 15,3 milliards que l'Etat consacre aux collectivités ultramarines.

Tout d'abord, les informations fournies au Parlement restent très insuffisantes. En témoignent le faible taux de réponses aux questionnaires budgétaires, de l'ordre de 37 %, et surtout le manque total d'évaluation de la mission. Nous sommes ainsi incapables de mesurer l'efficacité du dispositif d'exonération des charges patronales, soit 867 millions dans ce budget, qui est de surcroît notoirement sous-évalué. Il en va de même des dépenses fiscales, dont le montant, 2,8 milliards, est largement supérieur aux crédits de cette mission. Si l'on se livre à un rapide calcul, pas moins de 800 000 euros sont dépensés par emploi... C'est beaucoup, d'autant que l'opinion publique est choquée par les publicités qui encouragent les investissements défiscalisés outre-mer en les présentant comme des placements très rentables et sans risque. En outre, le mécanisme a des effets pervers, entre autres, l'augmentation des prix de l'immobilier (M. Jean Arthuis, président de la commission, le confirme.). Alors que l'État consacre 5,5 % de son budget à l'outre-mer, qui ne représente que 4,2 % de la population française, la dépense mériterait d'être mieux justifiée, ce qui est impossible en l'absence d'évaluations fiables.

Ensuite, la transformation du ministère de l'outre-mer en secrétariat d'État au printemps 2007 s'est accompagnée du transfert à son ministère de tutelle, celui de l'intérieur, des crédits relatifs au soutien à la politique de l'outre-mer. Ce changement préfigure une meilleure gestion du secrétariat d'État. Également, je me réjouis que les crédits destinés à l'aide à l'emploi et à la création d'entreprise soient désormais confiés à la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle dont l'expertise est plus grande que celle du secrétariat d'État. Toutefois, du fait de cette nouvelle organisation, le programme « emploi outre-mer », constitué à 86 % du dispositif d'exonération des charges sociales, ne rend plus compte de la politique menée outre-mer en faveur de l'emploi. Compte tenu de ces éléments, l'expertise du secrétariat d'État serait mieux utilisée à des fonctions de coordination, plutôt que de gestion.

J'en viens à la sous-budgétisation récurrente dont souffre cette mission. En matière de logement, le Gouvernement a tenu sa promesse d'augmenter les crédits en 2007, suite, entre autres, à mon rapport d'information. De surcroit, l'écart entre crédits de paiement et autorisations d'engagement a été réduit dans ce budget, ce dont je me réjouis. Toutefois, il représente encore 35 millions, ce qui est trop élevé au regard des 800 millions d'engagements non couverts par les crédits de paiement. La dotation allouée aux contrats de plan État-région est également sous-évaluée de 80 millions dans ce budget, alors que ces dépenses sont, par nature, prévisibles. Est-il vrai que 30 à 40 millions pourraient être ajoutés en collectif. Le Gouvernement peut-il confirmer cette information ? Enfin, dernière sous-budgétisation particulièrement préoccupante, celle des crédits consacrés à la compensation des exonérations de charges sociales, dans ce budget comme celui de l'an dernier. Leur montant devrait être de 300 millions. Cette situation est d'autant plus regrettable que l'État avait soldé sa dette fin 2006.

Enfin, je regrette que le débat sur les régimes spéciaux de retraite n'ait pas été l'occasion de discuter des suppléments de retraites perçus par les fonctionnaires outre-mer. En première partie de loi de finances, sans donner un avis favorable à l'amendement que le président de notre commission a défendu en s'inspirant de la proposition de loi déposée par M. Leclerc et Mme Procaccia, le ministre du budget s'est déclaré ouvert à une réforme. Madame la Ministre, Monsieur le Secrétaire d'État, quelle est votre position ? Nous devons mettre fin à ce système choquant, injuste et anachronique ! (M. le président de la commission approuve.)

Mais, rassurez-vous, la commission invite le Sénat à adopter les crédits de cette mission. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Claude Lise, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.  - J'espère que la transformation du ministère de l'outre-mer en un secrétariat d'État n'aura pas d'incidence sur la politique menée en faveur de ces territoires, qui disposent d'atouts réels mais souffrent également de forts handicaps structurels.

Le budget de l'outre-mer représente seulement 0,6 % du budget de l'État. Ses crédits diminuent de 220 millions -du fait de la disparition du programme « intégration et valorisation de l'outre-mer » et du transfert de 158 millions consacrés aux aides directes et à l'embauche vers la mission « travail et emploi »- ce qui peut laisser craindre que l'on ne vide ce département ministériel de sa substance.

Or l'outre-mer doit relever des défis spécifiques. Ainsi, en matière d'emploi, le taux de chômage y est le double de celui de la métropole, voire le triple dans les DOM ! L'exonération des cotisations patronales de sécurité sociale, instaurée par la loi d'orientation pour l'outre-mer de 2000 et confortée par la loi de programmation de 2003, est donc essentielle pour restaurer la compétitivité du travail. Il en va de même des contrats aidés -je m'inquiète d'ailleurs que leur financement soit réduit de 25 millions dans ce budget- et des dépenses fiscales, auxquels s'ajoutera bientôt la création de zones franches globales d'activité. Sur ce dernier point, la définition et le découpage des zones devra faire l'objet d'une concertation avec les acteurs locaux, notamment les très petites entreprises qui représentent 95 % des entreprises du secteur marchand.

J'en viens au programme « conditions de vie outre-mer ». Les moyens consacrés au logement restent largement insuffisants, compte tenu du manque de logements sociaux, de l'importance de l'habitat insalubre, de la prolifération de l'habitat spontané, des risques sismiques et climatiques et de la rareté et la cherté du foncier. L'augmentation des crédits -25 millions- couvre à peine la dette de l'État envers les entreprises du bâtiment oeuvrant pour l'amélioration de l'habitat et la construction très sociale.

Les moyens de l'action « continuité territoriale » sont notoirement insuffisants. À propos de l'action relative à « l'insertion économique et à la coopération régionale », je regrette que les collectivités ultra-marines n'aient pas été davantage associées aux négociations sur les accords entre l'Union européenne les pays ACP, compte tenu de leur impact sur la réalité socio-économique de ces territoires.

J'en viens à deux dossiers d'actualité, en prenant d'abord note du déblocage de 61 millions consenti par le Gouvernement à l'égard des victimes de l'ouragan Dean, même si cela reste insuffisant. Les collectivités de Martinique et de Guadeloupe, qui ont déjà beaucoup contribué aux indemnisations, n'ont plus les moyens d'en faire davantage. Ensuite, il convient de prendre la véritable mesure, quoiqu'elle ait donné lieu à des excès médiatiques, de l'utilisation jusqu'en 1993, voire juillet dernier pour certains territoires, de pesticides interdits.

Des moyens importants doivent être accordés à la région pour parer aux risques encourus par la population.

Deux recommandations, enfin, pour la bonne information du Parlement : tous les crédits affectés à l'outre-mer par les autres ministères, ainsi que les fonds d'intervention européens, devraient figurer aux bleus budgétaires, ainsi qu'un document retraçant la ventilation des crédits entre collectivités d'outre-mer établi chaque année.

Sous réserve de ces observations, la commission des affaires économiques s'est déclarée favorable à l'adoption des crédits de la mission, votre rapporteur exprimant un avis contraire. (Applaudissements à gauche et sur le banc des commissions.)

Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.  - L'augmentation de 3 %, à périmètre constant, des crédits de la mission, et de 3,5 % de l'ensemble des crédits de l'État consacrés à l'outre-mer confirment l'engagement du Gouvernement en faveur de l'outre-mer.

On relève, cependant, d'importants changements de périmètre. La « Mission outre-mer » ne compte plus que deux programmes, les crédits du troisième étant transférés pour une partie au programme « conditions de vie outre-mer » et pour l'autre au programme « administration générale de l'État », dans une logique, que nous approuvons, de mutualisation des moyens liée au rattachement du secrétariat d'État à l'outre-mer au ministère de l'intérieur.

Une part des crédits consacrés à l'emploi outre-mer est, quant à elle, versée à la mission « Travail et emploi », partagée entre le ministère des Finances et celui du Travail, qui gèrera donc la plupart des contrats aidés de l'outre-mer, l'objectif étant de réorienter le secrétariat d'État vers son rôle de coordination.

Si nous approuvons ces orientations, il nous semble néanmoins important de conserver une bonne visibilité aux politiques de l'emploi outre-mer et de concilier l'indispensable évolution du secrétariat d'État avec une présentation budgétaire satisfaisante.

Les compensations d'exonérations de charges sociales progressent de 5,3 %. C'est beaucoup, mais est-ce suffisant ? Les 867 millions prévus en 2008 sont loin du montant prévisionnel -1,13 milliard- des remboursements d'exonérations pour 2008. Notre commission insiste sur la nécessité de tout faire pour éviter que la dette de l'État à l'égard des organismes de sécurité sociale n'augmente pas à nouveau en 2008.

Dans le domaine du logement, j'insiste, monsieur le ministre, sur la nécessité d'obtenir rapidement une programmation pluriannuelle des crédits du logement social et la défiscalisation des acquisitions foncières des collectivités locales, pour les mettre en capacité de constituer des réserves foncières. J'insiste de même sur la nécessité de réaliser les objectifs de construction fixés à l'article 23 de la loi instituant le droit au logement opposable et souhaiterais, madame la ministre, des précisions sur ce point. Les crédits consacrés à la résorption de l'habitat insalubre sont ramenés de 34,5 millions à 21,3 millions : quelles sont les raisons de cette diminution ?

La continuité territoriale est dotée de 54,2 millions contre 54 millions en 2007. Ces crédits financent le « passeport mobilité », doté de 15,8 millions, quand son coût effectif s'est élevé à 19,8 millions en autorisations d'engagement en 2006. Le passeport coûte de plus en plus cher, mais je crois qu'en fixant des prix plafond, par exemple, des économies sensibles sont possibles du côté des compagnies aériennes. Est-ce une piste que vous envisagez de suivre ?

La commission des affaires sociales vous invite à adopter ce budget, qui, malgré quelques interrogations de détail, ouvre d'encourageantes perspectives d'évolution. (Applaudissements au centre et à droite.)

M. Christian Cointat, rapporteur pour avis de la commission des lois.  - Trois nouveautés importantes marquent ce budget : deux nouvelles collectivités, Saint-Martin et Saint-Barthélemy, ont été créées ; les trois programmes de la « Mission outre-mer » ont été réduits à deux ; le secrétariat d'État, enfin, a été incorporé au sein du ministère de l'intérieur.

L'effort global de la Nation à l'égard de l'outre-mer, renouvelé, représente toujours, avec 15 milliards, une part non négligeable des moyens de l'État, ce dont on peut se réjouir. Toutefois, la disproportion flagrante entre la « Mission outre-mer », dont les crédits n'atteignent pas 14 % du total, et l'effort global de I'État en faveur des collectivités ultramarines ne fait que s'accentuer ; les modifications successives du périmètre budgétaire de la mission comme l'éparpillement des crédits entre les divers ministères concernés ne favorisent pas la transparence, en dépit de l'effort réel que constitue le document de politique transversale. Recourir à une mission interministérielle, comme le permet la Lolf, ne serait-il pas plus judicieux ?

Je vous invite maintenant à m'accompagner, sans pour autant quitter votre fauteuil, dans un rapide tour du monde.

La Guadeloupe connaît toujours une forte pression migratoire et la situation de l'emploi y reste préoccupante, avec un taux de chômage de 27,3 %. Malgré la crise de la banane, la croissance connaît un léger mieux, grâce aux secteurs du tourisme et du BTP. Le président de région a reçu, en janvier 2007, pouvoir de négocier, au nom de la France, un accord avec la Dominique.

En Martinique, si le secteur du BTP reste également dynamique, le taux de chômage dépasse encore 25 %. En revanche, on peut noter avec satisfaction une baisse du taux de la délinquance. Quant à la dette du département, elle reste à un niveau préoccupant.

La Réunion a connu une croissance soutenue, de l'ordre de 5 %, en dépit d'une baisse spectaculaire du tourisme due à l'épidémie de chikungunya et aux tempêtes. Le taux de chômage comme celui de la délinquance, y sont cependant en recul.

En Guyane, l'élément marquant reste la forte pression migratoire avec une augmentation de la délinquance et une progression du chômage de plus de 29 %. Malgré la stagnation du tourisme, on note un léger redressement de l'économie grâce au commerce et aux services.

A Mayotte, la commission de révision de l'état-civil poursuit ses travaux à un rythme soutenu. On sait qu'à compter de 2008, le conseil général pourra demander l'ouverture du processus de départementalisation.

En Polynésie française, une remise en route de l'économie est plus que jamais nécessaire. Quant au statut rénové, il ne pourra porter tous ses fruits qu'avec l'adoption du projet de loi organique annoncé sur les compétences et les ressources financières des communes.

En Nouvelle-Calédonie les deux nouvelles usines de nickel sont en bonne voie. Celle de Goro, au sud, sera bientôt opérationnelle et celle du Koniambo, au nord, est, enfin, en cours de réalisation. Quant à la Société Le Nickel (SLN), elle développe de nouveaux projets.

La collectivité d'outre-mer de Wallis-et-Futuna est la seule dont le statut n'a pas été mis en conformité avec les nouvelles dispositions constitutionnelles. Le deuil consécutif au décès du Lavelua, roi du royaume d'Uvea, vient de se terminer et un nouveau Lavelua sera prochainement désigné. Des réflexions visant à moderniser le statut devraient alors pouvoir s'engager.

A Saint-Pierre-et-Miquelon, où le nouveau statut s'est mis en place à la suite de la loi organique de février 2007, la situation financière est difficile. Des perspectives sont ouvertes par la coopération régionale avec le Canada et nous ne pouvons que nous référer aux recommandations faites dans le rapport de notre excellent collègue Denis Detcheverry.

Les deux nouvelles collectivités de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy viennent de se mettre en place avec leurs institutions et une organisation administrative appropriée sous l'autorité du Préfet de Guadeloupe également nommé représentant de l'État dans chacune de ces collectivités. Le 1er août 2007, un accord avec la partie néerlandaise de Saint-Martin est entré en vigueur pour un contrôle conjoint des aéroports, nécessaire dans une île soumise à une forte pression migratoire. Quant à Saint-Barthélemy, son PIB par habitant est presque équivalent à celui de la métropole.

Enfin les Terres Australes et Antarctiques Françaises (TAAF) ont mis en place le cinquième district résultant du rattachement par la loi organique de février 2007 des îles éparses. Ce territoire, disposant d'un potentiel écologique élevé, constitue un pôle important de recherche sur le passé et le devenir de notre planète ainsi qu'une zone de première importance pour la préservation de la biodiversité. Ayant perdu les ressources du pavillon maritime des Kerguelen, il est essentiel qu'il puisse bénéficier de nouvelles sources financières.

Ce rapide tour d'horizon démontre à quel point la solidarité nationale est fondamentale envers nos compatriotes ultramarins, qui savent porter avec fierté, tout autour de la terre, les couleurs de notre pays. Il est naturel que nous les accompagnions avec conviction et fraternité dans leur développement. C'est pourquoi votre commission des lois vous invite à adopter les crédits de cette mission. (Applaudissements à droite et au centre.)

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.  - À travers ce budget, c'est bien une vision de l'outre-mer ambitieuse, moderne, dynamique qui transparaît. L'outre-mer, à l'heure de la mondialisation, est une chance pour la France et pour l'Europe. Elle nous offre un avantage géostratégique exceptionnel. C'est pourquoi leur développement économique est un enjeu essentiel.

Les entreprises ultramarines sont au premier rang de l'action en faveur du développement économique. Notre objectif est donc de mobiliser les compétences et les moyens, notamment budgétaires, pour valoriser les atouts de l'outre-mer. Notre politique de développement doit être fondée sur l'excellence économique et la compétitivité. Le projet de loi de programme que je prépare avec Christian Estrosi vise à encourager un développement durable spécifique à chaque département d'outre-mer, conformément aux engagements du Président de la République. Avec la création de zones franches globales d'activité, notre démarche se veut novatrice et partagée, parce que j'ai voulu que ce projet fasse l'objet d'une large consultation dans chaque département d'outre-mer, et les secteurs favorisés sont ceux qu'avaient proposés les partenaires locaux.

Ce projet, nécessaire et ambitieux, requiert le soutien de l'Union européenne parce que les DOM restent fragiles et que leurs handicaps structurels ainsi que les risques qu'ils courent -à ce sujet, j'assure la population de la Martinique de notre soutien dans l'épreuve qu'elle a subie lors du récent séisme- justifient des réglementations communautaires spécifiques. Mais très peu de pays européens savent ce qu'est l'outre-mer, si bien que, dès mon arrivée Place Beauvau, je me suis efforcée de faire partager mes convictions. J'ai pu obtenir de la Commissaire en charge de la concurrence un régime fiscal largement dérogatoire pour les DOM afin de favoriser la compétitivité de leurs entreprises et, à diverses reprises, je me suis entretenue avec Peter Mandelson, commissaire en charge du commerce et de la négociation, des Accords de partenariat économique (APE) avec les États ACP. Nos conversations ont été courtoises mais musclées. Sur des secteurs fragiles, notamment la banane ou la filière canne-sucre, j'ai déjà pu obtenir des résultats. Soyez assurés que je resterai vigilante quant aux intérêts des DOM.

J'entends mettre à profit le semestre de la présidence française de l'Union pour faire mieux connaître l'outre-mer aux États membres, notamment les plus récents, et leur dire pourquoi l'outre-mer est une chance pour l'Europe, une chance pour la biodiversité, la lutte contre le changement climatique et la coopération.

Le budget doit servir cette ambition. La « Mission outre-mer » ne représente qu'une fraction du total des crédits que consacre l'État à l'outre-mer : un peu moins de 2 milliards sur un total de 15. Le tour du monde outre-mer dans lequel vous nous avez entraînés, monsieur Cointat, montre en effet que la solidarité nationale est essentielle et j'ai voulu faire de ce budget un acte de solidarité et de vérité.

Solidarité d'abord. La situation du logement outre-mer demeure souvent indigne de la République. Les crédits consacrés au logement reviennent au sein de cette mission, contrairement à l'orientation retenue antérieurement, et ils augmentent de 14 %, même si l'effort est encore insuffisant eu égard à la situation. A défaut de tout redresser en un an, nous ferons du logement, particulièrement social, une priorité du projet de loi de programme. De même la loi corrigera certains choix, notamment fiscaux, qui n'ont pas atteint les objectifs recherchés.

En ce qui concerne les régimes de retraite, le Gouvernement n'est pas hostile à une réforme, mais cette dernière ne pourrait porter que sur les nouveaux retraités. Il n'est pas question de supprimer des pensions, mais je suis d'accord pour qu'on examine, cas par cas, certaines situations caricaturales qui tiennent plus de l'effet d'aubaine que d'un réel lien avec l'outre-mer.

Cette mission traduira aussi une politique de vérité. Par l'évaluation tout d'abord. Oui, monsieur Torre, de nombreux dispositifs étaient insuffisamment évalués, comme par exemple les mesures de défiscalisation. Je souhaite développer l'évaluation et le pilotage des politiques publiques. Dès maintenant, j'ai donc souhaité qu'un responsable des services de la rue Oudinot soit chargé du suivi systématique des politiques mises en oeuvre pour l'outre-mer. Si la continuité territoriale doit corriger, au moins en partie, les effets de l'éloignement, je veux tirer les conséquences des dysfonctionnements de la dotation de continuité territoriale ou du passeport mobilité, qui seront réformés dans le projet de loi de programme, afin de mieux répondre aux besoins, pour davantage de jeunes et pour des projets mieux assurés.

L'augmentation des crédits du logement ou d'aménagement du territoire, pour sensible qu'elle soit, ne doit pas nous satisfaire et ce projet de budget pour 2008 doit être considéré comme un premier pas vers le redressement et la responsabilité. Oui, monsieur Torre, il y aura un collectif budgétaire.

Désormais, l'Intérieur est le responsable gouvernemental de tous les territoires français, métropolitains ou non. Pour l'outre-mer cette nouvelle organisation est gage d'efficacité accrue parce qu'il bénéficiera de la mutualisation de nombreuses fonctions avec les services de la Place Beauvau, sans remettre en cause, bien entendu, l'exceptionnelle connaissance que les services de la rue Oudinot ont des spécificités de nos collectivités d'outre-mer. Je rassure M. le rapporteur spécial sur ce point. En accord avec Christian Estrosi, j'ai chargé le secrétaire général du ministère de me proposer une organisation administrative de la rue Oudinot conforme au nouveau périmètre gouvernemental. Ces propositions nous seront présentées au début de l'année prochaine et je m'appuierai également sur la mission confiée à Patrick Karam, délégué interministériel pour l'égalité des chances des Français d'outre-mer.

Mes ambitions pour l'outre-mer sont grandes. Dans la bataille pour la croissance, l'emploi, le développement durable et l'égalité des chances, l'outre-mer doit prendre toute sa place. C'est l'enjeu de la politique que j'entends mener, une politique ambitieuse pour l'outre-mer et donc une politique ambitieuse pour la France. (Applaudissements à droite et au centre).

M. Christian Estrosi, secrétaire d'État chargé de l'outre-mer.  - Je salue le travail des rapporteurs et les sénateurs représentant l'outre-mer ainsi que les sénateurs métropolitains qui sont venus leur témoigner leur solidarité.

Monsieur Torre, vous nous reprochez de n'avoir pas transmis tous les documents dans les délais utiles. Si le taux de non-réponse était de 37 % au 10 octobre, tous les documents sont aujourd'hui à votre disposition. Quant à la qualité des réponses, je note que les autres orateurs ne l'ont pas mise en cause.

Les crédits de la mission témoignent de l'effort de solidarité de mon secrétariat d'État et, compte tenu des changements de périmètre qu'a connus cette mission, il faut noter que, à périmètre constant, l'augmentation est de 2 % pour les autorisations d'engagement et de 3 % pour les crédits de paiement.

Conséquence de la Lolf, on retrouve les crédits pour l'emploi, qui dépendaient en 2007 de l'outre-mer, affectés à l'Emploi, mais la ministre de l'intérieur et moi-même avons un droit de regard sur l'administration de ces crédits. Cela ne remet pas en cause l'action de l'État, nous voulons seulement que les spécificités ultramarines soient mieux prises en compte et mon secrétariat d'État sera un aiguillon en ce sens.

Lors du séisme de Martinique, l'État s'est mobilisé et la cellule de crise constituée au ministère de l'intérieur a pu apporter des réponses immédiates. Je rappelle l'intervention du Fonds de secours pour l'outre-mer lors des cyclones de 2007, à hauteur de 17 millions, et les dispositifs d'aide à l'agriculture.

Nous travaillons à une remise des bâtiments aux normes antisismiques le plus tôt possible. Il est du reste miraculeux qu'un tel séisme d'amplitude 7 sur l'échelle de Richter n'ait pas fait plus de dégâts.

La solidarité nationale joue à plein, notre volonté politique est sans faille. Après le cyclone, 60 millions d'euros ont été mobilisés sur les fonds de secours de mon secrétariat d'État, ainsi que 5 millions sur le Fisac et 4,5 sur des crédits du ministère de l'agriculture. Jamais la décision de placement en état de catastrophe naturelle n'a été aussi rapide, et elle a concerné toutes les communes de Martinique et de Guadeloupe : les indemnités d'assurance seront donc partout majorées.

Nous voulons promouvoir un développement économique fondé sur les atouts de chaque territoire, préservant l'environnement et créant de la richesse. Je ne partage pas la vision pessimiste de certains, je constate partout des réussites, des projets ambitieux. Le PIB outre-mer progresse trois fois plus vite qu'en métropole ! Les ressources et le potentiel humain sont considérables. Il faut donc lever les contraintes liées au handicap naturel et avancer dans la valorisation des atouts. Des pôles de compétitivité ont été créés en Guyane, en Guadeloupe, à la Réunion, ils signifient de nouveaux métiers et de nouvelles filières de formation. Le projet de zone franche globale sera mis en oeuvre après la prochaine loi de programme. Il s'agit de couvrir l'ensemble du territoire des départements d'outre-mer et de jouer sur la fiscalité des entreprises, avec des aides majorées dans quelques secteurs porteurs. La concertation locale a eu lieu, sous l'égide des préfets ; et j'indique dès maintenant que les secteurs concernés incluront le petit commerce et les services à la personne. Notre projet est équilibré, il va aussi vers les plus démunis.

Oui, les crédits des contrats aidés reculent, mais, dans le même temps, les exonérations de prestations sociales augmentent. Et la baisse du chômage est sensible !

De la protection de l'environnement dépendent non seulement les conditions de vie de nos compatriotes mais la préservation d'un patrimoine naturel exceptionnel et prometteur pour les économies locales. J'ai évoqué cette question dans le cadre du Grenelle de l'environnement. Une grande partie du Bengladesh pourrait disparaître avec la montée des eaux ; dans le Pacifique Sud, certains de nos territoires ne seraient pas non plus épargnés, ne l'oublions pas, et leurs populations pourraient être les premiers orphelins de la République.

Développement des énergies renouvelables, maîtrise et gestion des déchets, mais aussi politique de solidarité sociale : en 2008, les crédits du logement social augmentent de 14 %. Je rappelle qu'en 2007 a été soldée la dette sur la ligne budgétaire unique (LBU). Notre souci, aujourd'hui, est de mobiliser davantage de foncier et de sécuriser les outils de financement du logement social. Le logement n'est pas un sujet comme un autre : il faut un toit pour s'épanouir affectivement et réussir économiquement. M. Torre a évoqué une sous-budgétisation : mais, je le répète, la totalité des dettes a été réglée en 2007 grâce à un effort exceptionnel. Les crédits pour 2008, hors cette dépense, progressent !

En ce qui concerne l'amélioration des conditions de vie et le problème de la continuité territoriale, gage de cohésion sociale pour Mme Payet, nous entendons réviser le dispositif et améliorer l'accès à la santé, l'éducation, la formation. Les dysfonctionnements du passeport mobilité seront corrigés. L'effort financier concernant les engagements contractuels s'accroît de 10 % : ces engagements seront honorés.

La récente loi sur la Polynésie française a donné un souffle nouveau à la démocratie locale et les lois de décentralisation vont être étendues à l'ensemble des communes polynésiennes et à l'intercommunalité. En Nouvelle-Calédonie, le droit communal a été actualisé par l'ordonnance du 25 juillet dernier, les accords de Nouméa sont mis en oeuvre. Le comité des signataires se réunira le 20 décembre prochain à Matignon pour faire le point : je m'attelle à la préparation de cette réunion. Qu'il s'agisse de Saint-Barthélemy, Saint-Martin ou Mayotte, les engagements du Président de la République seront tenus. A Mayotte, tout changement de statut sera bien sûr soumis à la consultation de la population, si le conseil général en fait la demande.

La sécurité est la première des libertés ; sans elle, pas d'amélioration des conditions de vie. Le rôle de l'État, dans cette mission régalienne, est essentiel. Mme Alliot-Marie et moi-même travaillons à implanter des GIR dans les départements d'outre-mer et à Mayotte, afin de lutter contre les réseaux. Si certains chiffres de la délinquance sont à la hausse en 2007, c'est aussi parce que l'activité des forces de sécurité s'est renforcée ! Les problèmes sont différents, du reste, d'une collectivité à l'autre.

Nous devons avoir, chacun en convient, une vision globale de l'action de l'État en faveur de l'outre-mer.

Tous les rapporteurs ont évoqué cette vision globale. Une réflexion à ce sujet est en cours, que je suis de très près, dans le cadre de la révision des politiques publiques. Le document de politique transversale est à cet égard particulièrement précieux. M. Cointat suggère de faire du secrétariat d'État, en l'allégeant de certaines de ses missions de gestion, un outil de mission, d'impulsion, de pilotage interministériel. Mme Alliot-Marie et moi-même souscrivons totalement à cette approche. C'est une voie d'avenir que nous explorerons avec constance.

Chacun des rapporteurs a présenté ses chiffres. Chacun sa vérité... M. Torre a souligné que l'effort global en direction de l'outre-mer atteignait 5,5 % du budget de l'État ; il a raison. M. Lise a noté que la mission représentait 0,6% de ce même budget ; c'est la vérité. Mme Payet a salué des crédits en augmentation de 3 % à périmètre constant ; c'est l'évidence. Mais M. Torre a dit : 5,5 % du budget de l'État pour 4,2 % de la population. Cette remarque, toute révérence due, appelle une correction.

M. Henri Torre, rapporteur spécial.  - C'est un constat !

M. Christian Estrosi, secrétaire d'État.  - Certes. Mais vous tous représentez ici des territoires et les femmes et les hommes qui y vivent. Les conditions faites à chacun d'eux vous importent. Je ne plaide pas pour l'égalitarisme, vous le savez, mais pour l'équité et la justice. L'État donne plus, par habitant, à l'Ardèche, à l'Ariège, aux Vosges ou à la Corse qu'au 7e ou au 15e arrondissement de Paris ; tout simplement parce qu'il y va de l'équité : il faut donner plus à ceux qui ont moins. A Wallis, à 26 000 kilomètres de la métropole, au milieu du Pacifique, les enfants ne disposent pas d'autant d'ordinateurs dans leurs écoles qu'à Paris ! Les infirmières de l'hôpital n'y ont pas toutes la blouse dont elles ont besoin pour exercer leur métier ; quand les installations de radiographie y sont défectueuses, quand il faut opérer un patient atteint de péritonite sans qu'on puisse le transférer par avion en Nouvelle-Calédonie, on imagine les conséquences ! Comparer les 5,5 % du budget et les 4,2 % de la population n'est dès lors ni juste ni équitable.

Les territoires d'outre-mer, éloignés, isolés, méritent que la métropole soit plus solidaire (Applaudissements sur tous les bancs). L'outre-mer peut beaucoup pour la France et l'Europe ; la France peut beaucoup pour l'outre-mer. Parce que c'est la mission que le Président de la République m'a confiée dans sa lettre de mission, parce qu'il me soutient, c'est cette vision de l'équité et de la justice qui me guide. (Applaudissements au centre et à droite)

M. le président.  - Je relève que le Gouvernement a épuisé son temps de parole avant même de répondre aux orateurs. J'appelle chacun à respecter les règles.

M. Simon Loueckhote.  - Il y a tant à dire sur l'outre-mer !

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - Nous débattons du budget, non de politique générale ; que chacun en ait conscience et en tire les conséquences ...

Je ne viendrai pas au secours de M. Torre, qui est suffisamment armé pour se défendre lui-même ; mais, monsieur le secrétaire d'État, il ne suffit pas de dépenser plus pour être efficace. L'effort de l'État est de grande ampleur, mais force est de constater, en matière de logement par exemple, que l'argent dépensé ne va pas là où il devrait aller. On parle aussi beaucoup ces temps-ci de pouvoir d'achat ; une réflexion s'impose à l'évidence sur les systèmes de distribution outre-mer. (Applaudissements au centre et à droite). Il semble que plus on met d'argent public, plus les prix augmentent... Les moyens de l'État devraient être mobilisés pour qu'on y voie plus clair (Applaudissements au centre et à droite).

La séance est suspendue à 13 h 10.

présidence de M. Philippe Richert,vice-président

La séance reprend à 15 h 15.

M. Claude Lise.  - Un constat s'impose : ce budget est en stagnation. Il n'augmente, en effet, à périmètre constant, que de 1,85 % alors qu'il a baissé de 7 % en 2005 et 2006 et de 12 % en 2007. Donc, loin de s'inscrire dans une dynamique de changement -je ne dis même pas de rupture !-, ce budget s'installe dans une très réelle et décevante continuité : les priorités habituelles sont réduites à l'affichage.

La première est, comme il se doit, l'emploi. On ne peut que s'en féliciter quand on est l'élu d'un département, la Martinique, dont le taux de chômage dépasse les 25 % -dont 45,8 % de chômeurs de longue durée. Mais comment ne pas être déçu ? Le seul réel changement réside dans le transfert à Bercy de la gestion des 158 millions de crédits d'aides à l'emploi. Pour le reste, on ne note aucun effort budgétaire supplémentaire.

Le dispositif d'exonération de charges patronales de sécurité sociale, mis en place par les lois de décembre 2000 et de juillet 2003, est manifestement sous-doté : seulement 867 millions de crédits de paiement quand les prévisions de compensation à verser aux organismes de sécurité sociale atteignent 1 100 millions. Cette nouvelle et très sensible diminution traduit la persistance d'une vision péjorative des contrats aidés, notamment ceux à destination du secteur non marchand. Une politique contre laquelle je n'ai cessé de mettre en garde, compte tenu des risques qu'elle comporte pour la cohésion sociale dans un département qui compte un chômage trois fois plus élevé que dans l'Hexagone, avec 8 % de Rmistes, près de 13 % de personnes vivant de minima sociaux et près de 16 % percevant un revenu inférieur au seuil de pauvreté.

II importe, bien sûr, de promouvoir la création d'emplois générés par l'activité des entreprises. À cet égard, le dynamisme des Antilles est supérieur à celui de bien des départements. Mais il serait irréaliste d'imaginer pouvoir se passer à court et même moyen terme d'un important volet d'emplois aidés, tout particulièrement dans le secteur non marchand. La future loi de programme pour l'outre-mer ne pourra, surtout dans le domaine de l'emploi, avoir des effets à court terme. D'autant plus qu'elle sera essentiellement fondée sur l'outil fiscal, dont on connaît les avantages mais qui a déjà aussi montré ses limites.

L'élément nouveau sera le dispositif annoncé de zones franches globales d'activités, qui suscite chez beaucoup d'élus et d'acteurs économiques bien des interrogations : sur sa compatibilité avec les règlements européens, sur le risque de suppressions d'autres mesures à titre de compensation, sur le coût pour les collectivités territoriales, mais surtout sur le découpage sectoriel qui sera retenu. Pour réellement promouvoir l'emploi, il faudra se préoccuper surtout du secteur des services, en particulier à la personne, et pour les très petites entreprises, qui représentent 95 % des entreprises du secteur marchand dans les DOM.

Pour tout vous dire, ce que je regrette, c'est que le dispositif de zones franches globales soit promu au rang de panacée : on a faussé tout le processus d'élaboration de la future loi de programmation. Je ne dis pas qu'il n'y a pas eu concertation, mais celle-ci n'a, jusqu'ici, pas su faire la place qu'il fallait à la remontée des attentes des forces vives locales et des projets de développement élaborés localement. Si j'avais le temps, je vous décrirais la façon dont se déroule la concertation, je vous parlerais du Schéma martiniquais de développement économique du Conseil régional et de l'Agenda 21 du Conseil général. Cela fait deux ans et demi que cet Agenda existe et qu'on ne l'a pas encore ouvert !

La deuxième priorité affichée par ce projet de budget est le logement. Là encore, l'effort budgétaire ne suit pas. Les 25 millions supplémentaires ne suffiront même pas à résorber la dette de l'État envers les entreprises du BTP oeuvrant dans le domaine de l'amélioration de l'habitat et de la construction très sociale. À la Martinique, la situation est catastrophique. Pour les logements locatifs sociaux, on est passé de 1 306 en 2001 à 325 en 2006, pour en arriver à 32 cette année. Pour les logements bénéficiant de l'Aide à l'amélioration de l'habitat, on est passé de 882 l'année dernière à 444 cette année. Le passage de l'ouragan Dean au mois d'août n'a fait qu'aggraver les choses : des centaines de sinistrés vivent toujours dans des conditions difficiles, et certains ont été touchés par le récent séisme. Le Conseil général et le Conseil régional ont voté respectivement 10 et 13 millions d'aides ; l'État doit, lui aussi, envisager une intervention d'envergure.

J'attire aussi votre attention sur les conséquences qu'aura la décision d'orienter la défiscalisation vers le logement social. Les futurs montages financiers impliqueront sans doute les collectivités territoriales, déjà confrontées à tant de difficultés. Dans d'autres domaines encore, ce budget me parait insuffisant doté. Les actions sanitaires, d'abord, qui devraient recevoir les crédits permettant de financer des études spécifiques, sur l'impact des pesticides, par exemple. La continuité territoriale, ensuite, pour laquelle les crédits sont dérisoires en comparaison de ceux que l'on accorde à la Corse. Je pense aussi aux dotations aux collectivités territoriales, à la coopération régionale. Quant à la ligne budgétaire regroupant les crédits consacrés à un fond de secours aux victimes de sinistres, elle n'est dotée que de 1,6 million.

Bref, ce budget sous-doté, même dans les domaines où il affiche très justement une priorité, tombe mal dans une période où, aux difficultés économiques et sociales habituelles, s'ajoutent les conséquences d'un cyclone qui a fait un grand nombre de sinistrés et d'importants dégâts, suivi d'un séisme dont on n'a pas fini d'évaluer les dégâts.

Au-delà du manque de crédits se pose la question, plus fondamentale, du positionnement de l'instance gouvernementale chargée de l'outre-mer et de son champ de compétence. Répondre à cette question, c'est exprimer la vision que l'on a de l'outre-mer. Pour l'heure, elle me paraît encore incertaine. Et il reste à convaincre ceux qui nous gouvernent de la nécessité d'appréhender les outre-mer dans toute leur diversité et en tenant compte de leurs spécificités et de leurs atouts. À les convaincre aussi de l'assurance de pouvoir tirer de réels retours sur investissement des engagements financiers outre-mer. Encore faut-il que les projets de développement soient essentiellement pensés par les acteurs locaux, que la logique d'adaptation aux réalités locales l'emporte définitivement sur la logique jacobine, qu'une écoute suffisante soit accordée aux aspirations des différents peuples d'outre-mer. (Applaudissements à gauche et au banc des commissions)

Mme Lucette Michaux-Chevry.  - J'avais l'intention de présenter mes observations de manière traditionnelle. Mais les explications données ce matin par le Gouvernement me donnent l'occasion inespérée de dire ce que je pense en toute sincérité. Élaboré dans un contexte difficile, ce projet de budget marque incontestablement une volonté du Gouvernement de faire avancer l'outre-mer.

L'architecture nouvelle de votre budget se caractérise par des axes très bien définis et deux grands programmes. Je ne reviens pas sur les chiffres, car vous avez magistralement démontré ce matin qu'on leur fait dire ce qu'on veut. Comme le dit M Torre, les Français ont raison de penser que l'outre-mer coûte très cher à la France. Il faut avoir le courage de le dire. Mais je rends hommage à M. Arthuis : on ne fait pas l'évolution d'un peuple à travers des subventions budgétaires. Il faut une autre politique outre-mer !

Lorsque M. Sarkozy -alors candidat- est venu outre-mer, il a prononcé des mots forts. La jeunesse applaudissait debout lorsqu'il a dit en avoir assez de l'assistanat ; même les syndicalistes ont applaudi lorsqu'il a dit qu'il en avait assez des conflits sociaux et qu'il fallait dialoguer. Mais il faut aussi préserver les valeurs du travail et du mérite ; il faut préserver la famille comme levier de liens dans la société antillaise.

Je vois dans ce budget deux éléments positifs. Vous avez mentionné ce matin le soutien au développement économique et à l'emploi. Le corollaire de la loi que vous allez présenter est la zone franche. C'est une idée géniale de M. Sarkozy ! Il faut remonter à 1972 pour voir apparaître l'idée d'une complémentarité entre la Caraïbe française et le reste de la Caraïbe.

Je siège au Parlement depuis une trentaine d'années. Nul ne peut prétendre que j'ai trahi mon parti. J'ai envoyé à tous les ministres des rapports sur la coopération, j'ai écrit au Président de la République pour le mettre en garde contre les accords de Cotonou et les accords de partenariat économique (APE). Je suis donc triste d'avoir dû voter ici contre mon groupe. Le 29 novembre, les pays ACP ont refusé de signer les accords de partenariat économique. D'un côté j'en suis satisfaite, mais de l'autre je suis triste que la France y ait perdu une part de son image. Maintenant, le Premier ministre de la Dominique demande comment nous avons pu ratifier ces accords. Aujourd'hui, les pays ACP sont critiques au point que vous avez dû monter au créneau pour défendre l'octroi de mer in limine litis, alors même que les pays concernés gardent la negative list encore douze ans ! Nous aurions été en position de force si nous n'avions rien notifié. Vous avez encore réussi à obtenir une clause régionale protégeant le sucre deux fois dix ans, mais vous auriez pu accrocher la Dominique et Sainte-Lucie, qui le demandent.

Nous aurions pu conduire une politique Caraïbe qui rentre dans les ACP, tout comme les Américains ont su élaborer une politique de la banane dans la zone dollar. Les Réunionnais siègent dans la commission de l'océan indien et ont fait accepter par Bruxelles l'existence de spécificités réunionnaises. Comment pouvons-nous défendre la spécificité des Antilles ou de la Guyane, alors que la France ne siège pas dans le Caribean forum of states (Cariforum) ? L'Union européenne négocie dans la Caraïbe, sans que nous ayons droit à la parole !

J'approuve l'idée de zone franche globale, mais nous sommes en position de faiblesse, car tous les pays de la Caraïbe sont déjà en zone franche. À Tortona, à Trinité, à la Barbade, vous vendez des produits de l'excellence française moins cher qu'en Martinique ! Nous serons forts lorsque la production française sera en vente chez nous et y fera venir les touristes. Mais ne mésestimons pas le poids de la France dans la zone : elle contribue à l'équilibre des institutions.

Je n'ai pas signé la loi de programme ni la zone franche, car l'occasion est trop belle de redonner l'espoir. Comme le dit M. Arthuis, cette zone doit mettre en valeur ce que nous avons de plus précieux : le capital humain. Elle ne doit pas simplement favoriser les socioprofessionnels. Lorsqu'un client achète un produit dans un supermarché, il paye tout de suite, alors que le fournisseur est payé à quatre-vingt-dix jours. Et les socioprofessionnels demandent que l'on améliore leurs fonds de roulement !

J'ai vécu la loi Pons, la loi Perben, la loi Girardin, j'ai vu les socioprofessionnels guadeloupéens remettre un mémoire où ils disaient que si on leur accordait tous les avantages qu'ils demandent, le taux de chômage régresserait de 27 % à 20 % en dix ans. Allez-vous présenter ça à la jeunesse ? Ce n'est pas possible ! Ce serait méconnaître la réalité locale. Il faut encore travailler sur le thème de la zone franche.

M. le président.  - Il faudrait songer à conclure.

Mme Lucette Michaux-Chevry.  - J'en viens au deuxième élément positif de votre budget : le logement social. Il n'y aura jamais assez d'argent, mais il faut commencer par les ressources en eau et l'assainissement.

Monsieur le ministre, je vous ai adressé deux questions écrites. La première, pour demander que l'administration ne change pas de casquette lorsqu'un nouveau préfet arrive. La question des déchets a été traitée, mais la décision du conseil général la Guadeloupe a été annulée contre toute attente par la justice administrative, si bien que les contribuables remboursent aujourd'hui à une société un ouvrage qu'elle n'a pas construit !

Je voterai votre budget, car vous avez entrebâillé une porte pour sortir l'outre-mer de l'exotisme et l'engager vers la responsabilité. Il faut persévérer ! (Applaudissements à droite.)

Mme Gélita Hoarau.  - Alors que le Parlement n'examine pas les dépenses engagées par l'État pour les autres collectivités, il se prononce sur celles destinées à l'outre-mer, mais à travers un budget qui n'en représente qu'une partie. En outre, le périmètre variable du secrétariat d'État complique l'analyse des évolutions et leur comparaison avec la démographie ou le coût de la vie.

Votre budget comporte deux programmes principaux : l'emploi et les conditions de vie. Le premier repose principalement sur les exonérations de charges sociales, pour 867 millions, alors que la pertinence du dispositif n'est pas démontrée. D'ailleurs, le rapport d'étape de la commission d'évaluation de loi de programme, le Conseil économique et social et le rapport d'audit sur les exonérations sont réservés. L'un de ces documents décrit « un dispositif indifférencié de transfert de la métropole vers les DOM » plutôt qu'un « dispositif ciblé sur la création d'emplois fermés ». La baisse des crédits destinés aux contrats aidés m'inquiète. Certes, nos performances économiques sont bonnes, mais la progression démographique en gomme partiellement l'incidence sur le chômage, qui reste le plus élevé de la République.

La zone franche globale que vous proposez ne répond pas aux besoins d'une société en mutation. Nous devons donc bâtir une véritable économie de la solidarité. La Réunion va expérimenter le contrat unique d'insertion, mais d'autres initiatives sont possibles. Innovons donc pour conduire le contrat aidé vers l'emploi pérenne. Par la professionnalisation des employés, passons d'une logique du guichet à celle d'un choix partagé. Trouvons de nouveaux partenaires et d'autres sources de financement. Cela suppose que l'État augmente les crédits du Fedom. Je milite pour la transformation des emplois aidés en emplois durables, dans l'environnement et dans les services à la personne.

Vous dites que les crédits du logement social augmentent, mais ce point est contesté. Vous envisagez d'inscrire dans la loi de programme une défiscalisation profitable au logement social, mais la complexité du problème excède ce que peuvent obtenir des dispositifs fiscaux et une ligne budgétaire. À la Réunion, tous les partenaires partagent la même analyse et les mêmes préconisations.

Les collectivités territoriales, les associations de maires et le représentant de l'État ont signé le Livre blanc sur le logement en 2004. Cette unanimité justifie qu'on étudie ses propositions ainsi que les voies et moyens de leur mise en oeuvre. Or les gouvernements qui se sont succédé l'ont refusé. Allez-vous élaborer une loi sur le logement dans les départements d'outre-mer ?

L'évaluation de la continuité territoriale nous inquiète. Êtes-vous enclin à nous aider à disposer d'A 320, ce qui permettrait d'abaisser le prix des billets d'avion ?

Quand ouvrira-t-on les chantiers du chef de l'État pour l'outre-mer ? Je vous ai également interpelé sur la hausse des prix. Nos prix sont plus chers qu'en métropole. Très dépendants de l'extérieur, nous subissons la hausse du coût du fret maritime en raison de l'évolution du prix des carburants et du manque de cargos, avec de nombreuses conséquences. Il faut répondre sur la baisse du pouvoir d'achat, sur la pénurie de matières premières et sur la desserte maritime : je compte sur une action forte.

Un accord intermédiaire vient d'intervenir avec les pays de l'Afrique de l'est et australe ; nos intérêts seront-ils bien défendus dans l'accord définitif ? La départementalisation de Mayotte aboutira-t-elle à la création d'une région Océan indien ? L'accord sur le sucre arrivera bientôt à expiration et l'octroi de mer va prendre fin. Il faut préparer ces rendez-vous ; j'espère que votre loi de programmation nous donnera l'occasion dans parler, ce dont nous n'avons pas le temps aujourd'hui.

Le candidat Sarkozy a souligné les apports essentiels de l'outre-mer à la France, qui est grâce à eux la quatrième puissance maritime mondiale et jouit d'une diversité culturelle. Les hommes et les femmes d'outre-mer se sont battus pour la France et font coexister les grandes religions. Il est temps de porter un autre regard sur eux concluait M. Sarkozy : il faut nous considérer comme des partenaires. Que la Nation reconnaisse ce que nous lui apportons et ne lésine pas sa solidarité. (Applaudissements à gauche)

M. Daniel Marsin.  - L'outre-mer, qui souffre de ses différences et de son éloignement, souhaite transformer ses spécificités en forces de développement et en atouts pour la France. Dès votre prise de fonction, monsieur le ministre, vous avez compris l'ampleur de la tâche que vous a confiée le Président de la République : créer les conditions d'un vrai développement économique. Pour appréhender au mieux la situation de chacun, vous avez été très présent sur le terrain. Ce volontarisme est de nature à rassurer nos compatriotes. Encore faut-il effacer rapidement les effets des trois dernières catastrophes. Après le cyclone Dean, l'état de catastrophe naturelle a été déclaré mais les sommes débloquées sont insuffisantes par rapport à l'ampleur des dégâts et des besoins. Que comptez-vous faire ? Pouvez-vous nous assurer que la solidarité nationale s'exercera et que les fonds débloqués n'ont pas été prélevés, comme le craint un député, sur d'autres fonds ?

Même si le rapport Belpomme sur la pollution par les pesticides est controversé, il a eu le mérite d'attirer l'attention sur la nécessité d'apporter des réponses. Où en sommes-nous depuis les trois auditions en commission ?

Un séisme d'une intensité de 6,8 à 7,3 a frappé les Antilles jeudi dernier. Nous l'avons échappé belle et j'ai eu très peur car je connais la fragilité des grandes barres au sud de ma bonne ville des Abymes. J'ai encore peur en pensant à un prochain séisme et je désespère. Non, je continue à espérer de voir valider l'ample programme de travaux que j'ai déposé et auquel la participation de l'État est indispensable.

Comme tout budget, votre premier budget comporte des faiblesses. Il semble baisser mais il convient de tenir compte du départ du programme 160. Un retraitement des données 2007 aurait rendu les données plus lisibles et permis les comparaisons. En réalité, votre budget augmente de 3 % en crédits de paiement et de 2 % en autorisations d'engagement. Cependant, ne risquons-nous pas des difficultés ?

Le programme 123 augmente de 2,21 %. L'action relative au logement augmente fortement en apparence, mais le budget servira-t-il à payer des dettes ou à financer de nouveaux programmes. Lors de la conférence nationale sur le logement outre-mer, MM. Borloo et Baroin avaient reconnu la nécessité d'éponger les dettes et d'augmenter les dotations. Qu'en sera-t-il en 2008 ? Le logement fait partie de la dignité, a déclaré M. Sarkozy. Il est plus que temps de doubler les crédits, conformément au plan de cohésion sociale et à l'engagement national pour le logement.

Les crédits pour la continuité territoriale stagnent. Je regrette la régression des moyens du passeport mobilité, qui est un succès auprès des jeunes. Où en est-on sur ce gage de stabilité ? Les socioprofessionnels s'inquiètent de la taxe sur les billets d'avions, qui s'établirait à 0,88 euro par billet.

Le programme emploi outre-mer a été transféré...

M. le président. - Veuillez terminer.

M. Daniel Marsin. - Il faut s'assurer de l'effort de l'État : y a-t-il concurrence entre la métropole et l'outre-mer. Tous les crédits destinés à ce dernier ne figurent pas dans votre budget. Nous aurions aimé disposer d'un document lisible, facilitant les comparaisons. L'outre-mer exige un engagement fort. En faire un pôle d'excellence est un projet ambitieux qui nécessite des moyens ambitieux. J'espère que votre loi-programme nous apportera les réponses que nous attendons. Votre budget de transition n'est pas absolument satisfaisant. Pour vous encourager à aller plus loin...

M. le président. - Concluez !

M. Daniel Marsin. - ...je le voterai. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Adrien Giraud.  - Les Mahorais regardent l'année 2008 comme déterminante sur le chemin de la départementalisation, qu'ils ont appelée de leurs voeux dès 1958, lors du Congrès de Tsounzou. La loi organique du 21 février 2007 en prévoit les modalités. Nous nous souvenons de « La lettre aux Mahorais » que M. Sarkozy nous a adressée pendant la campagne présidentielle, s'engageant à consulter dès 2008 les Mahorais sur la départementalisation, si le conseil général lui en faisait la demande. Le Président de la République tiendra ses engagements, nous sommes confiants !

Dans ma proposition de loi, je prévois de prévoir explicitement cette consultation des Mahorais. Sur cette base juridique sûre, dans ce cadre institutionnel stable, Mayotte trouvera les voies et les moyens d'une véritable politique de développement économique et social.

Pour ne représenter que 10 % des sommes allant à l'outre mer, ce débat budgétaire est l'occasion, encore trop rare, d'évoquer au Parlement nos collectivités et leurs projets. J'ai déjà eu l'occasion d'évoquer les graves conséquences de l'immigration clandestine, d'origine comorienne pour l'essentiel, sur les équilibres de l'économie et de la société mahoraises : le marché de l'emploi, la modernisation de l'habitat, l'aménagement de notre territoire, mais aussi la sécurité et la tranquillité des Mahorais, puisque de plus en plus, nos établissements d'enseignement, de soins et pénitentiaires sont soumis à d'intolérables pressions. Les forces de la gendarmerie et de la police nationales reconduisent les clandestins à la frontière, mais l'afflux des migrations est tel qu'il faut adapter les moyens. L'implantation d'un nouveau radar et le renforcement de la brigade nautique éviteraient ces tragiques naufrages provoqués par des mouvements incontrôlés de populations. La loi du 24 juillet 2006 a utilement renforcé les conditions des contrôles d'identité. Cependant, seule la relance de notre politique d'aide et de coopération avec les pays environnants endiguera l'afflux de cette émigration de la misère. Mayotte n'est nullement hostile à l'établissement de relations apaisées avec son voisinage dès lors que notre attachement à la souveraineté française sera respecté par tous, mais nous ne sacrifierons pas notre volonté de rattraper nos retards de développement !

Nous nous félicitons que ce budget retienne parmi ses objectifs le soutien de l'économie et de l'emploi outre-mer et nous partageons votre analyse sur les priorités de l'économie productive par rapport aux politiques d'assistance généralisée. Cependant, je déplore la diminution des crédits destinés à Mayotte. Les concours de l'Union européenne connaissent de lourdes disparités, toujours au détriment de Mayotte : ainsi la Guyane, dont le poids démographique est comparable au nôtre, a bénéficié de 388 millions de subventions entre 2000 et 2006, alors que Mayotte n'a reçu que 15 millions entre 2004 et 2008.

Il est vrai que notre « collectivité départementale », classée parmi les pays ACP indépendants, n'est pas éligible comme le DOM de Guyane aux fonds structurels européens. Cet argument juridique ne tient pas, sachant que les deux collectivités de Saint-Martin et Saint-Barthélemy, qui ne sont plus des DOM, ont néanmoins conservé leur statut de région ultrapériphérique qui leur donne accès aux fonds structurels de l'Union européenne. L'Europe aide moins ceux qui ont le plus besoin d'aide : il faut faire cesser ce paradoxe !

L'État, ensuite, demeure débiteur de la collectivité de Mayotte au titre de la gestion des personnels : 64 millions au 30 juin 2007, 70 millions au 31 octobre. Le Conseil général est ainsi contraint à des avances de trésorerie, ce n'est pas raisonnable.

Sur l'égalité des chances pour les citoyens d'outre-mer, les Mahorais ont depuis longtemps compris tous les intérêts qui s'attachent à l'éducation de leurs enfants comme à la formation des jeunes. Le Gouvernement a su répondre à ces appels en accentuant les efforts de création, de développement ou de modernisation des établissements et des équipements d'enseignement. Dans ces domaines, les retards se résorbent régulièrement et les jeunes Mahorais démontrent leur volonté de progresser, qui est de très bon augure pour l'avenir de Mayotte.

Le budget de l'outre-mer doit jouer un rôle d'entraînement et de coordination des dépenses des autres ministères affectées à nos collectivités d'outre-mer. Mais c'est plutôt l'inverse qui se passe, quand les crédits de l'outre-mer sont transférés vers d'autres ministères, notamment l'Éducation nationale, l'Intérieur et la Santé.

Quant à la loi de programme sur l'outre-mer, nous approuvons le projet de renforcer l'engagement de l'État auprès des collectivités locales pour les investissements lourds ou structurants. Encore faudrait-il que la parole donnée soit respectée... Mayotte éprouve encore quelques vieilles méfiances : monsieur le Ministre, merci de les dissiper ! En signe de confiance, je voterai ce budget. (Applaudissements à droite au centre)

M. Serge Larcher.  - S'il est vrai qu'un budget est avant tout l'expression d'une volonté politique, nous sommes, monsieur le ministre, au moment de vérité. Nous allons voir si la rupture, si hautement proclamée, là-bas, trouve, ici, sa traduction concrète.

Les crédits de la « Mission outre-mer » ne représentent qu'une faible part -13,5 %- de l'effort de l'État, qui s'élève cette année à près de 16 milliards, soit 5,4 % de son budget. Certains pensent que c'est encore trop, mais compte tenu de notre héritage historique, j'estime, quant à moi, qu'il reste de la marge.

L'apparente diminution de 11,3 % des crédits de la « Mission outre-mer » résulte, nous dites-vous, de transferts de crédits vers le ministère de l'intérieur et celui de l'économie. Mais ces variations de périmètre et autres redéploiements de crédits, que ne retrace aucun document synthétique, rendent les chiffres qui nous sont présentés opaques et peu lisibles. Et la fongibilité de ces crédits peut laisser craindre de voir l'outre-mer réduite au rang de discrète variable d'ajustement.

Quelques éléments vont cependant dans le bon sens. Ainsi de l'effort consenti sur les contrats de projet État-régions et les conventions de développement, dont l'enveloppe augmente de 10 % pour atteindre 110 millions. L'emploi demeure la priorité de ce budget, qui lui consacre 60 % des crédits. Mais le chemin à parcourir est encore long tant l'écart est encore criant entre nos régions et celles de l'Hexagone. Le chômage, malgré une légère décrue, y reste deux fois plus élevé et les Rmistes quatre fois plus nombreux en proportion de la population. Cependant, sur les cinq indicateurs définis par vos propres services pour apprécier l'efficacité de ces politiques, un seul critère est renseigné, celui du revenu minimum d'activité. Il est bon : le taux d'insertion des volontaires en fin de contrat s'établit à 76,5 % en 2006.

Alors que le montant prévisionnel des exonérations de cotisations sociales s'élève à 1 130 millions, seuls 867 sont budgétés. Ainsi, la dette envers les organismes de sécurité sociale augmenterait cette année de 263 millions auxquels il convient d'ajouter les 993 millions accumulés en 2007, fragilisant à court terme le dispositif d'exonération et faisant peser un risque sur l'équilibre du régime. J'espère qu'en cours d'année, des ajustements seront opérés.

Dans ce contexte économique déprimé, des politiques d'accompagnement ambitieuses s'imposent. Or la réduction de 25 millions sur les crédits destinés aux contrats aidés et la disparition pure et simple du congé solidarité laisseront sans horizon des milliers de nos jeunes. Je souhaite que la loi de programme prévue pour l'an prochain leur ouvre de meilleures perspectives. Les crédits consacrés au logement social, je m'en réjouis, passent à 200 millions d'euros, en augmentation de près de 14 %. Mais l'effort demeure encore insuffisant, puisque ces 25 millions supplémentaires ne serviront qu'à éponger la dette. Et comment répondre tout à la fois, avec 236 millions en autorisation d'engagement, aux exigences de la mise en application du droit au logement opposable et à l'accroissement de la demande provoquée par le passage du cyclone Dean ? Les arbitrages budgétaires ne vous ayant pas permis d'augmenter significativement la ligne budgétaire unique, vous entendez assurer la relance par la défiscalisation. Le stratagème, inopérant, aboutirait, de l'avis des spécialistes consultés, à multiplier par deux ou trois le prix de sortie des logements sociaux.

Pour sécuriser le financement de la politique du logement social outre-mer, il conviendrait, d'une part, d'éviter les gels et annulations de crédits en cours d'année, comme s'y était engagé M. Borloo, alors ministre du logement ; d'autre part, pour assurer une programmation pluriannuelle minimale, il serait utile d'ouvrir une autorisation d'engagement d'une durée de cinq ans et de ventiler de même les crédits de paiement.

Autre frein au développement du secteur, le coût et la rareté du foncier, effet pervers de la défiscalisation. La création, comme à la Réunion, d'un Établissement public foncier bénéficiant du droit de préemption sur les terrains à construire réduirait la spéculation. La création, comme en Corse, d'un GIP regroupant État, professionnels et élus chargé de réduire le nombre de terrains en indivision permettrait également de libérer du foncier pour la construction. La viabilisation des terrains a de même un coût que les communes sont rarement capables d'assumer : relancer la réforme du Frafu (Fonds Régional Aménagement Foncier et Urbain) les aiderait.

Les crédits consacrés à la continuité territoriale, à laquelle nos populations sont très attachées, sont nettement insuffisants. Je comprends mal, dans notre République égalitaire, que la Martinique ne reçoive que 5 millions quand la Corse s'en voit attribuer 172, soit trente-cinq fois plus ! Il y a certainement là une explication que vous ne manquerez pas de nous donner et que nous attendons avec impatience.

J'en viens à la situation financière des communes, dont les charges de personnel grèvent dans des proportions considérables les capacités d'autofinancement. Elles ont aujourd'hui la plus grande difficulté à financer par leurs ressources propres leurs dépenses d'équipement. Des ressources externes sont indispensables pour financer, en particulier, leurs écoles primaires et maternelles. Le parc immobilier des établissements scolaires est souvent très vétuste et ne répond pas aux normes parasismiques, les expertises opérées immédiatement après le récent séisme en témoignent. Si régions et départements peuvent disposer de fonds de concours européens, les communes ne disposent d'aucune aide spécifique, ni de l'Europe, ni de l'État, ni des grandes collectivités. II devient impératif de mettre en place un plan pluriannuel de reconstruction et de mise aux normes de ces établissements scolaires. J'en appelle à la responsabilité du Gouvernement.

Vous ne cessez, monsieur le ministre, de nous annoncer la rupture. Nous attendions un budget portant un changement radical. Or, je n'y vois que continuité, quand ce n'est pas une détérioration. Surprenez-moi, monsieur le ministre, ou je crains de ne pouvoir voter votre budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Paul Virapoullé, président de la commission. - L'analyse des crédits de la « Mission outre-mer », en levée de rideau du prochain vote d'une grande loi de programme annoncée par le Président de la République pour donner un nouveau souffle économique et social aux départements d'outre-mer, nous est l'occasion de mesurer les carences économiques dont souffre l'outre-mer et de préciser notre vision. Ce budget marque la volonté du Président et du Gouvernement de maintenir, en ces temps difficiles, le cap de la solidarité. Et ce n'est pas chose facile, car l'économie, elle, appelle un changement de cap.

Départements français depuis 1946, les DOM, sous une belle carrosserie départementale, cachent un vieux moteur colonial, coûteux pour l'État et qui autorise bien des rentes de situation. Le Président de la République a été élu par 53 % des Français pour changer les choses. Sans faire de procès d'intention aux entreprises -pas une seule voix de l'outre-mer n'a manqué pour voter les textes destiné à aider leur relance- force est de constater que les situations de monopole sont de plus en plus abusives, les ententes illicites sur les prix de plus en plus flagrantes, l'opacité sur la formation et le niveau des prix de plus en plus insupportable. Un exemple, le prix de l'air liquide vendu à la Réunion, malgré la défiscalisation des investissements, malgré la TVA NPR, atteint 600 % de celui de la métropole !

Et comme l'air de la Martinique est notoirement plus pur que l'air de l'Himalaya, en Martinique cet écart passe de 600 à 1 200 %. Si l'hôpital de Bellepierre devait acheter la quantité maximum de gaz et fluides médicaux prévue au marché, il devrait payer 5,7 millions contre un million en métropole. C'est avec de tels surcoûts coloniaux que nos hôpitaux sont en déficit ! Monsieur le ministre, je viens ici réclamer la décolonisation économique, la justice sociale pour l'outre-mer et une bonne utilisation de l'argent au profit du plus grand nombre. (Applaudissements à droite et au centre).

Nous avons mis en place l'Observatoire des prix qui analyse la formation des prix des décarburants à la Réunion. On nous a indiqué que celui des carburants FOB Singapour était de 40 % plus cher que celui de Rotterdam. Mais là où l'Observatoire a montré ses limites c'est lorsque nous avons demandé aux importateurs de nous fournir des explications sur ces 40 % de surcoût, il nous a été opposé une fin de non-recevoir.

Nous proposons un moyen d'augmenter le pouvoir d'achat. L'État dispose d'excellents services de la concurrence et des prix qu'on peut charger de mener, dans un délai rapproché, une étude précise sur la formation des prix dans ces départements pour chacun des produits et services manifestement plus chers qu'en métropole. A la publication de cette étude, je propose que les prix d'un certain nombre de biens et de produits de première nécessité soient réglementés par décret après consultation du Conseil de la concurrence, comme l'autorise aujourd'hui le Code du commerce. Pour faire baisser le coût de la vie, il faut mettre fin aux rentes et monopoles !

Il faut supprimer la TVA non perçue récupérable (NPR), dont l'effet est inexistant, et doubler la ligne budgétaire unique pour financer la construction de logements. Les travailleurs pauvres, aux revenus inférieurs à un Smic et demi, ne peuvent accéder à la propriété. Il faut augmenter l'aide au logement locatif et favoriser la vente des logements sociaux à leurs locataires, aider les collectivités locales et les SEM à aménager le foncier destiné à accueillir les logements sociaux.

La zone franche globale exprime la détermination de l'État de créer encore plus de croissance économique. Vous demandez aux élus quels sont les secteurs à cibler. Il faudrait aussi déterminer les zones prioritaires. Mais si nos universités ne suivent pas et ne forment pas les cadres ou agents de maîtrise qui devront travailler dans ces zones franches, nous devrons encore importer de la main d'oeuvre qualifiée. D'accord avec les zones franches globales mais l'éducation doit suivre !

Le développement économique n'est pas exclusif de la justice sociale. Dans des départements où le taux de chômage oscille entre 24 et 30 % il faut concevoir une nouvelle génération de contrats aidés adaptés à l'âge, le niveau scolaire et la santé du public visé.

Bien entendu, la loi de programmation comprendra bien d'autres volets. Tout cela bouillonne. En votant ce budget, j'apporte ma pierre à l'édifice de la volonté du Président et du Gouvernement de faire de l'outre-mer une priorité. (Applaudissements à droite et au centre).

M. Georges Othily.  - La discussion des crédits de la mission outre-mer est un moment important pour près de deux millions de nos compatriotes des neuf départements et collectivités d'outre-mer. Cette mission ne regroupe que les crédits gérés par le secrétariat d'État, crédits qui, à périmètre constant, augmentent de 3 %, soit plus que les dépenses de l'État. Ils ne représentent que 13,5 % de l'effort budgétaire total en direction des collectivités ultramarines. L'ensemble de la politique transversale « outre-mer » est abondé à hauteur de 15 milliards. Je me félicite d'ailleurs que la Guyane, avec 5 629 euros par habitant, soit l'une des collectivités les mieux dotées.

L'outre-mer doit faire face à de graves difficultés. Le logement social n'en est pas des moindres, qui connaît une crise aiguë, laquelle comporte trois conséquences : forte baisse de l'offre, dégradation du taux d'effort et des conditions d'accès des familles modestes à un logement décent et, enfin, regain de l'habitat indigne. La situation a tellement empiré qu'en Guyane, la production d'habitat spontané et insalubre dépasse désormais l'offre de logements décents. Il est urgent de relancer la construction de logements sociaux et de mener bataille contre l'insalubrité, dans la perspective de la mise en oeuvre du droit au logement opposable. Au vu de ce contexte préoccupant, l'examen des crédits alloués à la ligne budgétaire unique me laisse perplexe : les 200 millions inscrits en crédits de paiement s'apparentent à une diminution budgétaire maquillée, à laquelle il faut ajouter la baisse de 24 millions des autorisations d'engagement. Monsieur le Ministre, au vu de ces chiffres, comment démêler le vrai du faux ? La relance de la construction de logements sociaux passe nécessairement par le maintien de l'effort de l'État, mais aussi par la relance de la construction. L'urgence est patente pour l'actualisation des aides personnelles, du forfait charges DOM, de la libération de foncier pour la construction. Le futur projet de loi de programmation devra impulser une nouvelle dynamique.

Je souhaiterais également mentionner l'incertitude quant au sort du Fedom, après la promulgation de l'ordonnance du 12 mars 2007 relative au code du travail. Ce fonds, qui permet aux parlementaires de l'outre-mer de s'associer à l'État dans la définition de la politique de l'emploi outre-mer, a fait ses preuves et les populations ultramarines connaissent son apport. Or il semblerait que ses crédits aient été transférés au ministère de l'emploi. Qu'en est-il, monsieur le ministre ?

La Guyane a besoin aujourd'hui d'un développement par l'excellence. L'ère du rattrapage est révolue. Le schéma régional de développement économique a synthétisé les maux dont souffre aujourd'hui notre Région : isolement géographique de la plus grande partie du territoire, stagnation du revenu moyen, taux de chômage élevé, fragilité financière des PME, insuffisances des infrastructures et des services publics. J'y ajouterai la rapidité de la croissance démographie alimentée par des flux migratoires hors de contrôle. La Guyane n'a d'autre choix que celui d'une croissance économique rapide et riche en emplois, sous peine de voir éclater une grave crise sociale. Tous les élus sont conscients des contraintes budgétaires ; nous n'en aspirons pas moins à bénéficier du principe d'égalité des chances entre régions des États membres que les traités européens promeuvent. Le projet gouvernemental de Zone franche globale d'activités (ZFGA) peut constituer ce levier qui nous manque tant, sur lequel prendrait appui un développement économique et social harmonieux. Mais ce dispositif ne doit pas être mis en place à n'importe quel prix. Il doit s'inscrire sur le long terme -dix ans minimum- afin d'assurer une réelle continuité de ses mécanismes qui garantirait, pour les investisseurs, la lisibilité des avantages fiscaux. Cette durée doit rendre ce dispositif cohérent avec les lois d'orientation et de programmation sous peine d'écraser toute initiative sous le poids des réglementations. Il serait contreproductif que la ZFGA fasse table rase des acquis précédents, alors qu'on n'a pas assez de recul pour les évaluer. Les spécificités des marchés actuels des entreprises guyanaises -Antilles et marchés intracommunautaires- requièrent de leur laisser le temps de se placer à l'exportation.

Il faut créer un commissaire à l'industrie pour l'outre-mer.

La Guyane ne manque pas d'atouts ni de richesses, elle recèle un biotope dont les ressources demeurent méconnues et dont l'intérêt pour la médecine et la pharmacie pourrait être prometteur. De nouvelles filières de formation pourraient ainsi être financées pour encourager la recherche en la matière, avec peut-être d'immenses retombées économiques et sociales. Dans le pôle de compétitivité de santé tropicale, quels crédits seront mis en place pour financer la recherche fondamentale et les applications à très forte valeur ajoutée ? Nous pouvons espérer faire des progrès immenses, au point d'endiguer des pathologies telles que la dengue ou le paludisme.

Les crédits de la mission « Outre-mer » ne répondent certes pas à toutes les attentes. La conjoncture économique interdit sans doute d'accentuer l'effort. Mais ce budget est sur le bon chemin ; il doit être plus ambitieux l'an prochain. C'est donc avec responsabilité que je le voterai. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Jacques Gillot.  - Le budget de l'outre-mer mériterait une présentation plus lisible, par territoire plutôt que par action, afin de démontrer votre capacité à conjuguer unité et diversité. Le transfert des crédits consacrés aux emplois aidés à la mission « Travail et emploi » n'arrange rien ! A périmètre constant, les crédits de paiement baissent significativement, de 1,95 milliard en 2007 à 1,73 en 2008. Le budget me semble insuffisant pour tourner l'outre-mer vers l'avenir comme vous vous y êtes engagé. Pour la Guadeloupe, il y faudrait une politique volontariste de rattrapage.

Nous militons depuis 2004 pour obtenir une programmation pluriannuelle de la LBU, car 26 000 foyers en Guadeloupe attendent un logement et il serait nécessaire d'en construire 5 000 par an pendant cinq ans : les crédits inscrits n'en couvriront que 1 300 en moyenne. Plus largement, une réforme du financement du logement social s'impose dans notre département : les bailleurs sociaux ne parviennent plus à équilibrer leurs opérations et ont donc cessé toute production. Or la défiscalisation ne suscite pas suffisamment de programmes immobiliers pour satisfaire la demande. Nous attendons une intervention de l'État.

La situation de l'emploi chez nous demeure préoccupante : 27 % de chômeurs, nous sommes loin des 8 % de l'Hexagone ! Seuls l'État et les collectivités locales peuvent soutenir les secteurs porteurs d'emplois, le tourisme et les très petites entreprises qui forment presque la totalité de notre tissu économique -et qui bénéficieront, je l'espère, des exonérations de la zone franche globale. Tant que les conditions de la croissance ne seront pas réunies, les emplois aidés seront vitaux. Le nombre des bénéficiaires du RMI augmente, laissant à la charge du département un solde non compensé de 26,3 millions d'euros : une refonte du calcul de cette compensation devient urgente.

Je m'inquiète également des coupes opérées dans les crédits en faveur de la formation et de l'activité des jeunes. L'ensemble des crédits de l'action « continuité territoriale » stagnent, alors que la nomination du nouveau délégué interministériel pour l'égalité des chances des Français d'outre-mer, M. Karam, semblait annoncer une prise de conscience... La continuité territoriale est un enjeu capital, notamment pour le pouvoir d'achat. Nous avons besoin d'un véritable plan d'ensemble, une sorte de Fidom réactivé !

La mise en oeuvre du plan départemental d'élimination des déchets exige le concours de l'État, aux côtés de l'Europe et des collectivités. Quelle participation est envisageable ? Il en va de même pour la mise aux normes des équipements collectifs : transports collectifs, barrages pour l'irrigation agricole, hôpitaux, établissements pour personnes âgées. Le séisme a montré l'urgence de la mise aux normes antisismiques des écoles.

Le Président de la République a annoncé ses objectifs de baisse de la délinquance ; des moyens intéressants ont déjà été déployés, il faut les renforcer.

La Guadeloupe a fait l'objet d'une regrettable médiatisation après la publication du rapport Belpomme sur la pollution aux organochlorés, dont les conclusions sont du reste controversées. Il convient de déterminer l'étendue des zones polluées, de dépolluer puis d'indemniser les agriculteurs, voire d'organiser des reconversions.

La loi de programme est en préparation, profitons-en pour clarifier ! Les orientations qui vous ont été remises par les élus et les milieux socioprofessionnels seront-elles prises en compte ? La zone franche globale n'en sera que plus efficace...

Une autre politique, au moins pour le logement, aurait été le signe d'une volonté de changement. En l'état de ce budget, mon vote ne peut être que défavorable ; peut-être évoluera-t-il en fonction de vos réponses. (Applaudissements à gauche ; M. Othily applaudit également)

M. Denis Detcheverry.  - Je ne rentrerai pas dans le détail des lignes de la mission, les discussions de marchands de tapis ne m'intéressent pas. Globalement, les financements destinés à l'outre-mer sont difficiles à évaluer. Certaines aides directes à l'embauche seront par exemple prises en charge par le ministère de l'économie. Malgré cette petite gymnastique, on peut conclure que les aides en direction de l'outre-mer sont en légère augmentation, je serai donc favorable à ce budget, malgré la disparition du programme « intégration et valorisation de l'Outre-mer », dont l'intitulé était un message fort.

Je salue votre volonté de favoriser l'intégration des économies ultramarines dans leur environnement régional. Nous nous tournons enfin vers la mondialisation : on ne gagne rien à la politique de l'autruche ! L'outre-mer doit prendre sa place partout dans le monde !

A la demande du Gouvernement, j'ai effectué une mission de coopération régionale destinée à évaluer les possibilités d'intégration régionale pour Saint-Pierre-et-Miquelon. Notre grand voisin canadien est ouvert à une telle évolution et plusieurs projets économiques communs sont envisagés. Malheureusement, nous sommes confrontés à des réglementations internationales disparates et très complexes, française, canadienne et européenne. Aucun organisme n'étant suffisamment étoffé et compétent sur l'archipel pour traiter ce genre de dossier, les projets restent en suspens. L'accès à l'Europe semble plus facile pour des projets canadiens que pour les nôtres. La loi de programme est en préparation : profitons-en ! Mettons en place des outils tels que le bureau de la coopération régionale ainsi que l'Euro-info-centre.

Heureusement, pour la première fois, vous octroyez 150 000 euros à Saint-Pierre-et-Miquelon à travers le fonds de coopération régionale. C'est un début, je vous en remercie. Le contrat État-région 2008-2013 est une bouffée d'oxygène -mais insuffisante, car il s'agit moins d'un contrat de développement que d'un contrat de dépenses et ses retombées ne correspondent pas au changement de politique économique dont nous avons besoin. Ce contrat, préparé localement peut-être un peu à la hâte, a le mérite d'exister mais il devra être complété pour inclure certaines opérations hélas délaissées.

En attendant, le contrat de plan continuera de fournir du travail à court terme, ce qui n'est pas un luxe, même si je considère qu'il faut cesser de travailler dans l'urgence, sans vision ni conviction.

Il est cependant un seuil de financement en deçà duquel on ne peut descendre, sauf à compromettre l'avenir. Je suis bien placé pour parler de chômage, ma commune est passée du jour au lendemain d'un taux de chômage nul à un taux de chômage saisonnier de longue durée de 25 %, qui a déjà conduit à l'exil 15 % de sa population. Je crains que nous n'atteignions rapidement le point de non retour.

Si la situation financière des collectivités de Saint-Pierre-et-Miquelon est très difficile, elles manquent aussi de moyens humains ; elles sont entrées dans une spirale infernale : leur déficit les empêche de trouver les solutions qui leur permettraient de s'en sortir... Je salue le travail du député de l'archipel, qui vous a conduit à étudier une réévaluation des critères d'attribution de la DGF ; j'espère que le délai prévu pour cette étude pourra être ramené à trois mois.

L'inflation à Saint-Pierre est quatre fois plus élevée qu'en métropole, telle est la réalité de nos collectivités, isolées, soumises aux fluctuations du dollar et aux rigueurs de climat. Le Gouvernement a annoncé une prime à la cuve au fioul ; mais avec 150 euros, nos maisons ne peuvent être chauffées que huit à dix jours ... C'est pourquoi je soutiens sans complexe l'amendement sur la DGF qui viendra en discussion mercredi prochain et qui vise à prendre en compte l'inflation à Saint-Pierre-et-Miquelon ; si nous faisons preuve de responsabilité, nous réussirons à trouver des solutions, et l'amendement sera sans conséquence à moyen terme.

Vous avez d'autre part accepté, à ma demande, d'examiner la possibilité de mettre en place une liaison entre Paris et Saint-Jean-de-Terre-Neuve, qui se trouve à seulement quarante minutes de vol de Saint-Pierre. Avec un meilleur service et une réduction des coûts de transport, on pourrait faire baisser les prix et le montant de certaines aides de l'État.

Il faut véritablement mettre le paquet pour permettre à l'archipel de sortir la tête de l'eau une bonne fois pour toutes. C'est la voie du développement durable, qui lui permettra de se responsabiliser et de devenir plus autonome. Dans une situation assainie, nous serons mieux armés pour soutenir les acteurs économiques.

Mais notre potentiel dépasse à mes yeux les besoins de notre population. Plusieurs pistes de développement s'offrent à nous, qui sont bien connues. Le bassin laurentien est riche en hydrocarbures ; nous pouvons être de bons prestataires de services pour les compagnies exploitantes ; ce serait d'ailleurs un juste retour de l'histoire... Notre statut nous confère d'autre part une autonomie fiscale ; nous pouvons proposer certains avantages à la clientèle canadienne ou américaine. Les conséquences, modestes au niveau national, seraient importantes pour nous ; nos demandes financières auprès de l'État pourraient être réduites d'autant.

Nous pouvons en outre revendiquer une zone maritime jusqu'au plateau continental ; le dossier doit avancer rapidement en liaison avec le Canada. Si nous ne pêchons plus comme par le passé, nous avons des projets désormais viables d'aquaculture, comme celui d'EDC. J'espère que le Gouvernement saura les soutenir. Reste que nos produits sont encore très peu valorisés et vendus à des prix trop bas, que le coût et l'irrégularité des transports nous pénalisent. Ne pourrions-nous bénéficier d'un dispositif inspiré du programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité des départements français d'outre-mer (Poseidom) ? Nous avons d'autres opportunités en valorisant notre biodiversité ou en développant nos infrastructures touristiques. En plus d'un soutien financier, tous ces projets ont besoin de moyens humains et techniques pour aboutir. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Simon Loueckhote.  - Ce budget nous rassure, même s'il ne représente que 15 % de l'effort national en faveur de l'outre-mer. Il intervient dans le contexte des réformes voulues par le Président de la République, dont je tiens à saluer la détermination et le courage politique. J'ai toute confiance dans sa capacité à améliorer la situation de la France et celle des Français de métropole et d'outre-mer.

Il reste beaucoup à faire pour nos territoires, ce qui impose une réflexion commune et le dialogue avec les responsables politiques locaux. Je salue la sagesse du président de la commission des finances qui, à la demande du Gouvernement, a accepté de retirer son amendement relatif à la majoration des retraites des fonctionnaires outre-mer. Un groupe de travail va être créé pour examiner, d'ici la fin du premier semestre 2008, tous les aspects du problème ...

M. Philippe Marini.  - Tout cela ne peut plus durer !

M. Simon Loueckhote.  - ...et élaborer un texte. (On s'en félicite à droite) Ce n'est pas une stratégie d'évitement mais la prise de conscience qu'on ne peut décider qu'en pleine connaissance de cause. Le sujet pourrait avoir sa place dans l'agenda du conseil interministériel annoncé pour le premier semestre, qui pourrait être présidé par M. Sarkozy lui-même. La tenue de ce conseil est une marque significative d'attention à l'égard de nos compatriotes ultramarins. La dynamique du changement doit aussi toucher l'outre-mer.

De nombreuses contraintes pèsent sur l'activité économique et la création de richesses outre-mer. Nos collectivités sont tenues de soutenir en permanence un développement économique et social fragile, mais elles sont limitées par l'insuffisance de leurs ressources propres. L'enjeu fondamental est de leur permettre de passer d'une logique de rattrapage à une logique de développement. Je souhaite que la mise en place de pôles de compétitivité et la création de zones franches d'activité permettent de donner un nouvel élan à nos économies.

Nos collectivités sont gérées dans le cadre de la décentralisation ce qui, selon nos statuts respectifs, se traduit par un transfert de compétences et de moyens plus ou moins étendu. La gestion de proximité ne permet pas de résoudre tous nos problèmes. Le Sénat connaît bien les difficultés induites par le processus de décentralisation. Son président a souhaité le doter d'un observatoire de la décentralisation chargé d'évaluer et de faire des propositions.

Nos collectivités sont très diverses, elles ont besoin de réponses adaptées à leurs identités particulières. Or, continuellement confrontées à l'évolution de leur statut et de leurs liens avec l'État, elles demandent à être plus autonomes. L'autonomie locale, selon l'article 3 de la Charte européenne de l'autonomie locale, c'est « le droit et la capacité effective pour les collectivités de régler et de gérer, dans le cadre de la loi, sous leur propre responsabilité et au profit de leurs populations, une part importante des affaires publiques ». L'exercice de l'autonomie est de fait très variable d'une collectivité à l'autre : les exécutifs locaux ne sont par exemple responsables qu'en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et ... en Corse.

Personne ne songe aujourd'hui à contester le bien-fondé d'une gestion de proximité. Pour autant, l'outre-mer a besoin de concevoir son évolution statutaire dans un cadre plus global, en fonction des étapes que chaque collectivité doit pouvoir franchir à son rythme et, bien entendu, selon la volonté de sa population. (M. Othily applaudit) Cela suppose de mener une réflexion au sein de chaque collectivité d'outre-mer sur l'évolution de ses relations avec l'État ; des initiatives pourront alors être prises pour proposer les réformes institutionnelles ou les adaptations nécessaires dans le domaine de la loi ou du règlement.

Le Gouvernement a clairement manifesté sa volonté de privilégier l'écoute des populations ultramarines. Nous avons franchi un pas supplémentaire et très symbolique avec la loi organique du 21 février 2007, qui permet désormais aux départements et aux régions d'outre-mer, conformément à l'article 73 de la Constitution, d'adapter les dispositions législatives et réglementaires aux spécificités de leur territoire.

Cependant, une action publique plus décentralisée, mieux adaptée à nos réalités locales, davantage d'autonomie pour nos collectivités ultramarines, est-ce vraiment la panacée ? La réalité est beaucoup plus complexe, à l'image des priorités établies par le Gouvernement qui sont de tout mettre en oeuvre pour accroître l'essor économique et la création de richesses dans nos collectivités et d'améliorer les conditions de vie de nos compatriotes d'outre-mer.

La France de l'outre-mer a aussi besoin d'inscrire son évolution statutaire dans l'Union européenne. La différence que fait l'Union européenne entre les régions ultrapériphériques (RUP) et les pays et territoires d'outre-mer (PTOM) se traduit dans le niveau de l'aide accordée. L'évolution statutaire de nos collectivités ultramarines devrait pouvoir se faire sans que cela induise un changement majeur de traitement au niveau européen. La présidence française de l'Union serait une bonne occasion pour réformer le statut des collectivités d'outre-mer, dans le sens d'une uniformisation et d'une plus grande efficacité de l'intervention européenne dans les PTOM. Nos populations pourraient bénéficier de cette meilleure intégration de nos collectivités dans l'Europe.

Il est tout aussi essentiel de mieux prendre en considération l'insertion de nos collectivités dans leur environnement régional. La faiblesse et l'irrégularité de nos échanges commerciaux avec nos voisins nous font manquer des occasions de développement. Le cloisonnement dans lequel nous évoluons au sein de nos environnements régionaux respectifs paraît totalement dépassé, à l'époque de la mondialisation. Nous nous félicitons d'afficher des PIB élevés -qui cachent cependant de très fortes disparités de développement au sein de nos propres collectivités- mais nous avons des coûts de production et un coût de la vie très élevés, qui sont une entrave à notre compétitivité.

La gestion autonome de nos collectivités repose sur deux piliers : la liberté d'action mais aussi des moyens suffisants pour mettre en oeuvre nos politiques publiques. On peut concevoir que nos collectivités se soucient de la pérennité de leurs ressources dans le contexte d'un éventuel désengagement de l'État. La Nouvelle-Calédonie est engagée dans un processus d'autodétermination qui se traduira par une consultation locale à partir de 2014. Le transfert de compétences est une étape supplémentaire dans le processus de décentralisation inclus dans l'accord de Nouméa mais l'État -et il faut s'en féliciter- continue d'accompagner et de financer nos politiques publiques, notamment par le biais des contrats de développement. La stabilité politique actuelle, qui est le fruit de la signature des accords de Matignon et de Nouméa, nous permet de nous concentrer sur notre développement économique. Les grands projets de construction d'une usine de traitement du nickel dans le Sud et d'une seconde en province Nord nous font espérer une croissance soutenue, pendant quelques années. Les perspectives qu'ouvre l'essor de l'activité nickel confortent ceux qui pensent que la Nouvelle-Calédonie peut s'affranchir de la France et devenir indépendante. L'idée dans l'air du temps est de faire payer une redevance aux opérateurs miniers, de façon à accroître les ressources propres de notre collectivité, dans un contexte de désengagement de l'État. Mais notre forte autonomie ne doit pas nous faire oublier les handicaps structurels, que nous devons corriger pour asseoir le développement économique et social de notre archipel sur des fondements pérennes. Depuis plusieurs décennies, nous misons notre développement économique sur le nickel et ne parvenons pas à diversifier notre économie. La construction de deux nouvelles usines ne peut que favoriser notre essor mais les opérateurs miniers ne sont pas des philanthropes : ils veulent réaliser des profits et ils ne se substitueront pas à l'État en cas de crise du nickel. Parallèlement, nous mesurons la difficulté de créer des zones d'activité durables sur l'ensemble de notre territoire, en dépit de la manne financière injectée depuis plus de vingt ans.

En 2008, nous célébrerons les vingt ans des accords de Matignon.

Si nous sommes en mesure de faire un bilan politique, il est temps de dresser un bilan économique de la décentralisation. Je ne veux pas tomber dans la caricature et présenter les élus locaux comme de mauvais gestionnaires mais il faut avoir le courage politique de mettre en évidence les faiblesses du processus, de façon à les corriger. L'accroissement des ressources propres d'une collectivité permet certes l'exercice d'une gestion autonome mais il ne faut pas confondre cette logique avec la croyance idéologique d'un désengagement de l'État en Nouvelle-Calédonie.

La vraie question porte sur l'équilibrage et la pérennité de notre activité économique. L'outre-mer doit s'inscrire dans les grandes réformes que conduit le Président de la République. Ce n'est pas par de simples mesures financières à la hausse ou à la baisse que nous pourrons définir et occuper toute notre place. Nous sommes demandeurs d'un véritable projet pour l'outre-mer, qui soit défini en concertation avec les responsables des collectivités ultramarines. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Robert Laufoaulu.  - Je remercie nos rapporteurs, qui sont parmi les meilleurs connaisseurs de ma collectivité, et M. le Ministre apporte sa fraîcheur d'esprit. Comment ne pas me sentir alors en confiance pour évoquer quelques situations difficiles de mon territoire ? On hésite parfois, ici, dans ce qui est peut-être le plus beau palais de République, dans la capitale de la France où les hôpitaux sont parfaitement équipés, où les lycées disposent de budgets de fonctionnement suffisants, où les moyens de communication sont performants, oui, on hésite parfois à parler de nos problèmes, de peur de ne pas être compris.

Monsieur le ministre, vous êtes venu nous voir il y a un mois et demi et, avant même que vous ne posiez le pied sur le sol de nos îles, vous avez vécu certaines difficultés quotidiennes de nos concitoyens du bout du monde. Vous avez dû prendre, de Nouvelle-Calédonie, un avion de l'armée pour nous atteindre au bout de cinq heures de vol. Il vous a fallu, presque en cours de route, modifier le plan de vol et aller jusqu'à Wallis pour y récupérer les élus qui devaient vous accueillir à Futuna, première étape de votre visite. Le bimoteur qui assure les liaisons inter-îles avait une fois de plus manqué à l'appel. Dans votre entourage, tous n'étaient pas très rassurés par les turbulences. Seul le ministre semblait serein, et c'était son devoir car le chef ne doit jamais pâlir. Ainsi, monsieur le ministre, vous avez compris sans beaucoup d'explication que la desserte entre nos deux îles pose d'énormes problèmes. Les retards ou les reports de vol peuvent être compris, et même acceptés, mais quand il est question de la santé et de la vie, on ne peut attendre. Les évacuations sanitaires pour maladie, accident ou accouchement ne peuvent se faire de nuit, ou par simple mauvais temps. Encore moins quand l'avion est en panne.

Vous avez évoqué cette situation inacceptable et pris des engagements pour que le chantier de la piste de Vele, dont le financement est déjà programmé, se déroule dans les meilleures conditions. Vous avez aussi évoqué la possibilité d'acquérir un deuxième avion affecté à cette desserte. Puis-je vous demander à quelle échéance nous pouvons espérer la concrétisation de ce projet ?

Vous avez visité le dispensaire de Futuna. Ce que vous avez vu vous a visiblement choqué et chacun a pu sentir que votre émotion n'était pas feinte. Après y avoir passé plus d'une heure, qui n'avait pas été prévue dans votre programme, vous avez dit qu'il n'était pas digne de la France et que ce n'est pas parce qu'on est à 20 000 kilomètres que l'on est moins Français. Je tiens sincèrement à vous remercier de votre écoute, de votre sens si juste de la proximité.

Je compte sur votre soutien pour que la réfection de l'agence de santé de Wallis-et-Futuna se réalise en conformité avec les plans et le calendrier fixés. J'évoquerai aussi le budget de cette agence, qu'il faudrait établir en fonction de ses besoins réels pour éviter que la dette qui s'accumule ne continue à parasiter nos relations avec nos fournisseurs de produits et de services essentiellement néo-calédoniens.

J'ai regretté que vous n'ayez pas eu le temps de visiter le lycée du territoire. Cet établissement, construit en dépit du bon sens, ne correspond absolument pas aux conditions climatiques locales. Sa présence témoigne de la réalité de la solidarité nationale, puisqu'il a coûté 15,5 millions. Malheureusement, une minable gestion de cette générosité fait dire à certains que ce que la France donne de la main droite, elle le reprend de la main gauche. Certains locaux sont sans fenêtres et il a fallu installer la climatisation, alors que le prix de l'électricité est chez nous sept fois plus élevé qu'en métropole. Ces défauts de conception et les malfaçons entraînent des coûts de fonctionnement que les ministères considèrent aujourd'hui comme prohibitifs et qui les font hésiter à mettre des moyens à la hauteur des réels besoins. C'est injuste pour nos enfants qui subissent ainsi les conséquences de la négligence de certains responsables.

Je pense aussi à nos lycéens obligés de quitter le territoire pour poursuivre leur scolarité parce que les structures manquent sur place. Nous comprenons bien qu'on ne peut ouvrir une filière professionnelle pour une dizaine d'élèves, mais il faudrait mettre en place un accueil et un suivi de ces adolescents envoyés à 20 000 kilomètres de leurs familles.

La desserte aérienne extérieure, du fait du monopole d'Air Calin, s'organise à des horaires peu pratiques et à des tarifs prohibitifs. Nous avons besoin de l'aide du Gouvernement. Ne faudrait-il pas autoriser une autre compagnie aérienne ? L'enclavement, c'est aussi la fracture numérique. Lors du Forum des îles du Pacifique, qui s'est tenu à Tonga en octobre 2007, vous avez dit qu'il était inadmissible que les femmes et les hommes du Pacifique subissent une si injuste fracture numérique, et qu'y remédier rapidement était pour vous un devoir d'équité et de justice. Le projet de câble sous-marin trans-Pacifique reliant l'Australie à la Polynésie Française, en passant à proximité de Wallis-et-Futuna, constitue une réponse adaptée à nos difficultés. Mais nos moyens étant faibles, nous avons besoin de l'État pour nous aider à financer une éventuelle participation du territoire à ce projet.

Les mini-jeux du Pacifique se tiendront à Wallis-et-Futuna en 2013. Pour la première fois, notre territoire organisera une grande manifestation régionale et nous espérons pouvoir compter sur l'aide de l'État pour la réalisation d'infrastructures sportives et d'accueil afin que ces jeux se déroulent dans de bonnes conditions. Le prestige de la France dans cette partie du monde est en jeu.

Enfin, qu'il me soit permis d'attirer votre vigilance, comme je le fais hélas presque chaque année depuis 1998, sur les problèmes récurrents que nous rencontrons dans le cadre de l'exécution du contrat de développement.

Certains ministères prennent du retard dans la délégation des crédits. Par ailleurs, nous manquons toujours de personnel technique. Pour cette raison, Mme le ministre a proposé d'envoyer à Wallis-et-Futuna une mission d'ingénierie afin d'évaluer les besoins. Nous y souscrivons pleinement, comme l'a confirmé le Président de l'Assemblée territoriale, M. Taputai, et nous espérons qu'elle se concrétisera bientôt.

En vous remerciant d'avance pour vos réponses et en disant combien nous comptons sur la loi de programme que vous préparez pour donner à l'outre-mer un nouvel élan d'intégration régionale et de développement durable appuyé sur l'économie et l'écologie, j'exprime à nouveau l'immense gratitude de la population qui bénéficie la solidarité nationale rendue possible par le partage des fruits du travail de chacun.

Je voterai bien sûr votre budget. (Applaudissements à droite et au centre.)

M. Soibahaddine Ibrahim Ramadani.  - Bien que les concours de l'État en faveur de l'outre-mer passent de 13 à 15,3 milliards d'euros, les crédits de la « Mission outre-mer » semblent diminuer, avec 1,76 milliard contre 1,96. Cependant, les crédits du programme « intégration et valorisation de l'outre-mer » ayant été transférés vers d'autres missions, la dotation à périmètre constant progresse de 2 % en autorisations d'engagement et de 3 % en crédits de paiement.

L'année 2008 sera cruciale et difficile pour Mayotte, car le droit commun s'appliquera dans l'île à partir du 1er janvier, hors six matières. J'évoquerai plus particulièrement les conséquences pour l'éducation et la consommation.

L'évolution du code de l'éducation comporte trois objectifs pour le premier degré : supprimer les rotations de classes, mettre les bâtiments aux normes et généraliser l'accueil à l'école maternelle des enfants de 3 à 5 ans.

Alors que le programme quinquennal comporte la création de 641 classes et la rénovation de 900, 423 classes ont été construites ou sont en voie l'être et presque toutes les écoles vétustes ont été mises aux normes, pour un coût total de 55 millions d'euros. Il faut donc résorber le déficit de 218 classes et ajouter les besoins nouveaux pour 2007-2013, soit 220 classes pour l'enseignement pré-élémentaire, outre 50 classes supplémentaires chaque année pour absorber la poussée démographique et un nombre indéterminé afin d'accueillir les enfants issus de l'immigration clandestine, dont les parents ont souvent été reconduits à la frontière.

La convention de développement signée entre l'État et Mayotte pour 2003-2007 consacre 16,2 millions d'euros à la lutte contre les rotations de classes et pour la mise aux normes des écoles, auxquels s'ajoute la dotation annuelle de construction et des équipements, qui dépend des effectifs d'élèves.

L'EPCI en charge des écoles pour les dix-sept communes de Mayotte est en rupture de trésorerie depuis six mois : l'État lui doit 4,3 millions d'euros au titre de la convention de développement, le conseil général doit 1 million d'euros et les communes doivent elles aussi 4,3 millions. À quelques semaines de la clôture de l'exercice, les perspectives de versement du fonds d'investissement et de péréquation s'estompent, ce qui aggrave les difficultés des communes.

Le contrat de projet 2007-2013 en cours de finalisation devrait comporter 15 millions d'euros pour l'enseignement du premier degré, soit bien moins qu'en 2003, pour une période plus longue et des besoins accrus. Ainsi, à la veille de la départementalisation, l'état de l'enseignement du premier degré demeure préoccupant : les perspectives de financement restent incertaines alors que les besoins augmentent.

L'enseignement supérieur ne relève pas directement de votre mission, mais vous serez sans doute consultés pour l'élaboration de l'ordonnance portant application outre-mer de la loi Pécresse. Faut-il rappeler que l'accord du 27 janvier 2000 prévoit l'implantation de Mayotte d'une antenne universitaire devant assumer les deux premières années d'études ? C'est un important facteur d'égalité des chances face à l'échec massif subi par nos étudiants scolarisés hors de Mayotte. Le candidat Sarkozy s'y était engagé. Homme de parole, il tiendra sa parole. Je ne vois que des avantages à ce que l'enseignement se structure autour de l'institut de formation des maîtres (IFM) de Dembéni, à condition qu'il devienne un établissement public doté de l'autonomie administrative et financière.

J'en viens à l'application du code de la consommation. Comme vous le savez, l'antenne de Mayotte de l'Insee doit conduire une étude sur la formation des prix afin que les pouvoirs publics puissent se prononcer sur l'indexation des salaires, mesurer l'ampleur de la concurrence déloyale et repérer les produits non conformes aux règles de sécurité. Il manque toutefois une structure de contrôle complétant la direction régionale des douanes. L'installation à Mayotte d'une antenne de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes est indispensable.

Je voudrais conclure mon propos avec l'avenir institutionnel de l'île. La loi dispose que les Mahorais seront consultés sur la départementalisation de l'île si le conseil général se prononce en ce sens à la majorité absolue de ses membres. Je remercie la commission des lois et son président pour avoir accepté d'envoyer une mission préalable à cette consultation, pour mieux la préparer.

Je voterai le projet de budget pour 2008. (Applaudissements à droite et au centre.)

M. le président.  - Au cours de ce débat passionnant, les orateurs ont démontré bien sûr leur parfaite connaissance des dossiers mais aussi la passion pour leurs territoires. Je les prie de bien vouloir excuser mes rappels aux temps de paroles, mais cela fait partie de la vie parlementaire. Reste qu'ils ont su concilier l'élégance de l'expression et la force des convictions. (Applaudissements)

M. Christian Estrosi, secrétaire d'État.  - En effet, nous avons partagé un grand moment d'émotion au cours de ce rendez-vous annuel.

Je voudrais que les manuels d'histoire et de géographie enseignent à tous les petits Français la réalité de ces instants magiques. (Applaudissements à droite et au centre.) La beauté et la grandeur de la France : voilà ce qu'on traduit vos discours cet après-midi. Vous vous êtes exprimés avec votre coeur, avec votre histoire et votre identité, votre culture et votre héritage, mais aussi un profond attachement aux idéaux de la République française.

Il est vrai que seuls des instants trop brefs nous sont accordés pour parler de l'océan Indien, de la Caraïbe, de l'océan Pacifique. C'est dur d'avoir fait plus de 10 000 km pour n'avoir droit qu'à dix minutes de tribune !

J'essaierai modestement de répondre, sans insister sur la hausse de 2 % des autorisations de programme et de 3 % des crédits de paiement à périmètre constant. Vous avez déjà entendu tant de chiffres, vous en entendrez encore beaucoup : c'est un peu une antienne ! Mais avec mon enthousiasme et avec la feuille de route tracée par le Président de la République j'essaye de servir au mieux. M. Loueckhote a raison de dire que l'important n'était pas de dire qu'un budget était bon parce que les crédits de dépenses augmentent ou qu'il est mauvais parce qu'ils diminuent ; comme l'a rappelé Mme Michaux-Chevry, seule compte la volonté politique au service de l'outre-mer.

Imaginons un instant que je vous présente une hausse formidable des crédits de 15 %, 20 % voire 30 %. Ce serait non seulement impossible, mais ce serait également inutile sans regard nouveau sur l'outre-mer.

Ce qui est essentiel, c'est le volontarisme. Je n'aime pas le mot d'assistanat même si je sais qu'il fut un temps où il n'y avait pas d'autre réponse pour éviter que certains soient laissés au bord du chemin. Mais aujourd'hui, nous voulons assurer la solidarité envers les plus faibles, mais aussi assurer l'égalité des chances, permettre à chaque Français, qu'il soit né à Mayotte, à Wallis ou à Saint-Pierre, de profiter de l'ascenseur social et de prétendre aux plus hautes responsabilités.

M. Lise a critiqué les crédits malgré leur progression de 3 %. Le logement social sera pris en compte dans la loi de programme. La concertation sur la zone franche globale a été lancée et j'attends les conclusions du conseil régional comme votre agenda 21. Je suis prêt à en tenir compte si vous me les faites parvenir avant la fin de l'année. J'ajoute qu'après Dean, l'Etat a débloqué 40 millions.

La Martinique a fait le choix de réhabiliter les logements anciens plutôt que d'en construire de nouveaux, d'où la construction de seulement trente-deux logements. La pénurie de foncier et l'absence d'établissement public foncier, faute de consensus, n'aident pas les communes martiniquaises. Je veillerai à ce que la loi de programme apporte des solutions mais il ne faut pas invoquer une baisse des crédits : ils s'élevaient à 35,4 millions en 2007...

M. Claude Lise.  - Mais il y avait 16 millions de dettes !

M. Christian Estrosi, secrétaire d'État.  - La situation s'explique par des choix locaux. Entre 2003 et 2006, on a construit 1 453 logements en Guadeloupe contre 393 en Martinique ; on en a rénové 692 en Guadeloupe, mais 1 035 en Martinique. Il faudrait produire 700 logements par an pour respecter la loi sur le droit au logement opposable.

Vous estimez que l'Etat n'a pas rempli sa mission. Je suis pourtant venu tout de suite après le passage du cyclone puis revenu quarante-huit heures après avec le Premier ministre. Nous reviendrons avant la fin du mois de janvier nous assurer que les engagements pris ont été respectés. Le conseil général a mis 10 millions, le conseil régional 12 millions, c'est tout à leur honneur mais des collectivités métropolitaines, en nombre hélas insuffisant, ont apporté 236 184 euros dont 50 % pour le département des Alpes-Maritimes que j'ai l'honneur de présider. (Applaudissements sur les bancs de l'UMP)

Les inspections ont évalué le coût à 500 millions. Notre diligence a accéléré l'intervention des assureurs. L'Etat apportera 69 millions et j'attends la réponse de l'Europe à ma demande d'aide. Nous travaillons pour que les deux cents logements sinistrés soient rénovés ou reconstruits.

MM. Marsin et Larcher ont parlé du récent séisme, dont l'épicentre se situait à 16 km de Fort-de-France. Son impact a été beaucoup plus important chez nos voisins qu'en Martinique. Il ne faut pas moins mettre en oeuvre le plan séisme aux Antilles. Les 350 millions de sa première tranche iront en priorité au logement social et aux constructions scolaires. Comptez sur ma détermination.

Mme Hoarau a évoqué de nombreux dossiers, à commencer par la continuité territoriale. Nous serons vigilants sur le contrôle des aides et sur les exonérations sociales. Je reviendrai sur les zones franches globales. La loi de programme comportera un fort volet logement. Je souhaite que le passeport mobilité devienne plus efficace. J'ai reçu les compagnies aériennes et évoqué la concurrence sur la desserte et un allègement des obligations de service public. Je soutiens l'idée d'utiliser des gros porteurs comme l'A-380. Nous ne voulons pas remettre en cause les congés bonifiés mais les lisser pendant les périodes d'hyper-pointe.

Le plan de rénovation urbaine des Abymes est un des projets les plus ambitieux en France métropolitaine et outre-mer, tant en termes budgétaires que par son caractère innovant. Je m'engage, monsieur Marsin, à ce que l'Etat vous accompagne pour le budget comme pour la fiscalité.

Si le conseil général de Mayotte souhaite une évolution statutaire, le Gouvernement consultera les Mahorais au lendemain des cantonales. C'est la Constitution et c'est l'engagement du Président de la République. Avec le traité simplifié, Mayotte pourra plus facilement devenir une région ultrapériphérique et bénéficier de la politique de cohésion européenne. Je partage votre souhait d'évolution et j'ai fait inscrire une clause passerelle dans le prochain traité. (Applaudissements au centre) Le dixième FED marque une sensible augmentation. Avec le contrat de projets, il permettra de répondre aux besoins en matière d'infrastructures et de formation. Enfin, je travaille avec Mme Pécresse sur l'ouverture d'une antenne universitaire à Mayotte. Les conclusions de l'Observatoire des prix seront prises en compte.

Mme Michaux-Chevry m'a interrogé sur les accords de partenariat.

Dans les relations entre l'Union européenne et les pays ACP, le Gouvernement a déjà obtenu des résultats : exclusion de l'octroi de mer de la négociation, clause de sauvegarde, mesures transitoires pour la banane et le sucre. Tout, cependant, ne sera pas possible : nous sommes 27 dans l'Union, nos intérêts ne convergent pas sur tout. Mais vous pouvez compter sur la détermination du Gouvernement pour défendre le développement et les atouts de l'outre-mer ! Je vais réunir prochainement mes homologues des cinq autres pays directement concernés par l'outre-mer pour définir des initiatives communes à prendre pendant la présidence française.

Vous avez raison, monsieur Othily, de vous inquiéter du logement social en Guyane : 25 millions y seront consacrés l'an prochain, puis viendra la loi de programme. Quant au Fedom, les emplois aidés transférés vont s'adosser aux 153 millions de crédits mobilisés par le ministère du travail et nous serons attentifs à ce que les crédits aillent bien à leurs destinataires.

Monsieur Gillot, vous souhaitez qu'un document identifie les moyens budgétaires par territoire, c'est déjà le cas : voyez la page 116. Je suis parfaitement d'accord avec vous pour le plan d'élimination des déchets, question particulièrement sensible en Guadeloupe. L'Ademe et le Feder seront mobilisés.

Le plan d'action agricole recueille toute mon attention, il devra tenir compte des reconversions, de l'environnement sanitaire, de la protection des consommateurs et de celle des milieux aquatiques.

A la Guadeloupe et à la Martinique, était-il normal de proclamer que toute la production agricole avait été polluée par des pesticides, de jeter ainsi l'opprobre sur l'agriculture antillaise en tenant compte de l'avis d'un seul scientifique, qui s'est rétracté une semaine après ses premières déclarations ? Les pesticides n'ont jamais été utilisés à Marie-Galante, par exemple ! Voilà pourquoi je veux promouvoir les labels de qualité sur ces territoires qui n'ont jamais été pollués ! Il faut que justice soit rendue aux Antilles. (Applaudissements à droite et au centre)

Vous m'interrogez sur la lutte contre la délinquance. J'ai créé un groupement d'intervention régional. La loi Dati sur les peines planchers commence à porter ses fruits. Quand des multirécidivistes sortent du tribunal avec une simple admonestation, il est bien normal que la population s'exaspère ! Avec les peines planchers dès la première récidive, il y a de quoi faire réfléchir : la tranquillité des honnêtes gens y gagnera !

J'ai entendu vos demandes, monsieur Detcheverry, pour la pêche et l'aquaculture à Saint-Pierre-et-Miquelon : je réunis une table ronde le 14 décembre. Nous avons abouti à un accord avec nos amis canadiens sur la répartition du champ d'hydrocarbures transfrontalier. Il reste à régler la question du plateau continental : je m'inspirerai de vos propositions. Je sais la fragilité financière de votre collectivité : 1 million sera mis à sa disposition. Il est évident que le coût du déneigement à Saint-Pierre n'a rien à voir avec ce qu'il est dans la métropole !

Monsieur Laufoaulu, je sais que Wallis-et-Futuna souffre d'isolement : un seul avion trimoteur relie les deux îles : lorsqu'il est en panne, il n'y a plus d'évacuations sanitaires ! C'est pourquoi je vous annonce qu'un contrat sera passé avec une société australienne pour la location d'un deuxième avion trimoteur à compter du mois d'avril ! (Applaudissements à droite et au centre) Je me réjouis que vous organisiez les Jeux du Pacifique en 2013 : grâce aux dotations de plusieurs ministères, ce sera un facteur de rattrapage dans bien des domaines. Quant à la convention relative à l'agence de santé, elle sera bientôt signée : 170 000 euros lui sont consacrés. La formation des jeunes est un enjeu essentiel : je soutiens votre projet de construire des logements en Nouvelle-Calédonie pour les étudiants venus de Wallis-et-Futuna ! Quant à la fracture numérique, nous tâchons de la résorber : sur les cinq cybercafés, un est réalisé ; grâce à un deuxième opérateur la diffusion du téléphone mobile va commencer -Wallis-et-Futuna est le seul territoire de la République sans aucune couverture de réseau. Je vais également tout faire pour que le câble sous-marin joignant Sydney à la Polynésie soit raccordé à Wallis-et-Futuna.

Je partage votre avis, monsieur Virapoullé, les prix sont trop élevés outre-mer.

À votre initiative, le Gouvernement a décidé d'une baisse significative, d'au moins 5 % avant fin 2007, du prix des médicaments, qui doit bénéficier au premier chef aux populations les plus défavorisées. Nous avons, sur tous les exemples que vous avez évoqués en les qualifiant de scories du colonialisme, un combat à livrer ensemble pour plus de justice et plus d'équité.

L'engagement de l'État en Nouvelle-Calédonie est, vous le savez, monsieur Loueckhote, plein et entier. Je me réjouis que l'usine du sud ait donné un nouveau départ à des territoires longtemps en difficulté. L'usine du nord bénéficiera quant à elle, de 235 milliards de défiscalisations qui aideront à engager le chantier.

Si la Nouvelle-Calédonie a enregistré une croissance de près de 7,3 % en 2006, si le nombre de demandeurs d'emplois y a diminué de 35 % en quatre ans, c'est bien que les choix que nous partageons ont porté leurs fruits.

Nous devons respecter les accords de Nouméa, veiller à ce que les demandes du comité des signataires soient respectées. Mon voeu le plus cher est de voir la Nouvelle-Calédonie inscrire son avenir dans la République française. Si nous respectons le calendrier du transfert de compétences et que nous aidons au développement économique, j'ai la conviction que les Calédoniens, quand sera venu le temps du référendum d'autodétermination, ne se tromperont pas. Mais je veux que l'on s'y achemine dans le respect des convictions de chacun. Je veux que l'État assume fermement les responsabilités régaliennes qui sont les siennes. Ceux qui n'hésitent pas à bloquer les usines, à stigmatiser les commerçants qui ne se plient pas à leurs règles, à susciter des troubles doivent savoir que l'État est là pour faire régner l'ordre public ! (Applaudissements sur les bancs de l'UMP)

Sur le problème des retraites, sur lequel M. Arthuis, au nom de la commission des finances, est encore revenu samedi, oui, monsieur Loueckhote, un groupe de travail sera constitué, dont les conclusions devront être intégrées au bilan d'étape sur la réforme des retraites engagée depuis 2003. Personne ne comprendrait que l'on s'en tienne durablement à la situation actuelle, mais il faut prendre le temps de la concertation et réfléchir aux conséquences économiques de la mesure. En Polynésie, par exemple, il y a 6 000 retraités, dont la moitié de Polynésiens, tandis que 11 000 sont sur le point de les rejoindre : cela représente 230 millions injectés dans l'économie locale. Remettre tout en cause aurait, là-bas comme ailleurs, d'importantes conséquences. Oui, il faut plus de justice et plus d'équité, et c'est pourquoi nous voulons revoir les régimes spéciaux, mais il faut aussi prévoir un accompagnement, pour qu'aucun territoire d'outre-mer ne soit pénalisé.

Vous avez également souhaité que s'engage une réflexion sur le statut européen des collectivités d'outre-mer. Je partage ce voeu. La Commission européenne va rédiger un Livre vert sur la question, qui a aussi donné son thème central au forum des territoires d'outre-mer tenu la semaine dernière à Bruxelles. Je suis heureux de voir la France y jouer un rôle moteur et entends réunir mes homologues pour les inciter à nous suivre : nos compatriotes ultramarins sont et doivent être des citoyens européens à part entière.

Une phrase de Mme Michaux-Chevry m'a séduit : « Passons à des politiques de responsabilité ». « Le Président de la République le veut, » a-t-elle ajouté, « essayons de respecter sa volonté ». Mais pouvez-vous imaginer un seul instant que je n'y emploie pas toutes mes forces ? Je suis heureux que vous soyez nombreux à vouloir m'apporter votre concours. Vous avez tous évoqué, et je m'en réjouis, la nécessité de trouver un juste équilibre entre solidarité, principe fondateur de la République française, et recherche de nouvelles voies économiques propres à valoriser les extraordinaires ressources, tant humaines que naturelles, de l'outre-mer. Je reste persuadé que sa jeunesse, si on lui en donne les moyens, donnera le meilleur d'elle-même.

Ce budget n'a rien de révolutionnaire sinon qu'il anticipe, comme pour les zones franches globales, sur ce que je vous proposerai en février dans la loi de programmation. M. Virapoullé l'a dit, l'outre-mer attend des mesures fortes sur le logement social, l'accompagnement des personnes âgées, l'aide aux plus démunis. Je veillerai à ce que ces secteurs prioritaires ne soient pas oubliés, mais je souhaite aussi que soient pris en compte les besoins en matière de services à la personne (Mme Payet approuve), ceux aussi des petits commerces, à Pointe-à-Pitre comme à Marie-Galante, car les territoires les plus isolés méritent toute notre attention.

L'outre-mer n'est pas oubliée dans les pôles de compétitivité. La Guadeloupe a été labellisée pour les énergies renouvelables, la Guyane pour la recherche en matière de maladies tropicales, adossée à Lyon-Biopôle : le nouvel appel à projets prendra en compte les projets émanant de Guyane. La forêt amazonienne est un riche vivier pour la découverte de nouvelles molécules. Alors que des maladies comme la dengue frappent les Antilles, ses pôles de recherche méritent d'être dynamisés. À la Réunion, j'ai visité une usine de transformation de canne à sucre en énergie renouvelable. Voilà un département exemplaire, qui produit 35 % de l'énergie qu'il consomme. La France doit le savoir et apporter des réponses à la hauteur de ses projets. Je pense au projet de faire de la Réunion une île verte d'ici à dix ans. Ce qui est possible là-bas doit être possible dans tous les territoires d'outre-mer. Voilà une dynamique nouvelle créatrice d'emplois, de richesse ; voilà une référence pour la France et pour l'Union européenne. Dans le Pacifique, un pôle doit voir le jour, entre les universités de Nouméa et de Papeete, sur la biodiversité, auquel sera adossée Wallis-et-Futuna. Je défends l'inscription du récif corallien au patrimoine mondial de l'Unesco.

Vous le voyez, c'est en allant à votre écoute, pas en imposant des décisions depuis Paris, que je défendrai vos territoires. Je remercie chacun d'entre vous d'avoir apporté, ici, sa part de vérité.

Avec la loi de programmation, j'essaierai de mettre à leur disposition des outils dont se saisiront les ultramarins pour relever un nouveau défi pour l'outre-mer et pour la France. (Applaudissements à droite et au centre).

M. le président.  - Votre enthousiasme nous a fait oublier que votre temps de parole était limité - mais l'outre-mer en valait bien la peine...

Examen des crédits

Article 33

Mme Gélita Hoarau.  - Vous allez présenter un projet de loi de programme visant à traiter des problèmes économiques et sociaux de l'outre-mer. Comment ne pas approuver cette initiative quand on sait qu'à la Réunion, sur 300 000 actifs, 90 000 sont au chômage, que le nombre d'illettrés -un record- est de 120 000 et que plus de 26 000 demandes de logement sont en attente. Ce budget est-il à la hauteur des besoins ? Non ! Même si la loi de programme apporte une amélioration pour la création d'emplois, leurs effets ne se feront sentir que dans quelques années. Il faut donc en attendant, et contrairement à ce que vous faites, augmenter les crédits pour les emplois aidés, que je propose d'orienter vers des secteurs de main-d'oeuvre comme l'environnement et les services à la personne. Le développement global et des milliers d'emplois sont possibles à partir de grands travaux d'infrastructure -le tram-train à la Réunion, la nouvelle route littorale- des énergies renouvelables, des nouvelles technologies de la communication, ou de la pêche, secteur très porteur dans l'océan indien où près de 15 000 emplois peuvent être ainsi créés. Certaines solutions sont à l'étude mais dont les retombées ne seront sensibles que dans quelques années. Le Président de la République a proposé d'ouvrir d'importants chantiers, je n'en vois pas trace dans ce budget. Peut-être cela apparaîtra-t-il dans la loi programme ? Le chef de l'État a reconnu que l'outre-mer apportait beaucoup à la République. J'espérais que nous serions payés en retour. Ce n'est pas le cas et le groupe CRC ne peut, en l'état, voter ce budget.

Les crédits de la mission sont adoptés.

L'article 45 bis est adopté.

Article additionel

M. le président.  - Amendement n°II-94, présenté par Mme Payet et les membres du groupe UC-UDF.

Après l'article 45 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I - Dans le premier alinéa de l'article 568 du code général des impôts, après les mots : « Le monopole de la vente au détail », sont insérés les mots : « en France métropolitaine et dans les départements d'outre-mer ».

II - Dans l'article 574 du même code, la référence : « 568 » est remplacée par la référence : « 570 »

Mme Anne-Marie Payet.  - Le monopole de la vente des tabacs n'a pas été étendu aux DOM. Le décret de mars 1948 précisait que le régime antérieur à la départementalisation était provisoire, mais c'est un provisoire qui dure depuis soixante ans. A plusieurs reprises, j'ai attiré l'attention des gouvernements précédents sur cette situation, sans jamais obtenir de réponse satisfaisante. Un ministre de l'industrie m'a même affirmé que le nombre de décès dus au tabac diminuait. Il n'en est rien puisqu'on est passé de cinq cents à six cents décès annuels soit six fois plus que ceux provoqués par les accidents de la route ! Cette spécificité nuisible à la santé publique a assez duré ! Il est des spécificités nécessaires, celle-ci ne l'est pas ! (Applaudissements au centre).

M. François Trucy au nom de la commission des finances.  - Avant de donner ce qui pourrait être un avis favorable, la commission souhaite connaître l'avis du Gouvernement.

M. Christian Estrosi, secrétaire d'État.  - Je partage l'inquiétude de Mme Payet. Outre-mer, en l'absence de monopole, les prix des tabacs manufacturés sont libres, différents d'un point de vente à l'autre et les conseils généraux ont la possibilité de percevoir une taxe sur les cigarettes. Le Gouvernement ne peut méconnaître ces spécificités qui touchent aux ressources des conseils généraux et à la liberté du commerce. D'un autre côté, nous sommes conscients des impératifs de santé publique. Je souhaite donc lancer une étude d'impact sur l'instauration du monopole et du régime social particulier qui s'y attache. L'intérêt de votre proposition est de lui laisser un an de délai, pendant lequel la réflexion du Gouvernement, des parlementaires, des acteurs économiques et des collectivités concernées doit pouvoir avancer.

Fort de cette proposition, je m'en remets à la sagesse du Sénat.

M. François Trucy, au nom de la commission des finances.  - Devant une telle convergence de vues, la commission ne peut qu'émettre un avis favorable.

M. Philippe Nogrix.  - Mme Payet a toujours porté une grande attention à l'état sanitaire de l'outre-mer. Rappelez-vous aussi son admirable travail sur le syndrome d'alcoolisation foetale, sujet que personne n'osait aborder, et qui est désormais à l'ordre du jour, même en métropole. Le présent amendement mérite d'être voté.

M. Jean-Paul Virapoullé.  - A la Réunion, nous avons fait un effort et aligné le prix des cigarettes sur celui de la métropole. En décembre 2000, nous avons été le premier département français à doubler leur prix par décret. Nous avons joué le jeu et la consommation a chuté de 25 %. On propose aujourd'hui de modifier la distribution, mais il n'y a pas de réseau de buralistes à la Réunion. Un délai d'un an ne sera pas de trop pour l'organiser. Sur le plan de la santé publique, l'amendement est bienvenu, mais sur le plan de la faisabilité, il appartiendra au groupe de travail de se prononcer. Je voterai l'amendement.

L'amendement n°II-94 est adopté et devient un article additionnel.