COM(2024) 576 FINAL  du 10/12/2024

Contrôle de subsidiarité (article 88-6 de la Constitution)


Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la coopération entre les autorités chargées de faire appliquer la directive (UE) 2019/633 sur les pratiques commerciales déloyales dans les relations interentreprises au sein de la chaîne d'approvisionnement agricole et alimentaire (COM(2024) 576)

Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant les règlements (UE) n 1308/2013, (UE) 2021/2115 et (UE) 2021/2116 en ce qui concerne le renforcement de la position des agriculteurs dans la chaîne d'approvisionnement alimentaire (COM(2024) 577)

1. Le contenu des propositions législatives de la Commission

Ces deux propositions s'inscrivent dans le prolongement des conclusions du dialogue stratégique sur l'avenir de l'agriculture dans l'UE, lancé en réponse au mouvement des agriculteurs début 2024, et qui a conduit à la publication d'un rapport publié en septembre 20241(*).

Ces propositions visent à renforcer la position des agriculteurs dans la chaîne de valeur alimentaire afin de leur assurer un revenu juste et équitable.

Ø La première proposition de règlement concerne la coopération entre les autorités chargées de faire appliquer la directive (UE) 2019/633 sur les pratiques commerciales déloyales dans les relations interentreprises au sein de la chaîne d'approvisionnement agricole et alimentaire (COM (2024)576)

Cette proposition vise à renforcer l'application transfrontière des règles contre les pratiques commerciales déloyales dans les relations interentreprises au sein de la chaîne d'approvisionnement agricole et alimentaire. En moyenne, au moins 20 % des produits agricoles et alimentaires consommés dans un État membre proviennent d'un autre État membre, selon la Commission européenne.

En effet, selon la Commission européenne et les remontées faites par les autorités nationales en charge de faire appliquer cette directive, la collecte d'informations, la constatation d'infractions, de même que l'imposition et l'application d'amendes peuvent se révéler difficiles lorsque l'acheteur se trouve dans un autre État membre.

Cette proposition vise ainsi à renforcer la coopération de ces autorités nationales, notamment en améliorant l'échange d'informations, les enquêtes et l'exécution des sanctions. Elle prévoit notamment la mise en place d'un mécanisme d'assistance mutuelle, qui doit permettre aux autorités nationales chargées de faire appliquer la législation d'échanger des informations et de demander à une autre autorité de prendre des mesures d'exécution en leur nom. Cette proposition de règlement vise également à permettre à ces autorités le lancement d'une action coordonnée chaque fois qu'il existe des motifs raisonnables de soupçonner l'existence de pratiques commerciales déloyales « de grande ampleur », c'est-à-dire qui concernent trois États membres et revêtent une dimension transfrontière.

Ø La seconde proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifie les règlements (UE) n 1308/2013, (UE) 2021/2115 et (UE) 2021/2116 en ce qui concerne le renforcement de la position des agriculteurs dans la chaîne d'approvisionnement alimentaire (COM (2024)577)

Cette proposition de règlement modifie ainsi les règlements suivants :

Ø le règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles et abrogeant les règlements (CEE) n° 922/72, (CEE) n° 234/79, (CE) n° 1037/2001 et (CE) n° 1234/2007 du Conseil ;

Ø le règlement (UE) n° 2021/2115 du Parlement européen et du Conseil du 2 décembre 2021 établissant des règles régissant l'aide aux plans stratégiques devant être établis par les États membres dans le cadre de la politique agricole commune (plans stratégiques relevant de la PAC) et financés par le Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader), et abrogeant les règlements (UE) n° 1305/2013 et (UE) n° 1307/201 ;

Ø le règlement (UE) n° 2021/2116 du Parlement européen et du Conseil du 2 décembre 2021 relatif au financement, à la gestion et au suivi de la politique agricole commune et abrogeant le règlement (UE) n° 1306/2013.

Ces modifications visent à améliorer la position des agriculteurs dans la chaîne d'approvisionnement agroalimentaire :

· en renforçant le cadre contractuel pour les agriculteurs afin de contribuer à plus de transparence concernant la fixation des prix et les négociations (entre acheteurs et producteurs), avec l'obligation d'un contrat écrit pour chaque livraison de produits agricoles, sous réserve de certaines exceptions et de la possibilité pour les États membres d'exempter certains produits agricoles de cette obligation, et avec la mise en place de mécanismes de médiation entre les agriculteurs et leurs acheteurs ;

· en améliorant la structuration de la filière, en conférant davantage de pouvoirs aux organisations de producteurs reconnus, par la simplification des règles de reconnaissance et la possibilité de négocier des clauses contractuelles, notamment le prix, au nom de leurs membres. Des changements sont également proposés concernant le rôle des organisations de producteurs non reconnues pour les autoriser à négocier, au nom de leurs membres, des clauses contractuelles pour tout ou partie de leur production ;

· en assurant une meilleure visibilité de leur positionnement par la fixation de règles relatives à l'utilisation de mentions facultatives transsectorielles comme « juste », «équitable » ou « circuit-court », qui pourront être incluses dans la liste des objectifs qu'une organisation interprofessionnelle reconnue peut poursuivre ;

· en permettant un soutien financier de l'Union aux États membres pour les mesures prises par les opérateurs en période de graves déséquilibres du marché et un soutien financier accru des États membres aux opérateurs dans le cadre des interventions sectorielles de la PAC.

2. Ces propositions législatives sont-elles conformes aux principes de subsidiarité et de proportionnalité ?

La proposition de règlement concernant la coopération entre les autorités chargées de faire appliquer la directive sur les pratiques commerciales déloyales dans les relations interentreprises au sein de la chaîne d'approvisionnement agricole et alimentaire (COM(2024)576) est fondée sur l'article 43, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE)2(*), car elle complète une directive elle-même fondée sur ce même article. La base juridique semble donc appropriée.

Par ailleurs, les principes de subsidiarité et de proportionnalité semblent respectés. En effer, sur le plan de la subsidiarité, cette proposition concerne les pratiques commerciales déloyales ayant une dimension transfrontière, ce qui justifie une intervention de l'Union européenne. Sur le plan de la proportionnalité, cette proposition vise à assurer une base juridique permettant une meilleure coopération entre autorités nationales, et ne modifient pas les règles nationales régissant la collecte d'informations et l'adoption de mesures d'exécution.

Il convient néanmoins de souligner qu'aucun appel à contributions n'a été fait en amont de cette proposition de règlement, dont le contenu repose néanmoins sur les retours d'expérience des autorités nationales qui se réunissent tous les ans. De même, aucune étude d'impact n'a été réalisée, la Commission europénne considérant la proposition de règlement comme « un outil d'exécution établissant des obligations existantes au titre de la directive sur les pratiques commerciales déloyales ».

***

S'agissant de la seconde proposition de règlement, elle vise à modifier des textes existants, en l'occurrence les règlements (UE) n 1308/2013, (UE) 2021/2115 et (UE) 2021/2116. Sa base juridique repose sur l'article 42, premier alinéa3(*), et l'article 43, paragraphe 2, du TFUE : en effet, les trois règlements précités sont tous fondés sur l'article 43, paragraphe 2, du TFUE, þtandis que le règlement (UE) n 1308/2013 est également fondé sur l'article 42, premier alinéa, du TFUE. La base juridique semble donc appropriée.

Par ailleurs, les principes de subsidiarité et de proportionnalité semblent respectés. Sur le plan de la subsidiarité, les modifications apportées par la proposition de règlement visent à maintenir des conditions de concurrence équitables entre les producteurs et ne peuvent ainsi pas être mises en oeuvre par les seuls États membres. Concernant le principe de proportionnalité, la proposition ne modifie que des aspects spécifiques d'un nombre limité de dispositions des règlements existants, et prévoit des possibilités de dérogations pour les Etats membres.

En revanche, il convient de souligner qu'aucune évaluation de la législation existante et qu'aucune analyse d'impact n'ont été réalisées. La Commission européenne justifie cette absence, dans l'exposé des motifs de la proposition, par « l'urgence d'agir pour répondre aux protestations des agriculteurs » et indique que les mesures proposées ont été élaborées sur la base de contributions des parties prenantes. La Commission prévoit néanmoins la publication d'un document de travail dans un délai de trois mois à compter de l'adoption de la proposition, contenant des éléments sur l'incidence des modifications proposées, ainsi qu'un résumé des retours des parties prenantes lors de la consultation de 2024.

Compte tenu de ces observations, le groupe de travail sur la subsidiarité a décidé de ne pas intervenir plus avant sur ces deux textes au titre de l'article 88-6 de la Constitution.


* 1 https://agriculture.ec.europa.eu/document/download/171329ff-0f50-4fa5-946f-aea11032172e_en?filename=strategic-dialogue-report-2024_en.pdf

* 2 « Le Parlement européen et le Conseil, statuant conformément à la procédure législative ordinaire et après consultation du Comité économique et social, établissent l'organisation commune des marchés agricoles prévue à l'article 40, paragraphe 1, ainsi que les autres dispositions nécessaires à la poursuite des objectifs de la politique commune de l'agriculture et de la pêche ».

* 3 « Les dispositions du chapitre relatif aux règles de concurrence ne sont applicables à la production et au commerce des produits agricoles que dans la mesure déterminée par le Parlement européen et le Conseil dans le cadre des dispositions et conformément à la procédure prévue à l'article 43, paragraphe 2, compte tenu des objectifs énoncés à l'article 39 ».


Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte déposé au Sénat le 15/01/2025