COM(2024) 567 FINAL
du 04/12/2024
Contrôle de subsidiarité (article 88-6 de la Constitution)
Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à une dérogation temporaire à certaines dispositions du règlement (UE) 2017/2226 et du règlement (UE) 2016/399 en ce qui concerne la mise en service progressive du système d'entrée/de sortie (COM(2024) 567)
Mentionné dès 20081(*) comme un élément de la stratégie de gestion des frontières extérieures de l'espace Schengen2(*), puis envisagé dans l'initiative « Frontières intelligentes »3(*) destinée à faciliter les flux de voyageurs tout en relevant le niveau de protection de l'Union européenne, le système d'entrée/de sortie (EES) a été mis en place par le règlement (UE) 2017/2226 du 30 novembre 2017.
Aux frontières extérieures de l'espace Schengen, ce système doit enregistrer par voie électronique le moment et le lieu d'entrée, de sortie ou de refus d'entrée des ressortissants de pays tiers se présentant pour un court séjour sur le territoire des États membres, tout en calculant la durée de séjour autorisé des personnes autorisées à entrer.
En pratique, le système « entrée/sortie » doit comprendre une infrastructure centrale gérant une base de données centrale informatisée, une interface uniforme nationale dans chaque État membre, ainsi qu'un canal de communication sécurisé entre ce système et le système d'information sur les visas (VIS). Sa mise en place conditionne en outre celle d'un autre dispositif : le système automatisé de collecte numérique des données personnelles de ressortissants de pays tiers à l'Union européenne dit « ETIAS », autorisation de voyage pour les voyageurs exemptés de visa inspiré de l'ESTA en place aux États-Unis.
Le système « entrée/sortie » doit être aussi accessible aux autorités nationales en charge de l'immigration et à celles compétentes pour lutter contre les infractions pénales, ainsi qu'à l'agence européenne Europol. Il revient à l'agence européenne EU-LISA, en charge des infrastructures européennes relevant de l'Espace de liberté, de sécurité et de justice, d'en assurer le développement.
Au moment du passage de la frontière extérieure, le système doit collecter différents types de données personnelles permettant d'identifier un voyageur, en distinguant s'ils sont ressortissants d'un pays tiers soumis à l'obligation de visa, ressortissants d'un pays tiers exemptés de cette obligation, ou ressortissants de pays tiers dont l'entrée est refusée. Dans le premier cas, le système collectera l'image faciale et les empreintes digitales du voyageur, ainsi que plusieurs données personnelles permettant son identification (nom ; prénoms ; date de naissance ; nationalité ; sexe ; numéro du document de voyage et date d'expiration de sa validité.
L'article 66 du règlement précité prévoit que la Commission européenne arrête la date à laquelle le système EES doit être mis en service, une fois que les conditions suivantes sont remplies : la Commission européenne a pris les actes d'exécution prévus pour l'installation du dispositif ; les États membres ont informé les pays tiers - en particulier riverains - du fonctionnement et du calendrier de mise en oeuvre du système ; l'agence EU-LISA déclare que les essais accomplis avec les États membres ont été concluants ; les États membres ont validé les aménagements techniques et juridiques nécessaires pour recueillir et transmettre les données pertinentes à l'EES.
Or, dans les faits, sept ans après l'entrée en vigueur du règlement (UE) 2017/2226, le système « entrée/sortie » n'est toujours pas opérationnel. Initialement prévu pour 2022, puis pour mai 2023, son lancement a été repoussé en raison de l'état d'impréparation de plusieurs États membres. Ensuite, à la demande de la France, son entrée en vigueur a été reportée à octobre 2024 (pour ne pas gêner le déroulement du Mondial de rugby d'octobre 2023, puis les Jeux olympiques et paralympiques de Paris d'août-septembre 2024). Puis, des difficultés de fiabilité de l'infrastructure centrale ont été dénoncées par l'Allemagne, les Pays-Bas et la France, conduisant à une nouvelle suspension de la mise en place du système.
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1. Le contenu de la proposition législative de la Commission
Voilà pourquoi, à la demande des États membres, la Commission européenne a présenté en urgence, le 4 décembre dernier, la présente proposition de règlement, actant son renoncement à un lancement global et simultané du système « entrée/sortie » dans les 27 États membres, privilégiant désormais une entrée en vigueur progressive.
La proposition prévoit que, au plus tard le 30ème jour civil suivant son entrée en vigueur, l'agence EU-LISA devra présenter un plan de déploiement relatif à la mise en oeuvre progressive de l'EES, à la Commission européenne, aux États membres et à Europol. Au plus tard 30 jours après, ce sont les États membres qui devront présenter leur plan national de déploiement.
Lorsque tous les États auront transmis ces informations nécessaires, une décision de la Commission européenne arrêtera la date d'entrée en vigueur du système.
Le texte offrira alors une certaine souplesse aux États membres pour qu'ils puissent commencer à utiliser l'EES en fonction de leur degré de préparation (période de flexibilité de 180 jours avec possibilité de prolongation). Pendant cette période, les documents de voyage devront toujours être compostés et chaque État membre aura pour objectif d'enregistrer dans l'EES au moins 10% des franchissements de frontières. Cette proportion devra passer à 50% après 90 jours de cette période transitoire, puis à 100% après 170 jours. De plus, pendant les 60 premiers jours, l'EES pourra être mis en oeuvre sans fonctionnalité biométrique.
La proposition actualise fixe également les règles envisagées pour mieux gérer les éventuels longs délais d'attente aux frontières extérieures et prévenir ces derniers, pour anticiper et préparer des situations de suspension de l'application du système (deux cas sont envisagés : temps d'attente excessifs ou dysfonctionnements techniques), et pour permettre aux autorités compétentes en matière de contrôle des frontières, d'immigration, de visas et aux services répressifs, d'avoir accès aux informations les plus récentes sur les voyageurs.
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2. Cette proposition législative est-elle nécessaire ? Apporte-t-elle une valeur ajoutée européenne ?
a) La base juridique choisie est-elle correcte ?
En l'espère, la base choisie est double :
- en premier lieu, les dispositions de l'article 77, paragraphe 2, points b) et d), du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), qui affirment que le Parlement européen et le Conseil, statuant conformément à la procédure législative ordinaire, adoptent les mesures portant sur « les contrôles auxquels sont soumises les personnes franchissant les frontières extérieures » et « toute mesure nécessaire pour l'établissement progressif d'un système intégré de gestion des frontières extérieures » ;
- en second lieu, les dispositions de l'article 87, paragraphe 2, point a), du traité précité, qui précisent que le Parlement européen et le Conseil, statuant conformément à la procédure législative ordinaire peuvent établir des mesures portant sur « la collecte, le stockage, le traitement, l'analyse et l'échange d'informations pertinentes » (en l'espèce, les données personnelles de voyageurs concernés).
Ce faisant, cette double base juridique est parfaitement appropriée.
b) La proposition est-elle conforme aux principes de subsidiarité et de proportionnalité ?
Oui, elle paraît conforme aux principes de subsidiarité et de proportionnalité. D'une part, parce que les éléments structurels du système sont inchangés depuis le règlement précité de 2017 et que leur conformité aux principes de subsidiarité et de proportionnalité a alors été confirmée. D'autre part, parce que ce changement de philosophie pragmatique semblait être le seul moyen de débuter effectivement la mise en place du système « entrée/sortie », malgré les tests infructueux de son infrastructure centrale et les retards constatés de certains États membres.
Ces observations étant faites, le groupe de travail sur la subsidiarité a décidé de ne pas approfondir l'examen de ce texte au titre de l'article 88-6 de la Constitution.
* 1 Communication de la Commission européenne du 13 février 2008 intitulée « Préparer les prochaines évolutions de la gestion des frontières dans l'Union européenne ».
* 2 L'espace Schengen de libre circulation compte 25 des 27 États membres de l'Union européenne (hors Chypre et Irlande), ainsi que 4 pays associés (Islande ; Liechtenstein ; Norvège ; Suisse).
* 3 Communication du 13 mai 2015.