3ème édition de TREMPLIN RECHERCHE



Colloque - Palais du Luxembourg 12 février 2008

LE FINANCEMENT DE LA PREUVE DU CONCEPT : UNE SOLUTION POUR AMÉLIORER LA RÉALISATION DE PROJETS INNOVANTS EN MATIÈRE DE RECHERCHE ?

I. LES PISTES FRANÇAISES ET EUROPÉENNES POUR AMÉLIORER LE FINANCEMENT DE LA PREUVE DU CONCEPT

TABLE RONDE

Françoise FABRE, Directeur adjoint de la valorisation au CEA

Laurent KOTT, Directeur général d'INRIA Transfert (STIC) ; Président de CapInTech

Jacqueline LECOURTIER, Directeur général, ANR

Cécile THARAUD, Président du Directoire, Inserm-Transfert

Les débats étaient animés par Philippe ADNOT, Sénateur de l'Aube, Président du Conseil général de l'Aube .

Philippe ADNOT

Dans le cadre de mon rapport sur la valorisation de la recherche dans les 84 universités française, j'ai été amené à me rendre au Canada, en Israël et en Finlande, afin d'effectuer des comparaisons. Au Canada, j'ai souvent entendu parler des problématiques liées à la vallée de la mort, que nous a exposées ce matin Charles Wessner.

Au terme de ce travail, je me suis rendu compte que le chiffre d'affaires global de la valorisation dépendait du flux qui réussissait à être valorisé.

La semaine dernière par exemple, Axel Khan, Président de Paris V, m'expliquait que 85 % des projets de recherche n'étaient pas présentés aux instances de valorisation.

J'ai alors compris que de notre capacité à créer les conditions permettant à la recherche d'aller au bout de sa démonstration, par le financement de la maturation de recherche, c'est-à-dire le financement de la preuve du concept, allait dépendre l'importance du flux susceptible d'être, un jour, valorisé.

Si tous les projets de recherche n'ont pas vocation à aboutir, en faisant progresser le flux de 10 % à 20 %, nous améliorerons la capacité novatrice de nos entreprises et, partant, notre capacité à gagner des parts de marché et à créer de l'emploi.

Chacun des intervenants pourra nous faire part de son expérience personnelle, au sein de sa propre institution.

La Commission des Finances m'a chargé d'un rapport, que je produirai dans quelques mois, sur cette problématique du financement de la preuve du concept. Pour ce faire, je me suis une fois encore livré à une analyse comparative internationale, en collaboration avec des amis anglais, qui s'avèrent extrêmement performants et organisés sur ce sujet.

a) Les projets « émergence et maturation »

Jacqueline LECOURTIER

Lorsque l'ANR a été créée, parallèlement aux appels à projet, aujourd'hui bien connus du monde des chercheurs, nous avons tenté une expérience dans le domaine des biotechnologies et de la santé d'un appel à projets baptisé « émergence et maturation ».

Cet appel invite les chercheurs à présenter des projets sur le modèle de ceux qui nous ont été présentés lors de la table ronde précédente, c'est-à-dire des recherches abouties en termes de résultats et de publications, pour lesquels toute une phase d'expérimentation reste à mener, pour rassembler les éléments qui permettront de convaincre les industriels.

Nous avons offert de financer un certain nombre de ces projets, qui doivent être présentés à la fois par une équipe de recherche et une équipe de valorisation.

Entre 2005 et 2007, chaque année, plus de 100 projets nous ont été proposées. Nous en avons retenu chaque fois une trentaine. Les financements se sont élevés à 4 millions d'euros en 2005, 5 millions d'euros en 2006 et 6 millions d'euros en 2007.

Aujourd'hui, les trente premiers projets de l'appel 2005 arrivent à terme. Ils ont donné lieu à la création de sept entreprises.

Il me semble par conséquent que le modèle a fait ses preuves. Au niveau de la sélection, nous attendons des chercheurs qu'ils croient au caractère porteur de leurs résultats. Il convient donc d'insister sur la nécessité de développer la motivation et surtout la formation des chercheurs. Nous procédons également à une sélection via les cellules de transfert.

Pour 2008, nous avons décidé de doubler l'effort en divisant l'appel à projet « émergence » en deux parties : les biotechnologies d'une part, et les technologies de la santé, d'autre part, deux domaines dans lesquels une très forte demande existe.

Actuellement, nous nous interrogeons sur la possibilité d'élargir cette démarche à d'autres secteurs.

Nous avons déjà financé des projets dans le domaine des nanotechnologies. Ces projets ont émergé uniquement via la communauté des chercheurs dans la mesure où nous avions annoncé que nous étions prêts à financer des preuves du concept.

Devrions-nous mettre en place, dans ce secteur, un dispositif équivalent à l'appel à projets « émergence », qui a fait ses preuve en termes d'efficacité, en impliquant à la fois des chercheurs et des cellules de valorisation ? Personnellement, j'y suis particulièrement favorable.

A travers le programme P-nano, nous nous sommes également vu proposer des projets dans le domaine des logiciels embarqués.

Pour 2009, nous nous poserons la question d'ouvrir « émergence » à d'autres types de projets.

En parallèle, l'ANR a aidé les structures de valorisation, qui se sont regroupées. Nous avons repris l'action lancée par le Ministère de la Recherche pour financer ces structures. Là encore, nous avons obtenu des résultats satisfaisants. 600 projets ont été examinés ou financés par ces structures à partir des 4 millions d'euros que nous leur avons dédiés tous les ans.

Aujourd'hui, au moins 200 de ces projets ont porté leurs fruits. Dès lors, les efforts de mutualisation soulignés dans la table ronde précédente nous paraissent porteurs.

Telles sont les deux voies sur lesquelles nous allons continuer à travailler.

b) L'expérience de valorisation au CEA

Françoise FABRE

Je remercie Philippe Adnot de nous permettre d'aborder ce problème, auquel nous sommes confrontés au sein des centres de recherche.

En tant que Directeur adjoint de la valorisation au CEA et Président de l'incubateur d'Ile-de-France, Incuballiance, je vous ferai part de mon expérience de valorisation.

Dès l'origine, nous avons eu la vocation et la mission de valoriser les travaux de recherche, dans le domaine de l'énergie, de la santé et des technologies de l'information. Récemment, nous avons fêté la création de notre centième start-up technologique.

Malgré ce succès, nous sommes confrontés à l'échec des projets de création de start-up trop prématurés.

Nous avons lancé plusieurs initiatives pour améliorer cette situation. Nous venons de généraliser l'obligation pour les porteurs de projet de création d'entreprises d'études de marketing avant de postuler à une incubation. Très souvent en effet, les chercheurs sont porteurs d'un projet scientifique et technique mais manquent complètement d'une vision du marché. Ils ignorent quels sont leurs concurrents, quelle est la demande, etc.

Dans le domaine de la santé, qui est toujours plus difficile à valoriser, nous venons de mettre en place un programme spécifique « techno-santé », qui se situe un peu en amont des projets « émergence » de l'ANR, afin d'examiner la possibilité de créer une entreprise dans le domaine de la santé. Ce programme mobilise des moyens importants, notamment sur le plan humain.

Actuellement, le dispositif le plus important s'intitule « Solution d'émergence à projets innovants » (SEMPRIN). Ce dispositif est soutenu par notre filiale CEA-VALO, qui permet la maturation technico-économique des projets en finançant l'acquisition de compétences de type business manager.

Dès le départ du projet de création d'entreprises en effet, nous voulons pouvoir compter sur des compétences tant scientifiques que commerciales, avant de nous lancer dans la maturation. Le dispositif SEMPRIN permet de financer les moyens humains susceptibles d'accompagner le porteur scientifique sur les aspects commerciaux et marketing de son entreprise.

En conclusion, j'évoquerai brièvement l'opération de maturation que j'anime dans le cadre du RTRA Digiteo, dans le domaine des systèmes complexes, qui regroupe Polytechniques, Supelec, l'INRIA, le CNRS, Paris XI et le CEA.

Grâce à l'initiative de l'ANR, dédiée à la mutualisation et à la maturation des projets, nous avons réussi à faire aboutir un certain nombre de projets, basés sur trois composantes : un coaching marketing, un coaching propriété intellectuelle et un coaching plus technique de fabrication d'un démonstrateur. S'il est prématuré d'annoncer le succès de ces initiatives, cette division en trois composantes leur a permis d'être plus facilement présentées aux industriels.

En d'autres termes, la preuve du concept doit prendre en compte non seulement les aspects techniques du projet mais également sa validité économique.

c) Inserm-Transfert

Cécile THARAUD

Depuis le début de l'année 2006, qui a correspondu à une phase de réorganisation de la structure, je dirige Inserm-Transfert, filiale privée, en charge de l'ensemble des aspects de transfert de technologie pour le compte de l'Inserm.

(1) Problèmes financiers rencontrés pour soutenir la phase de maturation des projets

Il m'est très vite apparu que la maturation était l'un des problèmes cruciaux en sciences de la vie, dans une institution publique telle que l'Inserm. Je souscris tout à fait aux propos de Françoise Fabre, si ce n'est qu'à l'Inserm nous n'avons même pas les moyens, à défaut de financements suffisants, d'obtenir une preuve du concept technique.

Si la cellule de valorisation sélectionne les projets en fonction des aspects marketing et des demandes industrielles, la recherche correspondante est peu valorisée. Elle n'est pas prise en compte dans les évaluations du chercheur. Dès lors, nous n'obtenons pas les budgets nécessaires à la valorisation technique ainsi qu'à la maturation.

Cette phase de maturation est essentielle non seulement pour que le produit de recherche intéresse un industriel mais également pour gérer les aspects liés à la propriété intellectuelle.

Régulièrement en effet, j'entends les investisseurs en capital risque affirmer que les chercheurs déposent, selon les jours et les personnes qui s'expriment, soit trop tôt, soit trop tard leurs brevets. Selon moi, telle n'est pas la question. La date à laquelle il convient de déposer un brevet en effet est éminemment variable selon la voie de valorisation choisie et les marchés visés.

Une fois le brevet déposé en revanche, il faut se dépêcher de renforcer l'invention de manière à avoir un projet tangible entre les mains. Dans le domaine public, notamment en sciences de la vie, non seulement la culture d'ingénieur n'est pas très répandue mais, en outre, les chercheurs travaillent sur de très longues durées. Par conséquent, si les chercheurs ont compris qu'il était essentiel de déposer un brevet, au bout de 36 mois, ils finissent souvent, à défaut de maturation, par abandonner.

En ce qui me concerne, je resterai humble, en ne demandant que de modestes sommes me permettant de procéder à des manipulations techniques pour déposer des brevets solides sur des projets intéressants pour le marché.

(2) Situation des institutions équivalentes dans les autres pays

Le Medical Research Consultants, équivalent anglais de l'Inserm, dont le budget, les thématiques et le positionnement en amont en matière de recherche sont comparables, vient d'engager 4,5 millions de livres sur trois ans, pour soutenir la maturation.

De même le Karolinska Institutet, dont les proportions sont moindres, dépense-t-il 2 millions d'euros dans ce sens.

Enfin, 2 % du budget de recherche de l'Institut flamand de biotechnologies, qui compte entre 800 et 1 000 personnes, sont exclusivement dédiés à la preuve du concept.

Toutes ces institutions se sont mises à financer de manière importante la preuve du concept le jour où une licence a commencé à leur rapporter de l'argent.

Reste néanmoins à amorcer cette boule de neige.

La deuxième solution, très répandue aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, est liée à la création de fondations.

Aux Etats-Unis par exemple, toutes les grandes institutions de recherche reçoivent, en plus du budget de l'institution, des soutiens financier de la part de généreux donateurs qui se dédient, entre autres, à de la création d'entreprises. Il est en effet encore plus difficile d'obtenir des financements lorsque la preuve du concept a pour unique objectif d'aboutir à une licence industrielle. La création d'entreprise permet au moins de rencontrer un certain nombre d'interlocuteurs. Dans ce domaine, j'ai encore l'espoir de voir le milieu des business angels français s'intéresser aux sciences de la vie.

En outre, de plus en plus de fonds de capital risque acceptent de consacrer une petite enveloppe aux projets qui leurs paraissent les plus prometteurs, avant même que la société ne soit créée.

Mes inquiétudes portent davantage sur la partie la plus importante de la recherche, celle qui conduit à l'acquisition de licences industrielles, surtout en sciences de la vie, dont les développements sont très lourds.

Dans ce cadre, l'appel d'offres « émergence et maturation » constitue un outil remarquable et efficace. Au niveau de l'Inserm, sur 11 projets que nous avions gagnés en 2005, 8 ont trouvé une voie de valorisation.

Les projets 2007 ont quant à eux déjà trouvé des voies d'exploitation industrielle. Cet outil ne finance néanmoins qu'un tiers des inventions qui nous paraissent clairement valoir la peine d'être aidées. La deuxième limite de cet instrument réside dans les délais propres à ce type d'appel d'offres.

Par conséquent, au-delà du financement de l'ANR, il conviendrait que la cellule valorisation puisse disposer d'une enveloppe qu'elle pourrait utiliser en fonction de ses besoins ainsi que de ses propres échéances, de façon très fluide.

d) L'action d'INRIA-Transfert

Laurent KOTT

Je suis Directeur général d'INRIA-Transfert, société privée de l'INRIA, l'un des établissements publics à caractère scientifique et technologique consacrés aux Sciences et technologies de l'information et de la communication. Il s'agit également la première filiale d'un établissement public à avoir été créée sous ce nom.

Contrairement à Inserm-Transfert, la création d'entreprise est au coeur de nos activités. Notre métier consiste à accompagner les créateurs d'entreprises à développer des technologies innovantes, inscrites dans le périmètre de l'INRIA mais pas nécessairement issues de cet établissement.

Par ailleurs, je suis Président d'une association appelée CapInTech, qui regroupe des acteurs de l'ensemble de la chaîne, depuis les organismes de recherche ou leurs filiales jusqu'à de grandes institutions financières comme la Caisse des Dépôts ou Axa, en passant par les investisseurs en capital risque, les entrepreneurs, France Angel, etc.

Il y a quelques années, nous avions mis en place un groupe de travail chargé de réfléchir à la notion de preuve du concept technologique. A l'époque, l'ANR n'existait pas encore. Nous nous étions alors intéressés à OSEO Innovation, établissement chargé d'une cinquantaine d'aides au transfert par an sur toute la France.

Une évaluation relativement rapide et assez conservatrice avait démontré qu'il y avait peut-être de la place pour 250 à 500 projets, ce qui ne représente pas des montants pharamineux. Comme nous avons pu le constater précédemment en effet, les porteurs de projet sont généralement demandeurs de financements, à hauteur de 40 000 à 50 000 euros par an.

Par ailleurs, la valorisation ne suit pas nécessairement une « trajectoire balistique ». Il s'agit d'un sujet beaucoup plus complexe, aucune ligne droite ne permettant d'aboutir à tel ou tel objectif. S'il est essentiel que les chercheurs soient motivés et fassent preuve d'un minimum de compréhension des mécanismes du marché, dès lors que la proposition est suffisamment innovante, le marché n'est pas aussi central que nous pouvons l'imaginer.

Dans certains cas, il n'existe même pas encore de marché. Par conséquent, la démarche doit consister non seulement à essayer de cerner le potentiel d'un projet et, par principe de précaution, à déposer des brevets, à les valider, etc., mais également, en tâtonnant, à faire progresser le système.

Comme le soulignait Philippe Adnot à la fin de la table ronde précédente, nous avons tendance, en France, à privilégier les solutions uniques. Or, en fonction des projets, les objectifs peuvent varier considérablement.

Il convient par conséquent que tous les acteurs concernés (les cellules de valorisation, les incubateurs, les agences, etc.) s'inscrivent dans une courbe d'apprentissage. La maturation ne peut s'avérer satisfaisante en termes de résultats qu'après une certaine expérience de cet exercice. Outre les financements, notre pays manque surtout de personnes formées à la valorisation de la recherche. Il ne suffit pas en effet d'avoir passé trente ans dans une entreprise pour savoir faire de la valorisation. S'il est essentiel que les chercheurs se forment au marketing. L'inverse est également une nécessité.

A travers la notion de « niche », Alain Bergel a parfaitement posé le problème. Découvrir ces niches constitue un travail long et complexe qui peut impliquer de demander de l'aide. En tout état de cause, il n'est pas possible de donner de réponse ou de solution unique. Si, de loin, la vallée de la mort peut ressembler à un grand fossé, en nous rapprochant nous constatons qu'elle est en réalité constituée de multiples petits fossés qui ne cessent d'apparaître à chaque fois que nous créons un nouvel outil. Face à ces problèmes, il convient d'investir pour former des individus compétents susceptibles d'accompagner les équipes de recherche.

e) Echanges avec la salle

Charles WESSNER

Je souscris aux propos de Monsieur Kott. Je formulerai deux observations. Tout d'abord, il convient de rappeler que déposer un brevet ne revient pas à créer une entreprise. Je partage l'idée selon laquelle une personne n'ayant jamais travaillé dans une entreprise et un chercheur n'ayant jamais essayé de monter une entreprise ne constituent pas la meilleure équipe. Lorsqu'ils commencent à monter leurs entreprises, les meilleurs chercheurs de Stanford prennent le titre de chief technical officer (CIO).

Deuxièmement, il est essentiel de disposer de mécanismes multiples. La chaîne de valorisation reste confuse. Les modèles sont loin d'être linéaires. Par conséquent, si j'encourage les chercheurs à croire en leur idée, ils doivent également savoir quand il convient d'en changer.

A l'attention des politiques enfin, j'ajouterai que nous ne disposerons jamais d'assez d'argent. C'est pourquoi il est nécessaire de s'appuyer sur d'autres ressources. Pour ce faire, il serait intéressant d'instaurer une taxe sur la commercialisation des recherches. Il s'agit d'une idée « qui peut rapporter gros ».

Jacqueline LECOURTIER

Je souscris tout à fait à l'idée d'une évolution de notre modèle, l'organisation de notre recherche étant en cours de réflexion. Il convient par ailleurs de souligner les différences qui existent entre les EPIC, les EPST et les universités.

Ainsi, lorsque je travaillais à l'IFP, qui est un EPIC, la situation était-elle la même qu'au CEA. La valorisation faisait partie intégrante de la démarche de l'organisme, qui y consacrait une partie de son budget. Je reconnais néanmoins que ces financements ne sont jamais suffisants, la valorisation étant très coûteuse. La valorisation ne s'arrête pas en effet au dépôt du brevet. Il convient de réaliser des essais à l'échelle pilote ou dans des conditions proches de la réalité. Les études de marché en effet demandent d'aller sur le terrain.

Les universités et les EPST quant à eux ne disposent même pas de budget initial. Or la réflexion actuelle sur le système de recherche ne donne pas une place suffisante à la valorisation des résultats.

En ce qui concerne l'INRIA, l'établissement que Monsieur Kott vient de nous présenter suit un modèle différent puisqu'il dispose d'une structure dédiée.

Philippe ADNOT

Tous les projets de recherche n'ont pas besoin d'obtenir une preuve du concept. Ce n'est qu'en prélevant sur l'ensemble que nous arriverons à dégager les moyens pour financer ceux qui le méritent.

Jacqueline Lecourtier, vous dirigez l'ANR. Quels sont vos liens avec la Communauté européenne ? Comment s'articulent vos moyens respectifs ?

Jacqueline LECOURTIER

Nos rapports sont simples. Comme je le dis souvent, il n'est pas possible de participer aux championnats d'Europe avant d'avoir participé aux championnats de France.

L'ANR a pour mission de préparer les athlètes français, avant de les envoyer à Bruxelles. Aujourd'hui, il n'existe pas de liens structurels entre l'ANR et Bruxelles.

Philippe ADNOT

Des fonds privés vous ont-ils déjà proposé de vous aider dans le financement de la preuve du concept ?

Cécile THARAUD

La Société Générale a formulé de telles propositions à Inserm-Transfert.

Philippe ADNOT

Je n'ai pas posé cette question au hasard. La semaine dernière en effet, j'ai eu un entretien avec un responsable de la Société Générale, ayant mis en place avec vous un fonds de 20 millions d'euros pour financer la preuve du concept.

Cécile THARAUD

Plus précisément, Inserm-Transfert a créé un fonds de pré-amorçage, à cheval entre la preuve du concept et le premier tour de capital risque. Ce fonds se positionne donc relativement en amont, ce qui ne signifie pas pour autant que ces entreprises n'aient pas besoin d'une modeste aide à la maturation.

Ce fonds de 4 millions d'euros, dont les trois partenaires sont Sofinnova, Natixis et la CDC, permettra de créer des entreprises, non seulement avec des amorceurs régionaux mais surtout avec le fonds de la Genopole, en région parisienne. Récemment, nous avons également collaboré avec CEA valorisation.

Le fonds Société Générale, qui est dédié à un domaine thérapeutique précis, le cardio-vasculaire, intervient certes très en amont mais investit plus tard. Détenu par des financiers, ce fonds doit en effet leur apporter un retour sur investissement.

Néanmoins, lorsqu'elle a créé ce fonds, la Société Générale a reconnu qu'il manquait une étape. Elle a donc accompagné le lancement de son fonds d'amorçage de la création d'une fondation, abritée par la Fondation pour la recherche médicale. Si ces moyens ne s'élèvent pour l'instant qu'à 200 000 euros, elle a tout de même permis d'aider quelques projets, l'idée étant, à partir de ce concept, de créer un effet boule de neige.

Laurent KOTT

L'INRIA quant à elle ne reçoit pas de fonds privés. Lorsque nous avons créé l'INRIA-Transfert il y a dix ans, nous pensions que la création d'un fonds de capital risque consacré à l'amorçage allait résoudre le problème.

Comme l'a souligné Cécile THARAUD néanmoins, un fonds poursuit avant tout des objectifs financiers, ce qui explique que, alors que nous pensions avoir comblé le fossé, nous en avons vu apparaître de nouveaux.

Pour une entreprise en effet, les 100 000 premiers euros sont un sujet extrêmement important. Les business angels quant à eux hésitent généralement à investir dans des projets trop techniques ou trop innovants.

Nous sommes tous confrontés à ce problème. Il suffit de voir l'exemple de la Société Générale qui, en créant un fonds et une fondation, a pris le soin de séparer la partie sur laquelle elle compte obtenir un retour sur investissement chiffré et la partie à fond perdu.

Pour l'INRIA, nous pourrions envisager de créer des fondations. Si nous devons augmenter le flux de projet proposés à la valorisation, je rappelle qu'il s'agit d'une activité extrêmement consommatrice dont nous ne savons pas encore mesurer les rendements, mais qu'il convient de défiscaliser.

En ce qui concerne la maturation, je répète qu'au-delà de l'accroissement des investissements, nous devons également pouvoir compter sur des personnes formées et compétentes.

Par ailleurs, l'ANR n'attend pas de retour sur investissement de ses appels à projet « émergence ». Il s'agit donc d'une autre logique qu'il convient d'accepter.

Je citerai à ce titre un ministère situé à l'est de Paris, qui croit que la valorisation de la recherche rapporte de l'argent alors que nulle part elle n'est rentable. Les personnes qui ont ce sentiment se trompent d'objectif.

Si nous valorisons la recherche c'est parce qu'il s'agit de l'une des missions des établissements qui sont nécessaires pour le pays et non pas pour obtenir une source de financement.

Philippe ADNOT

Il convient de ne pas confondre maturation et valorisation. Pour la seconde, les retours sur investissement sont possibles.

Antoine DUBEDOUT

Le CEA dispose-t-il d'information sur l'évolution des 100 start-up mentionnées précédemment par Madame Fabre ?

Françoise FABRE

Plus de 80 % de ces start-up continuent leur activité. Certaines d'entre elles sont cotées au NASDAQ. Elles travaillent essentiellement dans le domaine des nanotechnologies et des biotechnologies.

Philippe TRAMOY

Quels sont vos budgets annuels respectifs pour procéder à la valorisation ?

Par ailleurs, sachez qu'il existe une génération de trentenaires dotés d'une triple formation à la fois scientifique, commerciale et financière.

Cécile THARAUD

Le budget de l'Inserm s'élève à près de 600 millions d'euros. Celui d'Inserm-Transfert se chiffre à 7 millions d'euros, sachant qu'un tiers de l'activité de l'Inserm-Transfert concerne la gestion des programmes cadres européens.

Laurent KOTT

Je répète qu'INRIA-Transfert ne s'intéresse qu'à la création d'entreprises, l'activité de transfert étant conduite au sein de l'établissement.

Le budget de l'INRIA dépasse 160 millions d'euros. La partie consacrée au transfert proprement dit concerne une vingtaine de personnes, soit environ 4 à 5 millions d'euros.

Le budget de l'INRIA-Transfert quant à lui atteint 500 000 euros, pour l'ensemble de ses activités. En termes de maturation proprement dite, une demi-douzaine d'opérations par an sont financées par l'aide au transfert d'OSEO innovation, sous forme d'avances remboursables faite aux laboratoires, que nous avons toujours remboursées.

Jacqueline LECOURTIER

Nous disposons de 4,5 millions d'euros pour les structures mutualisées de valorisation. Cette année, nous avons lancé deux appels à projets « émergence », soit un budget minimum de 8 millions d'euros.

Philippe ADNOT

Ce chiffre comprend-il tant la mutualisation que la maturation ?

Jacqueline LECOURTIER

L'appel à projet « émergence » ne concerne que la maturation.

Philippe ADNOT

Quel est le pourcentage affecté au financement de la maturation ?

Jacqueline LECOURTIER

La réponse à votre question dépend largement de l'état d'avancement des projets. Globalement, nous pouvons estimer que 30 % du financement est affecté à la maturation.

Philippe ADNOT

Ces appels à projet s'adressent surtout aux universités.

Jacqueline LECOURTIER

Ils s'adressent en effet aux universités regroupées en 14 centres.

Françoise FABRE

Il m'est difficile de vous donner un montant pour toute la chaîne de valorisation (marketing, brevets, contrats, création d'entreprise), qui représente au CEA environ une centaine de personnes, réparties dans plusieurs unités. Nous disposons également d'un portefeuille de 2 000 brevets. L'entretien de ces brevets constitue l'activité qui nous coûte le plus cher.

Philippe ADNOT

Quelle part de votre budget consacrez-vous à la maturation ?

Françoise FABRE

Il est très difficile de délimiter la maturation par rapport aux autres activités. Pour vous donner un ordre d'idée, je pourrais me référer à l'équipe de marketing, qui comprend une douzaine de personnes. Une partie des ingénieurs brevets sont également concernés. En revanche, ce sont les unités elles-mêmes qui paient la partie technique.

Jacqueline LECOURTIER

Dans les EPIC, nous rencontrons une situation légèrement différente. Tous les projets susceptibles d'être valorisés intègrent la phase de maturation. Celle-ci n'entre donc pas dans le budget de la valorisation.

Charles WESSNER

Les montants que les différents intervenants viennent de citer me paraissent insuffisants.

A Shanghai, où je me suis rendu récemment pour présenter le programme SBIR, il existe un fonds de 100 millions de dollars.

D'un point de vue politique, ces investissements dans de jeunes entreprises ont le même intérêt que les bourses. Il s'agit avant tout d'un gain social et non pas seulement d'enrichir quelques CEO.

Par ailleurs, la plus grande difficulté est liée à la création d'entreprises. Il est beaucoup plus rapide de transférer des connaissances à une entreprise déjà existante.

Ainsi, nombre sont les excellentes idées qui restent au fond de la vallée.

Philippe ADNOT

Les chiffres cités par Madame Lecourtier doivent être augmentés de l'effort des régions ainsi que des collectivités locales qui, souvent, complètent ces financements. Il en est ainsi par exemple pour les universités de Lyon ou de Grenoble.

De la salle

J'aimerais avoir votre sentiment sur deux outils, dont j'ai entendu parler au début de cette année. L'Europe propose de mettre en place en 2009, une formule inspirée du Canada et des Etats-Unis, concernant les innovations dans le domaine environnemental. Il s'agit de la vérification de la promesse technique en matière environnementale.

A l'occasion de cette présentation, un professeur de Dauphine a vanté les mérites des KIBS ( Knowledge intensive business services ), qui jouent, aux Etats-Unis, un rôle de maïeutique pour les innovations.

Jacqueline LECOURTIER

Dans notre dernier colloque sur les éco-technologies, nous avons discuté de ce projet européen qui nous semble à même d'ouvrir des possibilités aux chercheurs, en donnant de nouveaux domaines d'application à leurs projets. A mon sens néanmoins, les projets qui seront présentés devront être déjà largement avancés en termes de maturation.

Je ne connais pas en revanche l'initiative américaine.

Laurent KOTT

Lorsque nous tournons nos regards vers les Etats-Unis, considérés comme un modèle en matière de valorisation, d'une part, nous avons tendance à oublier qu'en dehors de Boston et de la Californie, la situation est similaire, voire pire qu'en France ; d'autre part, nous nous apercevons que les Etats financent un grand nombre d'outils et d'acteurs qui effectuent ce travail de service.

Au-delà de tous les aspects que nous avons déjà développés en matière de maturation, il me semble qu'il conviendrait de former un certain nombre de professionnels travaillant soit à l'intérieur des organismes soit au sein de sociétés externes.

J'insiste sur le fait que nous manquons en France de personnes compétentes sur l'ensemble de la chaîne de valorisation. Par ailleurs, avec tout le respect que je dois à tous les diplômés, il ne suffit pas d'avoir des diplômes pour exercer ce type de métier. Encore faut-il avoir de l'expérience.

Tel est pour moi le sujet majeur. Toutes les initiatives permettant d'aider à la création de telles structures sont positives.

L'Allemagne, à une époque, avait mis en place un système consistant à conditionner les aides octroyées par les Länder aux entreprises à leur accompagnement par un consultant.

René PASCAL

Les réseaux de business angels , fédérés par France Angels, sont à ce jour au nombre d'une soixantaine, dont l'un des tout premiers réseaux sectoriels dédié au développement durable. Régional, ce réseau est implanté en Ile-de-France. Un réseau Cleantech d'une plus grande dimension est néanmoins prévu.

En réaction aux propos qui ont évoqué le manque d'intérêt sur certains secteurs, je préciserai que, dans le domaine de la santé, nous couvrons ce fameux chaînon manquant entre la partie « love money » et le début d'intervention des investisseurs institutionnels.

Progressivement, les réseaux de business angels s'imposent dans ce domaine, non seulement en nombre mais également en force d'intervention puisque désormais des business angels se regroupent pour créer des sociétés d'investissement. Je rappelle que, contrairement aux sociétés d'investissement, les business angels puisent dans leurs fonds personnels.

Il est clair néanmoins que nous n'avons pas les capacités pour investir dans certains projets qui, bien que très intéressants, n'engendrent qu'un profit à trois, cinq ou sept ans. Il s'agit d'un problème d'échelle et non de désintérêt.

L'idéal, serait d'arriver à faire en sorte que les investisseurs institutionnels, qui n'ont pas vocation à intervenir très en amont, prennent un engagement plus formel vis-à-vis des porteurs de projet, pour les accompagner sur l'aval.

A défaut d'avoir de telles assurances, nous ne pouvons pas en effet inciter les investisseurs à s'engager sur leurs fonds personnels.

Enfin, ayant rencontré un porteur de projet travaillant seul, je tenais à souligner l'importance, pour les chercheurs, de réunir des compétences pluridisciplinaires pour optimiser leurs démarches.

Catherine VILKAS, Association Bernard Gregory

Ces missions de valorisation et d'accompagnement peuvent-elles être menées par de jeunes docteurs ou estimez-vous qu'une expérience plus significative est nécessaire ?

Laurent KOTT

Avant d'acquérir de l'expérience, chacun de nous doit d'abord apprendre. Il convient donc d'encourager les doctorants et post-doctorants à s'engager dans cette voie.

En revanche, il ne faut pas leur demander plus qu'il n'est nécessaire. De manière caricaturale, je rappelle qu'à une époque les services de valorisation ne recrutaient que d'anciens professeurs « dont on ne savait pas quoi faire ». Par la suite, l'idée est apparue d'engager de jeunes doctorants afin de leur procurer « un job ». Aucune de ses solutions ne me paraît adéquate. Il s'agit d'un véritable métier, que l'on peut apprendre soit sur le terrain, soit par le biais de formations. Je reste convaincu que, pour que la recherche ait un impact en termes non seulement économiques mais également sociétaux, environnementaux, etc., il conviendra de mobiliser des compétences.

Je m'élève contre cette vision « balistique » du monde, selon laquelle il suffirait de « tirer sur la gâchette » pour atteindre l'objectif.

A une époque, le Ministère des Affaires Etrangères favorisait des échanges entre des cellules de valorisation de France et des Etats-Unis.

D'une manière générale, il convient que le nombre personnes qui s'intéressent à ces sujets augmente.

Philippe ADNOT

En guise de conclusion, je formulerai quelques pistes de proposition.

Nous avons compris qu'il était essentiel que l'ensemble de la chaîne de valorisation soit traitée de manière satisfaisante. Avant de faire de la valorisation, encore faut-il faire de la recherche, ce qui requiert des moyens humains, financiers et organisationnels. De ce point de vue, l'ANR joue un rôle fondamental.

Une fois les projets de recherche conçus, il convient de financer leur maturation de manière à éviter la « vallée de la mort ».

Dans ce sens, nous pouvons avoir recours aux financements publics ou privés. Le premier peut résulter d'une certaine forme de mutualisation de prélèvements globaux effectués sur un certain nombre de flux.

Dans mon prochain rapport, je vous ferai part des observations que j'ai effectuées en l'Angleterre, pays très libéral, où pourtant des sommes considérables sont consacrées au financement de la preuve du concept. Contrairement à ce qui se passe généralement en France, mes interlocuteurs britanniques non seulement ne m'ont pas demandé ce que j'entendais par cette expression, mais ils ont tout de suite mis à ma disposition des organigrammes ainsi que des indications financières.

Comme l'indiquait Charles Wessner, certains pays d'Asie, comme Taiwan, consacrent des sommes impressionnantes à la preuve du concept. Il est donc faux de penser que nous pourrions garder une avance sur le sujet.

Des pistes de financement privé ont par ailleurs été évoquées. D'autres seront peut-être bientôt proposées.

Une fois la maturation terminée, se pose la question de la valorisation. Dans ce domaine, nous sommes clairement confrontés à un problème de professionnalisation des équipes, des process , etc.

A ce titre, l'effort de mutualisation que vous menez me paraît important.

Nous pourrions également réfléchir aux types de transferts sur lesquels nous aurons à progresser. A cet égard, je rappelle que la valorisation ne réside pas uniquement dans la création d'entreprises et ce, dans un contexte où le temps est un élément déterminant. Les Israéliens par exemple essaient plutôt de s'associer à des jeunes entreprises innovantes que de créer leur propre entreprise, ce qui leur permet de faire réussir leurs innovations beaucoup plus rapidement.

Certaines entreprises méritent d'être créées et développées. Néanmoins, nous devons garder à l'esprit qu'il n'existe pas une seule méthode. Or, en France, nous ne sommes pas assez ouverts à ce sujet.

Cet été, j'ai eu l'occasion de faire un « coup d'éclat » en autorisant l'utilisation de l'impôt sur la fortune par les holdings et non plus seulement par les personnes physiques pour l'investissement dans la recherche. Je reconnais néanmoins que ce n'est pas ce secteur qui financera la preuve du concept. Ce type d'investissement intervient trop en amont pour que les business angels puissent le faire.

Dans le cadre de la loi sur l'université, nous avons créé deux types de fondations : la fondation de l'université sans personnalité morale d'une part, et la fondation partenariale d'autre part. Ces deux fondations sont simples à mettre en place. Toutes les universités devraient se doter d'un tel outil pour commencer à collecter des fonds.

J'avais proposé un amendement qui n'a pas été retenu, mais que je présenterai à nouveau. Actuellement, il est possible de placer l'impôt sur la fortune dans le capital d'une entreprise ayant vocation à investir et à se développer. J'avais émis l'idée qu'une petite part de ces 50 000 euros, par exemple 10 000 euros, soit obligatoirement réservée à des investissements dans les fondations universitaires et dans les fondations de recherche.

Les intervenants ont eu raison de souligner que les masses financières consacrées à la recherche n'étaient pas à la hauteur des enjeux actuels.

Nous avons travaillé sur d'autres pistes, comme la possibilité de créer des SOFICA, comme dans le cinéma. Ces questions sont en cours de réflexion. Nous sommes ouverts à toute forme de suggestion.

Je remercierai les quatre intervenants qui, malgré leur emploi du temps extrêmement chargé, ont accepté d'alimenter la réflexion sur cette thématique. Je vous remercie d'avoir été aussi nombreux et fidèles.

Je réitère tous mes remerciements au Président du Sénat, qui est extrêmement ouvert sur ces questions.

Enfin, j'adresserai mes remerciements chaleureux aux personnes qui ont travaillé dans l'ombre pour organiser cette manifestation.

Laurent KOTT

Je remercie le Sénateur Adnot, non seulement pour avoir organisé cette manifestation, mais parce que c'est la première fois, sur ce type de sujet, que je participe à une table ronde à majorité féminine. Pour être toujours plus innovant, le prochain objectif sera d'organiser une table ronde sans cravate.

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