COM(2024) 426 FINAL  du 20/09/2024

Contrôle de subsidiarité (article 88-6 de la Constitution)


Ø Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant le mécanisme de coopération pour les prêts à l'Ukraine et accordant une assistance macrofinancière exceptionnelle à l'Ukraine COM (2024) 426 final

Depuis l'invasion de l'Ukraine par la Russie en février 2022, l'Union européenne, ses États membres et les institutions financières européennes ont apporté un soutien financier s'élevant au total à 118 milliards d'euros. L'intensification de la guerre d'agression russe et sa prolongation anticipée en 2025 rendent nécessaires de mobiliser des ressources supplémentaires. Les besoins de financement de l'Ukraine pour 2025 dépassent les projections initiales du Fonds monétaire internationale (FMI), qui reposaient sur un achèvement du conflit d'ici la fin 2024.

Lors du sommet du G7 en juin 2024 dans les Pouilles, les chefs d'État ou de gouvernement sont convenus d'apporter une aide financière de 50 milliards de dollars (45 milliards d'euros) et de mobiliser les revenus générés par les avoirs gelés de la Banque centrale de Russie pour permettre à l'Ukraine de rembourser ses prêts.

Le 20 septembre 2024, la Commission européenne a présenté une proposition de règlement, qui est la contribution de l'UE au nouveau soutien financier à l'Ukraine décidé par le G7. Cette proposition établit :

- Une assistance macrofinancière exceptionnelle pour l'Ukraine de 35 milliards d'euros, part européenne du soutien de 45 milliards d'euros décidé par le G7 ;

- Un mécanisme de mobilisation des recettes exceptionnelles des avoirs russes gelés en vue d'aider l'Ukraine à rembourser les prêts accordés par l'UE et par les autres partenaires du G7.

- 1. Le contenu de la proposition législative

a) Une assistance macrofinancière exceptionnelle de 35 milliards d'euros

La proposition de la Commission complète le soutien financier apporté par l'Union européenne à l'Ukraine depuis 2022. Pour rappel :

- Une assistance macrofinancière d'urgence avait été mise à disposition dans le contexte de la montée de la menace, juste avant l'invasion russe1(*). Elle a fourni 1,2 Md€ de prêts à l'Ukraine, versés en deux tranches de 600 millions d'euros en mars et en mai 2022.

- Une assistance macrofinancière exceptionnelle d'un montant maximal de 9 Md€ a été annoncée par la Commission européenne en mai 2022 et approuvée par le Conseil européen en juin 20222(*). Au total, 7,2 Md€ sous la forme de prêts ont finalement été décaissés en 2022 au titre de cette assistance.

- L'assistance macrofinancière + (« AMF+ ») d'un montant maximal de 18 Md€ a été l'instrument de soutien principal de l'UE à l'Ukraine en 20233(*). Les prêts issus de l'AMF+ ont fait l'objet d'un versement à hauteur de 1,5 Md€ chaque mois de l'année 2023. L'octroi des prêts AMF+ est assorti de conditions très favorables pour l'Ukraine, avec notamment une durée maximale de 35 ans et un période de grâce pour le remboursement du principal avant 2033.

- La Facilité pour l'Ukraine à hauteur de 50 Md€ (17 Md€ de subventions et 33 Md€ de prêts) a été adoptée lors de la révision du CFP 2021-2027 en février 20244(*). Cette facilité doit couvrir la période 2024-2027 et vise des besoins de court terme (stabilisation et résilience économique) et de moyen terme (reconstruction). Fin août 2024, la Commission européenne estimait que 13,8 Md€ avaient été déboursés au titre de la Facilité pour l'Ukraine

À ces aides macrofinancières s'ajoutent des garanties budgétaires fournies par le budget de l'UE aux institutions financières multilatérales. Ces garanties sont progressivement provisionnées sur le budget européen en fonction des versements et des échéances de remboursement. Au 15 mars 2024, la Commission évaluait leur montant à 2,6 Md€, dont 2,4 Md€ fournis à la Banque européenne d'investissement (BEI).

La Russie poursuivant son agression contre l'Ukraine et intensifiant même ses frappes contre les infrastructures critiques du pays, un soutien financier supplémentaire s'avère nécessaire. L'Ukraine a évalué, en coopération avec le FMI, à 12 milliards de dollars supplémentaires ses besoins de financement extérieur pour 2025, ce qui porte le total des besoins de financement extérieur du pays pour 2025 à 38 milliards de dollars.

Dans leur déclaration lors du sommet du G7 du 14 juin 2024, les dirigeants du G7 ont réaffirmé leur détermination à maintenir un soutien militaire, budgétaire et humanitaire à l'Ukraine et à sa reconstruction. À cette fin, ils ont annoncé le lancement de l'initiative Extraordinary Revenue Acceleration Loans for Ukraine (prêts ERA) afin de mettre à disposition un financement supplémentaire d'environ 50 milliards de dollars (soit 45 milliards d'euros) d'ici à la fin de l'année 2024.

A ce titre, en application de l'engagement européen pris au G7, la proposition de règlement présentée par la Commission européenne le 20 septembre 2024 prévoit l'octroi à l'Ukraine d'un prêt d'assistance macrofinancière exceptionnelle d'un montant maximal de 35 milliards d'euros. Les fonds de ce prêt AMF seront mis à disposition d'ici la fin de l'année 2024, avec des décaissements jusqu'à fin 2025. Le prêt est à rembourser sur une durée maximale de 45 ans. Ce prêt n'est pas affecté à des fins spécifiques, ce qui permet à l'Ukraine d'allouer les fonds comme elle le juge approprié.

Comme pour l'instrument AMF+ et pour la Facilité pour l'Ukraine, ce nouveau prêt de 35 Md€ à l'Ukraine est financé par des emprunts contractés par l'UE sur les marchés financiers, couverts par la marge de manoeuvre du budget de l'UE (c'est-à-dire l'espace budgétaire compris entre le plafond des paiements du Cadre financier pluriannuel et le plafond des ressources propres).

Plusieurs conditions sont posées aux décaissements du prêt :

- Le prêt AMF est conditionné à l'engagement continu de l'Ukraine à maintenir des mécanismes démocratiques efficaces, à respecter les droits humains et à d'autres conditions politiques à définir dans un protocole d'accord entre la Commission et l'Ukraine

- Les systèmes de gestion et de contrôle décrits dans le « Plan pour l'Ukraine »5(*) ainsi que des mesures spécifiques visant à prévenir la fraude et d'autres irrégularités et déjà prévues pour la Facilité pour l'Ukraine, seront également applicables au prêt AMF.

- Le protocole d'accord doit aussi comprendre un engagement de l'Ukraine à promouvoir la coopération avec l'Union en matière de redressement, de reconstruction et de modernisation de l'industrie ukrainienne de défense, conformément aux objectifs du programme pour l'industrie européenne de défense (EDIP) ainsi que d'autres programmes de l'UE.

b) Un mécanisme de coopération pour les prêts à l'Ukraine

Outre l'octroi d'un nouveau prêt à l'Ukraine, la proposition de la Commission comprend un mécanisme de coopération qui doit aider l'Ukraine à rembourser ses emprunts contractés auprès de l'UE et auprès des partenaires du G7.

Dans le cadre des sanctions imposées par l'UE à la Russie en réponse à ses actions en Ukraine, des avoirs de la Banque centrale de Russie détenus par des institutions financières dans les États membres ont été immobilisés depuis février 2022. Les avoirs détenus dans l'UE, d'une valeur d'environ 210 Md€, représentent la majorité de ces avoirs immobilisés dans le monde. L'interdiction des transactions qui touche ces avoirs s'est traduite par une accumulation exceptionnelle de liquidités. En fonction du niveau des taux d'intérêt, les recettes exceptionnelles ont été estimées à un montant pouvant atteindre entre 4 et 5 milliards d'euros par an. Ces recettes résultant de la mise en oeuvre de mesures restrictives, les dépositaires de ces avoirs ne peuvent espérer en tirer profit.

L'utilisation des bénéfices tirés de ces avoirs prend actuellement la forme d'une contribution financière destinée à soutenir les objectifs militaires et ceux liés à la reconstruction du pays. Actuellement, les mesures restrictives de l'Union prévoient une répartition de cette contribution financière à hauteur de 90 % pour la Facilité européenne pour la paix et de 10 % pour la Facilité pour l'Ukraine6(*).

La proposition de la Commission prévoit que les flux futurs de ces recettes exceptionnelles soient utilisés pour aider l'Ukraine à rembourser le prêt AMF de 35 milliards ainsi que les prêts des pays du G7. Le mécanisme de coopération doit permettre de verser régulièrement à l'Ukraine le montant de ces recettes, afin de lui permettre de couvrir le principal et les intérêts des prêts. Il s'agit ainsi d'une garantie permettant de rassurer les prêteurs quant au remboursement des prêts. Via ce mécanisme, l'objectif est d'encourager les partenaires du G7 à octroyer des prêts à l'Ukraine, parallèlement au prêt AMF, en vue d'atteindre le montant total envisagé lors du sommet du G7.

2. Cette proposition législative est-elle conforme aux principes de subsidiarité et de proportionnalité ?

Comme pour les aides macrofinancières précédentes accordées à l'Ukraine, la proposition de la Commission repose sur l'article 212 du TFUE qui concerne les mesures d'assistance financière à destination des pays tiers, autres que les pays en développement.

La proposition vise à apporter un soutien à l'Ukraine pour lui permettre de couvrir ses besoins de financement à court et long terme. L'octroi d'un prêt de 35 milliards d'euros, assorti de conditions favorables, tout comme la mise en place d'un mécanisme de coopération pour aider l'Ukraine à rembourser ses prêts, sont des mesures qui ne peuvent pas être atteints par les États membres seuls :

- D'abord, la capacité et les contraintes budgétaires des États membres empêchent de réaliser ces actions au niveau national. L'ampleur de l'aide ne peut être atteinte que par une intervention de l'Union européenne

- Par ailleurs, une coordination étroite des donateurs et des prêteurs est nécessaire afin de maximiser l'efficacité du soutien à l'Ukraine. L'Union est la mieux à même d'assurer cette coordination.

- Enfin, le soutien à l'Ukraine est un objectif commun de l'Union, réaffirmé lors du Conseil européen du 27 juin 2024, qui avait ainsi invité la Commission et le Conseil à fournir un financement supplémentaire à l'Ukraine d'ici à la fin de l'année.

Les objectifs de la proposition ne pouvant pas être atteints de manière suffisante par les États membres, il convient donc de prévoir une intervention de l'Union européenne. La proposition est ainsi conforme au principe de subsidiarité consacré à l'article 5 du traité sur l'Union européenne.

En prévoyant l'octroi d'un prêt de 35 milliards d'euros à l'Ukraine, la proposition de la Commission permet d'apporter la contribution de l'UE au nouveau soutien financier de 50 milliards de dollars décidé lors du sommet du G7 en juin 2024. Ce montant a été apprécié en tenant compte des nouveaux besoins de financement de l'Ukraine, tels qu'ils ont été réévalués par le FMI à l'été 2024. S'agissant du mécanisme de coopération pour les prêts à l'Ukraine, il s'agit d'une mesure d'assistance pour aider l'Ukraine à rembourser ses prêts et une garantie de remboursement pour les préteurs du G7. Conformément au principe de proportionnalité, la proposition de règlement n'excède ainsi pas ce qui est nécessaire pour atteindre ses objectifs, à savoir le déblocage d'une nouvelle aide financière d'urgence pour l'Ukraine.

Compte tenu de l'urgence à fournir une nouvelle aide, la proposition de la Commission invoque l'exception au délai de 8 semaines prévue à l'article 4 du protocole n°1 sur le rôle des parlements nationaux dans l'UE, annexé au Traité sur l'Union européenne, au Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et au Traité instituant la Communauté européenne de l'énergie atomique.

Compte tenu de ces observations, le groupe de travail sur la subsidiarité a décidé de ne pas intervenir plus avant sur ce texte au titre de l'article 88-6 de la Constitution.


* 1 Décision (UE) 2022/313 du Parlement européen et du Conseil du 24 février 2022.

* 2 Traduite ensuite dans la décision (UE) 2022/16281 du Parlement européen et du Conseil du 20 septembre 2022.

* 3 Règlement (UE) 2022/2463 du Parlement européen et du Conseil du 14 décembre 2022.

* 4 Règlement (UE) 2024/792 du Parlement européen et du Conseil du 29 février 2024 établissant la facilité pour l'Ukraine.

* 5 Présenté en mars 2024, le « Plan pour l'Ukraine » expose les mesures de reconstruction et de modernisation ainsi que les réformes que l'Ukraine entend entreprendre dans le cadre de son processus d'adhésion à l'UE. En mai 2024, le Conseil a rendu une évaluation positive de ce plan.

* 6 Décision (PESC) 2024/1470 du Conseil du 21 mai 2024.


Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte déposé au Sénat le 01/10/2024


La commission des affaires européennes n'est pas intervenue sur ce texte.