Rencontres Sénatoriales de l'Entreprise 2005



Palais du Luxembourg, 25 janvier 2005
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Allocution d'ouverture Christian PONCELET, président du Sénat

Monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des Finances du Sénat, monsieur le secrétaire général, mesdames, mesdemoiselles, messieurs, chers amis,

J'ai ouvert hier après-midi, à l'occasion du forum franco-indien - et je salue l'un des éminents représentants du Parlement indien - la troisième édition de la Semaine de l'entrepreneur. Auparavant, j'aimerais présenter à toutes et à tous, au nom du Sénat, tous mes souhaits de cordiale bienvenue ici, au Sénat. Le Sénat est une institution qui s'ouvre vers l'extérieur, hier vers la culture, aujourd'hui vers l'entreprise avec la clôture des 8 èmes Masters de la création d'entreprise ce matin, dans l'hémicycle. Débutent aujourd'hui les 6 èmes Rencontres Sénatoriales de l'Entreprise et je suis heureux de vous recevoir les uns et les autres. Je souhaite que vous conserviez un excellent souvenir de votre passage au Sénat. Si c'est le cas, sachez que vous êtes d'ores et déjà invités à y revenir.

La parution en juin dernier d'un rapport d'information du Sénat sur la délocalisation des industries de main d'oeuvre m'a mis sur la piste du thème de ces Rencontres Sénatoriales de l'Entreprise. Le prochain référendum sur le traité établissant une Constitution pour l'Europe a conforté mon choix. En effet, les termes de « délocalisation » et de « mondialisation » sont très souvent associés, le premier étant considéré comme la conséquence inéluctable du second. En outre, comment envisager aujourd'hui le développement national et international de l'entreprise sans tenir compte de l'environnement européen ? Telle est l'une des premières questions qui vient à l'esprit.

La mondialisation est aujourd'hui au coeur de tous les débats. Nous ne raisonnons plus maintenant au niveau régional, nous raisonnons au niveau mondial. Ce phénomène, dont les prémisses remontent à la nuit des temps, focalise aujourd'hui toutes les attentions en raison du nouvel espace économique et financier mondial en marche, de l'accélération des moyens de transport, de l'explosion des nouvelles technologies et de l'indispensable prise en compte des facteurs sociaux. Il est vrai qu'aujourd'hui, avec les moyens de télécommunication que nous possédons, ce qu'il se passe dans le monde entier, à l'instant, est connu dans le monde entier. On ne peut plus ignorer certains événements, ce qui nous a permis de manifester, immédiatement, notre solidarité à l'égard des populations d'Asie meurtries par la catastrophe de décembre dernier.

Cette mondialisation suscite des comportements et des stratégies souvent contradictoires. Certaines entreprises cherchent à s'adapter et font du monde, leur nouvelle zone de prospection, de production et de distribution. D'autres, par contre, se replient sur les marchés locaux, sur des niches, et ignorent le reste de la planète. Ils cherchent un « créneau » qui va alimenter leur activité. Aucune entreprise multinationale ou très petite entreprise, en passant par les PME ou PMI, ne peut rester indifférente à ce bouleversement, au risque de disparaître.

Le débat sur la mondialisation donne lieu à des réactions qui sont trop souvent réductrices. Or la globalisation de l'économie ne saurait expliquer à elle seule les bouleversements quant à la répartition des salaires et des revenus, quant aux dommages subis par certains salariés, et les stratégies d'entreprises. La situation de l'entreprise dans une économie mondialisée dépend aussi de son secteur d'activité et de sa position plus ou moins concurrentielle en termes de prix ou de spécialisation. S'il y a un domaine qui est confronté à la mondialisation, sur le plan économique, c'est bien le domaine textile. En tant qu'originaire des Vosges, je peux en témoigner.

L'actionnaire et le salarié n'auront certainement pas la même vision de la mondialisation et de ses effets. Les différences du développement économique, social et juridique déterminent en partie les choix de l'entreprise en matière de délocalisation ou de restructuration. Certains délocalisent une partie de leur activité. Cette partie délocalisée va être profitable ; elle permettra d'équilibrer la partie non-délocalisée éventuellement.

Certes, la mondialisation correspond à la diffusion de la libéralisation économique. Pourtant, il existe, dans tous les pays, des protections plus ou moins déguisées. Derrière l'uniformisation mondiale apparente, subsistent de nombreux particularismes dont l'entreprise ne peut s'affranchir au risque d'échouer. Les chefs d'entreprise indiens, ici présents, qui sont nos invités d'honneur depuis hier et auxquels je renouvelle toute notre solidarité, ne me démentiront pas.

Lorsque j'ai initié, il y a six ans, presque jour pour jour, la première opération du Sénat en direction des entreprises, que n'ai-je entendu ? Non pas de mes collègues sénatrices ou sénateurs qui ont toujours considéré, dans leur grande sagesse, les entrepreneurs comme le ciment de la prospérité de notre Nation. En effet, qui crée la vraie richesse, qui crée le vrai emploi ? C'est l'entreprise. L'emploi qui est financé à partir d'un prélèvement sur le produit de l'impôt est fragile. La richesse, il faut la créer, même s'il nous faut réfléchir à sa répartition avec équité. Nous pouvons tomber d'accord sur la répartition équitable des fruits de l'arbre, mais si personne ne prend la précaution d'entretenir l'arbre, il ne donnera pas de fruit et personne n'aura rien. Ce raisonnement est élémentaire. En France, nous avons beaucoup d'imagination pour répartir. Et nous savons répartir. Pour produire, c'est un petit peu plus difficile. Il y a moins d'imagination. Il faut essayer de pallier cette insuffisance.

Pourquoi le Sénat ne devait-il pas s'intéresser à l'économie de la France ? En 2005, la réalité a donné raison au Sénat. Les 200 stages d'immersion dans l'entreprise auxquels ont participé mes collègues sénateurs de toutes tendances en est la preuve. Nous sommes la première institution au monde qui envoie ses élus en stage dans l'entreprise. De cette manière, l'élu va pouvoir connaître, appréhender parfaitement la vie de l'entreprise. Par conséquent, connaissant bien ce sur quoi il va légiférer, il sera en mesure de mieux légiférer. Les entreprises et institutions créées au Sénat, par les sénateurs, sont devenues le premier élément du capitalisme en France. Nous sollicitons les projets qui ont été élaborés, nous interrogeons les investisseurs. Les deux sont mis en présence. Certains projets qui n'auraient pas pu se concrétiser vont être réalisés grâce à des apports financiers privés. Nous ne faisons pas appel à l'impôt pour cela. Le club.sénat.fr est le seul lieu de réflexion sur l'économie numérique en connexion directe avec le législateur, club qui accueillera cette année quatre des plus grands chefs d'entreprise mondiaux dans le secteur des technologies de l'information. Je pense aussi aux rencontres bimensuelles avec les grands capitaines d'industrie.

Ce qui paraissait un pari insensé est devenu une réalité incontestée : l'entreprise a maintenant droit de cité au Sénat. La France est un grand peuple d'entrepreneurs. Nous leur avons rendu hommage ce matin puisque 500 créateurs d'entreprise ont siégé dans l'hémicycle du Sénat et que sept d'entre eux ont pu poser une question au gouvernement. J'adresse donc mes remerciements les plus chaleureux à l'ensemble des intervenants des tables rondes qui vont débuter dans quelques minutes.

Vous l'avez compris, les entrepreneurs sont des personnages importants de notre société. Si le Sénat a contribué modestement à changer l'esprit du temps, il le doit non pas seulement à son Président, ce serait prétentieux de ma part, mais en premier lieu à l'ensemble des sénatrices et sénateurs qui ont adhéré à cette démarche. Après une période de réflexion, d'hésitation, chacun y souscrit et apporte sa contribution à la réussite des différentes opérations que nous lançons dans différents domaines. Je pourrais parler de la culture, du sport, de la recherche et de l'entreprise, sujet qui nous préoccupe présentement.

Je remercie donc mes collègues, et notamment ceux présents, qui ont effectué depuis six ans des stages d'immersion en entreprise, afin de mieux comprendre les difficultés, les attentes, les espoirs et toutes celles et tous ceux qui participent à la prospérité de notre Nation.

Nous considérons que, pour favoriser la prospérité et générer les richesses, la formule « il n'y a qu'à faire ceci, il faut que l'on fasse cela » n'a aucune application courante. Je n'oublie pas que nous avons été aidés dans notre quête par un grand nombre de partenaires, dont le Salon des entrepreneurs. Ainsi, la Semaine des entrepreneurs, qui a démarré hier, est une oeuvre commune du Sénat de la République et du Salon des entrepreneurs. Le Salon ouvrira ses portes demain, au Palais des Congrès, à Paris. Je vous invite à vous y rendre comme je le ferai moi-même demain matin. Samedi, un grand débat se tiendra dans l'hémicycle du Sénat sur le thème : « dix défis pour l'emploi de demain ». Plusieurs ministres, dont le Premier ministre, y participeront. Ils seront interrogés, en direct, comme nous le faisons lors de nos Questions d'actualité.

Je vous remercie de votre attention et vous souhaite des débats riches, denses et passionnants dans l'intérêt de notre pays, bien évidemment.

a

Christian PONCELET,

Président du Sénat

Table ronde : La mondialisation, choix ou fatalité ?

PARTICIPENT À LA TABLE RONDE :

> Ashwani KUMAR,

sénateur indien, président du groupe d'amitié Inde - France

> François LOOS,

ministre délégué au commerce extérieur

> Jean ARTHUIS,

président de la commission des Finances du Sénat

> Clara GAYMARD,

ambassadeur délégué aux investissements internationaux

> Seth ZACHARY,

chairman de Paul Hastings

> Jean BRUNOL,

senior vice-président international opérations IVECO

> Phiroz VANDREVALA,

senior executive, Tata Consultancy Services

> François CHÉRÈQUE,

secrétaire général de la CFDT

> Jean MATHIEX,

professeur de géopolitique à l'ENST et à l'INT

La table ronde est animée par Jean-Marc SYLVESTRE, LCI.

> M. SYLVESTRE

Je vous souhaite la bienvenue et vous remercie de participer à ce débat. Cette table ronde est enregistrée et sera diffusée demain matin sur Public Sénat. Elle devrait durer une heure sachant qu'un débat avec la salle est prévu. Pour donner du rythme à nos échanges et multiplier les interventions, je vous demanderai de faire preuve de concision.

Je vous remercie, monsieur le Président, d'avoir introduit ce débat. Vous avez convié un certain nombre de personnalités, notamment des industriels, des représentants politiques indiens, que je salue. Vous avez convié François Loos, ministre du commerce extérieur, Clara Gaymard, ambassadeur délégué aux investissements internationaux. Je remercie de sa présence Jean Arthuis, qui connaît bien cette maison pour en faire partie et qui est Président de la commission des Finances du Sénat. Il a, dans un passé récent, beaucoup travaillé sur la question de la mondialisation et sur ses conséquences en matière de délocalisation pour le tissu industriel français. Je remercie aussi d'autres industriels, comme Jean Brunol, d'IVECO, qui ont une activité importante à l'étranger. Je remercie François Chérèque, Secrétaire général de la CFDT et qui va nous apporter le point de vue d'un syndicat. Je remercie le Professeur Jean Mathiex, qui a beaucoup travaillé sur cette question.

Le Président Poncelet en a parlé dans son introduction, la mondialisation offre beaucoup d'opportunités à un grand nombre d'entreprises. Elle suscite aussi beaucoup d'inquiétude, voire d'angoisse.

François Loos, vous parcourez le monde pour essayer de vendre l'industrie française. Est-ce une obligation, une fatalité, de vendre l'industrie française et, d'une certaine façon, d'inciter nos industriels à se délocaliser ?

> M. LOOS

La mondialisation existe. Elle n'est pas nouvelle. Elle engendre aujourd'hui des craintes, des peurs et des opportunités.

La mondialisation existe car certains problèmes - comme la pollution de l'air, les épidémies, le cours du dollar - sont mondiaux, qu'on le veuille ou non. À ces problèmes mondiaux, il faut apporter des réponses mondiales, qu'elles soient définies en fonction des circonstances ou de façon institutionnelle. Il faut donc que la mondialisation soit maîtrisée et humanisée, comme nous le demandons, ce qui implique la mise en place de règles sociales, commerciales, en matière d'environnement et dans tous les domaines. Il faut aussi assurer une meilleure redistribution pour aider les pays qui sont les plus mal placés dans cette compétition et dont les difficultés peuvent avoir des conséquences sur d'autres pays. Nous devons y être attentifs.

La mondialisation offre aussi des opportunités. La croissance au niveau mondial devrait, cette année, être de l'ordre de 4 %. Les échanges mondiaux ont augmenté de 8 % l'année dernière. Cette dynamique, qui n'est pas nouvelle, mais qui s'était fortement ralentie au lendemain des attentats du 11 septembre 2001, va se poursuivre. Cette croissance, dans le monde, est tirée par l'Inde, par la Chine, par les États-Unis, qui enregistrent une croissance de 4,5 %, et offrent des opportunités aux entreprises. Il convient aujourd'hui de s'occuper des contraintes et de saisir ces opportunités. La France doit consentir des efforts pour mieux saisir ces opportunités.

> M. SYLVESTRE

« Mieux saisir les opportunités », Clara Gaymard en a fait son métier, puisqu'elle cherche à attirer des investisseurs et entreprises en France. Avant de lui donner la parole, j'aimerais que Jean Arthuis nous présente son diagnostic, plutôt pessimiste, de la situation. Aujourd'hui, le bilan des délocalisations pour l'industrie française, pour le tissu économique français, est assez négatif. Le taux de chômage, les déménagements des entreprises, en sont la preuve.

> M. ARTHUIS

La mondialisation est, en effet, vieille comme le monde. Ce qui est nouveau est le fulgurant développement des échanges. On dispose aujourd'hui de moyens extrêmement efficaces pour assurer, à des coûts très faibles, le transport des marchandises et des personnes. En outre, depuis plusieurs années, les nouvelles technologies de l'information et de la communication, la numérisation, permettent la délocalisation des entreprises. Les organisations étatiques avaient mis en place sur les territoires nationaux des modèles sociaux et fiscaux - avec, par convention, une répartition des charges entre les entreprises et les ménages - qui avaient un sens tant que ces organisations étaient relativement autonomes. Tout ce dispositif est bousculé avec la mondialisation et la globalisation.

J'ai la conviction que la France dispose de multiples atouts pour réussir mais elle a du mal à tirer les conséquences de ces changements. En l'état, les lois sociales et modes de prélèvements obligatoires peuvent constituer des incitations à la délocalisation. Aujourd'hui, nombre de salariés ont le sentiment de vivre en concurrence avec les salariés du monde entier, ce qui les fait frémir. Si les consommateurs sont gagnants, le citoyen peut être atteint de schizophrénie vis-à-vis de la mondialisation : si le consommateur y trouve son compte, le salarié n'en perçoit pas les avantages. C'est pourquoi il est urgent, à mon sens, d'engager des réformes structurelles en matière de droit social, avec le besoin d'une plus grande flexibilité, ainsi qu'en matière de fiscalité. Les pouvoirs publics ont été très allants pour modifier les traités et, finalement, mettre en place un libre-échange généralisé mais n'en ont pas mesuré toutes les conséquences sur le plan de la cohésion sociale et de la capacité à maintenir une valeur ajoutée. Certes, on peut se bercer d'illusions en pensant qu'il suffira de faire de la recherche. Mais j'ai le sentiment que là où il y aura de l'industrie, il y aura de la recherche.

> M. SYLVESTRE

François Chérèque nous donnera son opinion sur ce point notamment sur la question du salariat dans la mondialisation. Clara Gaymard, que dites-vous aux investisseurs étrangers pour les convaincre de venir en France où, certes, il fait bon vivre, où le vin est de qualité, où la haute couture est magnifique mais où le chômage atteint 10 %, où tout le monde se plaint et où la croissance annuelle est inférieure à 2 % ?

> Mme GAYMARD

Ces investisseurs sont déjà présents. 16 000 entreprises étrangères sont installées en France. Dans le seul secteur industriel, un Français sur trois travaille pour une entreprise étrangère. Si ces investisseurs ont choisi la France, ce n'est pas par philanthropisme mais pour la qualité des infrastructures, parce que la France est au coeur d'un marché européen qui compte 450 millions de consommateurs et qui est le premier marché du monde, parce que sa main d'oeuvre, par heure travaillée, est la plus productive au monde et qu'elle est particulièrement bien formée.

Si tout le monde parle de mondialisation, le véritable enjeu, qui explique la mondialisation, est l'innovation. Je vous livre ici un exemple significatif. Dans cinq ans, pour vous éclairer, vous n'utiliserez plus d'ampoules car la lumière blanche sera fournie par une puce numérique. La problématique des entreprises qui fabriquent des ampoules en France n'est pas liée à la mondialisation mais bien à l'innovation. Les ampoules ne vont pas disparaître : elles seront fabriquées, comme les magnétoscopes ou les téléviseurs, dans d'autres pays. La vraie question est d'effectuer des sauts technologiques. Et la France est bien armée pour cela, parce qu'elle dispose de parcs technologiques, parce qu'elle a une tradition de performance dans la médecine, dans les sciences du vivant, dans l'électronique, le nucléaire, l'automobile, l'aéronautique. Si les investisseurs viennent en France c'est notamment parce que notre pays compte des leaders mondiaux dans tous les secteurs économiques. Peu de pays peuvent en dire autant. Dans les secteurs de l'agroalimentaire, de la distribution, de l'énergie, une entreprise française est classée parmi les cinq leaders mondiaux. La France a su accomplir ce miracle au cours des vingt dernières années. Elle doit poursuivre ses efforts. Je suis, pour ma part, très confiante quant à la capacité de la France à attirer des investissements étrangers.

> M. SYLVESTRE

La France bénéficie-t-elle d'une bonne image ?

> Mme GAYMARD

La France n'a pas une bonne image parce que nous-mêmes donnons une mauvaise image. Nous ne manquons jamais de nous critiquer nous-mêmes. Nous devons progresser en matière de marketing, en apprenant à vendre la place de la France dans le monde. En 2002 et 2003, la France était le deuxième pays au monde, après la Chine, pour l'accueil d'investissements internationaux. Cela montre bien que la France est un pays ouvert, qu'il est possible d'y acheter des entreprises et d'y développer des affaires librement. Pourtant, la France donne d'elle-même l'image d'un pays protectionniste. Il est donc nécessaire de mieux communiquer.

> M. SYLVESTRE

Je vais caricaturer vos propos. Il faut laisser partir, puisque c'est inéluctable, un certain nombre d'industries à « faible valeur ajoutée », même si vous n'avez pas employé ce terme...

> Mme GAYMARD

Ce n'est pas la question. Une entreprise vit et meurt. Les technologies vivent et meurent. La question est d'anticiper et de préparer l'avenir.

> M. SYLVESTRE

Anticiper suppose d'attirer des industriels à haute valeur ajoutée qui profiteront de notre capacité de recherche et d'innovation.

> Mme GAYMARD

Notre avenir ne doit pas se limiter aux activités dans le domaine des nanotechnologies et des sciences du vivant. Par exemple, la logistique connaît un formidable développement sachant qu'aujourd'hui, seuls 20 % des produits traversent les frontières et que ce taux sera de 80 % dans 50 ans. La France est bien placée en matière de logistique, secteur qui emploie de la main d'oeuvre non qualifiée. Par conséquent, ne pensons pas qu'il n'y a pas de futur pour les emplois non qualifiés. Il s'agit avant tout de choisir les bonnes stratégies de développement.

> M. SYLVESTRE

François Chérèque, la mondialisation, nous le voyons tous les jours, provoque un certain nombre de dégâts sociaux en France. À quel prix et à quelles conditions un syndicat comme le vôtre accepterait-il de négocier les adaptations nécessaires pour affronter ces contraintes ?

> M. CHÉRÈQUE

La mondialisation a, en effet, des conséquences parfois néfastes. Il est étrange d'entendre que, sur un plan macroéconomique, les délocalisations entraînent peu de pertes d'emplois...

> M. LOOS

Je n'ai pas dit cela.

> M. CHÉRÈQUE

C'est un discours assez courant. Jean Arthuis vient de dire, à juste titre, que les salariés de notre pays ont le sentiment d'être en concurrence avec les salariés d'autres pays. Mais c'est parce qu'on les met en concurrence, et cela sur des secteurs où l'économie française n'est pas en mesure de répondre.

Pour nous en sortir, deux voies sont possibles. La première renvoie aux conclusions du rapport Beffa sur la recherche et le développement. Les difficultés de la France rendent nécessaire une meilleure articulation entre recherche publique et recherche privée. La seconde concerne l'adaptation de nos régimes sociaux. La CFDT est bien placée pour savoir que ceux qui s'engagent à adapter les régimes sociaux ont parfois du mal à expliquer leur démarche. Les syndicats doivent regarder le monde actuel non pas avec un regard passéiste, en se focalisant sur un système social qui s'était construit dans une économie en expansion, mais avec un regard actuel, en ayant conscience de l'économie d'aujourd'hui.

Pour cela, il convient de revoir nos régimes sociaux, en intervenant dans plusieurs directions. Vous avez évoqué le besoin d'une plus grande flexibilité. Les hommes politiques ont lancé le débat. Pour ma part, je m'interroge sur la sécurité que l'on peut apporter en face de cette flexibilité. En effet, les pays européens qui ont le mieux répondu à ce défi ont investi, certes dans plus de flexibilité, mais aussi dans plus de sécurité. Il s'agit de construire de véritables parcours professionnels permettant aux salariés de notre pays, lorsqu'ils sont en dehors de l'entreprise à certaines périodes pour des raisons économiques, de profiter de ces périodes pour se former, changer d'orientation et retourner vers l'emploi de façon efficace mais aussi de la façon la plus chanceuse qui soit. En effet, la France rencontre une certaine difficulté à anticiper. Vous avez cité l'exemple de la fabrication d'ampoules. Une entreprise alsacienne de fabrication de piles a annoncé aujourd'hui même sa fermeture en avril. 150 emplois vont être supprimés parce que, pour des raisons liées au développement technologique, le marché des piles traditionnelles se réduit. Est-il normal que la question de l'avenir de ce produit ne soit posée qu'aujourd'hui ? Je suis certain que les actionnaires de cette entreprise, en l'occurrence un fonds de pension américain, étaient conscients, depuis plusieurs années, de ces problèmes. Il était nécessaire d'anticiper pour offrir une reconversion aux salariés et leur donner la possibilité de fabriquer d'autres produits.

En résumé, je ne suis pas opposé à la flexibilité à partir du moment où elle s'accompagne d'une plus grande sécurité - ce qui suppose un investissement de l'État - et d'une plus grande anticipation, par le biais d'une meilleure gouvernance des entreprises qui impliquerait davantage les salariés.

> M. SYLVESTRE

Jean Arthuis et François Loos souhaitent réagir.

> M. ARTHUIS

Je souhaite que nous puissions ensemble parler de l'avenir autrement. Je salue les représentants des organisations syndicales qui essaient d'ouvrir de nouvelles voies ; ce n'est pas aisé. Les politiques, les institutionnels et les syndicats doivent accepter de regarder la réalité telle qu'elle est et cesser de se raconter des histoires.

Je me suis rendu dans différents pays Scandinaves. Le Danemark est un vrai pays social-démocrate : celui qui perd son emploi est convenablement indemnisé et suit un parcours de retour à l'emploi. Mais c'est aussi parce que le licenciement y est immédiat que le Danemark connaît le plein emploi. Il s'agit pour nous de convaincre l'ensemble des partenaires que la flexibilité est l'une des chances du plein emploi.

> M. LOOS

En matière d'anticipation et de recherche, il importe de comprendre que les sociétés cotées choisissent d'affecter du cash-flow soit à leur activité de recherche soit à leur dividende. Il faut aujourd'hui faire en sorte que ces entreprises mettent des moyens sur la R&D afin qu'elles anticipent, pas seulement d'éventuels problèmes sociaux, mais aussi l'évolution de leur marché. La France est, à l'heure actuelle, moins efficace sur ce point que ce qu'elle pourrait être. Nous avons besoin d'un sursaut en la matière.

> M. SYLVESTRE

Clara Gaymard, le discours de François Chérèque vous semble-t-il présentable à des investisseurs étrangers qui soulignent l'excès de sécurité, de la protection sociale en France ainsi qu'un coût du travail exorbitant ?

> Mme GAYMARD

L'exemple de General Motors est extrêmement instructif. General Motors a récemment réalisé un investissement conséquent à Strasbourg. Notons d'ailleurs que Strasbourg a été retenue au détriment de la Hongrie, ce qui montre que la France est compétitive par rapport aux pays de l'Est, y compris dans le secteur de l'industrie lourde. L'idée que l'Europe de l'Est nous taille des croupières ne correspond donc pas à la réalité.

General Motors a de grandes difficultés car il porte, seul, le risque de la retraite et de l'assurance maladie. Comme l'effectif dans l'automobile se réduit fortement, General Motors sollicite l'aide du gouvernement américain. Les entreprises américaines qui s'implantent en France savent qu'elles doivent payer la retraite, l'assurance maladie, que le gouvernement a stabilisé les fonds publics sur ces deux points, mais elles savent aussi qu'elles n'ont pas à porter le risque de la retraite et de l'assurance maladie ni à payer des personnes pour gérer ces sommes. Pour un investisseur, la dépense obligatoire est un critère déterminant dans la mesure où un investisseur doit payer la retraite de ses salariés, l'assurance maladie, et un ensemble de dépense. Or, l'élément essentiel, pour un investisseur, est le montant qu'il lui reste, « en fin de journée ».

> M. SYLVESTRE

IVECO est une entreprise qui n'a pas d'états d'âme. Elle s'installe dans le monde entier parce que ses clients sont situés partout dans le monde. Monsieur Brunol, quelle est votre approche de la mondialisation ?

> M. BRUNOL

Notre problématique est assez simple. Le marché des véhicules commerciaux et des véhicules de transports représente quatre millions d'unités par an : un million en Europe, un million dans les Amériques, un million en Chine, et un million dans le reste du monde.

La mondialisation n'est, pour nous, ni un choix ni, heureusement, une fatalité. Quand les dirigeants industriels s'interrogent sur la mondialisation, ils ne la considèrent pas comme choisie ou subie. D'autres éléments leur viennent à l'esprit.

D'abord, la mondialisation constitue un changement de degré. Ensuite, la mondialisation n'est pas la fin de l'histoire. Elle est une fantastique opportunité. La mondialisation n'est pas la globalisation. La globalisation est un changement de nature tandis que la mondialisation n'est qu'un changement de degré. Les grands pays occidentaux ont des cartes à jouer mais ont peu de temps pour le faire. Des plaques « tectoniques » se sont mises en place. Des contraintes existent à l'interface de ces plaques. Les grands pays développés se situent sur ces lignes de fracture et ont peu de temps pour réagir.

> M. SYLVESTRE

IVECO se veut-elle entreprise mondiale ou bien déploie-t-elle un drapeau français lorsqu'elle investit des marchés étrangers ?

>M. BRUNOL

Vous évoquez la question de la base stratégique nationale. Une entreprise est comme un individu. Un individu, hors de sa culture, ne se construit pas. Une entreprise a besoin de bases stratégiques nationales. Si elle n'y parvient pas quelque part, elle doit les trouver ailleurs. C'est ce que fait le groupe IVECO. La question de la mondialisation renvoie davantage à la question des « systèmes pays » qu'à la question de la place des grands groupes internationaux.

> M. SYLVESTRE

Je passe la parole à nos amis étrangers. J'aimerais qu'ils nous donnent leur sentiment sur ce débat et qu'ils indiquent les éventuelles réponses qu'ils apportent aux inquiétudes des pays occidentaux.

> M. KUMAR

J'ai écouté les différents points de vue qui ont été exprimés. La nature même de la mondialisation est au coeur du débat. Cette mondialisation vise toutes les entreprises, qu'elles le veuillent ou non, et l'on ne peut opposer les entreprises qui seraient actrices de cette mondialisation et celles qui en seraient victimes.

Il me semble nécessaire d'insister sur les conséquences de la mondialisation. Cela suppose de revenir sur le bond technologique à l'origine de la mondialisation. Au début des années 90, on s'intéressait à l'avenir des pays émergents en soulignant les compétences clés nécessaires à leur développement. Aujourd'hui, les frontières disparaissent et la mondialisation est la seule logique économique. Dès lors, il faut se pencher sur la question des compétences, s'interroger sur l'impact de la mondialisation, notamment sur l'emploi. Ce dernier est au coeur des préoccupations de tous les gouvernements démocratiques. Cette question ne peut être laissée de côté. Le Secrétaire général de la CFDT l'a souligné.

Je suis originaire d'un pays en voie de développement, d'un pays qui a procédé à un grand nombre de réformes, y compris des réformes technologiques. Ces réformes doivent présenter un visage humain. La mondialisation doit nous montrer les avantages des interventions étatiques. Il incombe aux gouvernements d'apprendre à travailler avec les entreprises, non pas pour freiner le processus de modernisation, mais pour que celui-ci ait un sens.

> M. SYLVESTRE

Phiroz Vandrevala, une question inquiète particulièrement les Occidentaux. Elle concerne l'immense « réservoir » de main d'oeuvre qui existe en Chine et en Inde. Ne constitue-t-il pas, pour vos économies, un moyen de maîtriser et de capter un certain nombre d'industries pendant 10, 20 ou 30 ans ?

> M. VANDREVALA

Je ne suis pas certain de bien avoir compris votre question.

Si nous avions lancé ce débat il y a 5 ou 7 ans, nous ne nous serions pas posé la question des victimes et des acteurs de la mondialisation. En Chine ou en Inde, on nous a dit pendant plusieurs années que la mondialisation était la voie à suivre et que ce processus était tout à fait positif. Aujourd'hui, le discours a changé. Et ceux qui se percevaient comme acteurs par le passé, se considèrent aujourd'hui comme victimes. Pourtant, pendant 10 ou 15 ans, on nous disait que la mondialisation était la panacée pour le monde en développement. On disait qu'il fallait nous ouvrir, ouvrir nos marchés. Mais ce processus a progressivement eu un impact sur les emplois, sur les économies locales et a commencé à poser des problèmes.

Nous sommes ici sur un plateau de télévision. Aujourd'hui, en Inde, comme dans d'autres pays, chaque foyer compte plusieurs postes de télévision. C'est donc moins sur le marché des téléviseurs que sur le marché des contenus et des programmes qu'il existe des opportunités de développement. Il y a là un exemple significatif des évolutions possibles. L'analyse démographique en Europe occidentale ou aux États-Unis souligne que la population active sera insuffisante dans quelques années. Comment dès lors garantir un maintien de vos activités ? Vous pouvez former, dans vos pays, votre main d'oeuvre de manière à ce qu'elle occupe des emplois qualifiés. Pour autant, il faut réfléchir à la façon de créer des emplois.

> M. SYLVESTRE

En vous interrogeant sur vos ressources en main d'oeuvre, je faisais allusion aux délocalisations qui ont été opérées, il y a une dizaine d'années, par l'Europe occidentale, vers les pays du Maghreb. Ces mouvements ont eu tendance à élever le niveau de vie général de ces pays et, finalement, à réduire la compétitivité de leurs industries. On s'aperçoit aujourd'hui qu'en délocalisant en Chine ou en Inde, ce phénomène qui devrait permettre de relever le prix de revient des produits ne se produit pas, compte tenu du réservoir de main d'oeuvre dont vous disposez.

> M. VANDREVALA

Je ne partage pas du tout votre analyse. Hormis le vin et le fromage, le produit français le plus célèbre est l'appareil Airbus. Les commandes sont principalement le fait de l'Inde et de la Chine. La mondialisation a, de ce point de vue, un impact positif sur l'emploi en Europe. Cela suppose de proposer des produits capables de répondre aux besoins et de faire évoluer les marchés.

> M. SYLVESTRE

Je pensais davantage aux vêtements que nous portons qu'aux appareils Airbus.

> M. VANDREVALA

Vous portez peut-être des vêtements fabriqués en Inde. Je porte pour ma part des vêtements européens !

> M. SYLVESTRE

François Loos, que souhaitez-vous dire aux dirigeants indiens ?

> M. LOOS

Nous abordons ici le débat de l'immigration. L'Inde est le pays qui nous interpelle le plus sur cette question. Il nous demande d'ouvrir davantage nos postes de travail aux informaticiens indiens. Nous sommes tous confrontés à ce problème qui va devenir majeur au cours des prochaines années.

J'aimerais revenir sur les délocalisations d'un point de vue macroéconomique, même si la question sociale importe davantage que l'analyse macroéconomique. En moyenne, 45 % des produits exportés par la France ont d'abord été des produits importés. Les produits français ne concernent que 30 % de la fabrication d'un Airbus. En l'Allemagne, la part des produits importés dans les exportations est passée en quelques années de 25 % à 40 %. Actuellement, l'Allemagne est particulièrement touchée par les délocalisations. La France a, pour sa part, déjà beaucoup subi. Cela ne peut constituer une réponse à l'égard de ceux qui souffrent aujourd'hui ou qui souffriront demain.

> M. SYLVESTRE

Les industriels occidentaux s'inquiètent de voir partir en Inde des industries à haute valeur ajoutée, comme l'industrie du logiciel, l'industrie informatique... L'Inde est capable d'accueillir ces industries et pourrait, demain, fabriquer des Airbus.

> M. VANDREVALA

La véritable question est celle de la compétitivité à l'échelle mondiale. Les grands acteurs du monde informatique ont pris les talents en Inde, je travaille moi-même dans l'informatique et mes clients sont Citibank ou Bank of America.

Le défi du domaine des services financiers en France est bien celui de la mondialisation. Ce secteur doit s'internationaliser, se développer sur d'autres marchés, pour survivre. C'est essentiel en matière d'emploi.

Cette quête de la mondialisation passe par l'emploi de talents indiens. Nous pensons qu'il s'agit là d'une chance pour la France car la France peut tirer profit de l'emploi d'informaticiens talentueux.

> Mme GAYMARD

On parle beaucoup des investissements en Inde ou en Chine de la part des pays occidentaux. Toutefois, et même si ce phénomène n'est pas massif, des entreprises indiennes et chinoises viennent aussi investir en Europe. Il ne s'agit que d'un retour de balancier. Ces gigantesques marchés ont su créer de vrais champions nationaux qui sont sur le point de devenir de vrais champions internationaux, capables de se mesurer à nos entreprises occidentales sur leur propre terrain. C'est également une opportunité pour les pays occidentaux car ces entreprises viennent créer des emplois et de l'activité. Et nous pouvons souhaiter qu'elles viennent s'installer en France plutôt que chez nos voisins.

> M. SYLVESTRE

François Chérèque, la CFDT est-elle favorable à la mise en place de quotas d'immigration ?

> M. CHÉRÈQUE

Le taux de chômage dans notre pays est de 10 %. Mettons-nous à la place des salariés français. Je me dois de le dire, compte tenu de mes responsabilités, même si les propos précédents ne me choquent pas. Alors que les politiques ne cessent d'aborder cette question de l'immigration, la France connaît un chômage de masse depuis plus de vingt ans. Si les politiques sont libres de parler d'immigration, ils ne peuvent évoquer cette question sans parler du reste. Je me réjouis que l'Inde puisse voir une élévation de son niveau de formation et un développement de son économie vers les nouvelles technologies. Mais cela suppose que la France investisse davantage encore dans la formation, notamment dans la formation supérieure. Or la France accuse un certain retard en la matière et reporte sans cesse la réforme des universités, par peur du changement et des réactions du mouvement conservateur dans le milieu éducatif.

En outre, la France concentre ses efforts financiers vers les bas salaires pour développer des emplois de services. Cette démarche me semble peu adaptée. La France conduit une politique d'allégement de charges, en particulier sur les bas salaires, alors qu'il convient de mener une réflexion sur le développement de la formation, en particulier la formation continue, et des emplois hautement qualifiés. Face aux difficultés posées par la mondialisation, ces réponses ne me semblent pas les plus appropriées. Sur ces questions, les politiques ont malheureusement une vision à court terme.

> M. SYLVESTRE

Jean Arthuis souhaite vous répondre.

> M. ARTHUIS

Nous vivons dans une démocratie d'opinion. Décrire les phénomènes de délocalisation et leurs enjeux apparaît comme une sorte de pêche et encourage les discours pessimistes. D'un côté, on a conscience que notre pays tarde à se réformer, de l'autre, on tient à rassurer nos concitoyens en parlant de la mondialisation comme d'une véritable chance pour la France.

Il me semble nécessaire de bien décrire les enjeux. Ce qu'on appelle délocalisation ne correspond pas à la fermeture d'une entreprise en France en vue de se déplacer en Chine ou en Inde. Il s'agit plutôt d'un phénomène qui voit l'entreprise se déliter parce que l'activité s'est recréée ailleurs.

> M. SYLVESTRE

Ce n'est pas ce qu'il s'est produit pour le textile... Dans ce secteur, toutes les industries ont progressivement déménagé.

> M. ARTHUIS

En effet. Toutefois, le discours ambiant consistait à dire que ce mouvement n'était pas très grave dans la mesure où il permettait de sauver de l'emploi en France et que la mondialisation était une chance pour la France. De ce fait, la France n'a pas changé ses lois sociales, ses modes de prélèvement - qui sont des impôts de production ou des droits de douane à l'envers. Elle a continué à signer les accords internationaux de libéralisation des échanges tout en laissant les monnaies dans un bazar extraordinaire. Le salaire mensuel moyen était de 100 dollars à Shenzhen en 1993. Il est aujourd'hui au même niveau. Dans ce désordre monétaire, les parités ne veulent plus rien dire et tout le monde semble s'en accommoder. François Loos évoquait précédemment une gouvernance mondiale. Au moins sur le plan des échanges, il conviendrait que les grands espaces économiques s'entendent sur des dispositions pour que les parités monétaires traduisent un peu mieux le coût du travail et le niveau de vie dans chaque pays.

> M. SYLVESTRE

Quel est le quotidien d'IVECO en Inde ?

> M. BRUNOL

Notre partenaire en Inde emploie 12 000 personnes. Sa capacité de production représente 50 % de la capacité du Croupe dans le reste du monde.

Au risque de choquer, j'aimerais rappeler que 12 % à 14 % de la population mondiale génère ou bénéficie, peu importe la façon dont on le prend, de 80 % du PNB mondial. Je prédis qu'au cours des dix prochaines années, la population des pays riches va représenter moins de 10 % de la population mondiale et qu'elle ne bénéficiera plus que de 50 % du PNB mondial. Il s'agit là d'une vraie question et il me paraît sage de l'aborder en profondeur. Nous allons devoir traiter de la citoyenneté des entreprises dans les grands pays industriels. Cette citoyenneté des entreprises ne consiste pas à socialiser les pertes et à privatiser les profits. Elle ne consiste pas à faire passer les plans sociaux dans les pays où l'on n'est pas citoyen plutôt que dans ceux où on l'est. En revanche, elle impose à ces entreprises d'être des acteurs mondiaux, d'investir massivement dans les technologies dans tous les pays. C'est en tout cas la démarche d'IVECO. Certes, nous rencontrons parfois des difficultés mais c'est le sens de notre stratégie.

> M. SYLVESTRE

Seth Zachary, vous dirigez un grand cabinet d'avocats d'affaires. Considérez-vous que les règles de droit sont suffisantes pour assurer la sécurité des investissements, leur développement et une certaine équité au niveau international ?

> M. ZACHARY

Les règles ne suffisent jamais. Elles ne sont jamais parfaites. En outre, par définition, une règle n'anticipe pas le changement : elle vise une situation donnée à un moment donné. Or on nous dit que le changement est inéluctable.

Les règles en matière de gouvernement d'entreprise, en matière de levée de capitaux, tendent à se mondialiser. Mais les règles ne peuvent anticiper la façon dont la propriété doit être partagée. Les règles sont déficientes en la matière même si elles évoluent.

Une question intéressante concerne donc la capacité d'un pays ou d'un opérateur à anticiper le changement. Toutefois, s'agissant de la mondialisation, la question est moins d'anticiper le changement que de prendre la mesure de la réalité. Les règles qui régissent nos vies tendent à se ressembler partout dans le monde, ce qui fait le jeu de la mondialisation. Ces règles ne sont pas forcément adéquates mais elles évoluent très rapidement.

> M. SYLVESTRE

François Loos, faut-il continuer de travailler à un abaissement général des tarifs douaniers ?

> M. LOOS

Le monde est très diversifié. Il compte des pays riches, des pays très pauvres, des pays moyennement pauvres, des pays émergents et ne se limite pas à une distinction Nord / Sud... Et les pays émergents veulent bénéficier d'avantages au détriment des pays plus pauvres. Nous devons en tenir compte.

Je parlais précédemment de redistribution. Si chaque pays est à la recherche d'investissements, pour sa croissance, pour créer des emplois, pour innover, certains pays n'ont rien. Ils comptent donc sur une aide au développement. Le fait de baisser les tarifs douaniers, l'idée que le monde libéral est une solution à tous les problèmes, est une fantaisie théorique. Nous avons besoin de préférences, de protection, de quotas, de clauses de sauvegarde. Nous utilisons nous-mêmes ces outils et d'autres les utilisent aussi contre nous.

> M. SYLVESTRE

Certains industriels dénoncent des dysfonctionnements en Chine ou au Maroc.

> M. LOOS

La Chine est particulièrement visée par l'ouverture de quotas textiles. Dans le domaine de la confection, la Chine va remporter des marchés autrefois détenus par l'Inde, le Pakistan, le Bangladesh, la Tunisie. Face à cette situation, chacun peut recourir aux clauses de sauvegarde, ces instruments dont la France a exigé la mise en place auprès de l'Union européenne. La France défend l'idée qu'à côté de la tendance libérale, des règles et une forme de redistribution sont nécessaires. L'initiative du Président Chirac, aux côtés du Président Lula, d'une taxe mondiale pour donner plus de moyens à la redistribution va bien à l'encontre de la théorie libérale que certains essaient d'imposer depuis des années mais qui ne correspond ni à la réalité ni à notre intérêt.

> M. CHÉRÈQUE

Je suis de ceux qui plaident pour un renforcement des règles. Le Directeur de l'Organisation International du Travail (OIT) fait pression pour que certaines règles de l'OIT soient jointes à celles de l'OMC, en matière de droit du travail, de protection sociale, comme cela apparaît dans le texte de la Constitution européenne qui a le soutien de la CFDT. Les règles de l'OMC doivent aussi être complétées des règles de l'OMS. Or ces organismes onusiens sont cloisonnés les uns par rapport aux autres, ce qui rend difficile toute démarche de développement durable, impliquant l'économique, le social et l'environnemental et qui est un élément important pour réguler la mondialisation.

> M. LOOS

Je suppose que François Chérèque sait que la France porte ces messages dans toutes les institutions internationales. Nous ne parvenons pas, malheureusement, à convaincre tout le monde, mais la France est reconnue comme étant celle qui porte le plus ces messages.

> M. CHÉRÈQUE

Je ne l'ignore pas. C'est en effet le discours qui est tenu au président Lula, ancien syndicaliste que la CFDT avait aidé lorsqu'il était en détention sous la dictature. Nous nous réjouissons d'ailleurs de voir des syndicalistes parvenir à faire porter un certain discours social, d'autant que ces syndicalistes sont originaires de pays émergents.

> M. KUMAR

J'aimerais souligner deux aspects essentiels de la mondialisation. D'abord, le gâteau est toujours plus grand, ce qui est favorable aux nouvelles générations car cela engendra une meilleure répartition. Toutefois, dans chaque État nation, il est de la responsabilité du gouvernement démocratique de réagir en direction des populations qui seront, inévitablement, les victimes de la mondialisation. Cette contradiction n'est, en réalité, qu'apparente. L'enjeu est de voir si, à court terme, l'économie mondialisée ne va pas engendrer une plus grande richesse mondiale qui sera distribuée de façon telle que l'équité entre les générations sera respectée. Ceux qui sont à l'écart du développement doivent conserver la possibilité de s'élever dans l'échelle sociale. Les États nations doivent s'y atteler. Le rôle du législateur et du régulateur sera toujours plus important de ce point de vue. Nos classes politiques doivent avoir cette vision, le souci d'anticiper, pour proposer des lois qui ne se contentent pas de réagir à une situation donnée. Cette évolution suppose notamment une internationalisation des perspectives.

> M. SYLVESTRE

Jean Mathiex, en quoi le phénomène de mondialisation ou de globalisation est-il différent de ce que l'on dénommait « commerce international » ou « de division internationale du travail » ?

> M. MATHIEX

Qu'aurait pensé de ces débats Christophe Colomb, il y a cinq siècles, lorsque débutait la « grande mondialisation » ?

Il aurait sans doute été d'accord avec les propos qui ont été tenus mais ne pouvait avoir conscience d'un point. Alors que la mondialisation est un phénomène très ancien, comment se fait-il que nous la supportions si mal ? Cela tient, d'une part, à l'instantanéité des événements, d'autre part, au nombre de personnes concernées par le phénomène. À l'époque, les personnes touchées par la découverte de l'Amérique représentait un dix millionième de la population d'une petite partie de l'Europe. Et on laissait le temps au temps. En écoutant les différentes interprétations de la mondialisation qui ont été apportées, je me demandais si le problème ne concernait pas, précisément, le moyen de donner du temps au temps, de faire en sorte que le virage soit un peu moins brutal. La première réaction consiste à établir une cuirasse ou encore une pompe à oxygène pour sauver une activité qui est condamnée. Le remède n'est-il pas pire que le mal ? La noblesse des politiques est de proposer des solutions novatrices aux problèmes posés.

> M. SYLVESTRE

Nous ouvrons le débat à la salle.

> M. HOLTZ, WASME

Je représente l'Association mondiale pour les petites et moyennes entreprises, organisation non gouvernementale dont le siège est en Inde et qui a le statut consultatif auprès des Nations Unies.

Je voudrais faire part de mon inquiétude. J'ai écouté les différentes interventions. J'ai entendu parler de macroéconomie, j'ai entendu les interventions de représentants de groupes internationaux... Que deviennent nos petites et moyennes entreprises ? Comment allons-nous régler leurs problèmes ?

Lorsque j'étais vice-Président de la Confédération générale des PME, je m'occupais de l'action internationale. Nous avons mené une expérience entre 1980 et 1990 et sommes parvenus à implanter 350 PMI dans 20 pays développés. Peut-être pourrions-nous réussir la même chose aujourd'hui dans les pays émergents ? Pour cela, l'aide des pouvoirs publics est indispensable.

> M. LOOS

Nous aidons les PME en organisant un grand nombre de manifestations à l'étranger auxquelles elles peuvent participer. 515 manifestations de ce type sont prévues cette année. Nous avons recensé 22 000 entreprises françaises implantées à l'étranger, pour la plupart des PME. Nous sommes devant l'Allemagne et les autres pays européens dans ce domaine. En outre, depuis cette année, nous accordons un crédit d'impôt à l'export et incitons les PME à se regrouper en consortium pour se développer à l'international et, dans ce cas, nous doublons ce crédit d'impôt. Nous avons mis en place des mesures d'amélioration du fonctionnement de la Coface, pour permettre aux entreprises de prendre plus de risques. Par ce biais, un plus grand nombre de PME se tournent vers l'international. Néanmoins, le potentiel français dans ce domaine doit être davantage exploité.

> De la salle

Le nombre d'entrepreneurs et de PMI ne cesse d'augmenter, aussi bien en Europe, aux Amériques que dans le reste du monde. L'esprit d'entreprise est là.

> De la salle

Je dirige l'entreprise OROXEL, qui évolue dans le domaine des biotechnologies. Clara Gaymard, vous avez présenté la France comme un pays attractif, notamment dans le secteur des sciences du vivant, et avez indiqué que les plus grands acteurs de ce secteur sont des opérateurs français. Pourtant, l'image du paysage pharmaceutique français a fortement été modifiée à partir de 2002. Les fermetures des différents centres de recherche et de développement n'ont-elles pas pesé sur l'image de ce secteur ? Quel enseignement en tirer ? Pouvons-nous conclure à un manque d'anticipation comme l'avance François Chérèque ? Est-ce le résultat d'une économie de santé contraignante, de charges sociales trop élevées, d'un manque de passerelles entre public et privé ?

> Mme GAYMARD

L'évolution du secteur pharmaceutique est un sujet crucial dans la mesure où les sciences du vivant sont très certainement un domaine scientifique d'avenir et que la France a toujours eu un potentiel important et une tradition en la matière. La France est leader en Europe dans la fabrication de produits pharmaceutiques, pas simplement par le biais des entreprises françaises mais aussi grâce aux entreprises étrangères présentes sur notre territoire. Vous évoquez la fermeture d'un ou deux centres de recherche, comme celui de Pfizer qui a été transféré en Angleterre. Toutefois, d'autres centres se sont développés en France. C'est le cas de Novonordisc, laboratoire danois qui a créé 400 emplois dans la région de Chartres l'année dernière et qui développe une molécule très avancée dans la prise en charge du diabète. Ne dramatisons pas la situation : la France n'est pas en perte de vitesse. En revanche, il est vrai que le domaine pharmaceutique est confronté à des enjeux spécifiques, comme une mise sur le marché plus rapide du médicament, comme la consommation massive de médicaments en France qui fait que les entreprises se voient demander de les vendre moins cher qu'ailleurs, ce qui leur pose de grandes difficultés dans la gestion de leur marché et ce qui développe un marché parallèle qui ne bénéficie à personne. C'est la raison pour laquelle nous avons créé un groupe de travail avec les industries pharmaceutiques, en vue de réfléchir à ces problématiques. Le fait que la France réussisse plutôt bien à attirer des investisseurs étrangers ne signifie pas qu'il n'est pas nécessaire de réformer, de se pencher sur la question de la flexibilité...

Le monde et la France évoluent. Les entrepreneurs français ont besoin que la législation évolue.

> M. SYLVESTRE

Jean Arthuis, l'enseignement supérieur français est-il compétitif ?

> M. ARTHUIS

Le niveau de formation d'un étudiant en France est relativement faible par rapport à d'autres pays comparables. Si la France consent un niveau de dépenses satisfaisant pour l'enseignement élémentaire et secondaire, s'agissant de l'enseignement supérieur, la France tarde à réformer ses universités et à modifier le statut des chercheurs. Sur ce point particulier, la France accuse un certain retard.

> Mme GAYMARD

J'aimerais compléter ces propos. Les Français sont extrêmement bien formés. L'enseignement gratuit à tous les niveaux permet une certaine forme de méritocratie et permet aux étudiants de développer leurs talents. Mais, dans un contexte marqué par la mondialisation, la question de l'image et de la visibilité est cruciale. Or nos universités ne sont pas suffisamment visibles, notamment en raison de leur taille, pour un étudiant chinois ou indien. Le manque de partenariat entre recherche publique et recherche privée nous pénalise en termes de dynamisme. Nous savons ce qu'il nous reste à entreprendre. Nous devons multiplier les partenariats et développer les pôles d'excellence pour exploiter nos talents.

> M. SYLVESTRE

Jean Mathiex, quel est le nombre d'étudiants étrangers accueillis cette année par HEC ?

> M. MATHIEX

J'ignore le chiffre exact mais il doit représenter 10 % de la population étudiante.

> M. SYLVESTRE

Phiroz Vandrevala, pour quelle raison les étudiants indiens privilégient-ils les universités américaines ou britanniques ?

> M. VANDREVALA

Je précise que l'Inde obtient d'excellents résultats dans la formation de ses ingénieurs. Nos étudiants choisissent les États-Unis, l'Allemagne ou la Russie. La langue n'est donc pas un obstacle.

Il est vrai que l'image des universités est essentielle dans le choix des étudiants. Les grandes écoles de commerce qui se dotent d'une bonne politique marketing attirent nos étudiants et ces derniers sont aussi satisfaits que s'ils avaient choisi Harvard.

Le Financial Times a publié la semaine dernière un palmarès des universités. Si les universités américaines arrivent en tête, les universités françaises, espagnoles et celles d'autres pays viennent juste après.

> M. LOOS

Les États-Unis accueillent 22 % des étudiants qui suivent une formation en dehors de leur pays. L'Angleterre avance un taux de 14 % contre 7 % pour la France.

> M. SYLVESTRE

Les étudiants ne véhiculent-ils pas le modèle économique sur lequel ils ont été formés...

> M. LOOS

Certes.

Notre modèle universitaire est trop morcelé et n'a pas les moyens de se développer à l'étranger alors que le MIT et Harvard sont présents partout. Les Américains sont à la recherche de compétences. Nous devons nous en inspirer pour être davantage performants.

> De la salle

Supposons que nos étudiants rejoignent les universités françaises. La France est-elle prête à les conserver ?

> De la salle

La France a décidé d'attirer de plus en plus d'étudiants, d'Inde en particulier. Les universités françaises s'efforcent de vendre la France comme un haut lieu de formation. L'INSEAD a engagé des actions exemplaires en la matière. Toutefois, la langue reste un critère important. Les perspectives de carrière dans le pays où l'on se forme est un problème important. Les étudiants qui choisissent d'aller suivre leurs études aux États-Unis ou au Royaume-Uni savent qu'à l'issue de leurs études, ils auront plus de chance qu'en France d'y trouver un emploi.

> Mme GAYMARD

La France consent des efforts pour attirer les étudiants qui ne parlent qu'anglais. Alors que les universités françaises ne proposaient qu'une vingtaine de formations entièrement en anglais il y a deux ans, elles en offrent aujourd'hui 450. Il est possible de suivre toutes ses études en anglais, en France.

> M. CHÉRÈQUE

Je me réjouis d'entendre que l'enseignement primaire et secondaire français est bon. Pourtant, c'est bien cet enseignement que l'on réforme alors que le système universitaire accuse un retard mais n'est pas réformé.

Au-delà de cette plaisanterie, en tant que syndicaliste, je note que le lien entre l'entreprise et l'enseignement secondaire et universitaire en France est un sujet tabou. Mes enfants viennent de rejoindre l'enseignement supérieur. Le premier suit des études d'ingénieur, le second vient d'entrer à l'université. Je sais déjà lequel n'aura pas de difficulté pour trouver un emploi demain.

> M. SYLVESTRE

S'ils vous demandaient de poursuivre leurs études aux États-Unis, les laisseriez-vous partir ?

> M. CHÉRÈQUE

Bien évidemment, mais il faudrait m'assurer que je dispose des ressources pour leur payer leurs études aux États-Unis. À ce sujet, les bourses d'études à l'étranger pourraient être revues.

> M. SYLVESTRE

Comment les convaincre ensuite de revenir travailler en France ?

> M. CHÉRÈQUE

Ce choix leur appartient. Mon neveu a suivi ses études en France et s'est installé à Miami pour travailler. C'est un autre aspect de la mondialisation.

> M. SYLVESTRE

Nous prenons une autre question.

> De la salle

Je travaille dans le domaine de la robotique industrielle. La globalisation est une chance pour les entreprises. Je peux le vérifier chaque jour. J'achète des robots industriels au Japon dont les pièces de fonderie sont fabriquées en Chine. Une fois livrés en France, j'équipe ces robots d'un logiciel avant de les revendre, notamment à une société thaïlandaise, qui est une filiale d'un groupe japonais. La boucle est bouclée. Un produit qui a fait le tour de la planète a donné de l'activité à plusieurs opérateurs dans le monde. Les compétences doivent être utilisées là où elles se trouvent.

> M. JACOMET, Vice-Président de l'Union des industries textiles

L'industrie textile a été évoquée à plusieurs reprises. J'aimerais rappeler que l'Europe est le deuxième exportateur mondial dans le domaine du textile. Par conséquent, aucune industrie n'est condamnée par la mondialisation. En revanche, certaines entreprises doivent s'adapter. En Europe, plus qu'ailleurs, il convient d'être attentif au coût d'adaptation de ces entreprises et d'aider celles-ci. Ces entreprises vont se développer à condition que les pays émergents s'ouvrent davantage, notamment du point de vue des barrières non tarifaires dont on ne parle jamais. Par exemple, une entreprise française ne peut acheter, directement, de magasins en Inde.

J'aimerais que nos amis indiens nous fassent part de leur point de vue sur la Chine, l'autre grand pays émergent, et nous indiquent les forces et faiblesses de l'Inde vis-à-vis de la Chine.

> De la salle

Pendant longtemps, on a opposé l'Inde à la Chine. Depuis quelques années, le débat se pose en d'autres termes. On parle désormais de l'Inde et la Chine et non plus de l'Inde OU la Chine. Par conséquent, il n'y a plus à opérer de choix. Ces deux marchés enregistrent des taux de croissance élevés. Ces économies vont devenir de plus en plus puissantes. On ne pourra plus faire l'impasse sur l'un des deux marchés.

> M. KUMAR

Ce siècle sera celui de l'Asie. Cette décennie sera celle de l'Inde en particulier, au vu de son développement en Asie. On parlait de l'Inde comme de « l'éléphant qui sommeille ». L'Inde ne court pas encore mais s'est bien réveillée. Le Japon, l'Inde et la Chine vont constituer la nouvelle troïka qui va poser de nouvelles bases à l'économie.

Je comprends que la France mette le projecteur sur la Chine mais je suis surpris qu'elle le fasse aussi peu sur l'Inde. Je ne comprends pas comment un pays de plus d'un milliard d'habitants, qui est un État de droit, qui est le quatrième pays en termes de parité de pouvoir d'achat, n'intéresse pas davantage les industries françaises. Peut-être ce problème incombe-t-il à l'Inde ? Peut-être ne savons-nous pas attirer les entreprises françaises ? Néanmoins, le moment est venu pour la France de se tourner vers l'Inde.

> Mme GAYMARD

C'est simplement une question d'image. Il y a 10 ans, un grand nombre d'entreprises françaises ont essayé de se développer en Inde. À l'époque, l'Inde n'avait pas entrepris les réformes qui s'imposaient pour répondre aux normes internationales. C'est pourquoi les entreprises françaises ont le sentiment qu'il est très difficile de s'y implanter. Le Ministère du commerce doit dire aux PME et PMI que le moment est venu pour elles de se tourner vers l'Inde car la situation a beaucoup évolué au cours des dernières années. Je parle ici des réformes et non de l'économie indienne. Néanmoins, un opérateur français ne peut toujours pas acheter de magasins en Inde. Carrefour souhaiterait le faire mais n'y parvient pas.

> De la salle

Sans vouloir polémiquer, je signale que Wal-Mart achète pour 2,2 milliards de dollars en Inde contre seulement 10 millions pour Carrefour.

> De la salle

J'aimerais revenir sur l'idée que l'Inde n'est pas ouverte. C'était effectivement le cas il y a dix ans. L'Inde avait une réglementation très stricte et était davantage une victime de la mondialisation. Aujourd'hui, l'Inde en est un acteur. Nous vous invitons à nous rejoindre.

> M. SYLVESTRE

Nous devons conclure. Davos tient, cette semaine, son Forum annuel. Depuis plus de vingt ans, on y tente de conceptualiser le phénomène de mondialisation. Pour la première fois cette année, le Président de la République française se rend à Davos. Quel message va-t-il porter ?

> M. LOOS

Il souhaite faire partager l'idée française de la mondialisation, c'est-à-dire notre souhait d'aider ceux qui sont à l'écart de cette mondialisation ou qui en subissent les contraintes. À travers l'idée d'une taxe mondiale, nous voulons apporter des moyens supplémentaires à cet effet. Nous pensons que, sur certains problèmes mondiaux, comme l'environnement, nous devons tous travailler ensemble. Ce message traduit notre souhait d'un monde multipolaire et d'une mondialisation maîtrisée. La présence du Président de la République à Davos est un événement, pas pour les Français, mais pour l'ensemble du monde.

> M. SYLVESTRE

Je vous remercie.

Table ronde : Quelles stratégies pour l'entreprise ?

PARTICIPENT À LA TABLE RONDE :

> Jean FRANCOIS-PONCET,

ancien ministre, vice-président de la commission des Affaires étrangères, co-président du Forum franco-indien

> François PERIGOT,

président du Medef international

> Christian LAROSE,

vice-président du conseil économique et social, membre du bureau fédéral de textile-habillement-cuir CGT

> Henri LACHMAN,

président directeur général de Schneider-Electric SA

> Thierry MANIGUET,

président directeur général d'Acces Equip Moto France

> Elie COHEN,

directeur de recherche au CNRS

La table ronde est animée par Jean-Pierre ELKABBACH, Public Sénat

> M. ELKABBACH

Tout à l'heure, des experts nous ont démontré que la mondialisation était moins une fatalité qu'un choix et que la France et ses entreprises devaient cesser de se considérer comme des victimes de la globalisation. Elles ont assez d'atouts pour agir et pour inventer leur propre place.

Ce rendez-vous est diffusé sur Public Sénat. Il réunit des entrepreneurs qui agissent, des syndicalistes qui soutiennent ou qui critiquent et des chercheurs dont les conseils peuvent soit décourager soit stimuler. Nous accueillerons ensuite Francis Mer, dont le franc-parler est connu.

Henri Lachman, vous êtes président-directeur général de Schneider-Electric SA. Vous avez participé à l'Année de la France en Chine. Les chefs d'entreprise ne peuvent plus se contenter du marché national et même du marché européen et doivent donc être présents sur les marchés en développement. Comment peuvent-ils y parvenir ?

> Henri LACHMAN

La mondialisation est une réalité et, pour les grandes entreprises, une opportunité. Pour devenir « mondial » il convient de disposer, d'abord, d'un esprit d'entreprise, ensuite, de produits innovants, enfin, d'équipes efficaces, sachant que le premier point et le troisième sont les plus déterminants.

> M. ELKABBACH

François Périgot, vous êtes président du Medef international après avoir été président du CNPF. Quels sont les pays les plus attractifs ?

> M. PERIGOT

Tous les pays sont attractifs selon votre activité et vos ambitions. Chaque pays doit être considéré comme un marché. Une entreprise internationale se doit d'être présente sur les marchés qui se développent et ne jamais laisser la place à ses concurrents. Certains marchés sont plus spectaculaires que d'autres et connaissent un plus fort développement. L'Inde et la Chine sont deux marchés phares actuellement, tout comme la Russie et les Pays de l'Est. Le Medef international s'efforce d'emmener les entreprises françaises dans une multitude de pays car il y a partout une activité à développer. Les entreprises ne doivent pas être trop sélectives et doivent être prêtes à investir partout.

> M. ELKABBACH

Les entreprises ne peuvent s'implanter dans un pays qu'avec l'accord de ce dernier et doivent tenir compte des règles nationales. Ces règles ne deviennent-elles pas plus difficiles pour les entreprises françaises et européennes ?

> M. PERIGOT

Ces règles ne sont pas, malheureusement, parfaitement appliquées. Toutefois, le système d'échange international est fondé sur des règles de réciprocité, des règles de liberté, de transparence, permettant d'organiser le commerce international. Il faut souhaiter que tous les pays les appliquent. Ce n'est pas toujours le cas et c'est là un frein considérable à l'investissement et au commerce.

> M. ELKABBACH

Thierry Maniguet, vous êtes âgé de 31 ans. Acces Equip Moto France est leader en France sur son secteur, celui des vêtements pour la moto. Cette PME, exemplaire, a été créée il y a 8 ans. Quel a été son développement ?

> M. MANIGUET

Pour me faire l'écho de propos précédents, je considère à mon tour que la mondialisation est une réalité et que l'on ne peut revenir dessus. Dans ce contexte, l'implantation d'une entreprise suppose une étude de marché préalable. Notre spécificité est d'avoir délocalisé une partie de notre production, en Chine et dans différents pays asiatiques. Nous commercialisons nos produits dans 32 pays. Néanmoins, notre réflexion -le travail amont - est menée en France.

> M. ELKABBACH

Comment peut-on être à la fois petit et mondial ?

> M. MANIGUET

Chaque entreprise doit s'adapter à son secteur d'activité. Schneider et Acces Equip Moto France n'ont pas le même volume d'activité. Par son volume d'activité, Acces Equip Moto France est leader en France, grâce à la valeur ajoutée apportée à ses produits, mais un acteur moyen au plan mondial.

> M. ELKABBACH

La clé de votre réussite est d'avoir eu la bonne idée au départ...

> M. MANIGUET

La réussite ne peut tenir à un élément. Quel que soit le secteur d'activité, cette réussite tient notamment à l'analyse de la demande du consommateur et à la capacité d'y répondre.

> M. ELKABBACH

Vous êtes basés à Macon. Vous créez, vous fabriquez, vous vendez, vous exportez...

> M. MANIGUET

Absolument, nous disposons d'une cellule de recherche et développement. Nous achetons toutes nos matières partout dans le monde, de façon à proposer un produit fini au meilleur rapport qualité/prix. Ensuite, nous gérons notre production, nous acheminons nos produits à l'étranger, les distribuons...

> M. ELKABBACH

A quoi tient la valeur ajoutée de vos produits ?

> M. MANIGUET

Un produit peut être apprécié à partir de différents critères : la qualité, l'esthétisme, le confort, le prix...

> M. ELKABBACH

Sans la mondialisation, que serait devenue votre entreprise ?

> M. MANIGUET

Elle n'aurait tout simplement pas existé.

> M. ELKABBACH

Henri Lachman, que pensez-vous de cette expérience ?

> M. LACHMAN

J'aimerais au préalable préciser que le pays le plus important pour Schneider est les États-Unis. C'est le cas aujourd'hui et ce sera encore le cas demain et après-demain. Les États-Unis présentent l'économie la plus forte, la plus solvable et la plus en avance.

Schneider-Electric dispose d'implantations industrielles un peu partout. Il n'est pas question pour elle de délocaliser dans la mesure où elle est déjà délocalisée. Schneider-Electric réalise moins de 15 % de son chiffre d'affaires en France qui héberge 30 % à 40 % de la production. Schneider-Electric compte 17 usines en Chine et 75 % des produits vendus en Chine sont importés.

> M. ELKABBACH

Jean François-Poncet, vous êtes vice-président de la commission des Affaires étrangères, co-Président du Forum franco-indien. Nous avons parlé de la Chine, des États-Unis mais l'Inde connaît aussi une très forte expansion.

> M. FRANCOIS-PONCET

On parle actuellement bien plus de l'Inde qu'on ne l'a fait au cours des quinze dernières années, cela pour plusieurs raisons. D'abord, la politique d'ouverture de l'Inde est plus récente que celle de la Chine. Ensuite, l'Inde dispose d'une administration de formation britannique aussi sophistiquée et encombrante que l'administration française, et qui ne fournit pas une grande aide à l'implantation.

> M. ELKABBACH

Vous pensez que certaines démocraties ont le tort de multiplier les contraintes administratives et technocratiques...

> M. FRANCOIS-PONCET

Les entrepreneurs sont bénis par cette administration mais celle-ci rend leur parcours très difficile.

Par ailleurs, compte tenu des fortes différences de niveaux de vie en Inde, le marché rentable et intéressant pour les entreprises européennes est finalement assez limité. Pour autant, l'économie indienne a décollé, elle enregistre des taux de croissance de 7 % à 8 %, c'est-à-dire pratiquement au niveau de la Chine. En outre, l'Inde est, avec les États-Unis, l'un des leaders mondiaux de l'informatique, qui est le secteur de l'avenir. L'Inde est également bien placée dans le domaine pharmaceutique. Il y a là pour nos entreprises des perspectives de développement.

> M. ELKABBACH

L'emploi d'informaticiens indiens qualifiés doit-il faire partie de la stratégie des entreprises françaises et européennes ?

> M. FRANCOIS-PONCET

Les États-Unis ont attiré vers eux un très grand nombre de spécialistes indiens. De grandes entreprises informatiques américaines sont aujourd'hui dirigées par des Indiens. Néanmoins, des Indiens reviennent actuellement en Inde car les perspectives de carrière commencent à être intéressantes.

> M. ELKABBACH

Certains hôpitaux de grandes villes américaines travaillent avec l'Inde.

> M. FRANCOIS-PONCET

C'est un autre exemple des compétences de ce pays.

Vous n'avez pas parlé des inconnues politiques de l'ensemble de pays comme l'Inde ou la Chine. L'Asie sera ou est déjà le continent de l'avenir mais est un continent qui verra des crises politiques qui pourront retarder son développement économique.

> M. ELKABBACH

Nous pensons à l'Indonésie, au Sri Lanka et surtout à la Birmanie dont il convient de dénoncer la dictature militaire. Elie Cohen souhaitait intervenir.

> M. COHEN

Quand on évoque l'activité informatique en Inde, il ne faut plus seulement imaginer un « business process outsourcing », c'est-à-dire les Indiens comme sous-traitants pour l'interprétation ou le traitement de documents... Les deux premières entreprises indiennes du secteur informatique ont non seulement développé leurs compétences propres en Inde et dans le reste du monde mais sont classées comme les deux meilleures entreprises mondiales pour leur indice de qualité. Cela signifie que les entreprises informatiques indiennes se battent désormais sur les grands marchés européens et américains et remportent de plus en plus de marchés grâce à la qualité de leurs prestations. Il y a là un basculement dans l'un des domaines qui était historiquement l'un des points forts de la France : les services informatiques.

> M. ELKABBACH

L'Occident va-t-il réagir ?

> M. COHEN

Le fait que deux entreprises indiennes aient le meilleur indice qualité devraient encourager un certain nombre de pays à se réveiller. Or nous avons entendu tout à l'heure beaucoup de paroles sirupeuses sur la situation de la France.

> M. ELKABBACH

A savoir ?

> M. COHEN

Qu'il faudrait cesser de gémir, que la situation de la France est enviable, etc. En réalité, la France doit se réveiller.

J'aimerais à présent insister sur un autre point soulevé par Thierry Maniguet dans son exposé. Comment une PME française peut-elle être performante dans un secteur en déclin et, de surcroît, comment peut-elle conquérir le monde ? Thierry Maniguet a souligné l'importance de l'idée, du concept, du design, de la recherche, de la réflexion, de la création. Il a indiqué ensuite qu'il était vain de fabriquer un produit en France mais qu'il fallait délocaliser dans les pays qui fabriquent bien et à moindre coût avant de réimporter le produit fini. Il faut ensuite une véritable compétence pour distribuer le produit.

> M. ELKABBACH

Vous êtes favorable à un certain type de délocalisation ?

> M. COHEN

Non. J'explique que, dans le secteur le plus en difficulté, le secteur textile, on peut encore créer des activités profitables et être présent dans 32 pays, tout en étant un jeune entrepreneur français.

> M. MANIGUET

Sur n'importe quel marché, il est possible de réussir dès lors qu'on en a la clé. Il faut tenir compte de la compétition, de la demande du marché.

> M. ELKABBACH

Monsieur Larose, vous êtes vice-président du Conseil économique et social, et membre du bureau fédéral de textile-habillement-cuir de la CGT. Le secteur textile est-il en difficulté ?

> M. LAROSE

Tout le monde se réjouit de la mondialisation en expliquant qu'il est bon d'aller produire partout dans le monde. L'exemple de mon collègue d'un jour est formidable mais ce ne doit pas être l'arbre qui cache la forêt.

N'oublions pas qu'il est nécessaire de produire en France. La France ne peut devenir le pays des parcs de loisirs, des banques et des assurances. Lorsque l'industrie s'en va, des problèmes se posent et le ministre de la cohésion sociale se contorsionne pour essayer de trouver des solutions au chômage. La France produit moins, l'industrie a perdu 100 000 emplois en 2003, certains secteurs sont sinistrés.

Vous parlez du textile. Ce secteur a perdu 50 % de ses usines et de ses emplois au cours des dix dernières années. Si la mondialisation est une réalité, il convient de rechercher un meilleur équilibre en matière de production, d'investissement, de commerce international.

> M. ELKABBACH

Au-delà d'attaquer Jean-Louis Borloo ou Thierry Maniguet, concrètement, que proposez-vous ?

> M. LAROSE

Je rappelle simplement que des personnes sont licenciées chaque jour par milliers. La crise du textile correspond, en France, à la fermeture de deux MetalEurop chaque mois. Il faut penser à ces personnes. La mondialisation n'a rien d'abstrait.

> M. ELKABBACH

Dans quelle situation serait Schneider sans ses délocalisations en Chine et ailleurs ?

> M. LACHMAN

Le fait de se développer partout où il y a de la croissance crée des emplois en France. La mondialisation est une opportunité. Si quelques secteurs sont sinistrés - sachant que, dans le textile, certaines entreprises tirent leur épingle du jeu - cela ne signifie pas que la mondialisation est systématiquement destructrice d'emplois.

> M. ELKABBACH

Certains pays sont exclus de la mondialisation.

> M. PERIGOT

La globalisation, qui a été tellement honnie, est aujourd'hui un fait que l'on se doit d'accepter. Le problème est que beaucoup de personnes profitent de la globalisation et que beaucoup d'autres n'en profitent pas. Les pays en voie de développement devraient en bénéficier, comme les autres, mais voient au contraire leur pauvreté augmenter. Il est essentiel de se pencher sur cette situation et de trouver un moyen de faire en sorte que la globalisation soit profitable au plus grand nombre.

> M. ELKABBACH

Comment les entrepreneurs doivent-ils se préparer à la mondialisation ?

> M. LAROSE

Pour être compétitives, les entreprises doivent innover, miser sur la recherche et former leur personnel. En outre, elles doivent bénéficier d'un accompagnement politique. Que fait le ministère de l'industrie pour aider les entreprises, et surtout les PME, à être compétitives ? Il convient en effet de distinguer petites et grandes entreprises car elles ne sont pas sur le même pied d'égalité pour affronter la mondialisation. Or les PME ne disposent pas des aides les plus appropriées.

> M. ELKABBACH

La mondialisation étant irréversible, les salariés doivent-ils en avoir peur ?

> M. LAROSE

Il ne sert à rien d'avoir peur de la mondialisation. La question est de faire en sorte que les entreprises se développent, investissent. Parallèlement, il faut s'occuper des salariés qui sont au chômage du fait de la mondialisation.

J'aimerais revenir sur le volet politique. La France a fait le choix de défendre certains secteurs. Pour vendre des TGV, des Airbus et des centrales nucléaires, la France accepte d'être payée en vêtements, ce qui fragilise le secteur textile français. Les organisations patronales et les cinq organisations syndicales ont signé un texte sur les problèmes de la mondialisation, sur la mise en place d'une zone EuroMed capable de concurrencer l'Amérique et la Chine, sur la protection des salariés... Les syndicats n'ont pas une vision archaïque de la mondialisation mais ne souhaitent pas que l'on oublie les personnes licenciées. Le ministre Borloo fait de son mieux dans un contexte délicat. Mais cela ne suffit pas à régler le problème du chômage. Le secteur textile est sinistré en France. Levi's et Adidas, notamment, ont délocalisé leur production.

> M. ELKABBACH

Sans la mondialisation, n'y aurait-il pas encore plus de salariés en difficulté ? Pourquoi vous en prendre autant à Jean-Louis Borloo ?

> M. LAROSE

J'ai été rapporteur du projet de loi de cohésion sociale, sur la partie emploi. Je n'attaque pas Jean-Louis Borloo.

La problématique ne se limite pas au textile. En tant que consommateur, vous ne trouvez plus de produits français dans les grandes surfaces. Il y a là un déséquilibre qu'il convient de corriger.

> M. ELKABBACH

Les Chinois qui prennent l'avion voyagent en Airbus...

Entre 1997 et 2002, la France avait un gouvernement de gauche auquel participaient quatre ministres communistes. Cela n'a pas rendu la mondialisation beaucoup plus juste.

> M. LAROSE

Il n'y a pas eu, en effet, de différence majeure avec la droite de ce point de vue.

> M. ELKABBACH

On dit que l'avenir de l'économie française et européenne passe par la mondialisation. La gauche et la droite ne devraient-elle pas trouver des points d'accord pour en limiter les conséquences néfastes ?

> M. LAROSE

Ce n'est pas, en effet, un problème de gauche ou de droite mais d'appréciation de la situation, d'investissement, de développement de la recherche. Quand un phénomène comme la mondialisation entraîne autant de problèmes sociaux, ces derniers doivent être traités correctement. Ce n'est pas le cas aujourd'hui.

> M. FRANCOIS-PONCET

Face à la mondialisation, en théorie, deux attitudes sont possibles : la protection et l'adaptation. Or la protection est désormais impossible. Les pays qui y ont recouru, comme l'Union soviétique, ont montré qu'elle était la voie de la régression, de l'appauvrissement et qu'elle conduisait à un décalage avec l'évolution du reste du monde. Par conséquent, la protection appartient au passé. En revanche, les pays qui s'adaptent sont ceux qui s'en sortent le mieux. À ce sujet, la France ne figure pas parmi les pays qui s'adaptent le mieux. L'Angleterre est probablement le pays qui s'est le plus adapté à la mondialisation. D'une certaine manière, l'Angleterre a épousé la mondialisation, et sans doute beaucoup plus que ne l'ont fait les États-Unis. L'Angleterre présente un taux de chômage inférieur à 4 %, ce qui est une exception pour un pays développé. Cela montre bien que la mondialisation n'est pas nécessairement génératrice de chômage.

On peut, bien entendu, critiquer le modèle britannique, dire qu'il s'agit d'une économie de services, de finance. Ce n'est ni totalement vrai ni totalement faux. En France, on observe en revanche une sorte de léthargie face au défi que constitue la mondialisation, y compris de la part des pouvoirs publics, lesquels ne sont pas aidés par les forces sociales qui s'exercent sur eux.

> M. ELKABBACH

Nous avons parlé de la place des États-Unis dans le commerce mondial. Les entrepreneurs européens se plaignent de plus en plus d'un renforcement du protectionnisme américain au prétexte de la sécurité, suite aux attentats du 11 septembre 2001. Certaines enquêtes le montrent.

> M. LACHMAN

Je n'ai pas relevé cette difficulté pour notre entreprise. Les Américains sont en revanche très patriotes. Quand ils le peuvent, ils veulent voyager sur des avions américains, acheter des produits américains... On ne peut pas parler de protectionnisme.

> M. PERIGOT

Je ne dispose pas d'éléments suffisants pour juger de l'action des Américains. J'observe que tous les pays ont pris la décision, pour que la mondialisation soit juste, d'ouvrir leurs frontières et d'appliquer des règles pour accepter les produits étrangers et encourager la compétitivité. Or peu de pays appliquent cette décision car chacun triche à sa manière.

Dans certains domaines, comme l'acier, les États-Unis font tout pour passer au travers des mailles de certaines dispositions prises par l'OMC. Mais la France et l'Europe ne sont pas exemptes de reproches en la matière.

> M. ELKABBACH

Vous pensez à l'agriculture...

> M. PERIGOT

Au cours des quarante dernières années, l'industrie a dû s'adapter à la concurrence internationale car elle n'a bénéficié d'aucune aide. A l'inverse, l'agriculture, qui a été aidée, doit se moderniser et accepter la concurrence internationale et notamment le commerce des produits agricoles des pays en voie de développement. En effet, les produits agricoles constituent l'avenir de ces pays. Refuser l'entrée de leurs produits sur nos marchés reviendrait à condamner ces pays. Si tout le monde triche un peu, notre rôle est de faire en sorte que les règles soient appliquées.

> M. ELKABBACH

Quelles sont les conséquences des problèmes de change des monnaies et du déficit américain sur les entreprises ?

> M. PERIGOT

La surévaluation de l'euro par rapport au dollar handicape les entreprises européennes. Il faut, sur ce domaine aussi, définir des règles du jeu et ne pas laisser un pays jouer sur son déficit et le faire payer par le monde entier. Cependant, aujourd'hui, il n'existe aucun instrument pour empêcher les États-Unis de le faire.

La grande faiblesse de la mondialisation est l'absence d'instruments internationaux et de règles suffisamment bien appliquées pour faire en sorte qu'elle soit économiquement bonne et pas trop injuste socialement.

> M. ELKABBACH

Thierry Maniguet souhaitait réagir.

> M. MANIGUET

Je vais tâcher d'apporter une parole « jeune ». J'ai entendu parler d'« aide fiscale », d'« aide sociale »... Il faut changer nos habitudes. Les chefs d'entreprise français doivent se prendre en main, se battre face à la mondialisation et à la demande du marché. Je passe la moitié de mon temps à l'étranger et j'observe que très peu de chefs d'entreprise participent aux salons internationaux. J'ai été effaré d'entendre il y a quelques mois un chef d'entreprise français me dire qu'il ne se déplaçait pas en Allemagne car il attendait une aide pour prospecter.

> M. LACHMAN

Je passe également la moitié de mon temps à l'étranger et je m'y rends seul. Or l'un des problèmes des chefs d'entreprise français est qu'ils partent toujours en délégation : d'une certaine manière, ils ne quittent pas la France.

> M. ELKABBACH

Elie Cohen, quels sont les handicaps des entreprises françaises à l'international ?

> M. COHEN

Il est difficile de répondre à une question aussi générale. Je me contenterai de souligner quelques éléments.

Christian Larose a raison d'insister sur le fait que la mondialisation ne fait pas que des gagnants mais aussi des perdants, aussi bien dans le jeu de l'échange international - et nous avons évoqué les pays africains, et surtout au plan national - par secteur et par région. Il est sûr que certaines régions et certains secteurs subissent de plein fouet les phénomènes que Christian Larose mentionnait précédemment. Il a parlé, à juste titre, des « pertes d'emplois industriels », à savoir 5 % de l'emploi industriel perdu au cours des trois dernières années et 30 % sur la période 1975-1985.

Juge-t-on normal que la spécialisation d'un pays évolue avec le temps et que la France soit de moins en moins un pays industriel et de plus en plus un pays de services et de haute technologie ? Ou bien considère-t-on qu'il faut, à tout prix, maintenir l'emploi industriel sur le territoire national ?

Quand on observe une fonte du coeur manufacturier et que les activités manufacturières deviennent de plus en plus des activités d'assemblage, il faut garder l'amont (conception, recherche, design...) ainsi que l'aval (services, distribution...) du processus. Si l'on réussit à remplacer les emplois manufacturiers perdus par des emplois de haute technologie et de services, c'est toute la collectivité qui gagne même si, sectoriellement ou localement, on observe des pertes d'emplois. C'est donc un bilan d'ensemble qu'il faut dresser.

> M. ELKABBACH

Christian Larose ?

> M. LAROSE

Les évolutions sont en effet inéluctables et une redistribution des emplois s'opère. Néanmoins, j'observe que l'intervention de Elie Cohen ne se place pas sur le même registre que celle des précédents orateurs, dans la mesure où il a souligné la nécessité de traiter les problèmes posés par la mondialisation et de s'occuper des perdants.

> M. ELKABBACH

Elie Cohen, vous êtes directeur de recherches au CNRS et l'un des économistes du Conseil d'analyse économique auprès du Premier ministre. Ce dernier vous écoute-t-il ?

> M. COHEN

Nous avons publié, depuis plusieurs années, des rapports sur la nécessité d'innover et avons pointé un certain décrochage de la recherche française ainsi qu'un problème d'organisation de l'enseignement supérieur. Le message commence à passer.

> M. ELKABBACH

Vous avez donc une part de responsabilité dans l'avenir de l'économie française...

> M. COHEN

Non ! Les experts diagnostiquent et proposent des pistes mais il appartient aux politiques de prendre des décisions.

> M. ELKABBACH

N'avez-vous pas envie de prendre des risques au sein d'une entreprise pour connaître la réalité des difficultés des entreprises ?

> M. COHEN

Je suis membre de plusieurs conseils d'administration et anime certains comités stratégiques. Je participe donc à la vie de certaines entreprises.

> M. ELKABBACH

Votre participation fait-elle évoluer les mentalités ?

> M. COHEN

La présence d'universitaires dans les conseils d'administration a toujours un certain effet.

> M. ELKABBACH

Cela aide-t-il les chefs d'entreprise à définir leur stratégie ?

> M. COHEN

Cela apporte en tout cas un point de vue différent.

> M. ELKABBACH

Quand un chef d'entreprise échoue, vous sentez-vous responsable ?

> M. COHEN

Bien entendu.

> M. FRANCOIS-PONCET

Il est toujours intéressant d'insuffler une vision externe dans les conseils d'administration des grandes entreprises. En revanche, l'expert n'a pas se sentir responsable des décisions prises, sauf lorsqu'elles découlent de ses conseils.

> M. ELKABBACH

Thierry Maniguet, les structures administratives, juridiques et techniques donnent-elles toutes les chances aux entreprises françaises ?

> M. MANIGUET

Un chef d'entreprise peut toujours se plaindre de telles ou telles structures. J'estime qu'il doit faire avec et se battre avec ses armes. Nous pouvons faire confiance aux experts pour diagnostiquer, remonter des informations mais il revient aux chefs d'entreprises de se battre, en fonction de la concurrence, en fonction de règles, parfois bonnes parfois mauvaises, mais que nous ne pouvons éviter.

> M. COHEN

Vous avez évoqué un protectionnisme sournois aux États-Unis, lié à un impératif sécuritaire. Je souhaiterais que beaucoup de pays soient aussi protectionnistes que les États-Unis. En effet, les États-Unis importent deux fois plus qu'ils n'exportent et accusent un déficit commercial de 550 milliards de dollars. Les États-Unis ont abandonné la fabrication de toute une série de produits, préférant les importer et se redéployer vers la haute technologie et les services. Par conséquent, les États-Unis sont un pays très largement ouvert même si, sur certains épisodes, l'administration avance l'argument sécuritaire. Toutefois, la France a fait de même, lors de l'affaire Sanofi-Aventis, en soulignant la nécessaire fusion nationale compte tenu de la fabrication d'un vaccin particulier qui pouvait être d'une utilité fondamentale pour la Nation en cas de conflit armé. Par conséquent, chaque pays recourt à des accommodements. Georges Bush avait un intérêt électoral à maintenir l'industrie sidérurgique américaine, notoirement sous-compétitive. Il n'en reste pas moins que les États-Unis reste un pays ouvert, qui importe massivement.

> M. LAROSE

Personne ne défend l'idée de se protéger de manière archaïque. Néanmoins, si vous voulez vendre des produits en Inde, vous payez des droits de douane de 80 %. Un meilleur équilibre doit être trouvé en matière de commerce international.

Par ailleurs, en parlant du textile, on ne se réfère pas uniquement au T-shirt ou à la chemise. Le textile fournit des tissus très techniques. Les opérateurs qui ont innové sont sur le devant de la scène. Cela a supposé, notamment, un effort de formation. Or si la mondialisation a laissé sur le carreau autant de personnes, c'est que seule une production au moindre coût a été privilégiée.

Je ne suis pas opposé à la mondialisation. En revanche, délocaliser massivement pour aller produire dans des pays où les salaires sont faibles et où le Code du travail n'existe pas ne fait pas d'un chef d'entreprise un grand capitaine d'industrie. Ouvrir des magasins en France pour y vendre des produits fabriqués ailleurs ne fera pas vivre l'économie. Il faut trouver un meilleur équilibre. Les syndicats ne sont pas plus opposés à la mondialisation qu'à l'Europe...

> M. ELKABBACH

... à condition qu'elle ne se fasse pas de manière désordonnée et injuste.

François Périgot, vous estimez que la délocalisation bénéficie toujours à quelqu'un, qu'elle est dans la logique de la compétitivité et qu'il convient simplement d'envisager un accompagnement social.

> M. PERIGOT

Le président-directeur général de Lacoste participait au débat précédent. Lacoste a su innover, sortir de nouveaux produits et, ainsi, maintenir ses emplois en France, notamment à Troyes. Cela montre bien que l'on peut être compétitif et aborder la mondialisation avec une vision qui ne se limite pas à baisser les coûts et à licencier dans les pires conditions.

> M. ELKABBACH

Quand la main d'oeuvre des pays en développement obtiendra de meilleurs salaires et davantage de droits sociaux, que se passera-t-il sur le plan du commerce international et pour les entreprises occidentales ?

> M. COHEN

Au cours des quatre ou cinq dernières décennies, nous avons assisté au développement économique d'un ensemble de pays, qui ont vu l'apparition d'une classe moyenne. Ces pays ont progressivement rattrapé les niveaux de vie moyens des pays occidentaux. En Chine, lorsqu'un territoire se développe et s'industrialise, une deuxième partie du pays prend le train de la croissance, ce qui entraînera une autre partie. La Chine dispose à la fois d'immenses ressources de main d'oeuvre faiblement rémunérée et d'un potentiel scientifique intéressant. D'une certaine façon, la Chine compte plusieurs pays qui comptent chacun plusieurs centaines de millions d'habitants.

> M. ELKABBACH

François Périgot ?

> M. PERIGOT

Je reviens sur une précédente question. La délocalisation profite toujours à quelqu'un. D'ailleurs, quand un opérateur investit en France et crée des emplois, nous ne nous en plaignons pas.

Toutefois, il faut avouer que nous avons beaucoup de mal à comprendre le sens de la concurrence. Pourtant, nous avons accepté l'économie de marché, c'est-à-dire une économie de concurrence. La seule façon de répondre à la concurrence est la compétitivité. Les entreprises commencent à le comprendre et s'en sortent de mieux en mieux. La compétitivité renvoie aussi aux facteurs de production et ces derniers peuvent être améliorés de mille façons.

> M. ELKABBACH

Vous pensez là aux reconversions, à la formation des salariés...

> M. PERIGOT

Notre système éducatif, dans son ensemble, n'a pas compris ce qu'était le régime concurrentiel de marché et ne forme pas les jeunes Français à se battre. Il dissimule certaines réalités.

> M. ELKABBACH

Quelles réalités mériteraient d'être dévoilées ?

> M. PERIGOT

Par exemple, on ne dit pas que tous les acteurs de la société devraient comprendre que l'on ne s'en sortira qu'en étant plus compétitif que les autres. Il nous appartient de trouver, dans notre génie personnel, dans nos ressources et en comprenant les règles du jeu, la façon d'être plus compétitif. Nous sommes habitués à vivre d'une façon plutôt confortable par rapport à d'autres pays, du fait de nos systèmes d'aide et d'assistance. Ce n'est pas une raison pour refuser d'être compétitif.

> M. LACHMAN

La France est lanterne rouge dans le chômage des jeunes et le chômage longue durée.

> M. ELKABBACH

À qui en revient la faute ?

> M. LACHMAN

Un peu à tout le monde mais beaucoup au système éducatif.

> M. ELKABBACH

Jean François-Poncet, quelles réalités sont dissimulées ?

> M. FRANCOIS-PONCET

Nous sommes de plus en plus des citoyens du monde. On ne dit pas que la mondialisation a, en quarante ans, fait reculer la pauvreté dans le monde à un rythme qui n'avait jamais été enregistré jusque-là. Malheureusement, le monde compte encore 1,5 milliard d'individus extrêmement pauvres.

> M. ELKABBACH

Les sociétés développées comptent aussi toujours plus de pauvres. Est-ce lié à la mondialisation ?

> M. FRANCOIS-PONCET

Cette situation ne vaut pas partout. Il est certain que si la France a un tel taux de chômage, c'est en partie du à la politique qu'elle conduit et qui a systématiquement protégé ceux qui ont un travail et ne s'est pas penchée sur la façon de créer des emplois. Tout le monde le sait.

> M. MANIGUET

Il est nécessaire de changer les habitudes et d'anticiper. La mondialisation nous y contraint.

J'aimerais revenir sur les propos de Elie Cohen sur la Chine. Le coût salarial a augmenté de 10 %, en Chine, en 2004. La politique des quotas n'y change rien. Qu'en sera-t-il dans dix ans ? La place chinoise sera-t-elle toujours aussi intéressante ?

> M. LAROSE

Si certains pays deviennent trop chers, comme la Tunisie ou la Corée du Sud, car le niveau social s'est élevé, il y a lieu de s'en réjouir.

La France est incapable d'assurer la sécurité des parcours professionnels et d'offrir une formation permettant aux salariés de rebondir. C'est là une question essentielle car, pour bien accepter la mondialisation, il faut que les salariés soient motivés et rassurés.

> M. ELKABBACH

Elie Cohen, quelles vérités sont dissimulées ?

> M. COHEN

En matière de mondialisation, une vérité est difficile à entendre : les Français n'ont pas un droit héréditaire à leur niveau de vie. Ce niveau de vie doit être gagné chaque jour. Tel est bien le grand enseignement de la mondialisation. La mondialisation n'est pas autre chose que la bataille des territoires pour attirer les facteurs mobiles, les fixer, les valoriser et créer de la richesse. Si nous ne sommes pas capables d'attirer les facteurs mobiles pour valoriser notre potentiel, alors nous n'avons pas l'assurance de maintenir notre niveau de vie.

> M. ELKABBACH

Dans cette perspective, quelles stratégies les entreprises doivent-elles adopter ?

> M. COHEN

Les entreprises ont manifesté au cours des dernières décennies une capacité d'adaptation remarquable. Les classements des entreprises en témoignent. Alors que la croissance économique française est faible, si les entreprises françaises étaient restées piégées dans le territoire national, elles auraient eu des croissances médiocres. Elles sont sorties du territoire national, sans forcément délocaliser, et sont, pour certaines, très performantes.

Notre problème est que nous ne savons pas susciter suffisamment de création et de développement de PME. Alors que l'on juge nécessaire de relancer l'innovation, les grands projets technologiques constituent une mauvaise réponse. Il faut laisser se développer des « écosystèmes d'innovation », composés de PME, de laboratoires publics et d'universités. La France a toujours su aider les très grandes entreprises, le problème concerne les petites entreprises.

> M. LACHMAN

Les grandes entreprises françaises du CAC 40 sont devenues incontournables au plan mondial et sont plus fortes que la plupart des entreprises allemandes, anglaises ou italiennes. En revanche, elles n'ont pas encore réussi à entraîner dans leur sillage les PME. Le problème de l'innovation et des technologies ne se réglera pas avec la création d'une Agence pour l'innovation industrielle.

Il faut faire travailler ensemble les universités, la recherche publique, la recherche privée et les PME. Il faut démolir les murs qui ont été construits entre l'Université, le CNRS et les entreprises, et bâtir des ponts. En outre, nous n'avons pas suffisamment pensé au marché. Si les Japonais sont aussi forts en matière de technologie, c'est qu'ils pensent très rapidement aux débouchés sur le marché.

> M. FRANCOIS-PONCET

Je partage les propos de Elie Cohen. Le problème de la France ne concerne pas les grandes entreprises mais le tissu des PME.

Pour créer 1 700 emplois dans un département rural, comme le mien, il a fallu développer un agropôle, c'est-à-dire une technopôle spécialisée dans les produits agroalimentaires innovants. Ce pôle est composé uniquement de PME qui ont été créées sur place. Une politique plus dynamique en direction de ces entreprises permettrait de créer bien plus d'emplois.

> M. ELKABBACH

Le nombre de créations d'entreprise a augmenté de 13 % par rapport à 2003.

225 000 sociétés ont été créées en 2004. Ces chiffres vous inspirent-ils ? Quels sont les secteurs porteurs d'emplois ?

> M. COHEN

La France n'est pas mal placée en termes de créations d'entreprises. Par contre, le taux de mortalité à cinq ans de ces entreprises est particulièrement élevé. En outre, les entreprises qui survivent ne parviennent pas à se développer. Ce problème est spécifique à la France.

> M. ELKABBACH

Thierry Maniguet, votre entreprise s'est développée...

> M. MANIGUET

Les PME ne doivent pas raisonner à l'échelle régionale ou nationale mais être ouvertes sur le monde. Pour cela, il est nécessaire de suivre trois principes. D'abord, il convient de fédérer toute l'équipe autour d'un vrai projet. Ensuite, il faut s'adapter à chaque marché. Enfin, s'agissant de la politique achats, il est nécessaire de rechercher partout dans le monde les produits permettant de s'adapter à la situation de chaque pays.

> M. ELKABBACH

Christian Larose, quelle stratégie d'entreprise préconisez-vous ?

> M. LAROSE

Il faut miser sur le développement, la recherche et l'innovation. La France a de grandes difficultés à apporter des solutions aux petites entreprises et aux très petites entreprises. Ces dernières sont souvent désemparées, isolées. Les politiques doivent réfléchir spécifiquement à ces questions et notamment à celle des aides publiques, et supprimer le guichet unique où tout le monde vient, tout le monde touche et personne ne contrôle rien.

Le 19 février 2004, le Président de la République, inquiet de l'évolution de la situation industrielle en France, nous a reçus pour évoquer le sujet. Depuis des années, nous alertons les pouvoirs publics sur la situation des petites entreprises. La situation évolue très peu.

> M. ELKABBACH

Le gouvernement cherche à lancer de nouvelles idées, à partir de rapports comme celui de Jean-Louis Beffa. Nous avons tous été marqués par le lancement récent de l'A380. Cet appareil sera bientôt un nouveau conquérant de la planète. D'abord, ce projet cache-t-il des réalités plus prosaïques ? Ensuite, est-il utile pour les entreprises et leurs sous-traitants que la France et l'Europe lancent de grands projets ?

> M. COHEN

L'exemple de l'A380 est significatif. La création de l'Agence pour l'innovation industrielle a été justifiée par le cas d'Airbus. Or Airbus n'a pas eu besoin de cette agence. La coopération franco-britannique autour du développement d'avions a d'abord conduit à la construction du Concorde, formidable réussite technologique mais échec commercial. Du coup, on a cherché à construire un autre avion capable de trouver un débouché commercial. Dès la conception de l'avion, les concepteurs ont pris contact avec les compagnies aériennes pour s'assurer de ce débouché, ce que n'avaient pas fait les concepteurs du Concorde. Sur cette base, les industriels ont sollicité leurs gouvernements nationaux et le dispositif des avances remboursables a été mis au point. Ces industriels ont su collaborer avec des laboratoires de recherche publics, ont attiré tout un lot d'entreprises dans leur sillage, ce qui a été une grande réussite. Ensuite, la consécration de cette réussite est passée par la création d'EADS. Par conséquent, les grandes entreprises savent organiser la coopération. Le vrai problème se situe ailleurs : il s'agit d'aider à la formation et au développement d'écosystèmes innovants.

> M. ELKABBACH

Qui doit aider ?

> M. COHEN

C'est bien la question. Et la réponse n'est pas la création d'une agence aidant les cinq champions nationaux déjà abonnés aux crédits publics.

> M. ELKABBACH

François Périgot, vous dites souvent que l'entreprise n'est pas seule dans la mondialisation, que la société elle-même doit l'aider et que l'État doit participer.

> M. PERIGOT

En effet. La mondialisation est fondée sur le modèle de la liberté, de l'économie de marché, de la concurrence. Or les Français, y compris certains chefs d'entreprise, ont les plus grandes difficultés à en comprendre le sens. Cela montre bien que nous véhiculons en France une culture d'entreprise qui est de plus en plus en décalage avec la réalité.

Par ailleurs, la mondialisation échoue lorsque tous les acteurs n'ont pas pris la responsabilité de la faire marcher selon des règles et selon des valeurs de base indissociables de la liberté. Vous ne pouvez exercer la liberté sans appliquer un certain nombre de valeurs. Au-delà des règles, la façon de les appliquer, notamment la transparence et la gouvernance, fait défaut pour que la mondialisation soit un succès plein.

> M. ELKABBACH

Vous faites ici l'autocritique du patronat.

> M. PERIGOT

Ce n'est pas une autocritique. Tous les acteurs sont logés à la même enseigne. Tous les acteurs de la société ne se sentent pas suffisamment investis de cette responsabilité.

> M. ELKABBACH

Une fois que vous aurez accepté l'idée que certains managers doivent faire leur autocritique, vous défendrez, avec Christian Larose, l'idée d'une mondialisation plus régulée, plus juste et plus éthique.

> M. PERIGOT

Nous devons accepter notre modèle d'organisation économique mais devons trouver la façon de marier efficacité économique et progrès social. Les jeunes ne doivent pas l'oublier.

> M. ELKABBACH

Peut-être ferez-vous naître quelques vocations parmi les jeunes qui regarderont ce débat...

> M. PERIGOT

Les jeunes comme les moins jeunes doivent comprendre que la vocation des entreprises est de susciter le progrès économique mais que ces entreprises ont des responsabilités sociales importantes, non seulement sur le territoire national mais dans le monde. Les pays qui faussent la concurrence sont ceux qui n'appliquent pas les règles du BIT. Nous devons faire en sorte que tous les acteurs appliquent les règles qui ont été édictées par la communauté internationale.

> M. LAROSE

Il a fallu attendre la fin du débat pour entendre de tels propos...

> M. LACHMAN

Les entreprises occidentales qui s'implantent dans les pays émergents sont sources de progrès. Elles offrent une protection sociale à tous. Tous les salariés de Schneider bénéficient d'une protection sociale et Schneider offre généralement un salaire deux à trois fois supérieur à celui offert par les employeurs locaux.

> M. ELKABBACH

Vous n'étiez pas mis en cause. Tiendriez-vous les mêmes propos s'agissant de la présence de Total en Birmanie ?

> M. LACHMAN

J'étais en Birmanie il y a deux semaines. Je sais que Total y est présent. Je n'ai pas vu la dictature ou la tyrannie que vous avez évoquée à plusieurs reprises.

> M. ELKABBACH

Vous en êtes reparti un peu vite. Jean François-Poncet, vous êtes spécialiste de politique étrangère. Pensez que la Birmanie est un modèle de démocratie ?

> M. FRANCOIS-PONCET

La Birmanie fait partie des pays soumis à une dictature militaire plus ou moins sauvage selon les périodes. Je n'ai aucun doute là-dessus.

Sur le plan politique, nous constatons une progression indiscutable de la démocratie sur la planète, grâce à la mondialisation. La démocratie avance, la pauvreté recule. La mondialisation fait certes des gagnants et des perdants mais est, globalement, un facteur de progrès pour la planète.

> M. ELKABBACH

Nous ouvrons le débat à la salle.

> De la salle

Je dirige une entreprise de confection, à Calais, qui emploie 150 personnes. Cette entreprise importe ses produits de Chine et les sous-traite en Roumanie ou au Portugal.

Puisque nous parlons de stratégie, j'aimerais insister sur le nécessaire savoir-faire dont doivent faire preuve les entreprises. Les PME ont souvent des difficultés à développer une usine à l'étranger, à en rester le propriétaire, sans se faire absorber. Pour notre part, nous nous battons pour sauver nos emplois en France et ne parvenons pas à obtenir de subventions. Nous savons que notre entreprise comptera seulement 50 ou 80 salariés dans quelques années. Nous sommes conscients de la nécessité de les former mais nous ignorons la façon de procéder.

> De la salle

J'ai monté en 2003 une société dans le domaine du micro-usinage laser. Cette société a bénéficié de la loi sur la recherche et l'innovation de 1999. Néanmoins, le soutien du Ministère n'est pas suffisant en matière de recherche.

> De la salle

Je suis indien. Mon entreprise de fabrication de chaussures exporte ses produits au Royaume-Uni et en Espagne. Pour la première fois, nous envisageons de travailler avec la France.

La mondialisation est une réalité que l'on ne peut nier. La véritable question concerne son impact sur les emplois. Cet impact sera probablement négatif dans un premier temps, ce qui va imposer aux entreprises de s'adapter. Si les entreprises indiennes elles-mêmes doivent s'adapter à l'ouverture des marchés, les pays occidentaux doivent aussi s'adapter à ces mutations.

> M. ELKABBACH

Je passe la parole à Francis Mer pour la conclusion.

Clôture Francis MER

Ancien ministre de l'économie et des finances

Je voudrais, à ma manière, revenir sur le thème de la mondialisation et de la stratégie à suivre pour les entreprises.

D'abord, la mondialisation n'a pas été pensée au plan mondial. De nombreux problèmes que nous rencontrons et que vous avez évoqués tiennent à l'improvisation permanente dans ce domaine dans la mesure où l'on ne sait pas imaginer le corps de doctrine et le corps d'organisme permettant de maîtriser ce phénomène nouveau.

Ensuite, de la même façon que l'on apprend à marcher en marchant, tous les sujets relatifs à la mondialisation sont découverts progressivement. Par réaction, on peut espérer, à condition que la réflexion soit organisée, que l'Europe s'exprime tout comme les États-Unis, le Japon, l'Inde et la Chine et que ces grands pays pourront trouver, petit à petit, des solutions pour minimiser les conséquences négatives, ou les excès, ou le non-respect de certaines règles, que l'on constate aujourd'hui.

Troisièmement, la mondialisation n'est pas un jeu à somme nulle. Même si la croissance de certains pays ne tient pas exclusivement à la mondialisation, nous vivons une époque exceptionnelle sur le plan mondial puisque 2,5 milliards de personnes, les Indiens et les Chinois, aussi rapidement que l'avaient fait les 100 millions de Japonais il y a 50 ans, sont en train d'atteindre le niveau de développement auxquels ils auraient pu prétendre s'ils avaient suivi le même type de politique économique que le monde occidental. Je rappelle qu'en 1 800, la Chine représentait 25 % de l'économie mondiale. Cette part est tombée à 5 % au cours du XXe siècle. Ce n'est qu'au cours des dernières années, sur la base d'un changement majeur de politique, que cette part remonte. Elle atteint aujourd'hui 10 % à 12 % et ne cesse de progresser. Il n'y a pas de raison en effet que les Chinois ne profitent pas du monde actuel pour rattraper, en quelques décennies, un retard accumulé sur plusieurs siècles.

Nous sommes bien dans une situation assez unique, historiquement, liée au fait qu'en parlant de la Chine et de l'Inde, on ne se situe pas à l'échelle de la population française ou japonaise mais d'une population plus de 10 fois plus élevée. C'est là le fait majeur de la mondialisation qui n'a pourtant fait l'objet d'aucune réflexion théorique, y compris de la part d'Elie Cohen, et qui fait que nous sommes devant un système en développement sans que personne ne sache où cela nous mène. Votre thèse consiste à dire que tant que les Chinois n'auront pas été « industrialisés », « urbanisés », et n'auront pas profité de la productivité générée par les investissements industriels, tant que le monde n'aura pas rempli la Chine d'usines, nous ne verrons pas de croissance du niveau de vie des Chinois. En effet, il y aura pour longtemps encore des Chinois originaires de la campagne prêts à travailler pour un salaire qui n'est plus acceptable pour les Chinois urbains. Selon ce scénario extrême et peu probable, on pourrait craindre que le reste du monde soit vidé de sa substance au profit de la Chine. Cet exemple vise uniquement à montrer l'incertitude totale dans laquelle nous sommes.

Quelle doit être la stratégie pour l'entreprise en France, qu'elle soit française ou non ?

De mon point de vue, il importe pour l'entreprise de comprendre la situation, d'en profiter lorsqu'elle le peut, de s'adapter aux règles du jeu en termes de compétitivité, et d'accroître sa valeur ajoutée pour pérenniser son activité en France. Je ne parle pas ici des grandes entreprises qui ne sont même plus françaises puisqu'elles sont satellisées.

Comprendre la situation et en profiter signifie que le tissu industriel français, tout comme le tissu européen, a besoin de comprendre que le marché est désormais le monde. Ce marché, au nom de la mondialisation et de la liberté qui caractérisent la mondialisation, est accessible à n'importe quel entrepreneur, quelle que soit sa taille, dès lors qu'il a quelque chose à vendre, dans des conditions de compétitivité qui suscitent l'intérêt du client, où qu'il soit. Parler de la Chine ne doit pas se limiter à évoquer les bas salaires. N'oublions pas que 100 millions de Chinois, population amenée à croître, ont un niveau de vie comparable à celui des Portugais ou des Grecs. Ces personnes souhaitent se comporter comme des consommateurs « occidentaux ». Si les entreprises françaises parviennent à se convaincre que leur marché est le monde, alors elles ont déjà répondu partiellement au problème et auront surmonté la peur, très française, de la mondialisation.

Par ailleurs, on ne peut pas se battre sur les coûts salariaux avec les entreprises chinoises ou indiennes. De ce point de vue, le rapport du Sénat me semble courageux car il présente la situation telle qu'elle est. Et il est inutile de nier cette dernière.

Comment s'en sortir ? Je ne parle pas des entreprises françaises qui ne sont pas « en compétition » avec des entreprises chinoises, indiennes ou autres, car elles évoluent dans le secteur des services, comme les services à la personne.

Pour s'en sortir, il n'y a qu'une voie : inventer autre chose. Sur ce point, nous ne sommes pas très bons, non pas que nous n'ayons pas fait de diagnostic mais parce que nous ne savons pas encore très bien créer les conditions permettant, en premier lieu, à des entrepreneurs d'avoir envie de prendre des risques. Pour avoir cette envie, il faut s'assurer qu'avec une certaine probabilité de réussite, on profitera de cette réussite en tant qu'entrepreneur. En d'autres termes, il importe que cette réussite ne soit pas confisquée, financièrement, par d'autres, c'est-à-dire par « l'État », au profit d'autres citoyens.

Dans le monde actuel, l'intérêt français, en particulier, est de comprendre que l'entreprise est à la source de la solution de nos problèmes. Plus le nombre d'entreprises sera élevé, plus ces entreprises auront envie de grandir vite et mieux on se portera. Si, cette année, on enregistre une forte augmentation des créations d'entreprises, celles-ci étant pour l'essentiel des entreprises individuelles, avec 225 000 nouvelles entreprises, j'ai lu dans la presse que l'Espagne avait vu, sur cette même année, la création de 330 000 entreprises. Si l'envie d'entreprendre et de prendre des risques tend à revenir en France, il convient de ramener les 225 000 nouvelles entreprises aux 62 millions de Français et de comparer ce ratio au 330 000 entreprises nouvelles rapportées aux 40 millions d'Espagnols. Il faut que ces nouvelles entreprises aient envie de grandir, de prendre des risques. Pour cela, il convient de créer un environnement favorable sur le plan économique, financier, judiciaire, fiscal susceptible de garantir à ces entreprises que leur succès leur profitera, qu'elles conserveront leurs bénéfices, en vue de réinvestir.

Petites et grandes entreprises doivent veiller à ne pas tomber sous le contrôle des marchés financiers, en évitant de cultiver le « court-termisme » du résultat par action, qui permet d'améliorer la capitalisation boursière de l'entreprise et donc la valeur des options d'actions qui ont été octroyées au management. Plutôt que d'agir de la sorte ou d'agir uniquement de la sorte, ne tombons pas sous le « joug » de l'épargnant, pensons aux consommateurs et aux producteurs, sachant que plus les producteurs seront nombreux, moins les chômeurs le seront. Pour cela, les entreprises doivent se convaincre que leur devoir, leur responsabilité, n'est pas uniquement d'être performantes, d'investir en Chine, de satisfaire les marchés financiers, mais est aussi de penser à leur pays ou région d'origine. Pour ne pas perdre leurs racines, elles doivent accepter de prendre des risques pour proposer une nouvelle offre, ici et maintenant. C'est à travers une nouvelle offre, laquelle disposera d'un marché mondial, que nous résoudrons la quadrature du cercle qui consiste à ne pas interdire aux consommateurs, y compris français, de bénéficier des avantages du T-shirt chinois, indien ou tunisien ou mexicain, sans que ceci ait comme conséquence d'avoir de moins en moins de producteurs dans nos pays. Pour que le nombre de producteurs ne cesse de croître, il faut apprendre les nouvelles règles du jeu qui consiste à se forcer à inventer de nouvelles activités. Il suffit de le vouloir, quitte à ce que l'environnement soit plus incitatif.

Telles sont mes convictions en matière de mondialisation. La France et l'Europe ne sont pas, aujourd'hui, suffisamment puissantes pour empêcher les événements de se dérouler. Nous savons très bien qui tient le manche. Nous avons donc un devoir vis-à-vis de nos populations et un intérêt vis-à-vis de nos entreprises, qui consiste à dire que, dans ce jeu que nous n'avons pas forcément contribué à définir, nous allons démontrer notre capacité d'action. Cela suppose de prendre des risques, ce qui revient à l'entrepreneur, aidé peut-être par l'environnement, et pas au contribuable. Je fais ici référence à certaines propositions actuelles à propos desquelles je partage les commentaires d'Elie Cohen.

Il suffit de penser pour trouver. La richesse potentielle de découverte économique, au sens large, est inépuisable. Il suffit donc de chercher, pour trouver, et pour tirer profit de la mondialisation.

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