ARTICLE 20 (DEVENU ARTICLE 51 DE LA LOI DE
FINANCES POUR 2012)
CRÉATION DU COMPTE DE COMMERCE «
RENOUVELLEMENT DES CONCESSIONS HYDROÉLECTRIQUES »
I. TEXTE DU PROJET DE LOI
Il est ouvert, à compter du 1 er janvier 2012, un compte de commerce intitulé : « Renouvellement des concessions hydroélectriques ».
Ce compte retrace les opérations liées au renouvellement des concessions hydroélectriques. Il comporte :
1° En recettes :
a) Le montant du droit prévu à l'article L. 521-17, alinéa 1 er du code de l'énergie à la charge du concessionnaire retenu ;
b) Le remboursement par les concessionnaires sortants des frais d'expertise et de contre-expertise éventuellement exposés par l'État au cours des procédures de fin de concession ;
c) Les recettes diverses et accidentelles ;
d) Les versements du budget général ;
2° En dépenses :
a) Les dépenses à rembourser par l'État aux concessionnaires sortants mentionnées à l'article L. 521-17, alinéa 1 er du code de l'énergie ;
b) Les frais engagés par l'État au titre du renouvellement des concessions, mentionnés à l'article L. 521-17, alinéa 1 er du code de l'énergie ;
c) Les frais d'expertise et de contre-expertise engagés par l'État au cours des procédures de fin de concession ;
d) Les dépenses diverses et accidentelles ;
e) Les versements au budget général.
II. RAPPORT ASSEMBLÉE NATIONALE N°3805 XIIIÈME LÉGISLATURE PREMIÈRE LECTURE
Observations et décision de la Commission :
Le présent article a pour objet la création d'un compte de commerce retraçant les opérations budgétaires liées au renouvellement des concessions hydroélectriques.
A.- LES OPÉRATIONS BUDGÉTAIRES LIÉES AU RENOUVELLEMENT DES CONCESSIONS HYDROÉLECTRIQUES
À la suite d'une mise en demeure de la Commission européenne qui estimait qu'il portait atteinte à la liberté d'établissement garantie par le traité, le droit de préférence dont jouissait, depuis 1919, le concessionnaire sortant des concessions hydroélectriques a été supprimé par la loi sur l'eau de 2006 1 ( * ) . En conséquence, un décret de 2008 2 ( * ) a prévu d'appliquer à l'octroi des concessions hydroélectriques la procédure de mise en concurrence applicable aux délégations de service public et prévue par la loi « Sapin » de 1993 3 ( * ) . Il en résulte que, comme l'a annoncé le ministre en charge de l'Écologie le 22 avril 2010, dix concessions feront l'objet d'une telle procédure entre 2012 et 2015, pour une puissance installée totale de 5,3 GW, soit 20 % de la puissance hydroélectrique installée en France. Alors que l'on associe volontiers les barrages aux déjeuners sur l'herbe le dimanche au bord d'un lac de montagne, l'enjeu financier des concessions hydroélectriques apparaît extrêmement important, tant pour l'État et les collectivités territoriales que pour les entreprises du secteur.
Les procédures d'appel d'offres ainsi que les éventuels changements de concessionnaires entraîneront des dépenses pour l'État, qui devraient être entièrement couvertes par des recettes prévues à cet effet.
À titre principal, des indemnités pourront être versées aux concessionnaires sortants : remboursement d'éventuels investissements non amortis, rachat des biens propres du concessionnaire indispensables à l'exploitation et, le cas échéant, indemnités pour rupture anticipée du contrat 4 ( * ) . Le montant cumulé de ces indemnités entre 2012 et 2015 serait compris entre 1 et 1,5 milliard d'euros et les versements pourraient être concentrés sur les années 2014 et 2015.
Le financement de ces dépenses doit être assuré par les concessionnaires entrants, qui devront s'acquitter du droit prévu à cet effet à l'article L. 521-17 du code de l'énergie. La loi prévoit que le montant du droit est « fonction » de celui des dépenses engagées de façon que celles-ci ne constituent pas une charge nette pour le budget de l'État 5 ( * ) .
À titre subsidiaire, l'État devra engager des frais d'études et d'expertises dans le cadre des procédures d'appels d'offre. Leur montant cumulé entre 2012 et 2015 est évalué à 20,9 millions d'euros. Les frais relatifs à la procédure de mise en concurrence, évalués à 19,1 millions d'euros sur la période, doivent être financés par une partie du droit mentionné plus haut et supporté par les concessionnaires entrants. Les frais d'expertise des dossiers remis en fin de concession, estimés à 1,8 million d'euros sur la période, seraient assumés par les concessionnaires sortants.
Le financement de ces frais sera toutefois postérieur à leur engagement. C'est pourquoi le présent projet de loi prévoit un découvert, sur le nouveau compte, de 4,7 millions d'euros pour permettre d'entamer les premières études dès l'an prochain.
B.- LA CRÉATION D'UN COMPTE DE COMMERCE DONT LA CONFORMITÉ À LA LOLF N'EST PAS CERTAINE
Le présent article prévoit que les opérations budgétaires décrites ci-dessus ne seraient pas retracées sur le budget général de l'État mais sur un nouveau compte de commerce dénommé « Renouvellement des concessions hydroélectriques » . Outre les dépenses et recettes décrites ci-dessus, le compte retracerait également, tant en recettes qu'en dépenses, des opérations diverses et accidentelles et des versements du budget général.
L'article 22 de la LOLF prévoit que « les comptes de commerce retracent des opérations de caractère industriel et commercial effectuées à titre accessoire par des services de l'État non dotés de la personnalité morale ».
Dans le cas présent, les services du ministère de l'Écologie 6 ( * ) , non dotés de la personnalité morale et non dédiés à titre principal au renouvellement des concessions hydroélectriques, seraient en charge de mener ces opérations. L'ordonnateur du compte devrait être le ministre chargé de l'Écologie. Cette précision serait faite chaque année par le décret de répartition des crédits, pour assurer une meilleure souplesse en cas d'évolutions dans les attributions des ministres.
La caractérisation des opérations retracées par le compte comme industrielles et commerciales paraît cependant incertaine.
La jurisprudence administrative utilise comme critères du service industriel et commercial, le plus souvent associés et combinés, l'objet du service, l'origine de ses ressources et les modalités de son organisation et de son fonctionnement. En l'espèce, ce dernier critère est à écarter car l'activité est exercée à titre accessoire.
En ce qui concerne l'objet du service, le Gouvernement estime que « les opérations retracées sur le compte relèvent d'une activité de valorisation du domaine de l'État, dans laquelle ce dernier agit comme n'importe quel opérateur économique » . S'il est vrai que l'un des objectifs poursuivis par le renouvellement des concessions hydroélectriques est la valorisation du patrimoine de l'État, il semble contestable que les opérations retracées sur le compte puissent être appréhendées au regard d'un tel objectif. Ces opérations portent uniquement sur les frais que l'État pourrait engager du fait de la procédure de mise en concurrence et sur leur remboursement par les concessionnaires. En revanche, les redevances que l'État percevra au titre de cette concession sont exclues du champ du compte alors qu'elles constituent la traduction financière de l'objectif de valorisation du patrimoine. Ainsi, il semble que l'État se comporte comme n'importe quel opérateur économique quand il attribue une concession pour en percevoir des revenus et que, dès lors que les redevances sont exclues du champ du compte, il semble difficile de qualifier d'industrielles et commerciales les opérations qui y sont retracées.
En ce qui concerne le financement du service, il serait, dans le cadre du compte de commerce, principalement assuré par le produit du droit prévu à l'article L. 521-17 du code de l'énergie, qui semble s'apparenter à une imposition de toute nature. Un tel mode de financement ne paraît pas être une ressource communément répandue dans le secteur productif et tendrait donc à écarter la qualification d'activité industrielle et commerciale. Le Gouvernement estime toutefois que le droit ne constitue pas une imposition de toute nature mais une modalité permettant un transfert de biens - investissements réalisés, matériels divers... - de l'exploitant sortant vers l'exploitant entrant.
Si le caractère industriel et commercial des opérations retracées sur le compte semble incertain, le Gouvernement estime néanmoins que le présent article est conforme à l'esprit de l'article 22 de la LOLF, qui viserait à cantonner des opérations qui ne relèvent pas des activités traditionnelles de l'État et qui sont difficiles à prévoir et à quantifier.
Au-delà d'un tel argument, il semble que le choix privilégié par le Gouvernement a pour objet d'éviter plusieurs contraintes qui s'imposeraient à lui si la voie du budget général ou du compte d'affectation spéciale était suivie.
En premier lieu, l'indemnisation des concessionnaires sortants pourrait entraîner, a priori à compter de 2013, une dépense de plusieurs centaines de millions d'euros sur le budget de l'État. Une dépense d'une telle ampleur rendrait donc difficile le respect de la norme de dépense et cet effort supplémentaire ne trouverait pas de réelle justification dès lors que la dépense est ponctuelle et sans impact sur le solde puisque compensée à due concurrence par une recette. Une telle contrainte répondrait néanmoins aux exigences du principe d'universalité du budget de l'État.
En second lieu, le Gouvernement souhaite éviter de devoir documenter dans la justification au premier euro le montant de la dépense due au titre du renouvellement anticipé d'une concession. Il estime en effet que ces éléments fourniraient une indication sur le prix payé par le nouveau concessionnaire et qu'en conséquence, « ils iraient à l'encontre du caractère confidentiel s'attachant à ces opérations et, in fine, à la valorisation économique qu'entend poursuivre l'État » . C'est notamment pour cette raison que le recours à un compte d'affectation spéciale a été écarté 7 ( * ) et que le compte de commerce, dont les crédits sont évaluatifs et dépourvus d'une justification au premier euro, a été privilégié.
Il convient de remarquer qu'un tel argument semble aller à l'encontre du droit d'information des parlementaires sur la procédure d'attribution des concessions hydroélectriques et sur ses conséquences budgétaires. En particulier, en renchérissant l'accès à la concession, le montant de la dépense et du droit payé par le concessionnaire entrant n'est pas sans effet sur la rentabilité de l'opération pour le nouvel exploitant et donc sur le montant des redevances qu'il serait prêt à verser à l'État en échange de la concession. Par ailleurs, la justification au premier euro n'implique pas forcément de livrer le détail des opérations menées sur chaque concession hydroélectrique et pourrait se limiter à une présentation globale des charges supportées par l'État.
Au final, la création du présent compte de commerce semble juridiquement fragile et pourrait limiter la capacité, pour le Parlement, de contrôler la procédure d'attribution des concessions hydroélectriques ainsi que la dépense qu'elle suscite, qui indirectement a un impact sur la valorisation des concessions. Elle présente néanmoins l'avantage d'éviter de compliquer démesurément la gestion du budget de l'État à compter de 2013. Elle permet également de conserver sur le budget de l'État des opérations qui pourraient peut-être faire l'objet d'une débudgétisation compte tenu de l'ampleur, jugée démesurée par le Gouvernement, des obstacles qu'impliquerait le recours au budget général.
*
* *
La Commission adopte l'article 20 sans modification .
* 1 Par l'article 7 de la loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l'eau et les milieux aquatiques.
* 2 Décret n° 2008-1009 du 26 septembre 2008.
* 3 Loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques, articles 38, 40 et 40-1.
* 4 Le Gouvernement souhaite anticiper le terme de certaines concessions afin d'opérer des regroupements par vallée. En cas de rupture anticipée du contrat, le concessionnaire sortant perçoit des indemnités destinées à compenser le manque à gagner qui résulte de la cessation anticipée de l'exploitation.
* 5 Les différentes composantes de ce droit d'entrée sont détaillées à l'article 30-1 du décret n° 94-894 du 13 octobre 1994 relatif à la concession et à la déclaration d'utilité publique des ouvrages utilisant l'énergie hydraulique.
* 6 Direction générale de l'énergie et du climat au niveau central, directions régionales et interdépartementales de l'énergie et de l'environnement au niveau déconcentré.
* 7 Le compte d'affectation spéciale, régi par un principe d'équilibre, serait inadapté : du fait de contentieux possibles, les recettes perçues au titre du droit d'entrée pourraient être perçues après le versement de l'indemnisation de l'exploitant sortant.