Brevets européens (Suite)
Discussion générale (Suite)
M. Christian Gaudin. - Nous sommes appelés à nous prononcer sur la ratification du protocole de Londres, question dont nous débattons depuis plus de sept ans. Je le déclare sans ambages, je suis favorable à cette ratification, pour des raisons diplomatiques, linguistiques, économiques.
C'est la France qui a souhaité engager des négociations afin d'alléger le coût du brevet européen et a organisé la conférence intergouvernementale qui a débouché sur la signature de cet accord en juin 2001. Alors que la position française est encore fragile sur la scène européenne, même si nous sommes de retour grâce au Président Sarkozy, il serait dangereux de mettre en jeu cette crédibilité renaissante. Pour l'Européen que je suis, cette considération seule emporte l'adhésion, d'autant plus que l'application du protocole est aujourd'hui bloquée par la France : si nous refusons aujourd'hui cet accord, il ne sera jamais appliqué, alors que onze pays l'on ratifié.
La ratification du protocole par la France confortera le statut du français en tant que langue officielle dans le système européen des brevets : il restera, avec l'anglais et l'allemand, l'une des trois langues officielles de l'Office européen des brevets. Les brevets européens délivrés en français pourront prendre effet au Royaume-Uni et en Allemagne sans traduction des descriptions. La ratification permettra aux entreprises françaises de faire respecter leurs brevets européens rédigés en français, au Royaume-Uni et en Allemagne, qui constituent des marchés importants, sans avoir besoin d'en traduire les annexes techniques. Il paraît difficile de craindre un appauvrissement significatif du français comme langue technique, dès lors que l'exigence de traduction des revendications demeure. En outre, si nous ne ratifions pas le protocole de Londres, la tentation sera grande, pour les pays qui l'ont déjà ratifié, de s'accorder entre eux sur un régime plus favorable à l'anglais.
Le protocole réduira le coût de dépôt des brevets. Le brevet européen est en effet rédhibitoire pour de nombreux chercheurs, entreprises technologiques et PME, lesquelles représentent moins du quart des dépôts de brevets effectués en France par des entreprises françaises. Le brevet coûte en effet quatre à cinq fois plus cher qu'un brevet américain et trois fois plus cher qu'un brevet japonais, à cause de l'obligation de fournir des traductions dans toutes les langues des pays où la protection est revendiquée.
Les opposants à la ratification estiment que la renonciation à la traduction en français des descriptions des brevets délivrés en anglais ou en allemand restreindrait l'accès de nos entreprises à cette source de connaissances indispensables pour qu'une économie demeure innovante et concurrentielle. Cet argument ne me paraît pas pertinent : la veille technologique intervient le plus en amont possible. Les entreprises innovantes et les organismes de recherche de tous les pays européens doivent donc, dès à présent, maîtriser les trois langues officielles de l'Office européen des brevets, et donc le français, pour assurer une veille technologique performante. En outre, l'Institut national de la propriété industrielle traduit en français un résumé de toutes les demandes de brevets européens qui désignent la France, soit près de 40 000 en 2007. Cet abrégé est fourni par l'INPI dans les trois mois suivant la publication de la demande. Les entreprises, et en particulier les PME, les centres de recherche et les laboratoires français peuvent ainsi assurer une veille technologique performante directement en français.
Le projet de loi de finances double l'enveloppe dont bénéficieront les entreprises innovantes au titre du crédit impôt recherche. Elles pourront ainsi mieux faire face aux coûts de protection de la propriété industrielle.
Je voudrais insister sur la nécessité de développer une culture du brevet en France, à l'image de ce qui se pratique en Allemagne et aux États-Unis, où l'on considère moins les brevets comme des outils de recherche que comme des actifs de l'entreprise. Selon l'INPI, la France représente 18 % des dépenses de recherche et développement en Europe, mais 15 % seulement des dépôts de brevets, contre 42 % pour l'Allemagne. Il est donc indispensable d'enseigner le droit de la propriété intellectuelle en France et d'accompagner la dynamique de la propriété industrielle. La culture du brevet facilite la défense face à la contrefaçon et entraîne dans un mouvement d'innovation et de création. Il faut donc développer l'action de l'INPI auprès des plus petites de nos entreprises.
La recherche doit être une véritable priorité pour faire de notre économie une économie de la connaissance. L'attribution aujourd'hui du premier prix Nobel de physique depuis dix ans à un chercheur français, M. Albert Fert, est une preuve éclatante de la vitalité de la recherche française.
M. Jacques Valade, président de la commission. - C'est vrai !
M. Christian Gaudin. - Enfin, après cette ratification du protocole de Londres, nous devrons reprendre les négociations du brevet communautaire en levant le blocage sur les questions linguistiques et en s'appuyant sur l'Office européen du brevet.
Je souhaite que la France, lors de sa présidence au deuxième semestre 2008, se lance vigoureusement dans cette voie. C'est pourquoi, au nom du groupe de l'UC-UDF, je soutiens, sans plus attendre, la ratification du protocole de Londres. (Applaudissements au centre et à droite)
M. Jean Bizet. - Nous allons discuter, enfin, oserais-je dire, du projet de loi de ratification du protocole de Londres. II s'agit de modifier le régime linguistique du brevet européen afin d'en simplifier la délivrance et d'inciter nos entreprises à déposer davantage de brevets.
Les enjeux pour notre pays et pour l'Europe sont considérables en matière de développement de la recherche, d'innovation et d'accroissement de la compétitivité. Nous sommes ainsi au coeur de la stratégie de Lisbonne et je me réjouis que la France, grâce à la présidence de l'Union au deuxième semestre 2008, puisse donner une nouvelle impulsion à ce processus pour encourager l'évolution technologique de notre pays.
La ratification de ce protocole confortera aussi le statut international du français, celui-ci devenant la langue de l'innovation. Or, à ce jour et malgré l'importance de ces enjeux, ce texte, signé par la France en juin 2001, n'a toujours pas été ratifié par le Parlement. Cet accord est pourtant dû à la France qui avait réuni, en juin 1999, une conférence intergouvernementale des États-membres de l'Organisation européenne des brevets (OEB). C'est paradoxalement dans notre pays que les plus grandes réticences se sont fait jour et que les plus grandes batailles d'arguments linguistiques, juridiques, économiques ou scientifiques ont été menées sur les conséquences d'une ratification.
Afin d'évaluer la portée des différents arguments, des travaux ont été réalisés ces dernières années, notamment au sein de notre Haute assemblée par la Délégation à l'Union européenne. A chaque fois, la conclusion était la même : le protocole de Londres devait être ratifié et entrer en vigueur au plus vite. II semble que ce long préalable a eu l'avantage d'éclairer la représentation nationale et le gouvernement puisque nous sommes enfin saisis de cette ratification.
Sans revenir en détail sur l'accord de Londres, je souhaite au nom du groupe UMP préciser quelques points importants. A ce jour, treize États sont partie à l'accord de Londres et neuf d'entre eux ont achevé leur procédure d`adhésion ou de ratification. Or l'article 6 du protocole de Londres soumet son entrée en vigueur à la ratification par au moins huit États-membres dont les trois pays dans lesquels le plus grand nombre de brevets européens a pris effet en 1999, à savoir l'Allemagne, le Royaume-Uni et la France. En conséquence, l'entrée en vigueur du protocole de Londres est actuellement suspendue à sa ratification par la France. Or, ce protocole amende l'article 65 de la Convention sur les brevets de 1973 afin d'éviter la traduction des descriptions, c'est-à-dire la partie technique du brevet, soit en moyenne dix-sept pages sur vingt. C'est déjà le choix qu'avaient fait les États-membres de l'Union dans le cadre des négociations sur le brevet communautaire. En revanche, la partie juridique du brevet, qui définit la portée du monopole d'exploitation, c'est-à-dire les revendications, doit toujours être traduite en français, ainsi qu'en anglais et en allemand. Il s'agit d'une obligation découlant de l'article 14 de la Convention sur les brevets européens de 1973, qui reste inchangé, ce qui veut dire que la partie essentielle du brevet, qui est aussi la seule à être entièrement rédigée, sera toujours systématiquement disponible en français. Le français, avec l'allemand et l'anglais, devient donc une des trois seules langues dans lesquelles les innovations seront désormais revendiquées en Europe. Il est donc inexact de prétendre que le protocole de Londres signe la mort de notre langue puisqu'il devient une des trois langues de l'innovation en Europe.
Nous devons donc ratifier ce protocole parce qu'il consacre le français à parité avec l'allemand et l'anglais comme une des trois langues officielles de l'Office européen du brevet, qui réunit aujourd'hui trente-deux États et examine plus de 200 000 demandes par an. Le statut de la langue française à I'OEB est très envié par nos partenaires, notamment espagnols et italiens, qui contestent le fonctionnement trilingue de l'Europe des brevets. Il y a là un enjeu essentiel pour le statut scientifique du français car, concrètement, cela signifie que le dépôt de brevets en français suffit à conférer un titre de propriété sur la majeure partie du marché européen. C'est pourquoi il est vital pour l'avenir de la francophonie que cet accord soit rapidement ratifié. D'ailleurs, il est frappant de constater que nos amis francophones plaident pour la ratification car ils souhaitent bénéficier de la protection de brevets déposés en langue française. (M. le ministre approuve)
J'en viens à la place de nos chercheurs et de nos entreprises sur le marché européen des brevets. Le constat actuel est hélas peu satisfaisant puisque la langue de dépôt est l'anglais dans 70 % des cas, l'allemand dans 25 % et le français dans à peine 5 % des cas. Protocole de Londres ou pas, cela fait bien longtemps que nos entreprises et nos chercheurs sont obligés de suivre les dépôts de brevets en anglais et en allemand. Prétendre le contraire révèle une méconnaissance inquiétante des réalités scientifiques et économiques. Il faut donc tout faire pour accroître la proportion de brevets déposés en français. Le coût du dépôt d'un brevet est un frein majeur pour les PME. La simplification du brevet européen, en diminuant le nombre de traductions obligatoires, en réduira le montant de près de 40 %. Les premiers bénéficiaires en seront les petites entreprises puisque le simple fait de déposer en langue française leur garantira la protection de leurs inventions sur le marché européen.
Du point de vue juridique, il n`existe aucune ambiguïté sur la conformité du protocole de Londres à notre Constitution depuis la décision rendue en ce sens par le Conseil constitutionnel le 28 septembre 2006. Pour tous les brevets déposés en Europe, la partie dénommée « revendications » qui définit le champ de la propriété industrielle, sera obligatoirement traduite en français ce qui garantit la possibilité pour nos entreprises de se tenir au courant des innovations de leurs concurrents. En cas de litige, la traduction de l'intégralité du brevet restera obligatoire devant le juge français.
En outre, la simplification du brevet européen doit s'inscrire dans le cadre plus vaste d'une politique ambitieuse de soutien à la recherche et à l'innovation, dans le prolongement des mesures déjà prises, telles que le crédit impôt recherche ou la gratuité du premier brevet. II est plus que jamais indispensable de développer en France une culture de la propriété industrielle car nos entreprises investissent moins que leurs concurrentes étrangères en cette matière. Mme Pécresse l'a d'ailleurs rappelé tout à l'heure. Le dépôt et l'exploitation d'un brevet par une PME se traduit dans les cinq ans par une augmentation très forte du chiffre d'affaires et la création de nombreux emplois.
J'en viens à un point essentiel : le brevet communautaire. La ratification de l'accord de Londres ne doit pas marquer l'abandon de ce brevet. Nos partenaires ayant eu satisfaction sur le brevet européen, on pourrait imaginer qu'ils ne soient plus guère incités à accepter des compromis sur le dossier du brevet communautaire. II ne faut pourtant en aucun cas opposer ces deux brevets qui sont complémentaires puisqu'ils répondent à des besoins différents. Certaines entreprises, qui ont besoin d'une protection sur tout le territoire de l'Union, choisiront le brevet communautaire alors que d'autres, qui n'ont besoin de se protéger que sur quelques États, choisiront le brevet européen. En tout état de cause, il convient d'organiser la coexistence des deux systèmes de brevets en Europe. Nous demandons donc au gouvernement de relancer le brevet communautaire afin d'imbriquer les deux systèmes. Un compromis est souhaitable, la France étant en position de force avec la ratification de l'accord de Londres.
La très grande majorité du groupe UMP votera la ratification du protocole de Londres, assortie de ses recommandations concernant le brevet communautaire, afin que la France puisse faire entendre sa voix, dans l'intérêt des chercheurs et donc des entreprises. (Applaudissements à droite)
M. Hubert Haenel, rapporteur. - Bravo !
M. Jacques Legendre. - Il en fallait un ! Nous avons entendu trois ministres puis cinq orateurs nous dire, avec enthousiasme, qu'il fallait ratifier le protocole de Londres. On nous a dit que cette question faisait débat, mais personne n'a fait entendre sa voix. C'est étrange !
M. Ivan Renar. - Il n'y a eu qu'un seul son de cloche !
M. Jacques Legendre. - Je vais essayer de corriger cette impression en étant celui qui n'est pas d'accord. Mais j'ai fait du chemin pour en arriver là car, au départ, j'ai vu plutôt d'un bon oeil ce projet de ratification. Qui peut s'opposer aux dépôts de brevets par des entreprises françaises ? Nous voulons tous que nos entreprises innovent et puissent se protéger en France et dans les autres pays européens. Chacun connaît mon engagement en faveur de la francophonie et jamais je ne me serais opposé à la traduction de brevets en français. C'est une simple question de bon sens. J'ai donc examiné ce projet un peu compliqué pour qui n'est pas de la partie.
Ceux qui ont pris la parole, avant moi, ont rappelé les arguments en faveur de cette ratification, mais certains, comme le rapporteur de la commission des affaires culturelles, ont aussi voulu rappeler les réserves de ceux qui s'y opposent.
Il n'y a pas lieu de marquer autant d'enthousiasme pour l'accord de Londres.
Sur le plan économique, celui-ci ne profitera pas à l'ensemble des entreprises, et surtout, il ne traite pas le problème de la protection des brevets européens contre le dépôt en grappe de brevets par les États-Unis ou le Japon.
D'autre part, contrairement à ce que certains ont avancé, il ne représente pas forcément un pas vers la création du brevet communautaire sur laquelle nous travaillons depuis plus de trente ans, car certains pays se contenteront de cette solution de mi-parcours. D'ailleurs, un de nos anciens collègues, M. Maurice Ulrich, qui a suivi les négociations sur le brevet communautaire depuis de longues années, se demandait, dans une lettre adressée au rapporteur du projet de loi de l'Assemblée nationale, si le coût de la traduction -5 000 sur 20 000 euros en moyenne- décourageait réellement le dépôt de brevet et proposait une autre solution sans risque pour notre langue : déclarer les dépenses d'obtention du brevet éligibles à la prime de recherche.
J'en viens maintenant aux dangers que ce texte fait peser sur l'usage du français. Je n'éprouve, pas plus que vous, de plaisir à lire les revendications des brevets. En revanche, si nous voulons que le français, dont on sait quel fut autrefois le rayonnement, reste parlé au XXIème siècle, il doit être une langue de modernité. Autrement dit, il faut continuer de défendre son usage dans les domaines de l'économique, des brevets ou encore des transports. Sans cela, il sera vite réduit à l'état de dialecte provincial, utilisé dans le seul cercle familial. Malheureusement, nous cédons de plus en plus de terrain. Il y a quelques mois, je m'étais inquiété auprès du secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie que la toute nouvelle École d'économie de Paris se présente comme la Paris School of Economics. On m'avait répondu qu'il ne s'agissait plus de lutter contre l'usage de la langue anglaise que tout le monde sait prédominant, mais de défendre l'approche française des sciences économiques...
Cet été, lors de l'Assemblée parlementaire de la francophonie, un haut responsable africain me disait : « J'ai été formé à Paris et je suis heureux de vous accueillir. Mais ne vous faites pas d'illusions : dans vingt ans, chez nous, on enseignera l'anglais. » Savez-vous pourquoi ? Parce que le français ne leur permettra plus d'accéder à la modernité dans son entier. L'adoption de ce texte ne représente pas, n'en déplaise à certains, un grand jour pour la francophonie car il instaure en réalité une inégalité entre les trois langues européennes : beaucoup d'anglais, un peu d'allemand, un zeste de français...
Bref, il n'y a vraiment pas de quoi lancer des cocoricos. Pour la première fois, et malgré les décisions prises par le Conseil d'État et le Conseil constitutionnel, nous renoncerions au principe posé à l'article 2 de la Constitution selon lequel le français est la langue de la République en acceptant que des textes, qui ont force juridique sur notre territoire, soient rédigés en allemand ou en anglais. Le phénomène est inquiétant. Les avocats le savent bien, eux qui constatent que l'usage de l'anglais va de pair avec la progression de la common law, comme il existe un lien étroit entre français et droit romano-germanique. A l'heure où nous allons prendre une décision grave, je veux citer cette phrase d'un ancien Président de la République, ce grand modernisateur et homme d'une grande culture que fut Georges Pompidou : « Si nous reculons sur notre langue, nous serons emportés » ! (M. Jean-René Lecerf applaudit. On applaudit également sur les bancs CRC)
M. Richard Yung. - Le débat sur la ratification de l'accord de Londres est passionné depuis sa naissance, c'est-à-dire depuis la réunion d'une conférence intergouvernementale à Paris en 1999 à l'initiative de M. Christian Pierret. Premier et seul socialiste après dix orateurs, vous me permettrez d'exposer notre point de vue. C'est en décembre 2006 que notre groupe avait déposé une proposition de loi autorisant sa ratification qui n'a malheureusement pas abouti.
La question qui suscite légitimement le plus de controverses, est celle de la place de la langue française. L'accord confirme que le système européen des brevets retient trois langues, l'anglais, l'allemand et le français -ce qui est le cas depuis 1973. Corollaire, on n'acceptera pas d'autre langue, d'où les réclamations légitimes des Espagnols et des Portugais, dont la langue est d'usage international, ou encore des Italiens, dont l'industrie est puissante, qui s'étonnent d'être exclus.
M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'État. - Exact !
M. Richard Yung. - C'est là la principale raison à l'échec du brevet communautaire. Cet accord répond en quelque sorte à leurs revendications. Bien sûr, nous aurions pu imaginer une traduction des brevets dans les vingt-deux langues des États-parties de l'accord de Londres, mais cela aurait signifié la mort du système européen des brevets.
C'est un avantage pour les déposants français, puisque le brevet sera valable dans tous les pays ayant ratifié l'accord. Quant aux autres, ils recevront de moins en moins de demandes, car, à moins d'avoir un intérêt particulier pour un marché donné, qui voudra se donner le mal de fournir des traductions ? Partant, ils ne percevront pas les taxes annuelles qui sont leur principale recette en la matière. Je pense qu'ils y viendront très rapidement...
Monsieur Legendre, je pense aussi être un bon Français. Oui, il faut défendre notre langue. Mais ces traductions sont inutiles, et inutilisées, car elles arrivent trop tard : cinq ans après le dépôt de la demande, soit l'équivalent d'un cycle complet en matière de technologie ! En outre, souvent sous-traitées à des étudiants payés au lance-pierre, elles sont généralement peu exploitables, d'autant que les revendications sont elles-mêmes rédigées par les déposants de façon à être peu compréhensibles, à la manière d'Alan Greenspan, qui aimait dire : « Si vous m'avez compris, c'est que je me suis mal exprimé » (Sourires). Par conséquent, moins d'un pour cent des traductions sont consultées. Ce n'est pas défendre notre langue efficacement que d'entasser des piles de papiers dans les sous-sols de l'INPI. Le fond du problème, c'est l'insuffisance des dépôts français : 17 000 par an, contre 50 000 pour l'Allemagne et 25 à 30 000 pour le Royaume-Uni. J'interpelle le gouvernement : pour corriger nos handicaps, il faut développer en France une politique d'innovation, de recherche et développement pour les PME, grâce à des mesures fiscales et un effort de formation. Le génie français n'est pas inférieur au génie allemand ! Il faut également une politique plus forte en matière d'information scientifique et technique, domaine où l'anglais est prépondérant.
Comme mesure d'accompagnement, nous proposons tout d'abord que les abrégés, qui permettent déjà une première approche, soient traduits le plus rapidement possible. La traduction des revendications devrait être publiée au moment du dépôt, et non au bout de cinq ans. Deuxièmement, il faut répondre aux préoccupations des deux à trois cents traducteurs qui vivent de la traduction des brevets : l'organisation d'une table ronde sur ces sujets permettrait d'accompagner la modernisation de la profession, sur le modèle de celle du conseil en brevet, qui a su se développer en prenant une dimension européenne. Enfin, il faudrait demander à l'OEB et à la Commission européenne de mettre en ligne leurs bases de données de terminologies.
Dans le système européen des brevets, les traductions coûtent 700 millions d'euros : c'est une sorte d'impôt sur ses entreprises innovantes que l'Europe se paie à elle-même, et qui n'est pas utilisé pour autre chose. Le coût d'une traduction pour un brevet moyen s'élève à 7 000 euros. Pour une PME innovante qui dépose une dizaine de brevets, cela représente beaucoup d'argent. Or ce sont ces PME-là qui auront du succès à l'exportation, et qu'il faut aider.
Prétendre que cet accord entraînera une invasion des brevets américains et japonais est une conception du passé. Plus il y a de technologies accessibles, mieux c'est : c'est de l'investissement et de l'emploi ! On ne va pas ériger des barrières autour de l'Europe !
Le brevet européen a été un immense succès : 200 000 dépôts par an, 7 000 agents, dont 1 500 Français, rappelons-le. D'une qualité reconnue, il a servi de base à l'harmonisation européenne et mondiale. Mais le système, qui n'a pas évolué depuis 1973, bute sur le problème des coûts -outre les traductions, il y a les taxes annuelles, pour plus d'un milliard d'euros, versées par l'industrie pour faire vivre les brevets- et sur celui des juridictions. La bonne réponse serait le brevet communautaire, mais là encore se pose le problème des langues : quid de l'espagnol, du portugais, et des autres ? Le protocole de Londres contourne la difficulté en jetant un pont entre brevet européen et brevet communautaire. Sur ce modèle, on pourrait imaginer un brevet communautaire ouvert à ceux qui le souhaitent uniquement... C'est une piste pour avancer.
Il s'agit d'investissement, d'emploi, de recherche et développement. Nous devons répondre au risque du tout anglais. Ce texte représente une occasion unique : le groupe socialiste le soutiendra. (Applaudissements sur les bancs socialistes, UC-UDF et sur certains bancs UMP)
M. Ivan Renar. - J'ai apprécié les rapports, même si je n'en partage pas les conclusions et je voudrais d'abord évoquer cette bonne façon de construire l'Europe que représentent les travaux de deux physiciens, le Français Fert et l'Allemand Peter Gruenberg, qui ont révolutionné, par la miniaturisation, la technique du disque dur et qui viennent de recevoir le prix Nobel. Voilà qui peut nous rassembler, avant que le vote ne nous divise.
On nous chante les bienfaits de ce protocole de Londres. Mais si ces bienfaits sont aussi certains, pourquoi avoir attendu sept ans pour le ratifier ? Pourtant les enjeux scientifiques, technologiques et industriels sont énormes, les enjeux culturels, linguistiques et politiques aussi.
Le protocole de Londres vise à alléger les obligations de traduction dans le système du brevet européen en levant l'obligation de traduire intégralement en français les brevets d'invention déposés sur notre territoire. Comment croire que lever une telle obligation renforcerait la place du français, qui certes, resterait langue officielle du régime des brevets en Europe mais au prix du sacrifice de son usage ?
En effet, ce protocole propose de limiter cette traduction aux seules revendications, la partie où le déposant délimite l'étendue de la protection qu'il demande. Donc de supprimer la traduction en français de la partie descriptive des brevets européens, pourtant essentielle à leur compréhension La description est en effet tout aussi importante que les revendications puisqu'elle constitue la contrepartie de l'exclusivité d'exploitation conférée par le brevet. Le gouvernement ne prend pas la mesure de l'importance du brevet dans la compétition économique de notre temps, et reflète ainsi, hélas, une longue tradition française d'incompréhension à la fois des problèmes des PME et du brevet d'invention. Quant aux pays signataires du protocole dont la langue n'est ni l'allemand, ni l'anglais, ni le français, ils devront choisir l'une de celles-ci pour déposer. Du fait de la fréquence des dépôts concomitants aux États-Unis et en Asie, l'anglais sera plébiscité, renforçant ainsi son hégémonie. Alors que c'est la France des Lumières qui a jeté les fondements de la propriété intellectuelle, on s'apprête à marginaliser notre propre langue au nom de la compétitivité de l'Europe. Au risque que l'Europe perde un peu plus son âme en se livrant au tout-anglais et en renonçant au plurilinguisme qui fait sa richesse et son originalité.
Quant aux économies recherchées, elles ne seront même pas au rendez-vous car cet accord entraînera au contraire un coût supplémentaire pour les PME-PMI, puisque 93 % des brevets européens sont déposés en allemand ou en anglais et n'auront plus à être traduits en français. Les PME devront multiplier les traductions indispensables pour comprendre ce que font leurs concurrents mais aussi pour se prémunir des effets de l'insécurité juridique. A cet égard, l'enjeu de la traduction des brevets européens ne peut être dissocié de la transposition de la directive anti-contrefaçon actuellement en débat. Il faut connaître et comprendre les brevets des concurrents, donc leur description, pour ne pas encourir le risque d'être accusé de contrefaçon. L'innovation deviendra plus onéreuse pour les PME qui devront traduire en français les brevets étrangers jusque là disponibles aux frais des déposants. Les grands groupes n'auront pas ces difficultés car ils ont les moyens de disposer en interne de services brevets anglophones et de pratiquer une veille technologique en anglais.
L'accès à une information technique complète et fiable est pourtant indispensable comme le prouve les surirradiations de l'hôpital d'Épinal, dues à la mauvaise compréhension d'un logiciel anglais non traduit. Il ne s'agit pas seulement de sécurité mais aussi de conditions de travail, La langue nationale est bien le premier outil de travail et doit le rester.
Les seuls gagnants seront donc les grands groupes économiques et financiers, qui déposent en masse des milliers de brevets, mais les gains qu'elles réaliseront se feront au détriment des PME-PMI qui devront traduire ces milliers de brevets à leur place, et, de surcroît, chacune de leur côté ! D'autant qu'il faudra toujours traduire dans les langues des États n'ayant pas adhéré à l'accord. En outre, en cas de litige, le déposant était contraint de financer la traduction de la description dans la langue de la juridiction nationale saisie.
Le texte est donc injuste et contre-productif. Ratifier le protocole de Londres, c'est apporter une réponse inefficace à un réel problème : les entreprises françaises ne déposent pas assez de brevets. Si on veut y remédier, il est avant tout indispensable de former les petites et moyennes entreprises aux enjeux de la propriété industrielle, pour la conquête des marchés, de favoriser une culture de l'action commerciale qui est aujourd'hui insuffisante et de s'engager plus résolument dans la recherche-développement. Il faut investir massivement dans la recherche publique, tout en renforçant le soutien de l'État aux entreprises, et prioritairement aux PME engagées dans la R&D. C'est en intervenant dans ces domaines stratégiques que la part des brevets déposés en français pourra dépasser le modeste seuil des 7 % d'aujourd'hui.
Mais avec la montée en puissance de l'économie de l'immatériel, il est également indispensable de mettre des garde-fous à la pernicieuse tendance qui consiste à breveter la connaissance plutôt que l'innovation. La protection de la propriété intellectuelle ne doit pas être asservie aux seuls intérêts financiers. Certes l'argent est lui-même devenu une langue que certains pratiquent de façon exclusive, incapables de comprendre les autres langues et les sacrifiant sans sourciller sur l'autel de la rentabilité à court terme.
Enfin, comment comprendre que la France qui a ratifié la convention de l'UNESCO sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelle ne soutienne pas le plurilinguisme ? Je suis d'accord avec Umberto Eco : « la seule véritable langue de l'Europe est la traduction ! » Il ne s'agit pas de défendre de façon bornée la langue française mais bien toutes les langues européennes D'ailleurs, une vingtaine d'États européens a refusé de signer ce protocole, la Belgique, l'Italie, l'Espagne, la Finlande, la Grèce, le Portugal, etc... Cet accord divise l'Europe au lieu de l'unir dans sa diversité.
II s'agit bien de défendre toutes les langues face à la domination de l'anglais, qui n'est pas une fatalité, mais aussi de promouvoir la francophonie. Les pays francophones nous observent, eux qui ont fait le choix du français, et ils ne comprendraient pas que la France ne défende pas sa langue chez elle. Ils attendent de la France qu'elle se conduise en « bonne mère » et non en marâtre. Ils ont noté la contradiction et songent au personnage de Prévert qui, ayant offert un bouquet à la femme aimée, la regarde apprêter les fleurs avant de les plonger dans l'eau et lui dit : « Tu prétends aimer les fleurs et tu leur coupe la queue, alors quand tu dis que tu m'aimes, j'ai un peu peur » (Sourires).
Le protocole de Londres constitue une véritable menace pour la langue française. Car n'en doutons pas, le français disparaîtra des bases de données mondiales et sera éliminé de la langue scientifique de demain. La Compagnie nationale des conseils en propriété industrielle considère que la ratification conduirait à terme à renoncer à la réflexion en français dans les sciences et les techniques. Je ne suis pas pour le français über alles, à l'exclusion de toutes les autres langues, mais, face à l'hégémonie du tout-anglais, il est indispensable de défendre le pluralisme. Le protocole de Londres n'obéit qu'à des calculs financiers qui en occultent les conséquences culturelles et politiques pour la France et pour les autres peuples européens. Promouvoir la diversité culturelle et linguistique, c'est aussi favoriser l'apprentissage de l'allemand, du polonais, de l'italien, du hongrois dans l'ensemble de l'enseignement scolaire européen. Le langage construit la pensée. Tout comme nous refusons la pensée unique, nous ne voulons pas d'une langue unique.
La langue est un puissant élément d'identification, c'est un outil de communication, mais aussi de domination, Des centaines de dialectes et de langues ont déjà disparu et cela s'accélère de par le monde, appauvrissant le patrimoine humain d'autant de visions du monde. C'est pire que les bibliothèques et les livres que l'on brûle dans le roman d'anticipation de Ray Bradbury, Fahrenheit 451, car c'est la transmission orale même des langues que l'on condamne.
Et n'est-il pas regrettable de s'attaquer aux traductions, donc aux langues, alors que le coût du brevet européen résulte surtout des lourdes taxes prélevées par l'OEB qui est la première barrière à l'accès au brevet européen pour les PME. Cet office, pour ne pas sacrifier ses revenus, a inspiré à certains États l'idée de sacrifier les traductions, qui ne représentent pourtant en moyenne que 10 % du coût du brevet, contre 75 % en taxes et 15 % en procédures. C'est sur ces taxes et frais abusifs que doit prioritairement porter la réforme.
Puisqu'il est question de mieux soutenir la recherche et l'innovation française pourquoi ne pas avoir, plutôt, l'ambition de créer sur Internet une immense base de traduction des données scientifiques et techniques d'avenir ? Google a mis en ligne, gratuitement, tous les brevets américains et a annoncé qu'il continuera avec les autres brevets, notamment européens. C'est là une occasion exceptionnelle de rendre les brevets accessibles en français, gratuitement, au monde entier.
De plus, indépendamment des initiatives privées, il est souhaitable que les traductions des brevets européens en français existant ou à venir, soient mises en ligne également par un organisme d'intérêt public tel que l'Institut national de la propriété industrielle. A l'ère de la révolution numérique, c'est une mission légitime
Pour aller plus loin, pourquoi ne pas créer un service public européen des brevets qui respecterait chacune des langues des pays adhérents à l'Union ? De nombreux États ont adopté la monnaie commune ; à plus ou moins long terme, le besoin d'une langue commune se manifestera. Et pourquoi pas ? Mais une langue commune ne sera acceptable par les peuples que si chacune des langues des pays adhérents à l'Union ne se sent pas menacée, mais au contraire respectée. Et à la condition que l'on accepte que la traduction demeure une des langues vivantes de l'Europe; c'est-à-dire une langue au service de toutes et reconnaissant à chacune le droit de s'affirmer et de se développer à égalité avec les autres.
Aucune étude ne permet de mesurer les conséquences de ce protocole, rien ne démontre qu'il sera source d'économies et encore moins qu'il favorisera le dépôt de brevets en français, C'est même l'inverse qui risque de se produire avec au contraire une insécurité juridique accrue, sans parler des conséquences négatives sur l'emploi dans le secteur de la traduction. Alberto Moravia disait des langues qu'elles sont « les merveilles de l'Europe ». Ratifier un accord au seul nom de la rentabilité économique en ignorant les aspects éthiques et culturels liés au patrimoine linguistique européen est un non sens politique. Ce n'est pas la meilleure façon de construire l'Europe, et encore moins de respecter ses peuples. Au nom de la diversité linguistique, je vous demande de ne pas voter la ratification. (Applaudissements sur les bancs CRC.).
M. Aymeri de Montesquiou. - Le protocole de Londres a donné lieu à un débat passionnant. Depuis sept ans, la bataille est acharnée et les analyses aussi fouillées que contradictoires. A l'Assemblée nationale, des opinions diverses se sont exprimées au sein de chaque groupe.
Et les arguments sont souvent réversibles ! Là où certains voient une chance unique pour le français comme langue scientifique, d'autres affirment que le protocole sonne le glas de notre langue. En réalité, il conserve les trois langues de l'OEB et tout État pourra exiger la traduction des revendications dans sa langue. La partie essentielle des brevets, la seule à être entièrement rédigée, sera toujours disponible en français. Certaines s'inquiètent de voir que des brevets en anglais auraient demain force juridique dans notre pays : mais cette crainte est vaine, puisque les revendications seront nécessairement rédigées en français. Quant aux annexes techniques, leur traduction sera exigée en cas d'action en justice ; et ce, aux frais du déposant. L'utilisation du français est garantie.
Le français devient avec l'allemand et l'anglais l'une des trois seules langues dans lesquelles les innovations seront désormais revendiquées en Europe. Nous agirions contre nos intérêts en refusant de ratifier ce protocole ! L'Allemagne l'a bien compris et elle a ratifié. Et si l'Espagne et l'Italie ne signent pas, c'est qu'elles regrettent l'absence de leurs langues prestigieuses dans la liste officielle. La défense de notre langue est un combat, mais ne choisissons pas le mauvais terrain pour le mener ! Déplorons plutôt que de grandes entreprises françaises tiennent leur conseil d'administration en anglais, imposent l'usage de cette langue à leurs employés et déposent leurs brevets directement en anglais. Le secrétaire général de la francophonie, M. Abdou Diouf, appelle notre pays à défendre le français avec autant de conviction que les autres membres de l'organisation internationale de la francophonie (OIF). Pas moins de 55 pays ont choisi de se regrouper sous la bannière de l'OIF ; or ; pour certains de nos hauts responsables, vanter l'importance du français revient à faire preuve d'une nostalgie incompatible avec la modernité...
L'entrée en vigueur du protocole de Londres scelle l'utilisation obligatoire du français. Mais la place du français dans la recherche et l'innovation dépend avant tout de notre effort en la matière, de l'aide à nos PME, de la valorisation de la recherche publique.
Autre sujet de débat : le coût du brevet et l'impact sur le nombre de dépôts. Pour les uns, le protocole de Londres réduira le coût du brevet européen et incitera les PME à déposer davantage de brevets. Pour les autres, le coût des brevets est un "faux prétexte" et, pire encore, le coût de la traduction pèsera sur les PME, qui devront traduire par leurs propres moyens les textes subtils des grandes entreprises qui déposent des milliers de brevets. Les mêmes dénoncent un possible effet d'aubaine pour nos concurrents, qui n'auront plus à assumer une traduction en français. Je crois pour ma part que le protocole exprime une conception offensive de la croissance économique et de la compétitivité. La recherche et l'innovation sont les clés de la croissance et de l'emploi. N'oublions pas que chaque année, la Chine « produit » deux millions de diplômés « bac plus cinq » et d'ingénieurs... Chacun déplore le retard français : une PME sur quatre dépose un brevet au cours de son existence, contre une sur deux aux États-Unis et 55 % au Japon. Il y a là un défi -et non pas un challenge ! Ne nous abritons pas derrière une rassurante ligne Maginot, menons l'offensive économique à travers les brevets. Et arrêtons d'accuser les autres du faible nombre de nos dépôts.
La France a réduit la taxation des brevets de 55 %. Mais il y a encore du chemin à parcourir. Un brevet coûte 30 000 euros environ ; c'est beaucoup pour une PME ou pour une entreprise en création qui doit déposer et protéger son innovation. En limitant le coût de la traduction et donc le coût total du brevet européen, le protocole de Londres va favoriser les chercheurs et les PME soutenues par le CNRS, l'Académie des sciences, l'Académie des technologies, la CGPME. C'est indispensable et conforme aux objectifs de Lisbonne.
La France est attendue sur ce texte. Les brevets en langue française représentent aujourd'hui 7 % de l'ensemble en Europe, contre 18 % pour l'allemand et 75 % pour l'anglais. Cette part pourrait s'éroder encore au cours des prochaines années si nous ne donnons pas, de manière définitive, publique et forte, une place au français comme langue technologique, scientifique, comme langue de la bataille économique. C'est la situation actuelle qui fragilise le français ; la ratification des accords de Londres le renforcera. Je voterai pour ce texte, comme la majorité du groupe RDSE. Un certain nombre de mes collègues, dont MM. Seillier et Alfonsi, n'ont pas été convaincus par le protocole et voteront contre la ratification. (Applaudissements à droite)
M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'État. - Le débat, je le vois, est largement consensuel. Que le français devienne l'une des trois langues officielles est une avancée considérable pour nous... tandis que les Espagnols et les Italiens sont préoccupés. Mais je souhaite répondre aux critiques de M. Renar et de M. Legendre.
Monsieur Renar, je suis, comme vous, admirateur de François Truffaut et d'Alberto Moravia, mais je n'aboutis pas aux mêmes conclusions que vous et je ne dirai rien sur Prévert. (Sourires) J'estime que le protocole de Londres est important pour conforter au plan international le modèle européen du dépôt de brevet. Or l'Europe devra, dans les négociations internationales, faire valoir sa procédure et la sécurité juridique qui l'entoure. Il faut pour cela ratifier Londres ! Le protocole améliore aussi -M. Yung l'a dit- l'attrait de l'Europe comme puissance scientifique, technologique, intellectuelle, comme le veut la stratégie de Lisbonne... Et pour occuper les marchés européens, rien ne vaut un brevet européen.
N'oublions pas les économies de traduction réalisées -de 30 à 40 %- et le statut préservé de la langue française pour les revendications. L'OEB a enregistré 150 000 mots nouveaux qui seront traduits dans les trois langues officielles. Sur EurActiv, 73 % des articles figurent en français contre 30 % il y a quelques années. Nous avons donc raison d'avoir une politique active en faveur de la francophonie.
Le Conseil d'État comme le Conseil constitutionnel se sont prononcés sur la « langue de la République ». Je précise aussi que la loi Toubon demeure en vigueur pour toutes les notices techniques, cela dit pour apaiser certaines craintes.
Quelles mesures d'accompagnement proposons-nous ? L'INPI proposera une labellisation de ses traductions, afin que la profession de traducteur ait une meilleure visibilité. Les ingénieurs des brevets recevront également une formation spécifique.
La proposition de loi Marini ? Nous l'étudierons et en mesurerons l'impact sur les entreprises.
L'accompagnement fiscal ? Le crédit impôt recherche sera élargi et deviendra, dans le cadre de l'OCDE, le dispositif principal de soutien à la recherche pour un montant de 2,7 milliards. On va supprimer la différence de traitement entre concession et cession de brevet et un abattement annuel est prévu qui doit aboutir à une exonération de plus-value huit ans après la réalisation de l'apport.
L'aide aux PME ? M. Novelli a prévu une baisse de 50 % des frais de dépôt les concernant. L'INPI va doubler le nombre de ses prédiagnostics. Nous allons rationaliser les tribunaux compétents pour les contentieux relatifs à la propriété intellectuelle et à la contrefaçon dont le Sénat a récemment débattu.
Les chercheurs publics seront sensibilisés aux brevets. Comptez sur moi pour faciliter l'accès en ligne des données terminologiques. J'ajoute, s'agissant de la sécurité juridique, que le texte français fera toujours foi conformément à l'article L614-10. Le Gouvernement s'engage à donner à l'INPI des instructions fermes pour le maintien de la production des abrégés dans les trois mois après la demande de brevet. Telles sont les mesures d'accompagnement que Mme Pécresse et M. Novelli souhaitent présenter.
Je dirai en conclusion que la ratification de ce texte fait partie d'une stratégie de relance européenne, dans le cadre de la stratégie de Lisbonne. Nous comptons sur son effet d'entraînement vers une juridiction européenne des brevets, dont les effets linguistiques ne peuvent que nous convenir. Ce sera une priorité de la présidence française. Nous ferons en sorte que la ratification porte les fruits que nous en attendons.
À la demande de la commission et du groupe CRC, l'article unique du projet de loi est mis aux voix par scrutin public.
Mme la Présidente. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 315 |
Nombre de suffrages exprimés | 313 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 157 |
Pour l'adoption | 280 |
Contre | 33 |
Le Sénat a adopté.
Le projet de loi autorisant la ratification de l'acte portant révision de la convention sur la délivrance de brevets européens est adopté selon la procédure simplifiée.
présidence de M. Christian Poncelet