COM(2024) 132 final  du 20/03/2024

Contrôle de subsidiarité (article 88-6 de la Constitution)


Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant l'amélioration des conditions de travail des stagiaires et le contrôle du respect de ces conditions ainsi que la lutte contre les relations d'emploi traditionnelles déguisées en stages (la « directive Stages ») (COM(2024) 132)

D'après l'enquête européenne sur les forces de travail1(*), l'Union européenne compte 3,1 millions de stagiaires (données de 2019), dont 1,6 million rémunérés et 1,5 million non rémunérés.

À la suite de l'évaluation de la recommandation du Conseil de 2014 relative à un cadre de qualité pour les stages, réalisée en 2022-2023, la Commission européenne a identifié plusieurs lacunes concernant notamment le respect des droits des stagiaires, et estimé qu'un texte législatif était nécessaire en la matière.

Le rapport final de la conférence sur l'avenir de l'Europe avait d'ailleurs appelé à ce que les stages respectent des normes de qualité, notamment en matière de rémunération, et à ce que certains stages non rémunérés sur le marché du travail soient interdits au moyen d'un instrument juridique.

De même, le Parlement européen a adopté, le 14 juin 2023, une résolution fondée sur l'article 225 du TFUE invitant la Commission à mettre à jour et à renforcer la recommandation du Conseil de 2014 et en faire un instrument législatif plus puissant.

Dans ce contexte, la Commission a annoncé une mise à jour du cadre de qualité pour les stages dans son programme de travail 2023, au titre de son engagement à mettre en oeuvre le plan d'action sur le socle européen des droits sociaux et à atteindre les objectifs de l'UE pour 2030 dans les domaines de l'emploi, des compétences et de la réduction de la pauvreté.

La directive proposée s'accompagne d'une proposition de recommandation du Conseil, qui vise à réviser la recommandation de 20142(*).

La proposition de directive vise à remédier à deux situations problématiques, constatées dans le rapport d'évaluation de la recommandation de 2014 :

ï Le stage est utilisé aux fins prévues, c'est-à-dire pour offrir au stagiaire la possibilité d'acquérir une expérience pratique et professionnelle, d'étoffer ses compétences et d'accéder au marché du travail, mais n'est pas conforme à la législation de l'UE ou nationale applicable ;

ï Le stage n'est pas utilisé aux fins prévues mais remplace un poste de salarié traditionnel (« faux stage ») ; il s'agit alors d'une relation de travail traditionnelle déguisée en stage. Dans de tels cas, le droit de l'UE ou la législation et les conventions collectives nationales qui concernent les travailleurs traditionnels ne sont pas appliqués.

1. Le contenu de la proposition législative de la Commission

La proposition de directive vise à :

Ø Améliorer et faire respecter les conditions de travail des stagiaires

La proposition de directive établit le principe de non-discrimination afin de garantir que, en ce qui concerne les conditions de travail (dont la rémunération), les stagiaires ne soient pas traités d'une manière moins favorable que les travailleurs comparables du même établissement, à moins qu'un traitement différent ne soit justifié par des raisons objectives, telles que des tâches différentes, des responsabilités moindres, une plus faible intensité de travail ou le poids de la composante «apprentissage et formation».

La directive proposée contient un certain nombre de dispositions qui aident les stagiaires à faire valoir leurs droits en tant que « travailleurs ». Par exemple, elle garantit aux représentants des travailleurs la possibilité d'engager des procédures pour faire respecter les droits des stagiaires. Elle établit l'obligation, pour les États membres, de prévoir des canaux de communication permettant aux stagiaires de signaler les mauvaises pratiques et conditions de travail.

Ø Lutter contre les relations de travail traditionnelles déguisées en stages

La directive proposée demande aux États membres de prévoir que les autorités compétentes effectuent des contrôles et des inspections efficaces afin de repérer les relations de travail traditionnelles déguisées en stages (« faux stages ») et de prendre des mesures pour faire respecter les règles. Pour déterminer si un stage constitue une relation de travail traditionnelle déguisée en stage, les autorités compétentes devraient tenir compte, dans leurs évaluations globales, d'un ensemble d'éléments indicatifs définis au niveau de l'UE. Pour faciliter cette évaluation, les employeurs doivent donner aux autorités compétentes accès à certaines informations, notamment le nombre et la durée des stages ainsi que les conditions de travail s'y rapportant. Les États membres sont également tenus de fixer une limite concernant la durée excessive d'un stage et le nombre de stages répétés, y compris consécutifs, auprès du même employeur.

En outre, la directive proposée impose aux États membres de faire en sorte que les employeurs améliorent la transparence en fournissant des informations sur les tâches à effectuer et les conditions de travail.

2. Cette proposition législative est-elle conforme aux principes de subsidiarité et de proportionnalité ?

La proposition est fondée sur l'article 153, paragraphe 2, point b), du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), qui prévoit l'adoption de directives fixant des prescriptions minimales applicables, entre autres, aux «conditions de travail» visées à l'article 153, paragraphe 1, point b), du TFUE, tout en évitant d'imposer des contraintes administratives, financières et juridiques telles qu'elles contrarieraient la création et le développement de petites et moyennes entreprises. Étant donné que la proposition de directive ne contient pas de mesures ayant une incidence directe sur le niveau des rémunérations, elle respecte les limites imposées à l'action de l'Union par l'article 153, paragraphe 5, du TFUE.

L'initiative participe à l'objectif de convergence sociale au sein de l'Union européenne, en reposant sur une harmonisation minimale des systèmes nationaux qui respecte la liberté des États membres de fixer des normes plus rigoureuses.

Le principe de proportionnalité semble, par ailleurs, respecté compte tenu de la nature des problématiques à résoudre et des solutions envisagées. Par exemple, les employeurs ne doivent fournir des informations sur les stages aux autorités que sur demande. Toutefois, il faudra veiller, lors des négociations du texte qui sont en cours, à certaines dispositions qui peuvent paraître trop prescriptives, notamment à l'article 4 qui ajouterait de nouvelles missions aux corps d'inspection, et notamment à l'inspection du travail française. De même, une attention devra être portée, lors des négociations, sur les critères fixés à l'article 5 pour déterminer si un stage constitue un « faux stage ».

Compte tenu de ces observations, le groupe de travail sur la subsidiarité a décidé de ne pas intervenir plus avant au titre de l'article 88-6 de la Constitution.


* 1 https://ec.europa.eu/eurostat/fr/web/microdata/european-union-labour-force-survey

* 2 https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:52024DC0133


Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte déposé au Sénat le 30/04/2024