Action extérieure de l'Etat
M. le président. - Nous allons examiner les crédits de la mission « Action extérieure de l'État ».
Orateurs inscrits
M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial de la commission des finances. - Le contrat de modernisation du Quai d'Orsay, signé au moment de l'entrée en vigueur de la Lolf -ce qui est loin d'être une coïncidence-, s'achèvera en 2008. En trois ans, de grands progrès ont été accomplis, ce dont je me réjouis. Pour ceux qui, comme moi, sont partisans du maintien de notre appareil diplomatique plutôt que d'une réduction de la voilure, j'y vois le signe que l'avenir passe par la réforme, encore la réforme, toujours la réforme.
Pour moi, cette dernière doit s'accompagner d'une intégration accrue des services de l'État à l'étranger sous la responsabilité d'un ambassadeur, lequel jouerait un rôle analogue à celui d'un préfet sur le territoire national. Actuellement, seules 250 sur 780 implantations de l'État à l'étranger dépendent du Quai d'Orsay.
Ensuite, conformément au rang et à l'histoire de notre pays, nous devons avoir des postes partout dans le monde, comme les États-Unis ou le Royaume-Uni, et sans doute davantage que l'Allemagne, moins présente en Afrique. Une réduction de notre appareil diplomatique aurait un impact budgétaire minime, pour un effet politique qui serait sensible, ce qui ne doit pas nous empêcher de revoir d'autres composantes de notre appareil et de redéployer nos effectifs vers l'Asie et les pays émergents. Sachez que le coût de nos quinze plus petites ambassades équivaut respectivement au tiers et à la moitié de celui de notre présence en Allemagne et en Italie. Enfin, évitons les faux-semblants, les implantations communes avec d'autres pays européens comme l'Allemagne, qui ont un intérêt plus diplomatique que budgétaire, pourraient être à la source de difficultés en raison de nos cultures diplomatiques très différentes.
Pour préserver un outil unique de rayonnement et d'influence, il convient de maîtriser les dépenses. Les contributions internationales de la France représentent un coût non négligeable, 580 millions d'euros en 2008, et même 800 millions si l'on tient compte de l'opération au Darfour, soit deux fois le coût de notre réseau diplomatique. Entre 2000 et 2008, ces contributions ont augmenté de 56 %, ce qui s'explique essentiellement par notre participation aux opérations de maintien de la paix, mais aussi par une hausse de nos contributions obligatoires aux organisations internationales, passant de 364 millions à 441 millions. Il est donc temps que les projets de loi de ratification des conventions internationales, conformément aux engagements du Quai d'Orsay, comportent une étude d'impact budgétaire fiable, ce qui n'est toujours pas le cas. En témoigne le récent projet de loi concernant la révision de l'accord de Cotonou relatif aux pays ACP.
Autre poste de dépenses important, l'enseignement du français à l'étranger. Dans ce budget, sont inscrits 291 millions pour les écoles et 67 pour les bourses. Le fonds de roulement de l'agence de l'enseignement français à l'étranger (AEFE) diminue fortement alors qu'elle doit mener d'importants projets de rénovation. L'agence doit assurer le service public de l'enseignement pour les Français de l'étranger et être un vecteur de rayonnement culturel, sans que ces deux missions se cannibalisent. Pour que les Français de l'étranger bénéficient des mêmes droits que ceux de la métropole, il a été récemment décidé que les frais de scolarité des lycéens seraient pris en charge par le budget de l'Etat, ce qui représentera un coût de 47,9 millions. Cette mesure, à l'esprit de laquelle je souscris, pourrait avoir des effets inflationnistes et créer un effet d'aubaine -les entreprises se désengageant du financement de la scolarité des enfants de leurs personnels expatriés et les établissements privés hors réseau augmentant sans contrôle leurs tarifs ; pour les écoles les plus chères, qui sont hors réseau...
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. - Aux États-Unis !
M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial. - ...le coût pourrait atteindre 5 800 000 euros et il faudra sans doute plafonner la prise en charge avec, rassurez-vous, une variation selon le coût de la vie. Mes collègues représentant les Français établis hors de France, j'en suis sûr, seront vigilants.
La réforme donne déjà des fruits, comme en témoignent les économies importantes réalisées grâce à l'externalisation de la valise diplomatique, et doit être poursuivie. Le Parlement suit les travaux de la Cour des comptes. Le récent référé sur l'informatisation du ministère pourrait donner lieu à une audition devant notre commission des finances qui avait regretté les dysfonctionnements informatiques des centres des études en France. Nous attendons également un référé sur l'opération de partenariat public-privé relative au bâtiment des archives diplomatiques de La Courneuve. Cette réforme, le Parlement doit en être un acteur et un moteur.
Le Sénat est ainsi parvenu à obtenir la relance du projet de maison de la francophonie. Monsieur le ministre, chapeau bas ! (Mme Catherine Tasca s'étonne) Vous vous êtes montré très réactif sur ce dossier. Les personnes que vous avez missionnées remettront sous peu leurs conclusions et, j'en suis certain, nous trouverons une solution adaptée à l'état de nos finances publiques.
Mme Catherine Tasca. - On verra !
M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial. - L'important est d'avoir abandonné l'opération longue et coûteuse qui avait été retenue. Mais il faut qu'un immeuble bien situé soit mis à la disposition de cette organisation.
Mme Catherine Tasca. - Rien n'est encore fait !
M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial. - Il faut aller plus loin dans les réformes.
Mon récent rapport de contrôle sur les visas comportait plusieurs pistes. Je vous proposerai un amendement visant à confier le pilotage de la dépense informatique à un gestionnaire unique pour faciliter le chantier des nouveaux systèmes d'information en matière de visas, de carte de séjour, de demande d'asile et de naturalisation. Pour simplifier la vie des ressortissants étrangers, il convient également de doter dignement en effectifs nos consulats car, malgré l'externalisation nécessaire de certaines tâches, les besoins restent criants -entres parenthèses, j'attends toujours copie de l'audit de modernisation sur la biométrie.
La réforme de la direction générale de la coopération internationale et du développement (DGCID) n'a que trop tardé. Le Parlement doit envoyer un signal fort à ce sujet, dans la mesure où 61 % des crédits du programme « rayonnement culturel et scientifique » sont affectés à des opérateurs extérieurs. Il faut également améliorer la lisibilité de notre réseau culturel à l'étranger. Pourquoi ne pas utiliser l'expression bien connue d'« Alliance française » pour l'ensemble de notre réseau ? Il ne s'agit pas de tout transformer en alliances françaises, mais de reprendre une expression comprise par tous, une formule souple qui associe les partenaires étrangers et tient compte des réalités.
Au bénéfice de ces observations, j'invite le Sénat à adopter les crédits de cette mission. Il y aura débat car je présenterai des amendements, mais du débat jaillit la lumière !
Monsieur le ministre, je tiens à saluer votre vertu et celle de vos services, même si nous ne sommes pas toujours d'accord. (Applaudissements à droite et au centre.)
M. Yves Pozzo di Borgo, en remplacement de M. Jean-Guy Branger, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. - L'analyse précise des crédits de la mission « Action extérieure de l'État » nous ayant été exposée par le rapporteur spécial, notre collègue Adrien Gouteyron, je m'en tiendrai au rappel de quelques éléments clés : l'augmentation des crédits attribués à cette mission est 1,1 %, soit à peine le niveau prévu de l'inflation, mais notre commission n'appartient pas au courant de pensée qui voit dans l'augmentation des moyens financiers et humains la condition du renforcement de l'efficacité. Le niveau d'endettement public explique la diminution de ce budget, comme sous la IVe République, lorsque le président du Conseil disait à ses ministres : « le budget est en diminution de 5 %, débrouillez-vous ».
Mme Catherine Tasca. - C'est encourageant !
M. Yves Pozzo di Borgo, rapporteur spécial. - Alors que le précédent secrétaire général du ministère évoque, devant la commission du Livre blanc diplomatique, le doute des services « sur leur capacité à remplir toutes leurs missions » et sur « l'objet même de ces missions, à l'heure des nouveaux enjeux que constituent les questions migratoires, environnementales et énergétiques », il faut réfléchir à l'adaptation de notre ministère des affaires étrangères -dont la qualité suscite notre fierté- à la nouvelle donne mondiale. Les capacités de ses structures, et particulièrement ses réseaux à l'étranger, doivent être renforcées et adaptées aux nouveaux pôles de puissance d'Amérique latine, d'Afrique ou d'Asie. Le rapport auquel j'ai collaboré en 2006 avec MM. Hue et Dulait signalait notamment la nécessité d'une telle adaptation pour le Nigeria, l'Angola et l'Afrique du Sud.
Cela ne signifie pas que notre réseau diplomatique doit être réduit. Dès 2005, le rapport du préfet Raymond Le Bris sur les réseaux français à l'étranger démontrait que la fermeture des dix ou vingt plus petites ambassades françaises générerait des économies insignifiantes au regard du coût politique pour l'image de notre pays, mais il conviendrait de soutenir ces petits postes par la création de pôles diplomatiques régionaux chargés de définir les priorités et servant de centres d'analyse.
S'agissant du réseau consulaire, je vous rappelle l'annonce récente de la restructuration de celui du Portugal en France. Le sociétaire d'État aux communautés portugaises à l'étranger, M. Antoine Braga, a déclaré le 27 octobre dernier qu'il s'agissait « de fournir un meilleur service aux personnes par le regroupement des centres consulaires et le développement de consulats virtuels sur internet ». L'Europe à quinze n'étant plus une terre totalement étrangère, à la différence de certaines zones du Pérou, du Nigeria ou de l'Inde du nord, une réforme semblable pourrait servir à mieux appuyer nos compatriotes dont l'expatriation requiert un appui fort de la France.
Notre sujet de préoccupation majeur tient au financement de nos contributions internationales obligatoires. Notre apport à certaines organisations majeures de la galaxie de l'ONU doit être modulé en proportion de la qualité de leur gestion interne, parfois plus tournée vers l'autofonctionnnement que vers les interventions sur le terrain. Nos contributions aux opérations de maintien de la paix sont, elles, soumises à une logique de crédibilité : vos services évaluent la différence entre les crédits inscrits au projet de loi de finances pour nos contributions obligatoires et les financements effectivement requis à 70 millions d'euros : 215 millions seront disponibles au lieu des 285 nécessaires, sans compter les futures opérations au Tchad et au Darfour. Je souhaiterais, s'agissant du Tchad, qui vient d'être à nouveau touché par des combats à sa frontière avec le Soudan, que vous nous précisiez l'état des engagements humains et financiers pris par nos partenaires et le calendrier envisagé pour l'action Eufor Tchad. À titre personnel, j'ai ressenti une inquiétude de l'ONU sur cette opération.
Sous ces réserves, la commission des Affaires étrangères vous recommande d'adopter les crédits affectés à la mission « Action extérieure de l'Etat » pour 2008. (Applaudissements à droite et au centre.)
Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. - La lettre de mission que vous a adressée le Président de la République, en août dernier, monsieur le ministre, a souligné l'importance du réseau culturel français à l'étranger. Le programme 185 reflète-t-il cette orientation ? L'annonce d'une nouvelle réorganisation inquiète dans un tel contexte budgétaire : 60 emplois sont supprimés au sein du réseau en 2008 et les crédits d'intervention sont tous amputés.
La défense de la langue et de la culture française est pourtant cruciale pour notre diplomatie, comme le rappelle Hubert Védrine dans son rapport sur la mondialisation au Président de la République. Or, les moyens humains et financiers de notre action culturelle extérieure sont comme une peau de chagrin sans cesse attaquée par la réorganisation permanente et l'incertitude sur les crédits. Vos services et les opérateurs trouveront-ils toujours plus de mécènes étrangers si le levier du financement public français disparaît ?
L'année 2008 confirme la tendance à la réduction de l'action culturelle extérieure et à l'affaiblissement de notre diplomatie d'influence. En veut-on quelques exemples ? Les crédits destinés à la promotion de la langue française ne représentent plus que 15 millions d'euros pour l'ensemble des États membres de l'Union européenne et des grands pays développés. On ne peut s'étonner dès lors que les Allemands, les Italiens ou les Espagnols n'apprennent plus le français et que le français recule dans les institutions européennes.
Alors que la France attire deux fois moins d'étudiants européens que l'Allemagne et trois fois moins que le Royaume-Uni, l'enveloppe destinée aux bourses pour les étudiants étrangers ne représente plus que 18 millions d'euros. Le nombre de bourses délivrées à des étudiants étrangers est en forte diminution : 18 500 en 2006 contre 22 500 en 2002, alors que des étudiants brillants sont sélectionnés par les meilleures universités et les grandes écoles.. Le British Council alloue, lui, 220 millions d'euros à la coopération universitaire, et les Allemands trois fois plus. La mesure la plus spectaculaire de ce projet de loi de finances est la prise en charge, pour un montant de 20 millions d'euros, des frais de scolarité des élèves des classes de terminale des lycées français à l'étranger, suite à l'engagement de campagne du Président de la République. Les familles peuvent s'en réjouir, et surtout Jean-Marie Messier, dont les enfants sont scolarisés à New York... Nous passons d'une logique fondée sur des critères sociaux à une logique de prise en charge intégrale des droits de scolarité pour les élèves français des seules classes de lycée, quels que soient les revenus familiaux. Les crédits de bourses sur critères sociaux régressent et les bourses destinées aux élèves francophones sont brutalement supprimées. Plusieurs ont dû quitter des lycées français partout dans le monde. Bravo !
Ne sous-estimons pas les prévisibles effets pervers de cette mesure, et tout d'abord, l'effet d'aubaine pour les entreprises qui prenaient en charge les frais de scolarité des enfants de leurs salariés expatriés. Ensuite, l'augmentation du nombre d'inscription d'élèves de nationalité française conduit à s'interroger sur la capacité d'accueil de nos établissements, d'ores et déjà saturés, et sur le risque d'éviction des élèves étrangers. L'avantage consenti touchera 15 000 à 20 000 élèves sur plus de 300 000 enfants français immatriculés dans les consulats, auxquels 300 000 euros sont consacrés, soit 1 euro par enfant alors que 5 800 000 millions d'euros seront accordés aux seuls lycéens scolarisés en terminale en Amérique du nord.
Aucune distinction n'a été faite entre les établissements dont l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (Aefe) peut contrôler les tarifs et les autres, ce qui risque d'inciter à l'inflation des droits de scolarité. Plus grave, ce choix réduit gravement les capacités des établissements, y compris la soixantaine relevant de l'État, à faire face aux charges salariales et immobilières que l'Aefe transfère sur eux. Pour 2006-2012, le besoin de financement de la politique immobilière de l'Agence a été évalué à 240 millions d'euros, soit 48 millions par an. La dotation de 8,5 millions pour 2008 est donc très insuffisante, d'autant plus que l'Aefe ne pourra plus puiser dans son fonds de roulement, comme l'a signalé le rapporteur général. Pour assurer la gratuité scolaire à une minorité de familles, il faudra alourdir la participation financière de toutes les autres.
N'aurait-il pas été préférable d'affecter la totalité des crédits additionnels aux bourses AEFE et aux investissements immobiliers qui profitent à tous les élèves ?
Compte tenu des circonstances tragiques au Liban, ne peut-on faire en sorte que la Mission laïque ne soit pas contrainte d'augmenter fortement ses frais de scolarité ? Leur charge ne doit pas devenir insupportable pour les familles.
La commission des affaires étrangères a néanmoins donné un avis favorable à l'adoption de ces crédits. (Applaudissements à gauche)
M. David Assouline, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. - Compte tenu des critiques renouvelées les années précédentes, je serais prêt à me féliciter de l'augmentation de 2,3 % des crédits au rayonnement culturel et scientifique. Mais pas d'optimisme béat ! Dans le contexte budgétaire actuel, il est impératif que la gestion soit efficace et j'estime que tel n'est pas le cas en l'espèce. Le périmètre actuel n'est toujours pas satisfaisant : pourquoi faire comme si la politique culturelle en direction des pays en voie de développement n'était destinée qu'à gagner des points de croissance. Cette vision marquée par notre passé colonial nuit à la visibilité de notre action, comme si l'on avait une politique culturelle en direction du Koweït et du Japon, mais de développement envers le Mali ou le Maroc.
La France n'accueille que 9 % des étudiants poursuivant leur cursus hors de leur pays, contre 30 % pour les États-Unis et 12 % pour l'Allemagne. L'indice de Shanghai n'est pas la référence absolue, selon moi, mais il a un impact sur le choix des étudiants. La France devrait oeuvrer à l'élaboration d'un indice européen incontestable, plus conforme à la tradition humaniste de nos universités. Qu'en pensez-vous ? Il faut engager une politique ambitieuse d'attractivité de la France qui passe par une augmentation des bourses et par la mise en place de Campus-France, que j'appelle de mes voeux depuis plusieurs années. Il convient également de disposer de logements adaptés, tant pour les étudiants que pour les chercheurs étrangers, qui viennent parfois pour des missions d'assez longue durée.
Le Président de la République a décidé que la collectivité nationale, c'est-à-dire les contribuables français, prendraient en charge les frais de scolarité des élèves de première et de terminale. Cette fausse bonne idée, qui a semé la zizanie dans les établissements, va représenter un effet d'aubaine pour des familles aisées ainsi que pour les entreprises qui prenaient jusqu'ici ces frais en charge. Faudra-t-il exclure des élèves étrangers parce que davantage de familles françaises expatriées vont inscrire leurs enfants ? La gratuité, il faut la faire, mais dans les collèges et pour les seules familles qui en ont besoin.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. - Dès le primaire !
M. David Assouline, rapporteur pour avis - Ériger la créativité française en référence mondiale suppose la création d'une agence culturelle unique. Rien, pourtant, n'est engagé. Le Gouvernement ne peut-il, en attendant, inscrire à l'ordre du jour la proposition de loi de M. Duvernois que le Sénat avait adoptée à l'unanimité, chose assez rare pour être soulignée ?
En dépit des réserves émises par son rapporteur, votre commission a donné un avis favorable à l'adoption de ces crédits.
M. Georges Othily. - Des esprits chagrins pourraient regretter que la francophonie soit le parent pauvre de la loi de finances mais le redéploiement de personnel se justifie s'il s'accompagne d'une rationalisation, et tel est bien le cas avec le regroupement des services centraux en deux sites.
L'interaction entre les États se renforce tandis qu'apparaissent de nouveaux enjeux et la France doit accompagner, et non subir, ces mutations. L'absence actuelle d'autorité centrale crée un système anarchique alors que le système international se caractérisait comme une concurrence pacifique. Cependant, l'opération Liberté en Irak a provoqué une radicalisation depuis 2003, le rival est devenu l'ennemi tandis que le 11 novembre a marqué l'apparition d'une nouvelle figure ennemie, occupée à la déstabilisation d'un ordre international. Nous voici entrés dans l'ère post-westphalienne. La crise socioéconomique qui frappe les pays émergents s'ajoute aux crises en Afrique et à la crise climatique. Ce contexte n'incite guère à l'optimisme.
L'indépendance nationale n'est pas synonyme d'isolement et je soutiens la démarche du Président de la République qui s'est efforcé de convaincre nos partenaires en Europe de parler d'une seule voix. Avec le traité simplifié et la création d'un haut représentant pour la politique étrangère, les différences ne se traduiront pas par des manifestations de dissension. Le 17 novembre, lors du séminaire sur la prochaine présidence de l'Union, le Premier ministre a évoqué la nécessité d'associer les collectivités locales à la prochaine présidence française. Le RDSE, qui s'en réjouit, saura rappeler que l'enracinement local conditionne l'adhésion de citoyens.
Mme Nathalie Goulet. - Très bien !
M. Georges Othily. - Le renoncement à l'utopie autonomiste peut prendre la forme d'un renforcement du lien atlantique. Mon groupe se rappelle l'action du président Doumergue et de son ministre Tardieu, qui en furent des chauds partisans. On peut le concevoir non comme un alignement systématique -l'axe Bush-Blair- mais comme un projet de multilatéralisme. Gare aux simplifications et aux caricatures ! Le multilatéralisme peut contribuer à renforcer les interdépendances. La politique américaine est souvent multilatéraliste : les États-Unis, qui avaient défendu la Société des nations, le sont quand ils y trouvent leur intérêt et conservent leur marge d'action.
Le multilatéralisme se vit généralement comme une contrainte, un pis-aller. Ne nous trompons ni d'objectif ni de combat afin de ne pas nous engouffrer dans un bilatéralisme par défaut. La France doit donc prendre des initiatives. La question de la représentativité des instances de régulation internationales, tels le G8 et le Conseil de sécurité des Nations Unies, mérite d'être posée. Je me souviens que le candidat à la présidentielle Nicolas Sarkozy, dans un discours de politique internationale du 28 février, avait clairement engagé le débat. Quelles que soient les solutions envisagées, et les instances concernées, elles passeront immanquablement par l'association des pays développés, des puissances émergentes et des pays les plus pauvres.
Ce multilatéralisme doit également redéfinir le champ de compétences des institutions et des organisations internationales pour répondre aux défis, notamment environnementaux, portés par le nouveau siècle. Le cadre d'ententes régionales, telle l'Union euro-méditerranéenne, semble le niveau adéquat, dès lors que la politique de rapprochement serait à la fois souhaitée par nos partenaires et tiendrait compte de nos fondamentaux.
Cette diplomatie a été définie par le Président de la République et elle est portée par vous-même, monsieur le ministre. La représentation parlementaire est attentive à ces nouveaux enjeux et réaffirme son attachement aux droits de l'homme. Elle veut un libéralisme politique et économique progressiste, orienté vers l'homme, et elle souhaite conduire l'aggiornamento intellectuel de l'économie durable.
Notre groupe souhaite que la promotion de l'Europe sociale soit effectivement l'un des principaux axes de l'Union. La France devrait encourager un élargissement des partenaires sociaux afin que le sommet social pour la croissance et l'emploi soit bien représentatif de l'ensemble des secteurs. La logique de défense des intérêts sociaux et économiques européens n'est pas illégitime, dès lors que le protectionnisme permet de lutter contre les conditions de travail indignes des pays tiers et les déprédations de l'environnement. L'idée française d'une taxe carbone sur les importations de marchandises industrielles provenant de pays où les normes environnementales sont moins strictes qu'en Europe a déjà fait l'objet de discussions lors du Conseil compétitivité des 22 et 23 novembre : cela démontre aussi qu'il faudra redéfinir les règles de l'OMC. Toutes ces propositions figurent dans le rapport de l'Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques de juin relatif aux exigences et aux enjeux du développement durable.
Cette diplomatie s'appuierait sur une nouvelle conception du multilatéralisme bien entendu, avec un accroissement éventuel des forces françaises en Afghanistan, si cette contribution militaire s'effectue dans le cadre des actions internationales de l'OTAN mandaté par l'ONU et que cette mission d'assistance politique contribue à promouvoir les droits de l'homme, comme l'énonce clairement la résolution 1 746 du Conseil de sécurité.
Les discours de politique extérieure du candidat à la présidentielle ne doivent pas demeurer de vains mots : il appartient à la représentation nationale de le rappeler à l'occasion du prochain anniversaire de la signature de la Convention européenne des droits de l'homme de 1948, dont l'un des rédacteurs fut le grand juriste français René Cassin.
Enfin, nous déplorons que les crédits relatifs à l'intervention française au Tchad ne figurent que dans la loi de finances rectificative, même si nous approuvons cet engagement.
Le groupe RDSE, dans sa majorité, votera la mission « action extérieure » de la loi de finances pour 2008. (Applaudissements au centre et à droite)
M. Yves Pozzo di Borgo. - La France est aujourd'hui à un carrefour de son action extérieure. Au moment où nous examinons le budget de la mission, qui ne retrace qu'une partie de l'action à l'étranger, il n'est pas inutile de rappeler que la construction européenne doit demeurer l'impératif majeur de notre politique étrangère. Je déplore au passage que le Sénat ait si peu l'occasion de débattre de la politique étrangère de la France.
M. Georges Othily. - C'est vrai !
M. Yves Pozzo di Borgo. - Le compromis obtenu par le Président de la République à Lisbonne ouvrira la voie à l'adoption dans quelques jours d'un traité européen simplifié. Le Président Giscard d'Estaing, fondateur de l'UDF, le groupe au nom duquel je m'exprime...
M. Jean-Louis Carrère. - L'UDF aura cessé de vivre dans quelques heures !
M. Yves Pozzo di Borgo. - Le parti et le groupe, ce n'est pas la même chose !
M. Jean-Louis Carrère. - Nulle nostalgie de ma part, vous le savez !
M. Yves Pozzo di Borgo. - Le président Giscard d'Estaing, donc, a souligné que l'essentiel des travaux de la Convention européenne avait été préservé. Aussi le projet de loi de ratification du traité devra-t-il être examiné avec bienveillance par la Haute assemblée, et mon groupe demeurera vigilant et attentif, car nous devons veiller à préserver ce bien précieux qu'est l'Europe. A juste titre, le Président de la République a proposé d'approfondir l'Union des Vingt-sept avant tout autre élargissement, même si les efforts de la Croatie doivent être regardés avec sympathie. Je plaide, pour ma part, en faveur de l'intégration des pays de l'Espace économique européen, notamment la Norvège, l'Islande, la Suisse et le Lichtenstein, à l'Union européenne. Je souhaite vivement une Europe de la défense, dans l'esprit de la conférence de Saint-Malo de 1998, entre le Royaume-Uni et la France. Les propositions de Tony Blair gardent toute leur actualité. Mais je me souviens des enseignements de mon maître en politique, le président Jean Lecanuet, qui fut dans notre Haute assemblée un exemple et une exigence.
L'Europe a une monnaie commune et unique : elle n'est pas chère, elle est forte et nous met à l'abri de tout retour à l'inflation, moyen bien commode pour nous se soustraire aux conséquences de la dette. Avec l'élection du Parlement européen au suffrage universel, l'euro est le garant de l'Union et un passeport pour une véritable union politique. Cette dernière se fera un jour, mais 'à condition d'avoir les yeux grands ouverts vers l'Est, vers notre partenaire naturel, la Russie. Dans un rapport récent sur les relations européennes avec ce pays, j'avais mis l'accent sur la nécessité d'un partenariat stratégique entre les deux entités. J'y indiquais que la Russie, qui n'a jamais été dans son histoire un État-nation, mais un empire, n'avait pas encore fait le deuil de la perte de son « étranger proche ». Elle pourrait être tentée soit par la constitution d'un ensemble euro-asiatique, soit par un rapprochement avec l'Europe et il faudra naturellement l'encourager à aller dans le sens de l'Europe. Le nouveau Premier ministre polonais, Donald Tusk, peut à cet égard jouer un rôle essentiel dans ce domaine. Face à la Russie, il est indispensable que l'Union européenne parle d'une seule voix, mais il ne faudrait surtout pas réduire ce dialogue à la seule sécurisation de notre approvisionnement énergétique, et appeler la Russie à une communauté de destin avec notre continent. Ce grand pays vit mal sa rivalité avec la Chine, ses responsables s'inquiètent des tendances démographiques actuelles et le gouvernement russe ressent comme une agression la politique américaine en Ukraine, en Géorgie et en Azerbaïdjan et s'irrite de la présence des États-Unis en Asie Centrale. Nous devons comprendre que cette démocratie est balbutiante, fragile. N'avons-nous pas mis deux siècles à asseoir la nôtre ? Il est pourtant tout à fait essentiel que nous rappelions à ce pays le nécessaire respect des droits de l'homme.
La politique atlantique doit être le second pilier de notre politique étrangère. Trop longtemps la Ve République a mené une politique de méfiance vis-à-vis de nos amis américains : ingratitude incompréhensible vis-à-vis d'un pays qui a tant fait pour l'Europe lors des deux guerres mondiales et tant dépensé au lendemain de la seconde guerre pour ramener la prospérité. Le Président de la République a eu raison de réchauffer les liens qui nous unissent à l'Amérique. Il l'a fait en des termes équilibrés, en n'oubliant pas de venir saluer le Congrès et sa majorité, tout en rappelant que les décisions unilatérales n'étaient pas acceptables.
Mais l'Amérique est un continent. L'Amérique latine a été trop longtemps oubliée de notre politique étrangère et les efforts déployés par la France depuis quelques années vont dans le bon sens. Notre pays avait esquissé en 1964 une grande politique avec les pays du continent lors de deux tournées présidentielles au printemps et à l'automne. Nos amis latino-américains attendent beaucoup de notre part. Sachons leur répondre. Le défi de la francophonie est immense : je m'étais rendu au Chili avec Bernard Stasi en 1989 et j'avais constaté la vitalité de la langue française. J'y suis retourné plus tard et l'anglais l'avait supplantée. Nous devons faire des efforts : ne soyons pas arrogants mais pénétrés d'humilité. La langue française se parle sur le continent américain : au Canada, en Haïti -à New York les chauffeurs de taxi parlent français, car ils sont haïtiens-, en Louisiane et partout où les étudiants se nourrissent de notre culture. Et je n'oublie pas le continent africain où le français est préservé et souvent mieux parlé que dans notre pays. Je l'avais constaté lors d'un voyage avec MM. Goulet et Hue. Mais notre politique française en Afrique doit changer. Pour être plus efficace, elle doit rassembler tous les pays qui ont eu des responsabilités sur le continent : le Royaume-Uni, l'Allemagne, l'Italie, l'Espagne, le Portugal, la Belgique et nous-mêmes, bien évidemment.
Mais nous devrions mutualiser nos efforts, entre Européens, car c'est peut-être la meilleure façon de résister à l'emprise chinoise sur le continent africain, et de faire progresser de conserve la démocratie et le co-développement. Car l'Afrique de grand-papa a vécu, nos relations avec nos partenaires doivent être empreintes de sérénité et de transparence, au service des peuples qui souffrent de trop peu recueillir le fruit de leurs efforts.
Plus près de nous, nos regards doivent aussi se tourner vers le bassin méditerranéen. Au début des années 1970, la politique méditerranéenne de la France qu'initiait Georges Pompidou ne recueillait que le scepticisme et le Président de la République a eu raison de reprendre l'ouvrage : la Méditerranée est une mer intérieure entre l'Afrique et l'Europe, les plus grands malheurs peuvent en venir, si nous n'y prenons garde !
Au Proche-Orient, nous souhaitons tous qu'une paix juste et durable s'instaure entre Israël, qui a un droit sacré à son existence, et la Palestine qui doit prendre une juste place dans le concert international.
Mais la paix ne se gagne pas seulement dans ces contrées : Quand la Chine s'éveillera avait écrit Alain Peyrefitte en 1973. Elle s'est éveillée, mais la Chine, comme la Russie, n'est pas un État-Nation : le Tibet demeure depuis 1959 une épine douloureuse, les Ouïgours et les minorités musulmanes constituent eux aussi un mélange explosif.
Le XIXe congrès du parti communiste chinois a démontré que la croissance économique trop rapide forgeait des déséquilibres sociaux préoccupants. Les voisins immédiats de la Chine -Corée du Nord, Pakistan, Afghanistan- sont des détonateurs puissants !
La tâche du Gouvernement aux côtés du Président de la République est immense, nous vous encourageons, monsieur le ministre, vous qui portez si haut, si clair, si fort la voix de la France et la voix de l'Europe ! (Applaudissements à droite et au centre)
Mme Catherine Tasca. - Ce budget ne présente pas clairement la stratégie de la politique extérieure française : monsieur le ministre, quelles sont vos priorités ? Quelle évolution souhaitez-vous pour le réseau culturel à l'étranger ? Quel avenir pour notre audiovisuel extérieur ? Représentante du Sénat avec M. Jean François-Poncet, au sein de la commission qui prépare pour janvier 2008 un Livre blanc, je souhaite poser ces questions de fond, derrière les chiffres.
Ce budget représente 1,5 % de celui de l'État, à 4,5 milliards, soit 13 200 emplois. Nous avons consacré un débat à la présidence française de l'Union européenne, un budget de 190 millions y est affecté, il correspond à ce que l'Allemagne a dépensé pour sa dernière présidence. Ces crédits seront utiles, encore faudrait-il davantage les flécher. Le Gouvernement visera-t-il à renforcer les ressources propres de l'Union, préalable à un gouvernement économique européen ? Quid des négociations avec la Turquie ? De l'Europe de la recherche ? Quelle politique énergétique européenne, qui ne soit pas commandée par la seule concurrence, mais qui respecte notre sécurité d'approvisionnement et notre environnement ? J'espère que la France fera entendre une autre voix que celle d'une Europe forteresse ouverte seulement aux plus riches et aux plus qualifiés : nous en doutons, à entendre les appels de M. Hortefeux pour un pacte européen de l'immigration !
Monsieur le ministre, à la veille des élections législatives russes et au lendemain d'un voyage en Chine riche en contrats, comment la France entend-elle défendre la démocratie et les droits de l'homme dans le monde ? Où en est notre dialogue avec la Chine et la Russie sur ces sujets ?
A la veille d'un voyage du Président de la République en Algérie, un ministre algérien a tenu des propos scandaleux qui n'ont été que mollement désapprouvés par le Président Bouteflika. J'approuve le maintien du voyage, la France n'a pas à récompenser ou punir, mais comment la France compte-t--elle exprimer ses préoccupations sur les libertés démocratiques en Algérie ? La question se pose également pour la Tunisie et la Libye.
Nous attendons également que le Gouvernement apporte tous les éclaircissements nécessaires à la commission d'enquête parlementaire présidé par Pierre Moscovici sur la libération des infirmières bulgares et du médecin, qui vient de vous entendre jeudi, monsieur le ministre. Des coups d'éclat médiatiques ne sauraient tenir lieu de politique durable !
Le projet d'Union méditerranéenne suscite beaucoup d'attente. Comment vous assurer qu'il n'éloigne pas la France de ses partenaires européens ?
La défense du français, la coopération culturelle et scientifique, la promotion de la diversité culturelle, doivent être un axe fort de notre politique extérieure et donner la mesure des réformes que vous envisagez pour le ministère. Vous avez annoncé une réforme de la direction générale de la coopération internationale et du développement (DGCID), quels en seront les contours ? La dernière réforme date de 1998, il faut adapter nos outils au monde qui change, sans doute, mais cela ne justifie pas une « vente à la découpe » de cette direction générale ! Certains évoquent l'installation prochaine de deux opérateurs autonomes, l'un pour la culture, l'autre pour la coopération scientifique et universitaire, le rôle de pilote revenant à la direction générale, voire la fusion de cette dernière dans une direction transversale. Il vaudrait mieux conforter la DGCID, la transformer en agence de coopération culturelle, scientifique et universitaire dotée de son propre réseau, aux côtés de l'Agence française de développement, de l'Aefe et des opérateurs chargés de l'audiovisuel extérieur.
Le montant des crédits accordés aux centres culturels et instituts français ne cesse de diminuer, puisqu'ils sont passés de 68 millions en 2002 à 61 millions en 2007. Plus du tiers des centres et instituts culturels situés en Europe ont été fermés entre 2000 et 2007, le déménagement même a parfois été très coûteux, par exemple 1 million pour le centre de Bilbao. L'État souhaite-t-il encore une action culturelle extérieure ? Les centres et instituts sont des outils irremplaçables de notre influence dans le monde !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. - C'est vrai !
Mme Catherine Tasca. - Devant la conférence des ambassadeurs du 28 août, vous avez annoncé, monsieur le ministre, une réforme de l'audiovisuel extérieur. Le comité de pilotage a remis hier son rapport au Président de la République. Je souscris aux réserves exprimées jeudi par Mme Cerisier-ben Guiga, face aux risques d'une fusion autoritaire de France 24, TV5 et RFI et au déséquilibre flagrant dans le soutien accordé à ces trois chaînes. Quelle place la France accorde-t-elle à son audiovisuel extérieur ? Quels sont les avantages de la holding France Monde ? Comment comptez-vous adapter la tutelle de votre administration à cette nouvelle organisation ?
La Lolf masque mal le manque de crédits pour l'action extérieure de la France, ni le flou des orientations stratégiques : nous voterons contre ce budget ! (Applaudissements à gauche)
M. Jean-Pierre Cantegrit. - Le volet social de l'action du ministère des affaires étrangères comporte les crédits d'assistance, instaurés par Raymond Barre en 1977, destinés à nos compatriotes expatriés démunis, handicapés ou âgés, et -depuis peu- aux enfants en détresse. Rattachés au programme 151 et à la sous-action 02, ces crédits s'élèvent pour 2008 à 19,185 millions : 15,57 millions pour l'aide aux personnes, 2,8 millions pour financer l'accès des plus modestes à la Caisse des Français de l'Étranger (CFE), et 815 000 euros pour les Sociétés de Bienfaisance.
Les crédits pour les aides aux personnes sont donc de 16,385 millions, en régression par rapport à 2007. Certes, l'effort mené dans le domaine de l'enseignement va se poursuivre. Je suis favorable aux mesures prises en la matière. A ce sujet, je m'étonne des propos de Mme Cerisier-ben Guiga et de M. Assouline, rapporteurs pour avis : parlaient-ils au nom de leur commission ou bien exprimaient-ils un avis personnel ?
M. Robert del Picchia. - Bonne question.
M. David Assouline, rapporteur pour avis. - J'ai été clair.
M. Jean-Pierre Cantegrit. - Une telle pratique de la part des rapporteurs est tout à fait contraire aux us de notre Assemblée.
M. Robert del Picchia. - C'est un problème. (M. Braye renchérit)
M. David Assouline, rapporteur pour avis. - Poutine, c'est demain !
M. Jean-Pierre Cantegrit. - En 2007, le cours de l'euro a permis d'accroître le nombre de bénéficiaires d'allocations solidarité et handicap et d'enfants en détresse, mais la rigueur est de mise dans la gestion par la Direction des Français de l'étranger.
Ainsi, la commission permanente pour la protection sociale des Français de l'étranger du ministère des affaires étrangères, en principe chargée de fixer le montant de ces diverses allocations, ne fait qu'entériner les propositions de votre administration, car majorer un montant entraînerait aussitôt la diminution d'un autre. Les pistes d'amélioration seraient pourtant nombreuses : création de maisons de retraite, campagne d'information et de prévention des maladies spécifiques à l'expatriation, création de dispensaires, amélioration de l'aide aux enfants en détresse, etc.
A l'étranger, les Français handicapés bénéficient uniquement, et sous condition de ressources, d'une allocation et éventuellement d'une aide pour tierce personne. La scolarisation des enfants handicapés pose également des difficultés. Le handicap et la réussite scolaire sont pourtant des priorités du Président de la République. Les mesures d'accompagnement pédagogique pour les enfants atteints de troubles spécifiques sont totalement inexistantes dans nos établissements scolaires à l'étranger, faute de moyens financiers et humains. Or la proportion d'enfants porteurs de ces troubles est la même à l'étranger qu'en France... Voilà une action sociale qui pourrait être menée par l'AEFE et la Direction des Français à l'Étranger, mais qui supposerait une hausse significative des crédits du pôle social.
Président de la caisse de sécurité sociale des Français de l'étranger, je m'efforce d'en faciliter l'accès aux expatriés disposant de faibles ressources. Dès 2001, un consensus s'est dégagé entre le conseil d'administration de la CFE, les élus des Français de l'étranger et le Gouvernement pour créer une troisième catégorie aidée.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. - En 2002, sous le gouvernement Jospin !
M. Jean-Louis Carrère. - L'orateur est sourd de l'oreille gauche ! (Sourires sur les bancs socialistes)
M. Dominique Braye. - Certains sont sourds des deux oreilles.
M. Jean-Pierre Cantegrit. - Il s'agit de prendre en charge un tiers de la cotisation des personnes à faibles revenus, à l'exception des pensionnés et des Français résidant dans l'Union Européenne. Dans un premier temps, cette aide a été financée par la CFE, puis votre ministère a pris le relais : une ligne budgétaire spécifique apparaît désormais dans le programme 151.
Toutefois, les adhésions dans cette catégorie aidée régressent, et la solution mise en place en 2002 n'est plus appropriée.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. - Exact.
M. Jean-Pierre Cantegrit. - C'est pourquoi j'ai proposé d'élargir en augmentant la part de l'aide de l'État de 33 à 50 %. Cette mesure, adoptée à l'unanimité par le conseil d'administration de la CFE, entraînerait un coût supplémentaire d'environ 3,7 millions. Il convient que vos services en tiennent compte dans la préparation du budget 2009 : la solidarité nationale ne doit pas oublier nos compatriotes expatriés les plus modestes. (Applaudissements à droite)
présidence de M. Guy Fischer,vice-président
M. Robert Hue. - Ce budget traduit la politique diplomatique voulue par le chef de l'État pour les cinq prochaines années. Notre pays est encore très présent dans le monde, avec 158 ambassades, 17 représentations permanentes, 97 consulats et 15 000 fonctionnaires dans les institutions françaises. Il ne me semble pas que le budget qui nous est présenté nous aide à conserver cette place...
La politique étrangère voulue par le Président de la République et son gouvernement s'accompagne de mots et de signes qui inquiètent tant en France qu'à l'étranger. Notre diplomatie doit être capable d'initiatives. Quelles sont vos propositions ?
Le Gouvernement semble pencher pour un alignement sur la politique « otanienne » des États-Unis. Si je me sens proche du peuple américain, je n'accepte pas que mon pays se range aux côtés d'un président en fin de mandat, en quête de coups médiatiques et pratiquant la politique de la terre brûlée, dont nous voyons le résultat en Irak. Ce n'est pas de bon augure... Un retour de la France au sein du commandement intégré de l'Otan serait un coup porté à notre indépendance, à notre rayonnement et à notre capacité de dialoguer en toute indépendance avec les peuples, dont notre diplomatie a magistralement témoigné en refusant de s'associer à la guerre en Irak.
Les déclarations gravissimes se sont enchaînées, comme le discours de Dakar, en juillet dernier, qui, selon le rapporteur spécial de l'ONU, Doudou Diène, conduit à « légitimer le racisme dans le monde ». Après la polémique sur le traitement ultra-sécuritaire de l'immigration, les propos de Dakar ont creusé une blessure encore plus profonde. Ce mépris affiché envers nos amis africains ternit l'image de la France. Notre pays gagnerait à rompre avec cette arrogance d'un autre âge. Dans son rapport remis au Président, M. Védrine exhorte d'ailleurs la France à plus de modestie dans sa politique étrangère.
Certaines déclarations « guerrières » de notre diplomatie concernant l'Iran n'ont pas grandi la France pour ceux qui la voient toujours comme le pays des droits de l'homme.
Attention également au rapprochement vers la Grande-Bretagne en vue de sanctions contre le président iranien, qui n'auraient pour effet que d'affaiblir l'Onu !
Que s'est-il passé au Liban ? L'intervention du Président de la République fut maladroite et contre-productive. Les Libanais sont irrités. Pratiquer la politique du « diviser pour mieux régner » en sachant que les Syriens et les Iraniens sont liés de longue date, ne peut être efficace. Dans cette affaire, nous pouvons rendre hommage à votre détermination, monsieur le ministre, mais la précipitation fébrile du Président Sarkozy a certainement gâché tous vos efforts. A tel point que certains observateurs ont qualifié ces manoeuvres, de faux pas.
Sur la Palestine, la conférence d'Annapolis ne fut pas le « moment historique » que d'aucuns ont décrit. Sans la minimiser, je reste pessimiste sur l'issue des négociations. L'annonce d'un gel partiel des colonies par le Premier ministre israélien est en décalage avec l'objectif annoncé de créer un État palestinien. L'échec des négociations pourraient entraîner les Palestiniens vers une radicalisation. Mais comment envisager la création d'un État palestinien viable sur un territoire toujours aussi morcelé ? Les inflexions données par le Président de la République sont inquiétantes. La France doit pleinement jouer son rôle au Proche-Orient, et être plus entreprenante et efficace pour qu'une solution de paix s'impose entre la Palestine et Israël. Quant à l'Union européenne, elle doit rétablir tous les financements de l'Autorité palestinienne.
J'en viens au drame du Darfour qui a fait tellement de morts et de déplacés. Selon la Fédération internationale des droits de l'homme, les violations se sont amplifiées et la situation s'est détériorée en-2007. La Conférence de Paris, en juin dernier, a rendu des conclusions pleines d'espoir et aux termes d'un accord entre l'ONU et l'Union africaine, 20 000 hommes doivent se déployer dans la région. Concernant la France, quid des corridors humanitaires qui devaient être mis en place dans l'urgence ? L'action éminemment condamnable de l'Arche de Zoé ne doit pas remettre en question ce déploiement. Cette affaire a-t-elle eu des conséquences sur les relations entre la France, le Tchad et le Soudan ? Si oui, lesquelles ? A ce sujet, la situation dans cette région est suffisamment dramatique pour ne pas en rajouter dans la qualification génocidaire de cette crise. D'ailleurs, à une question que j'ai posée à la Mme Rama Yade en commission des affaires étrangères, elle m'a répondu -et je m'en félicite- que, pour la France, les évènements du Darfour, certes terriblement dramatiques, ne pouvaient être qualifiés de génocide.
Compte tenu de tout cela, nous avons besoin d'un budget substantiel. Or celui des Affaires étrangères n'augmente que de 1 %. Seul le secteur relatif à l'action diplomatique augmente, de 5 millions. La hausse est d'autant plus faible que ces crédits n'ont cessé de baisser depuis des années. Et que nous propose-t-on ? De rassembler des ambassades de pays différents pour n'en faire qu'une, à l'instar d'un pseudo consulat franco-allemand. Or un consulat ou une ambassade ne servent pas qu'à délivrer des visas, ils contribuent à mettre en oeuvre la diplomatie de la France. Qu'aurions-nous en commun avec les Allemands, si ce n'est l'amitié, pour réunir nos consulats ? Pour nous qui attachons tant d'importance au rayonnement de la langue française, ce projet, s'il était réalisé, serait une faute.
Le personnel dépendant des Affaires étrangères a fait d'énormes sacrifices en subissant les conséquences de réformes successives qui ont supprimé 740 emplois en trois ans. A cela s'ajoute la perte des recrutés locaux. De plus, le personnel s'inquiète des restructurations immobilières engagées. Le transfert entraînera-t-il à nouveau des suppressions de postes ?
La politique immobilière du ministère frise le scandale. Les bureaux de la rue de la Convention achetés 325 millions et ayant appartenu à l'Imprimerie nationale avaient été vendus 85 millions en 2003 ! Je sais que vous n'en êtes pas responsable, monsieur le ministre, mais ces sommes auraient été plus utiles à soutenir, par exemple, l'activité de l'Imprimerie nationale ou à sauvegarder des emplois dans votre ministère ! J'appuie donc la demande du groupe CRC d'ouvrir une commission d'enquête parlementaire à ce sujet.
L'action culturelle de la France est fortement menacée. Une vingtaine de centres culturels ont fermé depuis ces dernières et il ya là un formidable décalage entre les ambitions affichées pour le rayonnement de notre langue et de notre pays et les moyens alloués. La langue française est en recul dans le monde, mais les crédits destinés à la promouvoir représentent environ 15 millions et ceux concernant de l'enseignement du français à l'étranger sont insuffisants pour faire face à l'augmentation du nombre d'élèves. Concernant enfin, l'Aefe, je soutiens la proposition de Mme Cerisier-ben Guiga d'organiser des États généraux en 2008 afin de définir de nouvelles orientations, en matière de financement, de personnel et de politique immobilière.
Compte tenu d'une la situation internationale où les tensions s'amplifient, les discours et les méthodes du chef de l'État, souvent marqués d'excès et d'incohérence, voire de choix politiques en rupture, certes mais en rupture avec la politique d'indépendance de la France vis-à-vis des États-Unis, le groupe communiste républicain et citoyen n'a pas d'autre choix que de voter contre ce budget. (Applaudissements à gauche)
Mme Nathalie Goulet. - Cinq minutes de temps de parole c'est juste assez pour un modeste témoignage et quelques questions.
En compagnie de mon mari le sénateur Daniel Goulet, j'ai parcouru le monde et notamment le Golfe ces dernières années. Nous vous avions rencontrés, monsieur le ministre, à Pristina, sous l'égide de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe avant votre intervention à Strasbourg en janvier 2000 et vous nous aviez résumé la situation ainsi : « Ils ne s'aiment pas, faisons en sorte qu'ils se supportent. »
M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes. - La formule n'est pas mauvaise ...
Mme Nathalie Goulet. - Ce n'est pas immortel, mais c'est efficace, nous le verrons peut-être le 10 décembre prochain ....
L'élection du Président Sarkozy amène une nouvelle ère de rénovation et de dépoussiérage. Pourquoi le Quai échapperait-il à un légitime et diplomatique dépoussiérage ?
J'ai fait un stage d'immersion à la Direction du renseignement militaire. La formation de nos diplomates ignore superbement la notion de renseignement, qui n'est ni dans notre culture ni dans le tronc commun des formations. Je propose donc d'adjoindre dès cette année un module « renseignement » au cursus de formation de nos diplomates, sur le modèle de ce qui existe au Centre de formation interarmées de Strasbourg. Cela donnerait une nouvelle cohérence à l'équipe France, tant le renseignement est la base incontournable de l'action, qu'elle soit diplomatique, économique ou militaire.
Il faudrait aussi vous rapprocher de Mme Lagarde, pour ensemble constituer des missions économiques dignes de ce nom, instaurant des objectifs et des obligations de résultats... comme nos amis italiens. On peut rêver...
Il faut aussi mieux utiliser les moyens humains. Nous rencontrons parfois des ambassadeurs, des attachés culturels ou des chefs de mission économique qui ne parlent pas la langue du pays où ils sont en poste. Nous constatons aussi des erreurs de casting : tel ambassadeur, arabisant émérite, en terre d'Afrique anglophone, tel anglophone non arabisant dans un pays du Golfe d'importance stratégique majeure, ou tel ambassadeur parlant des langues rares, farsi, turc, arabe ou russe, en poste, dans un placard de tel ou tel ministère. Et tel ambassadeur, sans doute l'un des meilleurs spécialistes du monde arabe, ayant cessé d'être bien en cour et qui cultive ses rosiers, sans que notre pays puisse bénéficier de ses compétences et de ses connaissances... Au moment d'optimiser nos moyens, peut-on encore se permettre des choix sur d'autres critères que la compétence ?
Et si nous aidions notre rapporteur général dans sa chasse au gaspi et aux 41 milliards de déficit ? L'Assemblée de l'Union de l'Europe occidentale, chargée des questions de défense, a vu la totalité de ses missions -les missions Petersberg, son objet social en quelque sorte-, transférées au Parlement européen. Cette assemblée, quasi fantôme, se réunit, depuis lors, quelques jours par an pour justifier l'existence de quelques dizaines de fonctionnaires internationaux, pour lesquels la France contribue à hauteur de 2,5 millions et pour un budget annuel total de plus de 7 millions ! Ne pourrait-on mettre un terme à cet inutile acharnement thérapeutique diplomatique ? Si nous devons réfléchir à une défense européenne, 7 millions semblent suffisants pour nourrir un brain trust de prix Nobel !
Nous disposons d'une ambassade de France à Strasbourg pour assurer les relations avec le Conseil de l'Europe, dont les travaux sont, par ailleurs, totalement ignorés. A l'heure du TGV, peut-être pourrions-nous dépêcher un fonctionnaire du Quai d'Orsay, aux réunions, plutôt que d'entretenir une ambassade entière ?
Notre haute administration diplomatique n'est pas une agence de placement ou de réinsertion d'amis en mal d'exotisme. Je ne vise personne mais quid, par exemple, de ce poste d'ambassadeur chargé de la prévention des conflits et dont on ignore d'ailleurs où il était au moment des problèmes au Darfour, au Liban ou en Birmanie ? Si le sujet n'était pas si douloureux, je dirais que sa disparition mérite qu'on affiche son portait aux côtés de celui d'Ingrid Bétancourt... Et il y a encore sans doute beaucoup d'autres postes dont il faudrait évaluer les mérites, mais je m'arrête là...
Je défendrai deux amendements sans grand espoir. Nous souhaitons un rayonnement plus efficace de notre pays. (Applaudissements au centre).
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. - Monsieur le ministre, vous avez la responsabilité de l'administration de près d'1,4 million de Français inscrits dans les consulats, soit la population d'un très gros département... sans oublier les Français qui se figurent le monde conforme aux catalogues de voyage, qui partent à l'aventure et attendent tout, ensuite, des services consulaires.
Ces services, nous dit-on aujourd'hui, coûtent trop cher et ne se justifient plus dans les pays d'Europe -les tâches correspondantes « pourraient être accomplies à Nantes par une plate-forme de télé-administration ». Mais combien coûte l'administration des Français des Bouches-du-Rhône ? Il y a la préfecture, les sous-préfectures, les mairies, les services sociaux du conseil général...
M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial. - Demandez leur suppression !
M. Roger Romani. - Supprimons le pays !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. - Nous ne sommes pas des citoyens à part entière : il y a une énorme disproportion entre les fonds consacrés aux Français de France et ceux consacrés aux Français de l'étranger, sans compter les touristes importuns ! (Marques d'indignation sur les bancs UMP)
On peut moderniser les procédures, comme en témoignent le service de l'état civil à Nantes ou le logiciel d'administration consulaire Racine. Mais ce serait une erreur de supprimer les procédures traditionnelles avant bonne fin de la transposition télématique. Nous avons vécu la crise des passeports en 2005 et 2006, ce fut une sale affaire.
Imagine-t-on confier les services rendus aujourd'hui par les consulats à une grande usine administrative ? Ayez à l'esprit que la démotivation des agents face à une tâche déshumanisée entraîne souffrance au travail et moindre implication.
L'Union européenne existe, les citoyens français n'auraient plus besoin de leur administration propre, avance-t-on encore. C'est faux, même en Allemagne ! On observe des discriminations à l'égard des étrangers. Des Français binationaux, de guerre administrative lasse, se résignent souvent à ne plus avoir que la nationalité de leur pays de résidence ! Nous avons pourtant besoin, n'en déplaise à certains, de Français plurinationaux, binationaux, polyglottes, franco-germano-vénézuéliens ou franco-américains. (Exclamations à droite)
M. Roger Romani. - On a une seule nationalité, une identité nationale, pas vingt-cinq !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. - Croyez-vous en outre que le ministère des affaires étrangères gardera sa substance en dégarnissant les postes d'exécution et d'encadrement intermédiaire ? Il y perdra ce qui fait sa richesse : un personnel adaptable et connaissant une grande diversité de pays. Je m'élève contre la baisse des aides aux personnes en détresse. On renvoie les personnes les plus abîmées par la vie vers les sociétés de bienfaisance : adieu la solidarité nationale, place à la charité publique, nous revoilà au XIXe siècle !
Plus grave encore à mes yeux, les crédits de l'emploi et la formation professionnelle sont en chute depuis 2002, en dépit des résultats remarquables obtenus par nos structures consulaires ou associatives, pour un coût unitaire par placement cinq ou dix fois inférieur à celui de l'ANPE internationale. Pourquoi ruiner cette action sociale si productive ?
Je voudrais, à cet égard, rendre hommage à tous les agents de la direction des Français à l'étranger, à ceux qui « tiennent » face à une masse de travail ingérable dans les consulats d'Algérie et d'Afrique, à ceux qui ont subi le choc, à Rome, à Berlin, à Milan et ailleurs, du surcroît de travail induit par la suppression des autres consulats, aux agents de Paris et de Nantes, qui trouvent des solutions aux difficultés les plus épineuses de nos compatriotes expatriés...
M. Dominique Braye. - Êtes-vous en campagne ?
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. - La baisse des moyens affectés à l'action diplomatique a des conséquences graves également. Trop d'ambassades, dans des pays sensibles ou en crise, fonctionnent avec deux ou trois diplomates -Kaboul par exemple, qui n'a pas davantage de monde que Trinidad-et-Tobago. Aussi grand soit le talent et le dévouement des intéressés, la qualité du travail s'en ressent. Et comment attirer des analystes, des négociateurs, des polyglottes dans un ministère où les perspectives de promotion sont à ce point bloquées ? Le rôle que la France peut jouer dans le rétablissement d'une paix durable dans les Balkans est réduit par des obstacles financiers dérisoires. La formation en langue française des officiers des armées de cette région, je pense à la très francophone Albanie, est supprimée parce que 20 000 euros disparaissent du budget !
Quelques questions sur la situation internationale, monsieur le ministre. Dans les Balkans, comment voyez-vous l'évolution de la situation au Kosovo ? Que pouvez-vous nous dire huit jours après l'échec de l'élection d'un président de la République au Liban ? Vous étiez à la réunion d'Annapolis : j'ai été étonnée de vous voir si satisfait du résultat.
M. Bernard Kouchner, ministre. - Je suis ainsi : la paix me satisfait toujours un peu...
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. - La déclaration finale écarte l'Europe, donc la France, ainsi que les pays arabes, des négociations futures, placées sous un strict contrôle américain ! Tout retour à la légalité internationale définie par l'ONU devient impossible ! La base territoriale d'un État palestinien a disparu du fait de la colonisation et de la construction du mur. Et pourtant on continue à alimenter le mythe d'un processus de paix. La France se fait complice de l'occupation en laissant Alsthom construire le tramway de Jérusalem destiné aux seuls colons de French Hill et en faisant signer le contrat en présence de son ambassadeur. La politique française à l'égard du Moyen-Orient n'est-elle pas en train de perdre sa crédibilité et son originalité ? Enfin, quelle est la légitimité de la conférence des donateurs qui va bientôt se réunir à Paris ? L'État d'Israël asphyxie l'économie palestinienne et fait financer son occupation militaire et sa conquête territoriale de la Cisjordanie par la communauté internationale ! Cessons de nous prêter à ce jeu !
Pour conclure, le groupe socialiste est inquiet, réticent, parfois en désaccord, avec la nouvelle politique étrangère de la France. Ce budget réduit excessivement les moyens de vos services, c'est pourquoi nous voterons contre. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Robert del Picchia. - Je commencerai par évoquer la mesure phare pour toutes les familles françaises établies à l'étranger : la prise en charge et non la « gratuité » des frais de scolarité dans les établissements français à l'étranger, cette année, pour les classes de terminale, avant une extension aux classes de première et seconde. Nicolas Sarkozy, candidat à l'élection présidentielle, a voulu cette réforme, il tient sa promesse.
M. Jean-Louis Carrère. - Merveilleux !
M. Robert del Picchia. - Les familles expatriées se réjouissent de cette mesure.
M. Dominique Braye. - Très bien !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. - Pas les fédérations de parents d'élèves !
M. Robert del Picchia. - Il est peut-être possible d'améliorer le dispositif ? M. le rapporteur spécial nous a indiqué que des montants excessifs étaient prévus pour certains établissements. On nous a répondu qu'un plafond de remboursement n'était pas envisageable...
Il faudra bien pourtant en fixer un ; pour en déterminer la hauteur, nous devrons consulter le conseil d'administration de l'Aefe et obtenir l'accord de l'Élysée et du Quai d'Orsay. Je suis certain que nous parviendrons à un compromis. Les écoles sont gratuites en France, tandis qu'elles sont toutes de droit privé à l'étranger. C'est un fait ! Il faut composer avec cette réalité. Bref, je ne doute pas que tous les représentants des Français de l'étranger se rallieront à l'idée d'un plafond.
Je m'étonne que cette mesure fasse encore débat. Elle entraînera une augmentation des frais de scolarité, s'exclament certains. Mais, elle ne concerne que les classes de seconde, de première et de terminale ! Pour parler honnêtement, car le temps des faux-semblants est passé,... (Marques d'ironie sur les bancs socialistes)
M. Dominique Braye. - Il faut toujours être transparent !
M. Robert del Picchia. - ... c'était la solution la moins coûteuse pour l'État, car les élèves sont moins nombreux. De plus, il était logique d'exonérer de frais de scolarité un élève de terminale dont les parents ont contribué financièrement depuis onze ans à la bonne marche de l'établissement, plutôt qu'un élève de CM1 ! Quant aux entreprises françaises, elles continueront de financer la scolarité des enfants de leurs cadres expatriés, sauf pour les élèves de terminale. Bref, arrêtons de tirer la sonnette d'alarme ! La question des bourses doit être traitée séparément. Si elles augmentent fortement, il sera toujours temps de traiter le problème lors du collectif budgétaire.
M. Jean-Louis Carrère. - Après les municipales ! (Sourires)
M. Robert del Picchia. - J'en viens à notre réseau consulaire. Les représentants de l'Assemblée des Français de l'étranger s'interrogent sur le coût des consulats à gestion simplifiée, qui n'effectuent pas les tâches classiques d'état civil et ne sont pas utiles aux ressortissants français. Quelles activités justifient les crédits très importants qui leur sont alloués ? Il ne s'agit pas d'en récuser le principe, mais nous avons besoin d'une explication claire. Par ailleurs, on s'interroge toujours sur l'évolution du réseau consulaire.
Autre difficulté, le paiement de l'indemnité mensuelle des élus à l'Assemblée des Français de l'étranger. Cette année, une dotation de 3,4 millions est prévue pour cette Assemblée à la sous-action 2 « Offre aux Français à l'étranger de services publics administratifs » et il est précisé, dans le projet annuel de performance, que ce montant prend en compte la réévaluation des indemnités depuis juillet 2006. La mise en paiement de l'indemnité fait l'objet de retards récurrents, entre autres, parce qu'un décret n'était pas paru. Pour remédier à cette situation, j'ai proposé, par une proposition de loi déposée le 14 juin dernier, d'inscrire dans le marbre législatif le principe de l'indemnité mensuelle complémentaire. Le problème a été réglé en 2007. Mais quid de l'an prochain ?
Enfin, le vote par internet, dont on parle rituellement avant chaque renouvellement de l'Assemblée des Français de l'étranger, mais trop tard pour qu'il soit mis en oeuvre véritablement. Nous devons y réfléchir maintenant pour les prochaines élections de juin 2009. Je propose de créer un comité de suivi, composé d'élus de l'Assemblée, qui participera à la définition du cahier des charges du vote par internet. En 2009, l'accent doit être mis sur la participation, et non comme en 2006 sur la sécurité du vote. D'une élection à l'autre, les crédits du vote par internet étaient passés de 70 000 euros à 2 millions, sans augmenter le nombre des électeurs, qui était resté de 14 000. Ensuite, il faut préciser de manière pérenne les conditions du vote dans un décret. Pour l'instant, le Conseil d'État doit prendre un nouveau décret à chaque vote.
Monsieur le ministre, soyez sûr que je transmettrai toutes les réponses que vous m'apporterez aux Français de l'étranger ! (Applaudissements à droite et au centre)
M. André Rouvière. - Je concentrerai mon propos sur les Opex. Ces opérations, qui duraient autrefois quelques mois, au plus quelques années, ont tendance à s'étendre dans le temps. Nous apprenons, hélas !, leur engagement par la presse, mais nous ne savons jamais quand elles prendront fin.
M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes. - C'est impossible de le prévoir !
M. André Rouvière. - J'en veux pour preuve les opérations au Liban, au Kosovo ou en Afghanistan. Mais l'on pourrait également citer les interventions en Palestine, en Irak et au Darfour. Avant d'engager ces opérations coûteuses, ne serait-il pas préférable de consulter le Parlement pour mieux cerner les conditions de ces opérations ? En effet, aujourd'hui, l'aspect militaire n'est plus prédominant. Pour régler un conflit, il faut prendre en compte des situations complexes. Pour illustrer mon propos, je prendrai deux exemples. Premièrement, le Kosovo. La présence des troupes françaises sur ce territoire depuis septembre 1999 est appréciée, mais l'ONU n'a pas exigé qu'Albanais et Serbes apprennent la langue de l'autre.
M. Bernard Kouchner, ministre. - Ils ne le veulent pas !
M. André Rouvière. - Les enfants vont dans des écoles séparées. S'ils ne peuvent communiquer, comment feront-ils pour vivre dans une même commune, voire dans un même immeuble ?
M. Bernard Kouchner, ministre. - Ce qu'ils veulent, c'est la séparation !
M. André Rouvière. - Je n'ignore pas que des écoles communes n'auraient pas suffi à créer le Kosovo multiethnique que chacun espère, mais cela aurait aidé. Deuxièmement, l'Afghanistan. L'Otan a autorisé le Président Hamid Karzaï à réarmer les chefs de guerre. C'est surprenant et dangereux. A-t-on jamais obtenu la paix en distribuant des armes à des groupes antagonistes ?
Bref, compte tenu de la durée indéterminée des Opex, des risques qu'elles représentent pour les vies humaines, de la menace des fanatismes et de leur coût grandissant, il est scandaleux que le Parlement apprenne leur existence par la presse quand celui-ci, par ses débats, pourrait rétablir le lien entre Nation et armée que vous avez imprudemment coupé en supprimant le service militaire obligatoire. (M. Bernard Kouchner, ministre, s'exclame) Le Parlement ne doit plus être tenu à l'écart de décisions aujourd'hui prises par le seul Président de la République. Les crédits inscrits dans ce budget pour les Opex, plus de 375 millions, ne correspondent pas aux montants qui seront réellement engagés, chacun le sait. Personne ici ne connaît le montant exact des opérations au Liban, en Afghanistan ou encore au Kosovo ! Cette opacité est contraire aux règles de transparence financière que vous avez adoptées. Monsieur le ministre, quand le Parlement pourra-t-il enfin jouer le rôle qui lui revient ? (Applaudissements à gauche ; M. Jean-Pierre Cantegrit applaudit également)
M. Jean-Louis Carrère. - L'examen de ce texte s'inscrit dans un contexte spécifique : il s'agit du premier budget du quinquennat Sarkozy. Le vent de l'alignement transatlantique souffle très fort. Les troupes françaises sont en Afghanistan dans une opération assez mal définie sous commandement de l'Otan, et les annonces de la campagne électorale pour la révision de la participation française s'éloignent. La politique étrangère est verrouillée par des émissaires très spéciaux et par la proclamation urbi et orbi d'une « rupture » qui tarde à se manifester, notamment à l'égard de l'Afrique.
Cette politique est active, certes, mais semble retrouver une fierté nationale dans le nombre des commandes passées par les pays étrangers par notre « super-vendeur »... Cet aspect « mercantile » constitue-t-il le seul message porté par notre diplomatie ? A contrario, cette politique est avare en propositions nouvelles sur le désarmement, le combat contre la pauvreté, la lutte contre la prolifération nucléaire -d'ailleurs, faut-il vendre des centrales nucléaires à n'importe quel État ? Loin de la rupture annoncée, ce budget s'inscrit dans la continuité, qu'il décline dans des travers déjà constatés dans ce projet de loi de finances. Insuffisance, injustice et insincérité caractérisent un budget qui sera revu et corrigé après les élections municipales. Courageux, mais pas téméraire !
Le paradoxe de la mission « Action extérieure de l'État » réside dans le fait qu'un si petit budget est consacré à une très grande mission, qui relève des fonctions régaliennes de l'État : représenter la France, faire vivre sa politique extérieure, participer à la construction de l'Europe, développer notre puissance culturelle vers l'extérieur pour rayonner sur la scène mondiale. Vu la maigreur des crédits, le ministère des affaires étrangères n'aura pas les moyens d'accomplir cette haute mission, au moment où les projets s'accumulent : Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, Livre blanc sur la politique étrangère et européenne, réforme des services de renseignement, etc. Je crains que ce vent de réformes venu de Bercy ne réponde qu'à une stricte logique comptable qui, loin de résoudre les problèmes posés, ne fera qu'accentuer les tensions budgétaires.
Va-t-on continuer la politique de « coupes claires » dans le réseau et la réduction des effectifs ? Peut-on mettre en oeuvre une grande « politique étrangère et européenne » en faisant des économies de bouts de chandelle ? Sous des dehors de réforme et de modernisation, c'est toujours une farouche volonté de déconstruire l'Etat qui anime ce Gouvernement. Or cette thérapeutique peut tuer le malade. Même si parfois la solidarité majoritaire oblige à quelques euphémismes diplomatiques et à des contorsions sémantiques, les rapporteurs ont évoqué le déclin irrémédiable de notre politique culturelle, scientifique et d'éducation à l'extérieur, la sous-estimation de nos contributions obligatoires, le financement chaotique de notre audiovisuel extérieur, la diminution de 6 % des crédits de coopération militaire, l'affaissement des crédits consacrés à l'aide au développement... En outre, le nouveau ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du co-développement disposera pour cette dernière action de crédits d'environ 25 millions d'euros alors que la politique d'aide au développement continue de relever de la responsabilité du ministère des affaires étrangères. En déshabillant une mission budgétaire déjà mal en point, on nuit à la cohérence et à la visibilité de l'action de ce ministère.
Monsieur le ministre, comment allez-vous faire pour mener une politique efficace en matière de visas et mettre en pratique les tests ADN ? Quels malheurs sortiront de cette boîte de Pandore ? L'image de la France est en jeu. Le budget que vous nous présentez ne permettra pas de mener une politique extérieure adaptée aux nécessités. Vous faites preuve d'une grande volonté politique, très médiatisée, certes, mais louable. Hélas, les moyens de votre ministère suivront difficilement. En homme d'expérience, vous savez que la volonté sans les moyens risque de se transformer en stérile gesticulation. (Applaudissements à gauche)
M. Jean Besson. - Dans le délai qui m'est imparti, iI serait illusoire de penser établir un état des lieux exhaustif de la francophonie et de son financement, d'autant plus que, dans la nouvelle nomenclature, quatre missions contribuent à cette action : « Aide au développement », « Action extérieure de l'Etat », « Culture » et « Médias ».
En dehors de son architecture complexe, le budget pour la francophonie présente des aspects contrastés. Je me réjouis du maintien des crédits alloués à la francophonie institutionnelle : 58,4 millions d'euros seront attribués à l'Organisation internationale de la francophonie (OIF) et à ses opérateurs, telles l'Agence universitaire de la francophonie ou bien l'Association internationale des maires francophones. Je tiens, monsieur le ministre, à attirer votre attention sur le rôle grandissant des collectivités territoriales et de leurs réseaux dans ce domaine. L'avenir de la francophonie se jouera à des niveaux d'intervention de plus grande proximité. Par les compétences et les moyens qu'elles consacrent à la coopération internationale, les communes et les régions impulseront un nouvel élan. L'Association internationale des régions francophones s'y emploie avec succès, sous l'impulsion notamment de la région Rhône-Alpes.
La francophonie institutionnelle se porte plutôt bien et les initiatives sont nombreuses. Ainsi, la création de la Maison de la Francophonie réunira sur un site unique l'OIF et différentes institutions francophones. Toutefois, son lieu d'implantation a été récemment remis en cause. Sous la présidence de Jacques Chirac, le Gouvernement avait choisi un bâtiment situé avenue de Ségur. Du fait d'une sous-estimation du coût des travaux, le choix du site reste en suspens. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous apporter des éléments d'information à ce sujet ?
En raison du manque de visibilité à long terme et de l'insuffisante mutualisation des moyens, le groupe socialiste votera contre le budget pour la francophonie. Pour conclure sur une note plus positive, je citerai Boutros Boutros-Ghali, ancien secrétaire général de l'OIF qui, dès 1995, prédisait que « La francophonie du troisième millénaire sera imaginative et subversive ou ne sera pas ». Nous espérons que cette citation inspirera votre action future, monsieur le ministre, afin de donner à la francophonie un supplément de popularité. (Applaudissements à gauche)
M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes. - J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt vos interventions et j'ai pris connaissance des travaux du rapporteur spécial et de ceux des rapporteurs pour avis. Je les remercie pour la qualité de leurs rapports. Je fais miennes la plupart des questions, des remarques, des préoccupations que vous exprimez. Nous sommes mus par le même objectif : garantir des moyens adéquats pour notre diplomatie et vérifier que nos objectifs et nos modes d'action sont en phase. Je répondrai aussi précisément que possible à vos différentes interventions, en les regroupant autour de cinq thèmes : le réseau et son évolution, les moyens et les effectifs, les contributions aux organisations internationales et aux opérations de maintien de la paix, les affaires consulaires et la politique des visas, et enfin la diplomatie culturelle et ses orientations.
Plusieurs d'entre vous, dont MM. Gouteyron et Pozzo di Borgo, l'ont rappelé : le réseau diplomatique français est le deuxième par sa taille après celui des Etats-Unis. Est-ce un atout ? Oui. Faut-il le conserver en l'état ? Non. En avons-nous encore les moyens ? Voire... Dans chacun de mes déplacements, je mesure combien notre diplomatie, notre voix dans le monde sont tributaires d'une présence forte partout où nous devons faire prévaloir nos intérêts, politiques mais aussi économiques et culturels. Toutefois, des réorientations sont indispensables parce que le monde bouge.
Il faut un réseau mondial pour être présent au niveau mondial ; je rejoins M. Gouteyron sur le réseau diplomatique universel. La France, en effet, ne peut vouloir en même temps s'adapter à la mondialisation et se rétracter. Cependant, nous ne pouvons être présents partout de la même manière, ainsi que l'a dit M. Pozzo di Borgo. Notre dispositif actuel, trop rigide, doit évoluer, aller vers les pays émergents ; j'ai récemment constaté en Chine que nous y avions acquis une présence significative. Nous devons définir un réseau souple, modulable, mais la rationalisation interministérielle est plus facile à souhaiter qu'à faire ; on ne l'a d'ailleurs jamais réalisée. Nous rencontrons la résistance farouche de certains départements ministériels mieux dotés que nous et nous heurtons au mur de la tradition et de la facilité. Notre présence doit prendre la forme d'une équipe de France interministérielle, à la fois bureau conseil et maison des droits de l'homme, accessible aux entreprises comme aux ONG, aux collectivités locales comme aux universités.
Se pose aussi la question de notre réseau en Europe. Nous y avons besoin d'ambassades fortes, car l'Europe est notre premier horizon. Mais certaines comptent 300 à 400 agents et les chefs de poste vous diront que tous les effectifs ne sont peut-être pas nécessaires Le tropisme de tous les ministères à être représentés n'est pas raisonnable et des redéploiements sont à poursuivre afin de se renforcer ailleurs, en Inde par exemple. (M. Pozzo d Borgo s'en réjouit)
Il faut tirer avec pragmatisme les conséquences de la construction européenne sur le réseau consulaire, comme nous l'avons fait hier à Nice avec l'Italie qui a plus de consulats chez nous que l'inverse. Certains consulats ne sont pas très utiles et l'on pourrait répondre à certaines demandes par internet ou bien répondre chacun aux demandes faites à l'autre.
Je conviens que l'expression « consulats à gestion simplifiée » n'est pas très heureuse. Ce qui importe est la présence culturelle et politique. La France doit être présente en Catalogne ! Toutes ces réflexions alimenteront le Livre blanc sur la politique étrangère et européenne. La commission présidée par Alain Juppé et Louis Schweitzer rendra ses conclusions à l'été. J'ai tenu à ce que votre Haute assemblée y soit représentée et M. Jean François-Poncet ainsi que Mme Catherine Tasca y contribuent activement. Il conviendra de l'articuler avec le Livre blanc de la défense.
Je ne puis qu'approuver vos observations sur l'ampleur sans cesse croissante de nos misions et la modestie de nos moyens. La France consacre 1,5 % de son budget à la diplomatie. A structure constance, la progression s'établit à 1,7 %. Est-ce assez ? Je ne vais pas répondre oui... Pouvait-on avoir plus ? Je ne le crois pas. Je me suis battu comme un beau diable pour sauvegarder l'essentiel ; honnêtement, je crois avoir réussi. En augmentant de 3,7 %, le budget de l'action extérieure, dont le Quai d'Orsay est le chef de file, ne réduit pas la voilure. Malgré cette augmentation significative, il y aura de nouvelles diminutions d'effectifs : 234 équivalents temps plein seront supprimés, soit 1,5 % des effectifs. La baisse depuis dix ans atteignant 12 %, une limite sera bientôt atteinte, si elle ne l'a pas déjà été. Une autre approche est possible, en réorganisant notre présence dans le monde. Il ne faut pas se leurrer, la règle du non remplacement d'un départ à la retraite sur deux s'appliquera au ministère des affaires étrangères. Il convient donc d'anticiper cette évolution.
Le contrat de modernisation 2006-2008 signé avec Bercy a garanti nos moyens de fonctionnement sur trois ans, il a accru la souplesse de gestion tout en contribuant à accroître les gains de productivité. Ma lettre de mission prévoit la négociation d'un nouveau contrat de modernisation, que je souhaite plus ambitieux et sur lequel je vous fournirai, le moment venu, toutes les informations nécessaires.
Même si beaucoup reste à faire, d'importants progrès ont été accomplis dans la gestion de l'immobilier ; à Paris, le regroupement de nos neuf implantations sur deux sites permettra une sensible amélioration. Je rejoins totalement les observations de M. Pozzo di Borgo. J'entends confier la gestion du parc immobilier à un opérateur extérieur qui travaillera, bien entendu, sous le contrôle de l'État. Les Anglais procèdent ainsi ; il ne s'agit nullement de déposséder l'État de ses prérogatives !
A Paris, le regroupement des locaux améliorera les conditions de travail du personnel et la productivité. Je vous engage à visiter le chantier de la Convention : vous serez impressionnés ! Vous pouvez aussi visiter celui de la Courneuve, destiné à abriter les riches archives du ministère. Théoriquement, les services s'installeront dans les nouveaux locaux en 2008-2009.
Je remercie M. Gouteyron de m'avoir alerté sur la question de la Maison de la francophonie lors de notre première rencontre en juillet. Depuis, le dossier a avancé. Dans quelques jours, la mission conjointe de l'Inspection des finances et de l'Inspection des affaires étrangères, appuyées par le Conseil général des ponts, rendra ses conclusions au Gouvernement. Toutes les formules de localisation possibles seront passées en revue et analysées, y compris celle de l'avenue de Ségur, chacune avec ses avantages et ses inconvénients. Au vu de ce rapport, le Premier ministre arrêtera ses décisions, je l'espère, d'ici la fin de l'année. Bien entendu, les engagements de la France seront tenus, comme je l'ai dit au Président Adbou Diouf mercredi.
MM. Gouteyron et Pozzo di Borgo m'ont interrogé sur nos contributions aux organisations internationales : au cours de ces dernières années, un écart préoccupant a été constaté entre les crédits prévus pour que la France soit en mesure de payer ses quotes-parts aux organisations internationales et les besoins réels de financement. Cette situation n'est pas tenable, et votre Haute assemblée s'en est à juste titre inquiétée. J'ai fait en sorte, lors de la préparation cet été du budget 2008, pour que cette situation soit corrigée et il a été décidé d'affecter 40 millions supplémentaires à ces contributions. Mais, plusieurs d'entre vous ont souligné que se posait dès maintenant la question du financement en 2008 de l'opération de maintien de la paix au Darfour. Je tiens à le redire avec force : le déploiement de la force hybride au Darfour et celui de la force européenne dans l'est du Tchad et en RCA constituent tous deux un impératif pour tenter de stabiliser enfin cette région, prévenir de nouveaux afflux de réfugiés et créer les conditions d'un accès des organisations humanitaires aux populations. Pour l'instant, il n'y a pas de quoi se vanter.
Il nous faut connaître avec plus de précisions le coût de ces opérations qui fait encore l'objet de discussions à New York. Une première estimation de la quote-part française à l'opération Darfour se monte à 110 millions. Elle doit encore faire l'objet de validation avec les instances de l'ONU. Le Parlement a souhaité que le Gouvernement prenne les mesures nécessaires en vue de sa couverture financière dès la loi de finances initiale. J'ai le plaisir de vous informer, comme l'a fait mon collègue Woerth auprès du président Arthuis, que le Gouvernement amendera dans les tous prochains jours ce projet de loi de finances afin d'inscrire des crédits complémentaires, en sus des 40 millions déjà prévus, afin de couvrir l'opération de maintien de la paix au Darfour. (Mme Cerisier-ben Guiga et M. Gouteyron s'en félicitent) Je vous précise que le collectif budgétaire 2007 ouvre 117 millions de crédits supplémentaires au titre de nos contributions internationales, de sorte que la France puisse être totalement à jour de ses paiements aux Nations Unies et aux autres organisations internationales d'ici la fin de cette année. Vous conviendrez que nos avons fait ce que nous pouvions !
J'en viens maintenant aux questions relatives aux Français de l'étranger et aux étrangers en France. Votre assemblée porte une attention très particulière à ces questions et je voudrais saluer le travail inlassable que fournissent les sénateurs qui représentent les Français hors de France.
Un point d'abord sur la question de la scolarité à l'étranger et sur l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (Aefe), sujets qui sont au coeur de vos préoccupations. M. Gouteyron a évoqué une sorte de « quadrature du cercle », M. Assouline a parlé d'un « modèle en péril » et Mme Cerisier-ben Guiga s'est interrogée sur la capacité de l'Aefe à faire face à ses obligations. Nous sommes effectivement à la croisée des chemins. Nous avons un double devoir : celui de garantir les conditions d'accès à l'enseignement français pour l'ensemble des familles françaises qui résident à l'étranger et celui de maintenir cette formidable vocation de notre réseau de lycées à l'étranger à scolariser des enfants étrangers. J'arrive d'Éthiopie, où il y a une demande considérable d'enseignement français. Nous négligeons ce pays alors qu'il fait partie des cinq pays majeurs de l'Afrique. Il nous demande en permanence des enseignants français, ils veulent créer une école normale pour former des enseignants en français et nous sommes incapables de répondre à ces demandes. Nous devons prendre en compte ces attentes, mais nous risquons, face à la saturation de notre dispositif, d'être de moins en moins capables d'honorer cette double mission.
C'est pourquoi j'ai souhaité qu'un débat de fond soit engagé sur l'avenir de notre enseignement français à l'étranger, les modalités de son organisation, et les conditions de son financement. J'ai décidé de mettre en place, si possible d'ici la fin de l'année, un comité de réflexion qui pilotera cet exercice duquel devra sortir un plan stratégique pour l'enseignement français à l'étranger que je soumettrai ensuite au Premier ministre et au Président de la République, comme cela m'a d'ailleurs été demandé dans ma lettre de mission. Votre assemblée sera bien évidemment conviée à participer à ce comité de réflexion.
Plusieurs d'entre vous ont évoqué la mise en oeuvre en 2008 de l'engagement pris par le Président de la République d'assurer la prise en charge de la scolarité des élèves français dans nos lycées à l'étranger. Nous commençons, dès le rentrée scolaire 2007, par la prise en charge du coût de la scolarité pour les élèves de terminale, avec l'objectif d'étendre progressivement cette mesure aux autres classes. C'est un effort réel qui mobilisera 20 millions de crédits supplémentaires. Ce n'est un secret pour personne : ce n'était pas la solution que j'avais préconisée ; le système des bourses me semblait préférable. Mais il s'agit d'un geste fort et significatif et qui est très bien accueilli par les familles. Il est tout de même légitime de poser la question des limites, car le dispositif financier ne pourra pas suivre et nous risquons l'explosion des frais de scolarité.
M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial. - Tout à fait !
M. Bernard Kouchner, ministre. - Nous engageons un réel effort de remise à niveau de nos lycées sur le plan immobilier : 8,5 millions supplémentaires seront prévus à ce titre et constituent la première tranche d'un effort indispensable, qui n'a été que trop longtemps différé. Je voudrais sur ce point rassurer M. Assouline : l'effort amorcé en 2008 devra être poursuivi dans la durée, compte tenu de l'ampleur des besoins, notamment en matière de sécurité.
J'en viens à notre politique des visas. Le budget 2008 traduit les conséquences de la création du ministère de l'immigration, avec transfert vers ce ministère des moyens jusque-là inscrits au budget des affaires étrangères au titre de l'asile et du service des visas à Paris et à Nantes. Il est essentiel que le ministère des affaires étrangères et européennes conserve une responsabilité importante en matière de politique des visas, (Mme Cerisier-ben Guiga applaudit) car il ne s'agit pas simplement de considérations migratoires mais également d'éléments qui touchent à nos relations politiques voire parfois à la sécurité nationale. MM. Prodi et Fillon se sont récemment mis d'accord sur la régulation des flux migratoires entre nos deux pays : comme quoi on peut parfois s'entendre entre gauche et droite... mais je ne vous entrainerai pas dans ce débat. (Sourires)
M. Jean-Louis Carrère. - Il est compliqué !
M. Bernard Kouchner, ministre. - Nous avons atteint, lors des discussions sur les attributions confiées à M. Hortefeux, un bon équilibre avec le principe d'une responsabilité conjointe sur la politique des visas. Le fonctionnement et les moyens de nos consulats continueront donc à relever du Quai d'Orsay.
J'ai bien entendu les observations de M. Assouline sur l'accueil des étudiants étrangers en France et sur les conditions de délivrance des visas à leur profit. Il est vrai qu'il nous faut en ce domaine une politique plus ambitieuse et des conditions d'accueil meilleures. Comme l'a dit le Président de la République, les campus vont devoir être améliorés : quand on les compare aux campus étrangers, on est frappé l'aspect souvent épouvantable qu'ils ont chez nous. Il n'est pas question de ramener la dimension essentielle de notre attractivité à une simple approche migratoire. Campus-France est une première réponse au défi que nous devons relever de faire à nouveau de notre pays une destination privilégiée pour les étudiants étrangers. Vous avez de ce point de vue raison d'insister sur la nécessité d'étendre au sein de nos ambassades les centres pour les études en France qui ont significativement contribué à améliorer l'accueil des étudiants étrangers.
Quelques commentaires, enfin, sur notre diplomatie culturelle.
Vos deux rapporteurs, M. Assouline et Mme Cerisier-ben Guiga, ont très justement souligné l'originalité de nos actions dans ce domaine mais aussi la nécessité de clarifier nos priorités et notre organisation, tout en regrettant la modicité des moyens que nous y consacrons.
J'attache une importance toute particulière à notre politique culturelle, qui constitue l'originalité de notre diplomatie autant que son indispensable accompagnement. Nous avons un intérêt fondamental, et même stratégique, à maintenir une présence culturelle forte, à promouvoir dans la mondialisation notre conception de la diversité culturelle, à valoriser nos idées, nos concepts, nos savoirs. Bref, il s'agit d'accompagner nos intérêts politiques par ce que j'appelle une diplomatie publique d'influence.
M. Assouline a parlé d'une réforme inachevée de notre réseau culturel. Mme Cerisier-ben Guiga a déploré, à juste titre, l'érosion des budgets que l'État consacre à sa diplomatie culturelle. Les moyens que nous consacrons à cette ambition française sont effectivement limités : de l'ordre d'une centaine de millions d'euros inscrits sur le programme « Rayonnement culturel », soit du même ordre de grandeur que la subvention de l'État à l'Opéra de Paris. Nous avons réussi à maintenir les crédits au même niveau qu'en 2007, ce qui n'a pas été facile mais ce qui n'est pas non plus suffisant.
Cela étant, je partage vos analyses : notre dispositif doit impérativement évoluer. Nous y travaillons d'ailleurs avec le recentrage de la direction générale de la coopération internationale et du développement vers son métier de pilotage stratégique et de tutelle des opérateurs, avec la concentration accrue de nos moyens en fonction de véritables priorités géographiques, avec la réorganisation de notre réseau culturel en lui conférant plus de souplesse : il faudra en effet mettre fin à tous les doublons entre les centres culturels et les alliances françaises. Je sais, ce ne sera pas facile, car il ne s'agit pas seulement d'harmoniser mais de renforcer notre présence culturelle. Il nous faudra aussi être capable de générer davantage d'autofinancement et d'évoluer vers des partenariats de tous ordres avec des institutions étrangères : telles sont les orientations de la politique que je compte mettre en oeuvre dans ce domaine.
M. Assouline et Mme Cerisier-ben Guiga se sont exprimés sur Culture-France. Je pense que sa création était nécessaire même s'il faut amener cet opérateur à concentrer ses activités sur un nombre de priorités mieux définies. C'est l'objet du contrat d'objectifs et de moyens que mes services ont passé cette année avec Culture-France. Il faut aussi s'interroger sur le statut de cet opérateur et je rejoins votre analyse sur le fait que son statut actuel de simple association loi de 1901 limite probablement ses capacités d'action. Faut-il pour autant passer au régime d'établissement public ? Au moment où nous réfléchissons intensément à la réorganisation de nos dispositifs dans le contexte de la revue générale des politiques publiques, il est prudent d'attendre les décisions qui seront prises d'ici mars prochain.
Je reste convaincu de l'intérêt de la proposition de loi de M. Duvernois, que vous avez déjà votée.
L'audiovisuel extérieur n'est pas détachable de notre action extérieure, tout simplement parce que la bataille des idées se gagne par les images, non seulement à la télévision, mais aussi sur internet et à la radio ! Chaque année, vous dénoncez le manque de moyens pour l'audiovisuel extérieur ; nous avons confié une mission sur le sujet à M. Bénamou qui a remis hier ses conclusions au Président de la République.
M. David Assouline, rapporteur pour avis. - Le Parlement n'a pas été consulté !
M. Bernard Kouchner, ministre. - Des orientations sont tracées, le dossier est entre les mains du Président de la République : il s'agirait de créer une instance de pilotage commune à tous les opérateurs de radio et télévision et d'utiliser davantage les nouveaux médias pour la diffusion des contenus francophones.
M. David Assouline, rapporteur pour avis. - Tout est dans la presse !
M. Bernard Kouchner, ministre. - Vous en discuterez le moment venu, de même que nous consulterons les syndicats ! Nous n'allons pas en décider en un jour, il s'agit pour le moment de propositions ! Je peux vous en informer plus en détail, mais on me dit qu'il faut finir à 13 heures...
M. Dominique Braye. - Exactement !
Mme Nathalie Goulet. - Donnez-nous un peu de détail quand même !
M. Bernard Kouchner, ministre. - Les trois entités RFI, TV5 et France 24 seront conservées, mais nous proposerons aux journalistes de RFI de travailler aussi à la télévision s'ils le souhaitent et après formation. La réforme sera progressive et elle ne présente aucun danger !
Monsieur Pozzo di Borgo, les relations nouvelles que nous entretenons avec les États-Unis ne signifie en rien un alignement sur les Américains !
M. Yves Pozzo di Borgo. - Je ne l'ai pas dit !
M. Bernard Kouchner, ministre. - Ce qui se passe, c'est que nous ne faisons pas de l'antiaméricanisme le socle de notre diplomatie. Et la confiance rétablie nous donne plus de champ pour dire nos points de désaccord, quand nous en avons, avec nos amis américains. Nous l'avons expérimenté pour le changement climatique : nous sommes les seuls à pouvoir faire bouger les Américains sur le sujet ! Pour le Liban, c'est en accord avec les États-Unis que nous avons installé le groupe d'action de la Celle Saint-Cloud, ouvert à tous les Libanais, y compris au Hezbollah.
Annapolis ne serait pas un succès ? Ne soyez pas plus palestinien que les Palestiniens ni plus israélien que les Israéliens : ils espèrent dans les résultats du processus engagé ! Quant à l'Europe, elle a pris toute sa place à Annapolis. Ce qui est nouveau, c'est que la création d'un État palestinien a été décidée par deux hommes, Abou Mazen et Ehoud Olmert qui, peut-être parce que chacun est affaibli dans son propre camp, ont besoin l'un de l'autre. Les États-Unis ont organisé la rencontre, et c'est à Paris que les donateurs tiendront leur conférence le 17 décembre, pour soutenir les projets qui donneront corps à cet État palestinien. Alors, de grâce, espérons dans la réussite de ce processus ! Les réactions en France m'ont surpris.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. - Il faudrait que la colonisation s'arrête !
M. Bernard Kouchner, ministre. - C'est grâce à notre opiniâtreté que le Premier ministre israélien a ajouté à la déclaration, le dernier jour, que la colonisation était gelée et que le démantèlement des colonies illégales était en cours ! C'est déjà un résultat !
M. Charles Josselin. - S'il a autant d'effet que les résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU...
M. Bernard Kouchner, ministre. - Donnons une chance à la paix, il arrive qu'elle l'emporte sur la guerre ! (Applaudissements sur plusieurs bancs à droite et au centre) Bien sûr, il n'y a aucune garantie, je peux me tromper !
M. Robert Hue. - Ici, nous ne voulons pas avoir raison !
M. Bernard Kouchner, ministre. - Établir des relations normales avec les États-Unis, cela ne signifie pas que nous soyons d'accord sur tout, mais quand nous le sommes, il n'y a rien de mal à le dire !
M. Roger Romani. - Il faut dire aussi quand nous ne sommes pas d'accord pour l'Irak !
M. Bernard Kouchner, ministre. - Nous l'avons dit ! Nous espérons que la dernière résolution du Conseil de sécurité donnera plus de liberté aux Irakiens. Faute de temps, je ne peux aborder tous les sujets...
M. Jean-Pierre Cantegrit. - Et la protection sociale des Français de l'étranger ?
M. David Assouline. - Et l'indicateur de Shanghai ?
M. Bernard Kouchner, ministre. - C'est tout à l'honneur de notre pays, monsieur Cantegrit, de se préoccuper de la situation de ses compatriotes à l'étranger. Je suis d'accord avec vous, il faut faire plus, même si la France est le seul pays à faire autant ! De même, il faut améliorer l'accessibilité de nos établissements scolaires aux handicapés : nous inclurons ce volet dans notre plan de développement du réseau de l'AEFE. Mon ministère ne peut pourvoir davantage la caisse des Français de l'étranger cette année ; je vous propose un rendez-vous pour 2009 !
M. Jean-Pierre Cantegrit. - Très bien !
M. Bernard Kouchner, ministre. - Monsieur del Picchia, les indemnités des élus des Français de l'étranger sont intégralement financées pour l'an prochain. Je suis d'accord pour le vote par internet ; travaillons-y ensemble dans le comité de suivi.
Les Opex, par définition, ne sont pas toutes prévisibles. Au Darfour, sur 26 000 soldats attendus, aucun n'est arrivé ; Khartoum multiplie les obstacles. Au Tchad, l'opération européenne que nous lançons, avec sept pays, est retardée dans l'attente d'hélicoptères. C'est une opération de développement auprès des populations qui ont fui les milices du Darfour, elle a été approuvée à l'unanimité par le conseil de sécurité de l'ONU et honore notre pays.
L'opération Eufor Tchad-Centrafrique ne tient pas compte des frontières. Elle sera sans doute en place avant celles des Nations unies.
Nous ne ferions pas assez pour la lutte contre la pauvreté ? Vous ne pouvez pas dire ça, monsieur Carrère ! Nous faisons un gros effort sur l'environnement, qui est intimement lié au problème de la pauvreté. Nous somme le premier donateur en contribution par habitant sur la lutte contre le Sida. En ce jour dédié à la lutte contre le Sida, le Président de la République reçoit d'ailleurs les ONG concernées. Nous garantissons 300 millions pour trois ans ; quant au FED, c'est 25 % d'argent français ! Nous sommes les seuls à tenter de tenir les objectifs du millénaire. L'AFD reçoit 180 millions du Quai d'Orsay, et il y aura l'an prochain de nouvelles initiatives pour la gestion économique des pays en développement.
M. David Assouline, rapporteur pour avis. - Et l'indicateur de Shanghai ?
M. Bernard Kouchner, ministre. - L'instauration d'un indicateur européen, selon des critères plus conformes à notre tradition humaniste, est une excellente idée, que nous proposerons lors de la présidence française de l'Union européenne. (Applaudissements à droite et au centre)
M. le président. - La discussion des amendements risque de prendre du temps. Ne serait-il pas préférable de suspendre la séance ?
M. Jean François-Poncet. - A titre personnel, je souhaite poursuivre. (Mme Tasca et M. del Picchia approuvent.) Je fonde les plus grands espoirs sur la concision de nos collègues, et nous connaissons l'esprit de synthèse de M. Gouteyron...
M. le président. - Je suis à la disposition du Sénat, mais la logique serait de suspendre.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - M. Gouteyron saura certainement faire preuve de concision, mais les amendements de la commission des finances sont importants. Il ne faut pas escamoter le débat.
M. Roger Romani. - Le groupe UMP sera concis.
Le Sénat, consulté, décide de poursuivre la séance.
Examen des crédits
Article 33
M. le président. - Amendement n°II-40 rectifié, présenté par M. Gouteyron, au nom de la commission des finances.
Supprimer 6 500 000 euros en autorisations d'engagement et crédits de paiement du programme « Français à l'étranger, affaires consulaires et sécurité des personnes »
M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial. - C'est un sujet important qui mérite un débat. Nous amputons l'action « instruction des demandes de visas » du programme 151 de 6,5 millions correspondant aux crédits attribués au système informatique « réseau mondial visa », afin d'inciter le Gouvernement à les inscrire sur la mission « Immigration, asile et intégration ».
Lors d'une mission de contrôle des services des visas, j'ai pu constater le trop grand cloisonnement administratif en matière d'accueil des ressortissants étrangers, qui se traduit dans le domaine informatique. Il s'agit de rendre le système informatique compatible avec le système européen de visa et les applications informatiques des autres ministères gérant les dossiers des ressortissants étrangers.
Je me suis fié au bleu pour déterminer la somme concernée. Il conviendrait toutefois de distinguer les crédits de l'administration centrale, qui mériteraient d'être transférés, et les crédits du réseau. C'est un amendement de cohérence, mais je crois savoir qu'il pose quelques problèmes à votre administration...
M. Bernard Kouchner, ministre. - Je partage votre objectif de systèmes informatiques cohérents, compatibles et intégrés. J'ai ainsi proposé à M. Hortefeux une maîtrise d'ouvrage commune sur les systèmes informatiques et mis en place un comité de pilotage sur les systèmes intégrés, en espérant une prochaine intégration au niveau européen. Nous avons trouvé un point d'équilibre dans la répartition des compétences et des attributions entre le ministère des affaires étrangères et le ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du co-développement, qui a fait l'objet d'arbitrages au plus haut niveau de l'État. La responsabilité du Quai d'Orsay sur les consulats est réaffirmée. Je ne souhaite pas que l'on modifie cet équilibre en transférant ces crédits qui sont destinés au développement informatique des consulats. Avis défavorable.
M. Jean Arthuis, président de la commission. - Je me permets d'insister. Dans un référé du 30 novembre 2006, la Cour des comptes a relevé de graves insuffisances dans la gestion des systèmes d'information du ministère des affaires étrangères : absence de transparence dans les mises en concurrence, manque de rigueur de la gestion budgétaire, nomenclature non respectée, laxisme comptable, etc. La direction des systèmes d'information a depuis créé un système facturier. Il faut maintenir cette orientation, d'autant que les manquements du ministère en matière de marchés publics sont notoires. La commission des finances organisera d'ailleurs des auditions sur les systèmes d'information après la session budgétaire.
M. Jean François-Poncet, vice-président au nom de la commission des affaires étrangères. - Nous sommes sensibles aux préoccupations de M. Gouteyron, mais également aux objections du ministre. L'équilibre actuel est le résultat d'une négociation qui n'a pas été facile.
Il serait malvenu d'interférer dans cette discussion, la commission des affaires étrangères est de l'avis du ministre.
M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial. - J'apprécie les propos mesurés de M. François-Poncet et je comprends les raisons -disons d'opportunité politique- du ministre. Mais je suis convaincu que vous serez conduit, par la force des choses, à adopter la voie de cet amendement. Mais comme je comprends bien, monsieur le ministre, quelles raisons politiques déterminent votre position, au nom de la commission, je retire l'amendement.
L'amendement n°II-40 rectifié est retiré.
M. le président. - De façon très exceptionnelle, je vais donner la parole à M. Josselin sur l'amendement. (Vives protestations à droite)
M. Robert del Picchia. - Il est retiré !
M. le président. - C'est vrai, mais si cela n'avait tenu qu'à moi, j'aurais suspendu la séance. Si vous voulez bâclez le débat, dites-le ! Des sujets d'une telle importance méritent qu'on y consacre le temps nécessaire.
M. Charles Josselin. - Le document annexe au rapport rappelle que la politique des visas a pour but de favoriser la venue en France de personnes utiles à notre activité économique. Récemment, lorsque s'est tenu en Corée le congrès des Conseils des cités et gouvernements locaux unis, les Camerounais ont souhaité passer par Paris ; le visa de transit leur a été refusé et ils ont dû passer par la Suisse. Dommage ! Il y a quelques années, avec Hubert Védrine, nous avions donné l'instruction de faciliter l'obtention de visas à ceux qui jouent un rôle positif dans les relations bilatérales. Les élus locaux en font partie : la coopération décentralisée française est plus visible en Chine que celle de l'État ! Je souhaite, monsieur le ministre, que vous donniez des instructions pour qu'on n'empêche pas les échanges et les rencontres. (Applaudissements à gauche et au centre)
M. le président. - Amendement n°II-95, présenté par Mme Nathalie Goulet.
Modifier comme suit les crédits de la mission et des programmes (en euros) :
Action de la France en Europe et dans le monde :
AE Réduire de 5 000 000
CP Réduire de 5 000 000
Mme Nathalie Goulet. - Je déplore que le ministre ne se soit pas exprimé sur l'Afghanistan et que ce budget ne soit pas l'occasion d'une discussion de fond, d'autant que les débats de politique étrangère sont ici très rares... Cet amendement et le suivant avaient déjà été déposés chaque année depuis quatre ans, par Daniel Goulet. On a de la suite dans les idées dans la famille... Ces deux amendements n'ont jamais été sérieusement discutés. Ce sont des amendements d'appel incitant à revoir notre organisation et à faire des économies.
Dans ce premier amendement, je propose de diminuer de 5 millions les crédits du programme « action de la France en Europe et dans le monde » en réduisant de dix unités le nombre d'ambassadeurs, dont les missions pourraient être assurées par des hauts fonctionnaires déjà en place. Est-il nécessaire d'avoir un ambassadeur auprès de la FAO, de l'Unesco ou du Conseil de l'Europe ?
M. le président. - Amendement n°II-96, présenté par Mme Nathalie Goulet.
Modifier comme suit les crédits de la mission et des programmes (en euros) :
Action de la France en Europe et dans le monde :
AE Réduire de 2 300 000
CP Réduire de 2 300 000
Mme Nathalie Goulet. - Ce second amendement est un peu plus sérieux. Je propose de diminuer les crédits de l'action « action européenne » du programme « action de la France en Europe occidentale » en supprimant notre contribution à l'Union de l'Europe occidentale, laquelle s'est transformée contra legem en assemblée parlementaire mais qui n'a plus de raison d'être depuis que sa mission a été transférée au Parlement européen. J'aimerais -quels que soient ceux de nos collègues qui siègent à l'UEO- qu'on réfléchisse à la possibilité pour la France d'être à l'origine d'une nouvelle assemblée parlementaire consacrée aux problèmes de défense, sur des bases légales, en dehors de l'assemblée parlementaire de l'Otan. Le cadre juridique de l'UEO est périmé. Cet amendement est déposé depuis quatre ans, sans succès, mais toujours avec la même obstination.
M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial. - Je ne suis pas insensible à ces arguments. La commission n'en a pas débattu. Je m'en remets à l'avis du Gouvernement.
M. Bernard Kouchner, ministre. - J'admets la nécessité d'y réfléchir. S'agissant du premier amendement, c'est le Livre blanc qui révisera toute notre organisation. Et je suis aussi défavorable au second puisqu'en janvier, la France va prendre la présidence de l'UEO et que ce n'est pas le moment de lui demander de supprimer cette instance.
Les amendements n°sII-95 et II-96 sont retirés.
M. le président. - Amendement n°II-39, présenté par M. Gouteyron, au nom de la commission des finances.
Modifier comme suit les crédits des programmes (en euros) :
Rayonnement culturel et scientifique :
AE Réduire de 595 930
CP Réduire de 595 930
Français à l'étranger, affaires consulaires et sécurité des personnes :
AE Majorer de 595 930
CP Majorer de 595 930
M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial. - Cet amendement peut faire débat, et je me souviens d'ailleurs d'une discussion nourrie sur un amendement symétrique de M. Charasse. Mais je me démarque de l'argumentation du rapporteur spécial de l'époque. Tout le monde sait que la Direction générale de la coopération internationale et du développement (DGCID) doit évoluer ; cet amendement l'y encourage. Les crédits du programme « rayonnement culturel et scientifique de la France » sont à 60 % affectés à des opérateurs. Il est anormal d'avoir une direction aussi massive avec tant d'opérateurs budgétés. Je ne propose là qu'un transfert d'emplois ; j'ai très souvent constaté les carences de nos services de visas de par le monde. Il y manque aussi au moins une cinquantaine d'emplois et je propose qu'on transfère les dix emplois enlevés à la DGCID à nos services consulaires. C'est un amendement de bon sens qui ne porte pas atteinte au fonctionnement de votre administration, bien au contraire.
M. Bernard Kouchner, ministre. - Je comprends votre vision d'une direction centrale resserrée mais il faut que les opérateurs soient soumis à une tutelle effective. Il ne faut pas réduire la voilure quand le vent va souffler ; le réseau doit être plus lisible et le bilatéral privilégié. Hier, le Sénat a déjà supprimé vingt emplois à la DGCID. Je ne peux accepter maintenant votre amendement mais vous pourriez en discuter en CMP.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Le Sénat a déjà supprimé 20 des 484 emplois de la DGCID. Nous avons voté un article d'équilibre avec 41 milliards de déficit ! Il ne s'agit pas de supprimer, mais de redéployer dix emplois au profit de pays d'où les flux migratoires sont importants. Je m'engage à trouver en CMP un arbitrage entre les vingt emplois déjà supprimés et ce transfert de dix emplois.
Nous maintenons l'amendement.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. - Je voterai contre : une fois de plus, on tente de vider cette direction de ses moyens. Et l'on vante, dans le même temps, l'action culturelle et la diplomatie d'influence... Est-ce crédible ?
Le coût d'un visa a doublé en janvier dernier. On fait payer 60 euros aux demandeurs, que le visa leur soit ou non délivré après examen de leur dossier. Si l'on faisait remonter les bénéfices considérables ainsi engrangés, on aurait parfaitement les moyens de financer la biométrie. Ce déplacement de crédits est le prélude à un autre déplacement, l'an prochain, vers les services de l'immigration.
L'amendement n°II-39 est mis aux voix par scrutin public à la demande du groupe socialiste.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants....................................307
Nombre de suffrages exprimés | 300 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 151 |
Pour l'adoption | 195 |
Contre | 105 |
Le Sénat a adopté.
M. le président. - Amendement n°II-38, présenté par M. Gouteyron, au nom de la commission des finances.
Réduire les crédits dévolus à la sous-action n° 05 « créations et industries culturelles » de l'action n° 2 « langue et culture française, diversité linguistique et culturelle » du programme 185 (titre 6) de 100.000 euros
M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial. - Ce n'est pas un amendement d'appel, mais un signal ! Je propose de réduire la subvention à Unifrance : ce n'est pas que cette association ait démérité, mais ses adhérents ont une fâcheuse tendance à ne pas verser leur cotisation, alors qu'il s'agit de défendre leurs intérêts... (« Très bien ! » et applaudissements à droite)
M. Bernard Kouchner, ministre. - Compte tenu de ces arguments, sagesse.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. - En Chine, grâce à Unifrance, le nombre des spectateurs de films français est passé en quelques années de 350 000 à 3 millions ; en Russie, de 45 000 en 1999 à 5 millions aujourd'hui.
Voix à droite. - Démagogie !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. - Je ne cesserai pas de défendre les causes perdues ! Sans l'aide de l'État, le cinéma français ne pourra plus se développer dans des pays émergents ou difficiles comme ceux-là.
L'amendement n°II-38 est adopté.
Les crédits, modifiés, de la mission sont adoptés.
Article additionnel
M. le président. - Amendement n°II-41, présenté par M. Gouteyron, au nom de la commission des finances.
I.- Avant l'article 41, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Quel que soit leur auteur, tous les télégrammes diplomatiques à caractère financier, budgétaire et fiscal sont transmis pour information aux commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat, réserve faite des sujets à caractère secret concernant la défense nationale et la sécurité intérieure ou extérieure de l'État et du respect du secret de l'instruction et du secret médical.
II.- En conséquence, faire précéder cet article de la rubrique :
Action extérieure de l'État
M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial. - Je dois dire que j'ai reçu hier un paquet de télégrammes. Il semble que la communication commence à mieux fonctionner... Il y va de notre information ! (Mme Cerisier-ben Guiga approuve)
M. Bernard Kouchner, ministre. - Vous recevrez, monsieur le rapporteur spécial, tous les télégrammes ! (Applaudissements à droite)
L'amendement n°II-41 est retiré.
La séance est suspendue à 13 h 25.
présidence de M. Adrien Gouteyron,Vice-président
La séance reprend à 15 h 30.