COM(2011) 632 final  du 11/10/2011

Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte déposé au Sénat le 19/10/2011
Examen : 04/11/2011 (commission des affaires européennes)


Questions sociales et santé

Textes E 6711 et E 6712

Information des patients et pharmacovigilance

COM (2011) 632 final et COM (2011) 633 final

(Procédure écrite du 4 novembre 2011)

Les textes E 6711 et E 6712 sont des propositions de règlement et de directive modifiées, remplaçant des propositions antérieures de la Commission européenne, datant de 2008, visant à faire évoluer la législation européenne relative à l'information des patients sur les médicaments soumis à prescription.

La commission des affaires européennes s'était prononcée en mai 2010 sur ces initiatives (voir les textes E 4184 et E 4185) et avait alors constaté la situation de blocage au sein du Conseil, où douze États avaient demandé le retrait pur et simple des propositions. Éléments d'un ensemble législatif plus important, baptisé « paquet pharmaceutique », ces textes ont été au final mis de côté par les présidences du Conseil successives qui ont choisi de donner la priorité aux autres composantes du paquet, les propositions de directive et de règlement concernant la pharmacovigilance et les médicaments falsifiés, respectivement adoptées en décembre 2010 et mai 2011.

Si le Conseil n'a jamais commencé ses travaux sur les propositions de la Commission, la commission ENVI (Environnement, santé publique et sécurité alimentaire) du Parlement européen les a examinées et a adopté en septembre 2010 le rapport de M. Christophe Fjellner, proposant de nombreux amendements. Lors de sa session plénière du 22 novembre 2010, le Parlement européen a adopté les deux textes amendés. Les propositions modifiées qui sont soumises à l'examen de la commission des affaires européennes s'appuient très largement sur le texte du Parlement. La Commission européenne a saisi par ailleurs cette occasion pour introduire au sein de ce véhicule législatif des mesures visant à renforcer le système de pharmacovigilance européen, suite au scandale du Médiator en France.

1) les dispositions relatives à l'information des patients

a) l'ancien projet controversé de la Commission

Le projet initial de la Commission avait suscité de fortes oppositions parmi les États membres. Rappelons ici quel en était l'esprit ainsi que les critiques qu'il a reçues :

Il s'agissait de modifier la directive 2001/83/CE qui interdit la publicité pour les médicaments délivrés sur prescription médicale, en accordant aux laboratoires pharmaceutiques la possibilité de communiquer au grand public des informations sur ces médicaments, à travers des moyens de diffusion tels que la presse écrite et les sites Internet, sans que cela puisse être considéré comme de la publicité.

Le principal point de fixation des États membres hostiles à la proposition de la Commission était l'absence d'une définition claire et précise de l'« information » permettant de la différencier de la publicité. La Commission se bornait en effet à énumérer quelques « types d'informations qui peuvent être diffusés au public » (résumé des caractéristiques du produit, version publique du rapport d'évaluation, impact environnemental, prix, mesures d'accompagnement du traitement des maladies, etc), en indiquant, sans autre formalisme, que, par principe, ces informations ne seront pas considérées comme de la publicité. Autre difficulté : le projet de directive privilégiait les firmes pharmaceutiques comme source d'information auprès du public, au détriment du rôle des autorités compétentes et des professionnels de santé. Enfin, les propositions de la Commission portaient le risque de perturber la relation de confiance entre patients et médecins.

b) les nouvelles propositions

Le nouveau projet de la Commission européenne s'attache à définir un cadre juridique régissant la fourniture au public d'informations objectives et non promotionnelles sur les médicaments délivrés sur prescription par les firmes pharmaceutiques, et maintient le principe actuel de l'interdiction de publicité pour ces médicaments. Elle contourne ainsi le débat sur la distinction entre les notions de publicité et d'information qui n'est pas interprétée de façon uniforme dans l'Union. Il n'en demeure pas moins souhaitable que ces notions fassent à l'avenir l'objet d'une définition et d'une interprétation uniformes dans l'ensemble des États membres aux fins de garantir la sécurité des patients.

Certains types d'information devront être fournis obligatoirement par les laboratoires titulaires d'une autorisation de mise sur le marché (AMM) : le résumé des caractéristiques du produit, les mentions figurant sur l'étiquette et dans la notice, ainsi que le rapport d'évaluation des autorités sanitaires. En outre, ils pourront mettre à la disposition du public des informations sur le prix, les précautions d'emploi ou relatives aux essais précliniques et cliniques, ainsi qu'un résumé des demandes d'information les plus fréquentes et les réponses correspondantes.

Les informations devront par ailleurs satisfaire à des critères de qualité rigoureux. Ainsi, elles devront :

- être objectives et impartiales (en ce sens, si elles se réfèrent aux bienfaits d'un médicament, elles en mentionneront également les risques) ;

- être fiables, factuellement correctes et non trompeuses ;

- être compréhensibles et parfaitement lisibles ;

- répondre aux besoins des patients et à leurs attentes ;

- se fonder sur des preuves et être vérifiables.

Afin de garantir le caractère objectif et non promotionnel de l'information, il est prévu que toute information n'ayant pas été approuvée dans le cadre de l'AMM devra être agréée par les autorités nationales compétentes avant de pouvoir être mise à la disposition du public par l'entreprise détentrice de l'AMM. Un système dérogatoire sous forme de contrôle ex-post est envisagé pour certains États chez lesquels un contrôle préalable contreviendrait au principe de liberté d'expression.

Enfin, la future directive limite la communication de ces informations à des sites Internet officiellement enregistrés auprès des autorités nationales et à de la documentation imprimée (rédigée par le titulaire de l'AMM) mise à disposition sur demande des particuliers ou par l'intermédiaire de professionnels de santé. La télévision, la radio et la presse écrite sont donc exclues du nouveau dispositif. Ce choix symbolise le recentrage du projet sur les droits et les intérêts du patient. Une approche à la « demande » (ou « pull principle ») selon laquelle les patients ou le public ont accès aux informations dont ils ont besoin, est à présent privilégiée au détriment d'une diffusion de l'information non sollicitée (ou « push principle »), des titulaires d'AMM vers les patients et le public.

En conclusion, il est indéniable que les travaux du Parlement européen ont amélioré le matériau de départ que constituaient les propositions de la Commission présentées en 2008. Toutefois, il n'est pas interdit de penser à l'instar du gouvernement français que cette législation n'est pas nécessaire. L'information sur les médicaments soumis à prescription ne devrait-elle pas, en effet, être limitée aux documents émanant des autorités publiques ? De plus, le choix de la Commission de faire entrer les laboratoires dans le circuit d'information va entraîner pour les États membres des charges administratives et financières supplémentaires dans la mesure où leurs autorités sanitaires devront nécessairement assumer un travail de contrôle sur l'information communiquée. Enfin, en excluant la communication de données permettant la comparaison entre médicaments, la future législation ne présente-t-elle pas un intérêt limité pour les patients et le grand public ?

2) les dispositions relatives à la pharmacovigilance

La Commission européenne a réalisé dans les premiers mois de 2011 un « stress-test » de la nouvelle législation européenne en matière de pharmacovigilance adoptée en décembre 2010 (directive 2010/84/UE et règlement (UE) n° 1235/2010) afin de la confronter au cas du « Mediator », médicament retiré du marché dans plusieurs pays de l'Union au début des années 2000 sans que cela entraîne de conséquences sur sa commercialisation dans d'autres États, dont la France. Cette étude, dont les résultats ont été rendus publics le 5 avril 2011, a permis de mettre en lumière deux dysfonctionnements majeurs.

Le premier de ces dysfonctionnements concerne la disparition du caractère automatique de la procédure d'expertise au niveau européen en cas de retrait, suspension ou modification de l'AMM d'un médicament dans un État membre. En pareilles circonstances, la directive 2001/83/CE prévoit que l'Agence européenne du médicament est saisie du dossier dans le but d'indiquer à la Commission européenne les mesures réglementaires qu'il convient de prendre dans les autres États. La directive de 2010 a substitué à ce système une « procédure d'urgence de l'Union européenne ». Celle-ci, selon les termes de la nouvelle directive, ne peut toutefois produire ses effets que si un caractère d'urgence est expressément souligné par la Commission européenne ou l'État membre ; en l'absence d'urgence, les autres États où le produit est autorisé seront privés de l'information relative au retrait, à la suspension ou à la modification de l'AMM. Afin d'éviter cette situation, le texte E 6712 établit donc de nouveau un examen automatique à l'échelle de l'Union dès qu'un État membre prend des mesures vis-à-vis d'un médicament jugé dangereux.

Le deuxième dysfonctionnement avait trait au retrait volontaire d'un médicament du marché d'un État membre par un laboratoire. Il n'existe pas actuellement de disposition prévoyant le déclenchement d'une procédure européenne en pareil cas ; la législation de 2010 ne résout pas non plus ce problème. Rien ne permet donc de vérifier si le retrait d'un produit du marché (par exemple pour des raisons commerciales) ne masque pas en réalité des problèmes de sécurité. Le texte E 6712 propose donc que les laboratoires qui retirent un médicament sur une base volontaire soient obligés d'expliquer les motifs de leur décision.

La Commission a souhaité également améliorer une mesure issue de la législation de 2010 qui prévoit l'établissement par l'Agence européenne du médicament d'une liste publique de médicaments faisant l'objet d'une surveillance supplémentaire ; la législation actuelle fixe par principe que tous les médicaments contenant une nouvelle substance active et les médicaments biologiques devront figurer sur cette liste mais ne rend pas obligatoire d'y inscrire les médicaments qui font l'objet d'une étude de sécurité post-autorisation de mise sur le marché. Ainsi, la liste ne donnera pas à voir l'ensemble des médicaments sujets à une surveillance supplémentaire. Dans un souci de transparence, le texte E 6711 prévoit donc d'inclure systématiquement à la liste les médicaments auxquels s'appliquent des conditions et exigences de sécurité.

Ces modifications sont les bienvenues car elles permettent de renforcer l'actuel dispositif européen de sécurité du médicament, dans l'intérêt des patients.

Il faudra toutefois à l'avenir que la Commission se saisisse d'autres questions dans le domaine du médicament, en particulier celle de l'utilisation de données comparatives dans l'évaluation du rapport bénéfices/risques au moment de l'octroi de l'AMM. Le gouvernement français tente d'ailleurs d'oeuvrer en ce sens ; il a ainsi proposé, en avril dernier, que l'on retienne le principe selon lequel un nouveau médicament, avant son autorisation, doit présenter un réel bénéfice pour le patient, ce en démontrant que le rapport bénéfices/risques du médicament est au moins équivalent à celui d'un autre médicament de référence, si celui-ci existe.

Sous le bénéfice de ces observations, la commission a décidé de ne pas intervenir plus avant sur ces deux textes.