V. RAPPORT SÉNAT N° 107 (2011-2012) TOME II

Commentaire : le présent article tend à compléter le dispositif relatif aux redevances sanitaires afin de mieux encadrer la certification vétérinaire et phytosanitaire ainsi que de couvrir les frais liés aux mesures spécifiques à destination prises dans le cadre de l'importation de marchandises.

I. LE DROIT EXISTANT

A. LA REDEVANCE POUR CONTRÔLE VÉTÉRINAIRE

Afin d'assurer le financement des inspections et contrôles sanitaires des denrées alimentaires et aliments pour animaux , les Etats membres de l'Union européenne sont autorisés, notamment sur le fondement de la directive du Conseil du 29 janvier 1985 2 ( * ) , du règlement du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 3 ( * ) et du règlement de la Commission du 24 juillet 2009 4 ( * ) à percevoir des redevances et taxes . Ces règles communes permettent une certaine harmonisation des règles de financement appliquées dans les différents Etats membres.

L'article 26 de la loi n° 98-1267 du 30 décembre 1998 de finances rectificative pour 1998, codifié à l'article 285 quinquies du code des douanes, modifié par l'ordonnance n° 2000-916 du 19 septembre 2000 et par l'article 93 de la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 5 ( * ) , a ainsi instauré une redevance pour contrôle vétérinaire , perçue lors de l'importation sur le territoire national, de produits animaux ou d'origine animale, d'animaux vivants et d'aliments pour animaux d'origine non animale en provenance d'un Etat n'appartenant pas à l'Union européenne.

Cette redevance, due par l'importateur , son représentant légal ou un commissionnaire en douane agréé, est recouvrée par le service des douanes selon les mêmes règles, sous les mêmes garanties et privilèges qu'en matière de droits de douane. Les taux de la redevance sont fixés par tonne de produits , soit selon des niveaux forfaitaires définis par décision du Conseil de l'Union européenne, soit établis à 6,10 euros par tonne, avec un minimum de 30,49 euros et un maximum de 457,35 euros par lot . Dans tous les cas, les redevances perçues ne peuvent excéder les coûts supportés par les autorités d'inspection compétentes .

Aux termes de l'article L. 236-2 du code rural et de la pêche maritime, le calcul de la redevance pour contrôle vétérinaire inclut les opérations relatives à la délivrance des certificats et documents nécessaires à l'expédition des marchandises mais ne prend pas en compte les visites sanitaires , préalables à l'établissement des certificats et autres documents. Or, comme l'indique l'évaluation préalable annexée au présent projet de loi de finances, ces contrôles physiques font « partie intégrante de la mission de certification officielle et devraient à ce titre être inclues dans le périmètre de la redevance ».

En sus de ces contrôles physiques et documentaires nécessaires à l'établissement des certificats, la réalisation de ces documents nécessaires aux échanges représente une charge importante pour les services de l'État et pour les vétérinaires certificateurs 6 ( * ) . Ce coût pourrait lui-aussi être pris en compte dans l'établissement de la redevance .

B. LA REDEVANCE PHYTOSANITAIRE

Bien que pouvant être assimilées à des impositions de toute nature , les redevances phytosanitaires à la circulation intracommunautaire et à l'export sont prévues par un simple arrêté en date du 5 août 1992. Ce sont les agents des services régionaux de l'alimentation ou, sur délégation, les fédérations régionales de défense contre les organismes nuisibles (FREDON) qui opèrent le contrôle phytosanitaire des végétaux et produits végétaux et délivrent les documents administratifs afférents.

Il conviendrait dans un tel contexte de sécuriser ce dispositif et donc de déterminer un cadre légal prévoyant le champ, le montant et les modalités d'acquittement de ces redevances.

C. LES CONTRÔLES À DESTINATION

Aux termes de l'article L. 236-4 du code rural et de la pêche maritime, le coût du contrôle à l'importation pèse sur l'importateur au moment de l'entrée de la marchandise sur le territoire national , dans les postes d'inspection frontaliers (PIF).

Pour les mesures spécifiques à destination , justifiées par une obligation communautaire le plus souvent 7 ( * ) , l'acquittement par les importateurs des frais induits par les opérations d'importation, fait défaut. C'est donc l'Etat qui doit financer les prélèvements et analyses en laboratoire de ces contrôles à destination, à l'exception des oiseaux de volière, pour lesquels, en vertu de la réglementation européenne, les destinataires finaux sont tenus d'acquitter, le cas échéant, les frais liés aux mesures de quarantaine sanitaire dont ces volatiles peuvent faire l'objet.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article propose de compléter le dispositif relatif aux redevances sanitaires afin, d'une part, d'améliorer l'encadrement juridique de la perception des redevances liées à la certification vétérinaire et phytosanitaire et, d'autre part, de prévoir les modalités de financement dues par les professionnels afin de couvrir les frais liés aux mesures spécifiques à destination prises dans le cadre de l'importation de marchandises.

A. MIEUX ENCADRER LA REDEVANCE POUR CONTRÔLE VÉTÉRINAIRE

Le présent article propose tout d'abord de modifier le périmètre de la redevance pour contrôle vétérinaire inscrite à l'article L. 236-2 du code rural et de la pêche maritime, en y incluant le coût de la visite sanitaire préalable à la délivrance des certificats sanitaires, ainsi que le coût d'établissement de ces certificats . Les modalités de calcul de la redevance sont définies par une formule au terme de laquelle seraient additionnés le coût de la visite, celui des certificats et un forfait par animal. D'après les informations transmises par le Gouvernement à votre rapporteure générale, le « forfait visite » devrait être de l'ordre de 30 euros 8 ( * ) , le certificat sanitaire de 10 euros et le forfait par animal certifié entre 15 et 50 centimes d'euros selon l'espèce considérée.

Le produit de la redevance, affecté à l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer), doit permettre d' assurer la rémunération des vétérinaires certificateurs chargés de toute ou partie des opérations de certification. Le nouveau dispositif de redevance devra permettre un meilleur équilibre entre les ressources d'une part et les dépenses d'autre part. Il mettra de plus un terme au système de « co-certification » décrit ci-avant et opéré par des vétérinaires libéraux sous mandat sanitaire : dans la mesure où les vétérinaires certificateurs seront rémunérés directement par FranceAgrimer pour l'exercice de leurs missions, sur la base de la redevance collectée par les services fiscaux auprès des opérateurs commerciaux, et non plus par les opérateurs eux-mêmes, l' indépendance du vétérinaire certificateur sera mieux garantie.

Une telle évolution permet de répondre aux observations de la Commission européenne et de mettre notre législation en conformité avec la réglementation communautaire.

B. DOTER LA REDEVANCE PHYTOSANITAIRE D'UN CADRE LÉGISLATIF

Le présent article propose ensuite de préciser les modalités de perception et de calcul de la redevance phytosanitaire à la circulation intracommunautaire et à l'exportation en insérant, dans le code rural et de la pêche maritime, un nouvel article L. 251-17-1, qui offrirait une base légale pour la perception de telles redevances , dans le but de sécuriser leur existence.

Il s'agirait donc d'assurer le recouvrement intégral du produit des redevances dues par les professionnels du secteur végétal au titre du financement des contrôles et de la délivrance des documents administratifs nécessaires.

C. COUVRIR LE CHAMP DES CONTRÔLES À DESTINATION

Enfin, le présent article propose d' étendre le régime applicable au financement des contrôles à l'importation réalisés dans les postes d'inspection aux frontières aux contrôles à destination , dont ils constituent le prolongement.

Il convient en effet de faire supporter le coût des mesures spécifiques à destination par les importateurs des marchandises qui feraient l'objet de tels contrôles, en lieu et place de l'Etat .

Cette disposition s'inscrit dans un objectif de mise en cohérence du dispositif de financement des contrôles et mesures applicables aux marchandises importées . Elle répondra, tout particulièrement, à la problématique des importations d'essaims d'abeilles de pays tiers , qui constituent la principale marchandise concernée par ce type de contrôles.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Les dispositions proposées par le présent article ont été conçues pour assurer une plus grande cohérence dans notre dispositif de redevances sanitaires, ainsi qu'une sécurité juridique accrue tout en permettant à la France de mieux se conformer à ses obligations communautaires.

On espère qu'elles permettent également de faire bénéficier les consommateurs d'une plus grande sécurité sur la qualité des denrées alimentaires importées. En effet, la redevance pour certification permet d'abandonner le principe de rémunération directe du vétérinaire par l'opérateur commercial, susceptible de peser sur l'impartialité et l'indépendance du vétérinaire dans ses missions de certification. On peut y voir une garantie de l'indépendance financière des vétérinaires certificateurs vis-à-vis des opérateurs et un renforcement de la sécurisation apportée par la certification sanitaire officielle.

L'évaluation préalable annexée au présent projet de loi de finances estime, au total, à un minimum de 3,3 millions d'euros l'augmentation nette de recettes fiscales attendue des dispositions du présent article.

Le nouveau périmètre de la redevance pour contrôle vétérinaire devrait ainsi engendrer 2,6 millions d'euros de recettes supplémentaires. De même, la mise en place d'un cadre légal serait susceptible d'augmenter le produit de la redevance phytosanitaire, à hauteur de 700 000 euros 9 ( * ) . Enfin, le transfert de prise en charge des frais liés aux mesures spécifiques à destination doit se traduire par une moindre dépense pour le budget de l'État. Celle-ci ne peut toutefois être déterminée avec précision et devra être évaluée selon le champ et le volume des marchandises qui feront l'objet du nouveau dispositif 10 ( * ) .

On peut s'interroger sur le choix de confier la mission de paiement à FranceAgrimer plutôt qu'aux services du ministère de l'agriculture. Une évaluation des avantages et des inconvénients de chacune de ces deux solutions serait utile.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.


* 2 Directive 85/73/CEE du Conseil du 29 janvier 1985 relative au financement des inspections et contrôles sanitaires des viandes fraîches et des viandes de volaille.

* 3 Règlement (CE) n° 882/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relatif aux contrôles officiels effectués pour s'assurer de la conformité avec la législation sur les aliments pour animaux et les denrées alimentaires et avec les dispositions relatives à la santé animale et au bien-être des animaux.

* 4 Règlement (CE) n°669/2009 du 24 juillet 2009 portant modalités d'exécution du règlement (CE) n° 882/2004 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les contrôles officiels renforcés à l'importation de certains aliments pour animaux et certaines denrées alimentaires d'origine non animale et modifiant la décision 2006/504/CE.

* 5 Alors que les contrôles à l'importation des aliments pour animaux d'origine non animale étaient réalisés par les agents des services vétérinaires, le plus souvent dans le cadre de l'inspection vétérinaire et phytosanitaire aux frontières, ces contrôles ne donnaient pas lieu à perception de redevance sanitaire. Il s'est donc agi d'inscrire dans la législation française la perception d'une redevance pour les contrôles à l'importation des aliments pour animaux d'origine non animale et à se conformer à l'article 15 du règlement (CE) n° 882/2004 et au règlement (CE) n° 669/2009 pris en application de ce dernier. Aux termes de celui-ci, les États membre ont en effet l'obligation de mettre en place les redevances nécessaires à ces « contrôles officiels renforcés, qui doivent être menés sur une liste d'aliments pour animaux d'origine non animale, sur la base des risques connus ou nouveaux ».

* 6 La certification aux échanges intra-communautaires et à l'export est opérée uniquement par des vétérinaires dits « officiels », placés auprès des directions départementales chargées de la protection des populations. Elle peut cependant faire intervenir des vétérinaires libéraux titulaires d'un mandat sanitaire pour la réalisation des inspections physiques préalables à l'acte de certification. A ce jour, la délivrance des certificats et documents nécessaires aux échanges intracommunautaires et à l'export réalisée par des vétérinaires officiels est gratuite pour les opérateurs bénéficiaires. Seule la visite sanitaire préalable à la délivrance des certificats fait l'objet d'une tarification libérale entre le vétérinaire sanitaire réalisant cette visite et le négociant ou l'éleveur. De plus, afin d'adapter les capacités de certification aux volumes d'activité, ce système a été complété, depuis 1997, par une procédure dite de « co-certification », qui fait intervenir un certain nombre de vétérinaires sanitaires libéraux dans l'établissement des certificats eux-mêmes, et non plus uniquement dans le cadre de la visite sanitaire préalable. Ce système a néanmoins fait l'objet de critiques de la part de l'Office Alimentaire et Vétérinaire de la Commission européenne (OAV) et doit donc évoluer.

* 7 Le cas de figure le plus fréquent est celui des essaims d'abeilles, qui doivent faire l'objet, en application de l'article 13 du règlement (UE) n° 206/2010 du 12 mars 2010, de contrôles sur le lieu de destination finale.

* 8 Le présent article fixe un plafond de 60 euros par visite.

* 9 D'après les données disponibles, qui remontent à 2008, le produit de la redevance phytosanitaire relative à la circulation intracommunautaire, établie au bénéfice de l'Etat, est évalué à 122 000 euros et celui de la redevance phytosanitaire à l'export à 439 000 euros. Les sous-déclarations conduisent à un différentiel entre produit théorique et produit réel des redevances, estimé à au moins 700 000 euros en 2008. Le présent article devrait permettre de réduire massivement ce différentiel.

* 10 Toutefois et à titre d'exemple, la principale marchandise concernée, les essaims d'abeilles, a engendré un coût estimé à 100 000 euros en 2010. L'économie attendue pour le budget de l'Etat pourrait donc être au moins de cet ordre.