ARTICLE 4 (DEVENU ARTICLE 10 DE LA LOI DE FINANCES POUR 2012)
SUPPRESSION DU DISPOSITIF D'ABATTEMENT D'UN TIERS SUR LE RÉSULTAT DES EXPLOITATIONS SITUÉES DANS LES DÉPARTEMENTS D'OUTRE-MER (ARTICLE 217 BIS DU CGI)

I. TEXTE DU PROJET DE LOI

I. - Le code général des impôts est ainsi modifié :

A. Le VI de l'article 44 quaterdecies est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est supprimé ;

2° Au deuxième alinéa, les mots : « avant imputation de celui prévu à l'article 217 bis » sont supprimés ;

3° Au troisième alinéa, les mots : « et à l'article 217 bis » sont supprimés.

B. Au trente-et-unième alinéa du I de l'article 199 undecies B et au cinquième alinéa du IV de l'article 199 undecies C, les mots : « aux articles 217 bis et » sont remplacés par les mots : « à l'article ».

C. L'article 217 bis est abrogé.

D. Au premier alinéa du IV bis de l'article 217 undecies , les mots : « des abattements prévus aux articles 44 quaterdecies et 217 bis » sont remplacés par les mots : « de l'abattement prévu à l'article 44 quaterdecies ».

E. Au premier alinéa par deux fois et au sixième alinéa de l'article 223 A, au premier alinéa de l'article 223 B et au premier alinéa des d et i du 6 de l'article 223 L, les mots : « aux articles 214 et 217 bis » sont remplacés par les mots : « à l'article 214 ».

F. Au premier alinéa de l'article 223 D, les mots : « et 217 bis » sont supprimés.

G. Le 4 de l'article 223 L est abrogé.

II. - Au 1° de l'article L. 3324-1 du code du travail, les mots : « , 208 C et 217 bis » sont remplacés par les mots : « et 208 C ».

II. RAPPORT AN N°3805 XIIIÈME LÉGISLATURE PREMIÈRE LECTURE

Observations et décision de la Commission :

En application de l'article 217 bis du code général des impôts et depuis 1979, le résultat imposable à l'impôt sur les sociétés de certaines activités réalisées dans un département d'outre-mer fait l'objet d'un abattement d'un tiers. Le présent article vise à supprimer cet abattement.

I.- L'ÉTAT DU DROIT

A.- L'ABATTEMENT DU TIERS

L'article 217 bis du code général des impôts dispose que « les résultats provenant d'exploitations situées dans les départements d'outre-mer (...) ne sont retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés que pour les deux tiers de leur montant », lorsqu'ils sont issus d'activités éligibles à la réduction d'impôt sur le revenu pour investissement productif outre-mer (dispositif dit « Girardin industriel » régi par l'article 199 undecies B du code général des impôts).

En pratique, les activités éligibles couvrent l'ensemble des activités agricole, industrielle, commerciale ou artisanale (à l'exception, a contrario , des activités imposées, à l'impôt sur le revenu, dans la catégorie des bénéfices non-commerciaux) à l'exception de certains secteurs dits exclus.

Les secteurs exclus sont :

- le commerce,

- la restauration (sauf les restaurants dont le dirigeant est titulaire du titre de « maître restaurateur » et les restaurants de tourisme classés avant le 24 juillet 2009 ( 15) ),

- l'éducation, la santé et l'action sociale,

- la banque, les services financiers, l'assurance, le conseil et les activités postales,

- les services aux entreprises sauf les centres d'appel, la maintenance et le nettoyage,

- les activités immobilières,

- la navigation de croisière,

- la réparation automobile,

- les locations sans opérateur, sauf les locations de moins de deux mois d'automobiles et de navires de plaisance,

- les activités sportives, culturelles et de loisirs autres que celles s'intégrant à titre principal dans une activité hôtelière ou touristique.

Il convient de noter que l'abattement du tiers du résultat imposable fonctionne « dans les deux sens ». De même qu'un bénéfice est imposable pour les deux tiers de son montant avant abattement, le déficit dégagé est également abattu dans les mêmes proportions. Les stocks de déficits en report des entreprises issus d'exploitations couvertes par l'abattement du tiers sont donc inférieurs du tiers à ce qu'ils auraient été en application du régime de droit commun.

Il convient de noter que cet abattement est également applicable aux plus-values taxées à des taux réduits.

B.- UN AVANTAGE POUVANT ÊTRE CUMULÉ AVEC D'AUTRES

Le bénéfice de l'abattement du tiers peut être cumulé avec celui d'autres avantages fiscaux, spécifiques à l'outre-mer ou d'application nationale.

1.- Les avantages spécifiques à l'outre-mer

Deux dispositifs spécifiques à l'outre-mer peuvent être cumulés avec l'abattement du tiers : l'abattement du résultat dans les zones franches d'activité (ZFA) et la déduction pour investissement outre-mer (article 217 undecies ).

a) Les zones franches d'activité

Créé par la loi d'orientation pour le développement économique des outre-mer (LODEOM) du 27 mai 2009, le régime des zones franches d'activité est applicable aux entreprises des secteurs éligibles à la réduction d'impôt pour investissement productif (comme l'abattement général du tiers) à la condition qu'il s'agisse de PME au sens communautaire (moins de 250 salariés, chiffre d'affaires inférieur à 50 millions d'euros).

Les entreprises éligibles bénéficient, en principe, d'un abattement de 50 % de leur bénéfice imposable, plafonné à 150 000 euros.

Cet abattement est porté à 80 %  (avec un plafond de 300 000 euros) sous le régime de la ZFA dite bonifiée ouvert dans certaines zones (toute la Guyane et certaines communes des autres DOM) ou, sans critère géographique, lorsque l'entreprise exerce son activité principale dans le secteur du tourisme, de l'agro-nutrition, de l'environnement, des énergies renouvelables, de la recherche ou des technologies de l'information.

En pratique, l'abattement du tiers porte donc sur 1/6 ème du bénéfice (1/3 de 50 %) pour les entreprises ne relevant pas de la ZFA bonifiée et sur 1/15 ème du bénéfice (1/3 de 20 %) pour les entreprises relevant de la ZFA bonifiée. Il convient toutefois de noter que l'abattement du tiers est ouvert à toutes les entreprises (et non aux seules PME) et qu'il n'est pas plafonné.

b) La déduction pour investissement outre-mer

Comme les contribuables relevant de l'impôt sur le revenu (au titre des articles 199 undecies B et 199 undecies C), les entreprises imposées à l'impôt sur les sociétés bénéficient d'un avantage fiscal au titre de certains investissements outre-mer. L'avantage peut être acquis au titre d'un investissement mis à la disposition d'un exploitant tiers, mais est également acquis, comme à l'impôt sur le revenu, au titre d'un investissement directement exploité par le contribuable. En pratique, une entreprise ultra-marine bénéficiera donc de l'avantage au titre de ces investissements.

Le régime général concerne l'acquisition d'immobilisations corporelles amortissables neuves affectées à une activité productive (au sens des secteurs éligibles à la réduction d'impôt régie par l'article 199 undecies B). Le prix de revient hors taxes et hors frais d'acquisition de ces immobilisations est déductible du résultat imposable. Un agrément préalable est nécessaire lorsque l'investissement excède un million d'euros.

Depuis la loi de finances pour 1999, l'abattement du tiers prévu à l'article 217 bis n'est pas applicable pour le calcul de la déduction prévue au I de l'article 217 undecies , ni aux résultats, qu'ils soient bénéficiaires ou déficitaires, provenant de l'exploitation des investissements réalisés à compter du 1 er janvier 1999 ayant ouvert droit à cette déduction. Toutefois, l'entreprise peut renoncer à la déduction fiscale de ses investissements productifs si elle souhaite être maintenue dans le champ d'application de l'article 217 bis à raison du résultat provenant de l'exploitation de ces investissements.

Ainsi, une entreprise éligible à l'abattement du tiers prévu à l'article 217 bis , dégageant un résultat de 300 et réalisant un investissement ouvrant droit à une déduction de 100 en application de l'article 217 undecies aura un résultat taxable de 100.

2.- Les avantages d'application nationale

L'abattement prévu par l'article 217 bis est également cumulable avec deux dispositifs de portée nationale :

- l'exonération d'impôt pour certaines entreprises nouvelles régie par l'article 44 sexies du code général des impôts,

- l'exonération d'impôt pour certaines entreprises sises dans des zones franches urbaines (articles 44 octies et 44 octies A du même code).

Alors que le cumul des dispositifs spécifiques à l'outre-mer est organisé par la loi, le cumul de l'abattement du tiers et de ces régimes nationaux d'exonération a été autorisé par la doctrine administrative en l'absence de disposition légale l'interdisant. La question ne se pose naturellement que lorsque l'exonération n'est pas complète soit en raison de son plafonnement soit au titre des périodes de sortie des dispositifs pour lesquelles un abattement dégressif est prévu.

Il convient de noter que l'article 64 du présent projet de loi de finances, rattaché à la mission Ville et logement, organise la prorogation pour trois ans du régime fiscal et social des zones franches urbaines qui, en l'état du droit, n'est plus applicable à compter du 1 er janvier 2012 (sauf pour les activités nouvelles).

II.- LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article propose de supprimer l'article 217 bis du code général des impôts qui prévoit l'abattement du tiers sur le résultat d'exploitations outre-mer et de procéder, en conséquence, à de nombreuses coordinations.

L'abrogation de l'article 217 bis est prévue par le C du I.

Les modifications de coordination concernent :

- au A du I, l'article 44 quaterdecies du même code relatif aux zones franches d'activité outre-mer,

- au B du I, les articles 199 undecies B et 199 undecies C du même code relatifs aux réductions d'impôt à l'occasion d'investissements outre-mer,

- au D du I, l'article 217 undecies du même code relatif à la déduction du résultat imposable à l'impôt sur les sociétés à l'occasion d'investissements outre-mer,

- aux E, F et G du I, les articles 223 A, 223 B, 223 D et 223 L du même code organisant la mise en oeuvre de l'article 217 bis dans le cadre des groupes en intégration fiscale,

- au II, l'article L. 3324-1 du code du travail qui neutralise l'effet de l'abattement du tiers pour le calcul de la participation.

Il n'est pas prévu de disposition spécifique d'entrée en vigueur. En application des dispositions générales de l'article 1 er du présent projet de loi de finances, la suppression de l'abattement s'appliquera donc aux résultats des exercices clos à compter du 31 décembre 2011.

III.- L'IMPACT DE LA MESURE

La dépense fiscale afférente à l'abattement prévu par l'article 217 bis était estimée à 100 millions d'euros au titre de 2011 par le fascicule Voies et moyens annexé au projet de loi de finances pour 2011. Le gain tiré de sa suppression est chiffré au même montant par le présent projet de loi de finances.

En l'absence d'une déclaration spécifique de l'avantage fiscal correspondant, cette estimation est d'une fiabilité incertaine. Il ressort des travaux du comité d'évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales que la méthode de chiffrage retenue consiste à additionner :

- d'une part, un coût de la mesure au titre des entreprises déposant leur liasse fiscale dans les DOM, calculé en faisant l'hypothèse que l'intégralité de leur impôt est afférent à une activité exercée dans les DOM et en appréciant l'éligibilité de leurs activités à l'abattement du tiers en fonction de leur code d'activité. Au titre de 2009, ce calcul aboutit à estimer que 26 % de l'impôt sur les sociétés payé par des entreprises ultra-marines (soit 425 millions d'euros) sont payés par des entreprises relevant des secteurs éligibles et à évaluer conséquemment le coût de l'abattement à 40,3 millions d'euros ;

- d'autre part, un coût de la mesure au titre des exploitations outre-mer des entreprises déposant leur liasse fiscale en métropole, lequel est évalué en appliquant au coût estimé pour les entreprises déposant leur liasse fiscale dans le DOM le ratio constaté entre l'avantage fiscal tiré de la déduction des investissements productifs outre-mer (article 217 undecies ) par des entreprises métropolitaines et le même avantage fiscal obtenu par les entreprises ultra-marines. La déduction au titre de la défiscalisation productive des entreprises métropolitaines étant égale à 128 % du montant de la déduction des entreprises ultra-marines, la dépense fiscale afférente à l'abattement du tiers au titre des exploitations ultra-marines des entreprises déposant leur liasse fiscale en métropole est conséquemment estimée à 51,8 millions d'euros.

Ces calculs aboutissent donc à estimer à environ 90 millions d'euros la dépense fiscale au titre de 2009.

L'évaluation préalable du présent article précise qu'« afin de tenir compte de la dynamique de la dépense (+ 9 % sur la période 2000-2009), le coût a été arrondi à 100 millions d'euros ».

Ce chiffrage appelle trois observations.

En premier lieu, il convient de noter la forte augmentation du coût estimé de la dépense fiscale au titre de 2009 entre le projet de loi de finances pour 2010 et le projet de loi de finances pour 2011. Selon le fascicule Voies et moyens annexé au projet de loi de finances pour 2010, la dépense fiscale n'était, en effet, estimée qu'à 50 millions d'euros. La fiche d'évaluation de la mesure par le comité d'évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales indique sobrement que « la justification de l'ampleur de cette variation n'a pas pu être documentée au cours des travaux de la mission ».

En second lieu, cette augmentation d'une année à l'autre est particulièrement surprenante compte tenu de la création des zones franches d'activité par la loi d'orientation pour le développement économique des outre-mer du 27 mai 2009. Comme cela a été rappelé ci-dessus, ce dispositif instaure un abattement d'au moins 50 % du bénéfice imposable pour l'ensemble des PME (au sens communautaire) éligibles à l'abattement du tiers. À l'exception des grandes entreprises, relativement peu présentes outre-mer, les entreprises bénéficiant de l'abattement du tiers bénéficient donc également de l'abattement ZFA (dans la limite du plafond de celui-ci) lequel intervient préalablement ( 21) .

Pour une entreprise réalisant un résultat imposable de 300 000 euros qui bénéficiaient antérieurement d'une minoration de 100 000 euros de ce résultat au titre de l'abattement du tiers, le bénéfice du régime de la ZFA au taux normal se traduit donc par un abattement de 150 000 euros au titre de la ZFA et par un abattement du tiers du résultat net de cet abattement (soit 50 000 euros) au titre de l'article 217 bis. Naturellement, dans les secteurs et zones géographiques où l'abattement ZFA est bonifié à 80 %, la diminution de l'abattement au titre de l'article 217 bis est plus importante encore (puisqu'il diminue de 80 %).

En d'autres termes, et puisque l'abattement ZFA intervient préalablement dans le calcul de l'impôt, l'instauration des ZFA se traduit mécaniquement par une fonte de l'assiette de l'abattement du tiers et devrait donc entraîner une baisse importante de son coût, en pratique reporté sur celui du dispositif ZFA.

Il convient de noter que le coût de la dépense fiscale au titre du dispositif ZFA, chiffré à 90 millions au titre des années 2009 à 2011 par le fascicule Voies et moyens annexé au projet de loi de finances pour 2011 (chiffre repris par le comité d'évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales), est révisé fortement à la baisse par le fascicule Voies et moyens annexé au projet de loi de finances pour 2012 qui en estime le coût à 44 millions d'euros au titre des années 2010 à 2012.

Des précisions ont été demandées au Gouvernement afin de mieux comprendre, d'une part, comment un abattement (l'abattement ZFA), certes plafonné et réservé aux PME, mais dont le taux est compris entre 50 % et 100 %, peut représenter un coût inférieur de plus de la moitié à un abattement du tiers du résultat net de l'abattement précédent et, d'autre part, pourquoi le chiffrage du premier a été divisé par deux quand celui du second (qui s'applique après le premier) a doublé.

Enfin, en troisième lieu, le chiffrage suppose implicitement que l'essentiel du rendement de la mesure résultera du rehaussement d'imposition d'entreprises métropolitaines (ou, plus précisément, déposant leur liasse fiscale en métropole) au titre de leurs établissements ultra-marins. Comme cela a été indiqué, la part de ces entreprises dans la dépense fiscale a été estimée au regard de leur part dans la déduction pour investissement productif outre-mer.

Or, on sait que la déduction pour investissement productif outre-mer à l'impôt sur les sociétés comme la réduction d'impôt comparable à l'impôt sur le revenu constituent des dispositifs largement utilisés pour des montages externalisés dans lesquels le contribuable investisseur n'est pas l'exploitant. Il paraît donc déraisonnable de s'appuyer sur la répartition de cet avantage fiscal pour estimer la part de l'activité outre-mer des entreprises métropolitaines.

On notera d'ailleurs que cette méthode, qui estime la dépense fiscale afférente à l'abattement du tiers au titre des établissements ultra-marins d'entreprises métropolitaines à 128 % de la dépense fiscale au titre des établissements ultra-marins des entreprises ultra-marines, n'est pas celle suivie pour le chiffrage de la dépense fiscale afférente à l'abattement ZFA. Il ressort en effet des travaux du comité d'évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales que, pour l'abattement ZFA, la dépense fiscale au titre des entreprises métropolitaines est chiffrée à 50 % de celle au titre des entreprises ultra-marines.

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La Commission adopte l'article 4 sans modification .