ARTICLE 16 BIS (DEVENU ARTICLE 45 DE LA LOI DE
FINANCES POUR 2012)
PRÉLÈVEMENT EXCEPTIONNEL SUR L'ONEMA ET
L'AGENCE NATIONALE DES TITRES SÉCURISÉS
I. DÉBATS ASSEMBLÉE NATIONALE EN PREMIÈRE LECTURE (3ÈME SÉANCE DU VENDREDI 21 OCTOBRE 2011)
M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 430 ainsi rédigé :
APRÈS L'ARTICLE 16, insérer l'article suivant :
I. - Il est opéré en 2012 au profit du budget général un prélèvement de 96,8 millions d'euros sur les deux établissements suivants :
1° L'office mentionné à l'article L. 213-2 du code de l'environnement, à raison de 55 millions d'euros ;
2° L'agence créée par le décret n° 2007-240 du 22 février 2007 portant création de l'Agence nationale des titres sécurisés, à raison de 41,8 millions d'euros.
II. - Le versement de ce prélèvement est opéré avant le 31 mars 2012. Le recouvrement, le contentieux, les garanties et les sanctions relatifs à ces prélèvements sont régis par les règles applicables en matière de taxe sur les salaires.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Valérie Pécresse, ministre. Monsieur le président, je présenterai ensemble les amendements n os 430 et 431 rectifié, qui concernent la partie du rabot de 1 milliard d'euros relative aux opérateurs de l'État.
L'effort supplémentaire demandé par le Premier ministre le 24 août concerne les ministères et les collectivités locales, mais aussi les opérateurs. Le plan retenu prévoit ainsi une économie de 316 millions d'euros sur ces derniers en 2012. Cet effort doit peser sur l'ensemble de leurs ressources, qu'elles proviennent de subventions budgétaires ou de ressources affectées.
L'amendement n° 430 a pour objet d'effectuer un prélèvement exceptionnel de 96,8 millions d'euros sur le fonds de roulement excédentaire de deux organismes - dans la période que nous vivons, les opérateurs n'ont pas vocation à garder des fonds de roulement excédentaires, vous en conviendrez -,...
M. Michel Bouvard. C'est certain !
Mme Valérie Pécresse, ministre. ...à savoir l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques - pour 55 millions d'euros - et l'Agence nationale des titres sécurisés - pour 41,8 millions d'euros.
Par ailleurs, l'Institut national de la propriété intellectuelle reversera en 2012 à l'État un dividende majoré d'un prélèvement exceptionnel de 3 millions d'euros.
L'effort des opérateurs de l'État à la maîtrise des finances publiques se traduira également par la mise en place dès 2012 d'un plafonnement de la plupart des taxes qui leur sont affectées et de réductions ciblées de subventions budgétaires qui seront proposées dans le cadre de l'examen de la seconde partie de ce projet de loi de finances.
L'amendement suivant prévoit d'instaurer un mécanisme durable de fixation par le Parlement, chaque année, du plafond de chacune des taxes affectées aux opérateurs.
M. Michel Bouvard. Excellente mesure ! Cela fait quinze ans que je la réclame !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Par cette mesure, nous réintégrons dans le champ de l'autorisation parlementaire annuelle le niveau des taxes affectées qui, je l'ai dit hier, constitue une ligne de fuite de ressources budgétaires et fiscales.
Ainsi, le Parlement pourra débattre globalement, au moment de la loi de finances et des lois de finances rectificatives, du niveau des ressources totales des opérateurs de l'État, que celles-ci soient financées par subventions budgétaires ou par taxes affectées.
Je précise que, s'agissant des opérateurs bénéficiant de plusieurs taxes affectées, le plafond est fixé taxe par taxe, mais qu'il faut bien évidemment envisager le plafond dans son ensemble. Je pense par exemple au Centre national du cinéma, pour lequel l'esprit du texte est de fixer ses ressources à 700 millions d'euros.
Vous l'avez compris, mesdames et messieurs les députés, il s'agit de vous redonner la main, de ne pas faire perdre au législateur, par des taxes affectées, son pouvoir de décider de l'affectation de l'impôt.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gilles Carrez, rapporteur général . Je ne peux qu'approuver cette approche du Gouvernement s'agissant des opérateurs. Depuis 2007, les taxes affectées à ces derniers ont progressé d'un peu plus de 20 %, soit bien plus rapidement que la moyenne des recettes de l'État. Par ailleurs, les opérateurs sont souvent alimentés de deux manières : par la taxe affectée et par une subvention, qui est une dépense dans le budget de l'État, pour charges de service public. Ces subventions ont été plutôt préservées.
Aujourd'hui qu'il faut absolument chercher à réduire le déficit, il est normal que l'État, après avoir, sur ses propres administrations, supporté les efforts, se tourne vers les opérateurs. Je pense que les mesures proposées, qu'il s'agisse de l'ONEMA, du CNC ou des autres, me paraissent correctement calibrées. J'en profite pour vous rappeler, madame la ministre, que je vous ferai des propositions concernant France Télévisions.
M. le président. La parole est à M. Jean Launay.
M. Jean Launay. Je souhaite intervenir sur l'amendement n° 430 et, en particulier, sur l'ONEMA. Mon propos n'est pas de défendre un opérateur qui accumulerait des excédents mais d'expliquer le mécanisme qui conduit aujourd'hui au prélèvement de 55 millions d'euros.
L'ONEMA a été créé dans le cadre de la loi sur l'eau et les milieux aquatiques, et il est financé par des ponctions sur les agences de l'eau. Je suis intervenu sur ce point, dans la discussion générale, en tant qu'administrateur de l'Agence de l'eau Adour-Garonne. Les agences ont été obligées de contribuer au budget de l'ONEMA, qui met en place ses actions progressivement.
Mais, parallèlement, pour mener leurs propres actions, les agences de l'eau ont dû augmenter leurs redevances, en particulier celle d'Adour-Garonne, qui les a par trois fois augmentées de 9,5 %, notamment pour répondre aux objectifs de la directive-cadre sur l'eau ou encore de la directive-cadre sur l'eau résiduelle urbaine. Malgré ces augmentations opérées dans le cadre du neuvième programme des agences, elles ont été obligées, pour la première fois, à avoir recours à l'emprunt alors que, normalement, ce sont les redevances qui financent leurs actions et leurs programmes. On les a obligés à financer l'ONEMA et aujourd'hui on les ponctionne indirectement.
M. le président. Je vous prie de conclure, mon cher collègue.
M. Jean Launay. C'est une manoeuvre que je voulais dénoncer, y compris à titre préventif car que nous réservent les exercices prochains ? Ce sujet soulève une vraie difficulté. Il faut préserver pour ces opérateurs de l'État que sont les agences de l'eau la capacité d'intervention sur le terrain. Je rappelle qu'elles participent, elles aussi, à l'investissement public.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.
M. Pierre-Alain Muet. Je trouve profondément choquant l'amendement n° 431 rectifié. Une fois de plus, l'État réduit de façon brutale les ressources d'un certain nombre d'agences dont l'ADEME, l'Agence nationale de l'habitat, l'Agence de financement des infrastructures de transport de France, alors que l'on sait, par exemple, que l'État demande à cette dernière de faire des investissements importants en matière ferroviaire. C'est d'autant plus choquant que vous avez refusé tous les amendements qui proposaient de vraies recettes. Je rappelle que les nôtres auraient permis 15 milliards de recettes supplémentaires par la suppression de niches fiscales, suivant en cela les préconisations du Conseil des prélèvements obligatoires. Vous avez refusé les amendements du président de la commission des finances qui aurait rapporté des milliards de recettes. Et maintenant, vous remettez en cause des institutions qui vont avoir le plus grand mal à effectuer leurs missions. S'agissant du CNC, je signale que cet amendement va remettre complètement en cause le soutien mutualiste au cinéma français qui a permis de maintenir à la fois une industrie cinématographique forte et une création dynamique et diversifiée, alors que vous pouviez construire un budget cohérent en supprimant des niches inefficaces.
Après ce que vous avez fait aux collectivités territoriales, voilà encore un État incapable de prendre ses responsabilités en matière de réduction des déficits et qui se défausse tout le temps sur tous ceux qui dépendent de lui.
C'est profondément choquant.
M. le président. La parole est à M. Olivier Carré.
M. Olivier Carré. L'intervention de M. Muet va me permettre de lui apporter un démenti. Les conclusions de la récente MEC sur les opérateurs vont exactement dans le sens du Gouvernement. Je lui rappelle qu'elle était multipartisane. La MEC a constaté qu'il y avait des excédents et que, lorsque les ressources affectées ont une dynamique propre, il est possible aux agences d'aller un peu au-delà des missions initiales qui leur avaient été confiées. Il est bien que l'État puisse reprendre la main sur l'évolution de leurs recettes, notamment lorsque celles-ci dépassent les besoins immédiats de ces organismes. En plus, il serait bon que le Parlement reprenne la main sur leurs missions car celles-ci galopent parfois aux côtés des recettes alors qu'elles devraient être contingentées.
M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson. Je suis tout à fait d'accord avec l'amendement n° 431 rectifié. Je voudrais même aller plus loin parce que plutôt que de plafonner telle taxe affectée, tout dépassement étant reversé au budget de l'État, pourquoi ne pas rebudgétiser tous ces impôts et leur substituer des subventions ? Cela reviendrait in fine exactement au même mais n'aurait pas le même sens politique parce qu'on pourrait alors savoir ce qu'il en est et conserver la maîtrise des recettes. On a en effet trop tendance à créer des taxes, puis à les oublier.
M. Michel Bouvard. Eh oui !
M. Charles de Courson. Ensuite, elles dérivent, on n'en reparle que rarement, et puis des collègues signalent un problème dans telle organisation. En conséquence, madame la ministre, seriez-vous défavorable à une rebudgétisation de tous ces impôts, des subventions étant alors versées à chacun de ces organismes ? Ce serait de surcroît plus clair au niveau des missions.
Second point : dans l'exposé des motifs de l'amendement n° 430, il est indiqué que l'INPI, l'Institut national de la propriété intellectuelle, reversera un dividende majoré à l'État. Or, m'en étant occupé pendant quelques années, je suis bien placé pour savoir que ce n'est pas une société anonyme mais un établissement public. Elle ne peut donc verser de dividendes. Il y aurait une correction rédactionnelle à faire. Disons qu'elle versera...
M. Guy Geoffroy. Une partie de son résultat !
M. Michel Bouvard. Une contribution !
M. Charles de Courson. ...un versement à l'État. On a eu beaucoup de débats sur l'INPI, y compris en commission des finances, et je ne suis pas sûr que ce soit une très bonne idée d'augmenter les prélèvements sur cet établissement parce qu'il a un problème de compétitivité par rapport à l'organisme des brevets européens.
M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard, puis nous passerons aux votes.
M. Michel Bouvard. Madame la ministre, je ne résiste pas à exprimer ma satisfaction qu'une telle étape soit franchie. Quand un certain nombre de collègues et moi-même avons commencé à travailler sur la rédaction de la LOLF il y a dix ans, nous n'avons pas pu placer les opérateurs dans le champ de la loi organique. Nous n'avons eu de cesse depuis, au travers de tous les rapports rendus par la mission LOLF, de les réintégrer progressivement dans le périmètre de contrôle du Parlement. Le fait qu'aujourd'hui on statue sur les recettes affectées et que le Parlement ait à nouveau à se prononcer sur des décisions rendues en ce domaine est un immense progrès du point de vue de la transparence budgétaire.
M. Guy Geoffroy. C'est important !
M. Michel Bouvard. L'intervention de Jean Launay illustre parfaitement ce qui se passe : jusqu'à maintenant, les opérateurs s'endettaient et prenaient des décisions sans que le Parlement en soit informé. Nous allons dorénavant avoir une vision consolidée et transparente de leur activité. S'il y a des décisions irrationnelles, au moins ne pourrons-nous nous en prendre qu'à nous-mêmes si nous laissons faire, mais il nous sera aussi possible d'avoir une approche cohérente à leur égard. C'est donc une mesure qui va tout à fait dans le bon sens. Je redis ma satisfaction qu'au bout de dix ans, nous puissions enfin réintégrer les opérateurs dans le périmètre budgétaire de l'État et du contrôle parlementaire.
M. Guy Geoffroy. Très bien !
(Les amendements nos 430 et 431 rectifié, successivement mis aux voix, sont adoptés.)
http://www.assemblee-nationale.fr/13/cri/2011-2012/20120023.asp#P882_179799