COM (2008) 308 final
du 21/05/2008
Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution
Texte déposé au Sénat le 13/06/2008Examen : 08/07/2008 (délégation pour l'Union européenne)
Politique de coopération
Rapport d'information de M. Jacques Blanc
sur la
politique européenne de voisinage
Texte E 3886 - COM (2007)
308 final
(Réunion du 8 juillet 2008)
M. Jacques Blanc :
La politique de voisinage de l'Union européenne est devenue, depuis sa création en 2002, une composante primordiale des relations extérieures de l'Union européenne. Signe de son importance, elle est mentionnée dans le traité de Lisbonne (article 8 du traité sur l'Union européenne). Mais, de façon paradoxale, alors qu'elle a fait l'objet de développements récents et qu'elle prend de plus en plus d'importance au niveau de l'Union, elle reste méconnue en France. Elle mérite pourtant qu'on lui accorde une attention toute particulière à trois égards :
- d'abord, la réussite de la politique de voisinage est une condition de la stabilité et de la sécurité de l'Europe,
- ensuite, elle est en pleine transformation et sa cohérence est menacée. Elle doit en effet s'adapter aujourd'hui à une triple dimension régionale inédite : une dimension méditerranéenne, une dimension « mer Noire » et une dimension « mer Baltique ».
- enfin, elle est un enjeu de politique extérieure pour l'Union européenne, notamment au regard des rapports entre l'Europe et la Russie.
Au-delà de ces enjeux, le Sommet du 13 juillet sur l'Union pour la Méditerranée me semble justifier pleinement notre démarche. En effet, il constitue, à mon avis, un moment charnière, un rendez-vous déterminant pour l'avenir de la politique européenne de voisinage. J'effectue donc ici un rapport d'étape, et je réaliserai un rapport définitif, au cours du second semestre, afin de tenir compte des évolutions survenues depuis le sommet du 13 juillet 2008.
Je vais d'abord rapidement vous présenter la politique de voisinage, ses résultats et sa perception par les pays partenaires. Ensuite, j'insisterai sur les défis auxquels elle est aujourd'hui confrontée. Je conclurai par l'enjeu qu'elle représente pour l'Union européenne en termes de politique extérieure.
I - UNE POLITIQUE COMPLEXE, EFFICACE MAIS PERFECTIBLE
1. À qui s'adresse la politique de voisinage ?
La politique de voisinage s'adresse à 16 pays voisins de l'Union européenne, qu'ils soient méditerranéens, de l'Est ou du Caucase : Algérie, Arménie, Azerbaïdjan, Biélorussie, Égypte, Géorgie, Israël, Jordanie, Liban, Libye, Moldavie, Maroc, Autorité Palestinienne, Syrie, Tunisie et Ukraine. Elle est distincte du processus d'élargissement et ne préjuge pas des relations futures entre l'Union et ces pays, que je désignerai dans ma communication comme « les pays voisins ».
2. Quels sont les objectifs de la politique de voisinage ?
La politique de voisinage a été conçue pour répondre aux défis suscités par le dernier élargissement et vise à sécuriser les frontières extérieures de l'Union en créant un « cercle d'amis » partageant ses objectifs et ses valeurs.
Plus précisément, elle vise deux objectifs principaux. D'une part, éviter l'émergence de nouvelles lignes de division entre l'Union élargie et ses voisins. D'autre part, renforcer la prospérité, la stabilité et la sécurité de tous, notamment à travers le développement de la coopération régionale entre les pays voisins (entre les pays méditerranéens d'une part, et entre les pays de l'Est et du Caucase d'autre part, mais aussi entre pays méditerranéens et pays de l'Est et du Caucase).
3. Quels sont les instruments et les principes de la politique de voisinage ?
La politique de voisinage a pour instrument central les plans d'action, qui sont des documents bilatéraux fondés sur les besoins du pays voisin concerné. Ils établissent un agenda de travail de 3 à 5 ans, qui prévoit des objectifs de réformes dans les domaines politique et économique, ainsi que le rapprochement des législations avec l'acquis communautaire. Ils envisagent également la participation des pays voisins à certains programmes communautaires. Les plans d'action n'ont pas de valeur juridique, mais politique. À ce jour, 12 pays ont adopté des plans d'action : les 16 pays moins l'Algérie, la Biélorussie, la Libye et la Syrie.
La méthode de la politique de voisinage est très spécifique. Elle repose sur les principes de différenciation, d'appropriation et de conditionnalité. Les principes de différenciation et d'appropriation signifient que le rythme de l'approfondissement des relations avec chacun des voisins de l'Union dépend de leur capacité propre à remplir les objectifs du plan d'action. Le principe de conditionnalité signifie quant à lui que l'aide octroyée par la Commission dans le cadre de la politique de voisinage dépend des réformes engagées et concrètement mises en oeuvre dans les pays partenaires, notamment sur la question des droits de l'homme.
4. Comment est financée la politique de voisinage ?
Les financements de la politique de voisinage sont regroupés dans l'Instrument européen de voisinage et de partenariat (IEVP) depuis le 1er janvier 2007. Celui-ci regroupe les fonds destinés aux anciens programmes TACIS et MEDA. Pour la période budgétaire 2007/2013, le financement communautaire de la politique de voisinage s'élève à 12 milliards d'euros, en augmentation de 32 % par rapport à la précédente période budgétaire. Les sommes sont réparties entre les pays du Sud et les pays de l'Est selon un partage 2/3-1/3, ce qui est équitable si l'on rapporte les sommes globales au nombre d'habitants.
La politique de voisinage bénéficie en outre de deux instruments de financement spécifiques. La facilité de gouvernance vise à récompenser les pays ayant fait le plus de progrès dans la mise en oeuvre annuelle de leurs plans d'action. La Commission souhaite lui consacrer 300 millions d'euros entre 2007 et 2013. En 2007, cette facilité de gouvernance a profité au Maroc et à l'Ukraine. Le Fonds d'investissement voisinage sert quant à lui à soutenir les prêts des institutions financières internationales dans les pays partenaires, dans des domaines comme l'énergie, les transports ou l'environnement. Le but est de créer un fort effet de levier. La Commission prévoit d'y investir 700 millions d'euros sur la période 2007/2013. Les États membres de l'Union européenne sont également invités à égaler la contribution communautaire. Quelques pays ont annoncé leur intention d'y contribuer dès 2008 (Italie, Allemagne et Suède).
5. Quelle appréciation porter sur la politique de voisinage ?
Le premier bilan de la politique de voisinage est plutôt positif dans la plupart des domaines de coopération prévus par les plans d'action. Elle échoue cependant dans la résolution des conflits gelés (Abkhazie, Ossétie du Sud, Transnistrie, Haut-Karabagh), et le renforcement de la coopération régionale entre les pays voisins, notamment entre pays méditerranéens et pays de l'Est. Malgré son efficacité avérée, la politique de voisinage est plutôt mal perçue par les pays partenaires, et ce pour plusieurs raisons.
D'une part, elle est trop unilatérale et asymétrique. En effet, la notion même de « voisin » connote leur infériorité, leur état de périphérie, par rapport au centre que serait l'Union européenne. En outre, la Commission donne le sentiment d'imposer les plans d'action plutôt que de les négocier avec les pays partenaires.
Ensuite, cette politique est très complexe et pas forcément adaptée dans sa démarche, notamment au regard de l'application du principe de conditionnalité. En effet, il conditionne l'aide financière apportée aux progrès réalisés par les réformes. Or, pour être réalisées, les réformes nécessitent un financement adéquat. La Commission n'adopte donc pas forcément la démarche la plus constructive à travers l'application stricte de ce principe. De plus, malgré les fonds importants qui sont consacrés à la politique de voisinage, ceux-ci sont encore insuffisants pour répondre pleinement à ses objectifs ambitieux.
Enfin, la politique de voisinage est encore beaucoup trop « technocratique », dans la mesure où le Parlement européen, les parlements nationaux et la société civile n'y sont que très peu associés. La Commission conserve jalousement ses prérogatives en la matière, et ne fait pas encore assez d'efforts pour impliquer d'autres acteurs et la rendre plus partenariale. De fait, peu de citoyens européens la connaissent, tandis qu'elle est quasiment inconnue dans les pays voisins, malgré les avancées positives qu'elle permet. Il faut donc remédier à cette défaillance majeure.
II - UNE POLITIQUE EN PLEINE ÉVOLUTION, DONT LA COHÉRENCE EST FRAGILISÉE PAR LA REVENDICATION DE STATUTS DIFFÉRENCIÉS ET LA MULTIPLICATION D'INITIATIVES RÉGIONALES
À peine six ans après sa création, la politique de voisinage est aujourd'hui confrontée à des défis déterminants pour sa pérennité, notamment des risques d'éclatement. A quoi cela est-il dû ?
1. La multiplication des tensions et rivalités entre les États membres
La politique de voisinage est la source de différends et de tensions entre les États membres, qui s'opposent entre partisans d'un renforcement de la dimension orientale et caucasienne de la politique de voisinage, et partisans d'une intensification des relations avec les pays méditerranéens, comme en témoignent les différentes présidences du Conseil depuis la présidence allemande (alternance entre une priorité à l'Est et une priorité au Sud). Ce clivage entre États membres nuit au développement harmonieux de la politique de voisinage car il se répercute sur les pays voisins entre lesquels se développe une certaine méfiance (ils sont rivaux par rapport au financement et à l'intérêt que leur accorde l'Union). Dès lors, l'objectif de coopération régionale ne peut qu'échouer.
2. Les rivalités entre pays voisins qui revendiquent des statuts ad hoc
La rivalité entre États membres se répercute sur les États voisins, qui aspirent à négocier des statuts individualisés avec l'Union européenne, pour avancer plus vite que leurs « voisins ». À titre d'exemple, l'Ukraine négocie actuellement un « accord renforcé », qui doit selon elle prendre en compte ses aspirations européennes. Le Maroc négocie un « statut avancé », qui doit lui permettre d'approfondir ses relations politiques et économiques avec l'Union européenne. Enfin, Israël revendique un « statut spécial », qui fait d'ailleurs polémique. Les demandes israéliennes visent en effet à faire d'Israël un quasi membre de l'Union européenne. Or, ces négociations se font jusqu'à présent dans l'opacité la plus totale.
La multiplication de ces statuts ad hoc pose problème, car elle risque de diluer la solidarité existante, compromettant ainsi l'objectif de coopération régionale. De plus, la différenciation est porteuse de risques d'éclatement pour la politique de voisinage, qui ressemble de plus en plus à une mosaïque d'accords et d'instruments, reflétant un voisinage à plusieurs vitesses.
3. La multiplication des initiatives régionales
Ce phénomène est encore accentué par la multiplication des initiatives régionales, que je ne ferai que citer ici : la « Synergie de la mer Noire », proposée en 2007 par la Commission dans le cadre de la politique de voisinage ; « l'Union pour la Méditerranée », projet français remanié par la Commission ; le « Partenariat oriental », initiative polono-suédoise, ou encore « l'Union pour la mer Noire » récemment proposée par le groupe socialiste européen.
La multiplication de tous ces projets concurrents pose la question de leur articulation entre eux, mais surtout avec la politique de voisinage elle-même. De fait, toutes ces initiatives régionales provoquent un risque de délitement de la cohérence de la politique de voisinage, voire son démantèlement. La politique de voisinage doit s'adapter à cette nouvelle réalité. À cet égard, on peut se demander s'il est pertinent de maintenir le système de négociation bilatéral actuel, ou s'il ne vaudrait pas mieux favoriser des systèmes nouveaux, tel que celui de l'Union pour la Méditerranée, qui privilégie davantage un cadre multilatéral, plus propice au développement de la coopération régionale.
Toutes ces initiatives régionales présentent un intérêt certain, à commencer par l'Union pour la Méditerranée. Je pense qu'il est indispensable pour leur réussite que la politique de voisinage parvienne à s'adapter à cette nouvelle dimension régionale, en les articulant et en les coordonnant de façon cohérente. En effet, une mauvaise articulation de toutes ces initiatives à la politique de voisinage impliquerait certainement un éparpillement des fonds et attiserait les divisions, en créant des déséquilibres entre les différentes zones concernées. À cet égard, je pense que le succès du projet d'Union méditerranéenne, à commencer par le sommet du 13 juillet, est une condition nécessaire pour garantir une évolution réussie de la politique européenne de voisinage. Celle-ci nous interroge aussi sur les frontières de l'Union. Le débat reste ouvert et évolue finalement à chaque génération, en fonction du contexte géopolitique. La politique de voisinage ne doit donc pas absorber ces dimensions régionales en les uniformisant, mais plutôt favoriser l'expression de leur diversité et de leur dynamisme. De ce point de vue, je tiens à saluer le dynamisme de la coopération méditerranéenne. Le premier Forum des autorités locales et régionales de la Méditerranée s'est ainsi tenu à Marseille les 22 et 23 juin dernier, et a abouti à une déclaration commune.
III - LA POLITIQUE DE VOISINAGE, UN ENJEU DE POLITIQUE EXTÉRIEURE POUR L'UNION EUROPÉENNE
J'en viens maintenant à mon troisième point. La politique de voisinage a pour but ultime la stabilité et la prospérité de l'Europe. Mais elle a aussi, indéniablement, des répercussions sur les relations extérieures de l'Europe. Quelles sont ces répercussions ?
1. La politique de voisinage ne peut ignorer les relations avec la Russie
L'Union européenne éprouve des difficultés certaines à articuler sa politique de voisinage avec ses relations avec la Russie. Cette dernière ne cache pas ses réticences au regard de cette politique, à laquelle elle a d'ailleurs refusé de participer. Comment expliquer la crispation russe ?
D'abord, la politique de voisinage ne prend pas en compte la spécificité russe. La Russie se considère en effet comme un partenaire particulier de l'Union du fait de sa position géographique et de son rôle comme acteur global sur la scène internationale. Ensuite et surtout, la Russie perçoit la politique de voisinage comme une ingérence inacceptable dans son « étranger proche », sa zone d'influence, à travers le processus d'européanisation amorcé dans les pays qui sont à ses frontières via l'alignement sur les normes et valeurs européennes.
Ainsi, la politique de voisinage est doublement importante pour la sécurité de l'Union européenne : non seulement elle est censée stabiliser les pays du voisinage, mais elle ne doit pas susciter la désapprobation de la Russie, avec qui l'établissement de relations harmonieuses est l'une des conditions essentielles de la sécurité européenne.
2. La politique de voisinage interroge l'Union européenne sur son rôle de stabilisateur dans le monde
L'un des enjeux principaux de la politique de voisinage pour l'Union européenne est de prouver qu'elle est capable de propager la stabilité sans perspective d'adhésion. En effet, il s'agit pour elle de montrer, avec cette politique, que, même si elle ne peut pas offrir à tous les pays instables une perspective d'adhésion, elle peut quand même jouer une influence positive sur les pays tiers qui doivent mettre en oeuvre des réformes. Si la politique de voisinage échoue, cela signifiera que seule la perspective d'adhésion à l'Union est capable de garantir le succès des réformes. Or, tous les pays du voisinage n'ont pas vocation à adhérer. L'échec de la politique de voisinage équivaudrait à un aveu d'impuissance de l'Europe sur la scène internationale. C'est pourquoi le projet d'Union pour la Méditerranée, qui apporte un souffle nouveau à la politique européenne de voisinage, me paraît fondamental.
Au-delà de cet enjeu, la politique de voisinage permet peu à peu de façonner une nouvelle conception du rôle de l'Union dans le monde. C'est pourquoi il est nécessaire que les États membres cessent de percevoir le voisinage de l'Union comme la juxtaposition de zones différentes, mais l'envisagent comme un composant essentiel de la présence internationale de l'Union européenne. Pour cela, je répète que la politique de voisinage doit s'enrichir de la triple dimension régionale que j'ai déjà mentionnée, en adoptant ses structures et ses principes, voire en changeant de nom. Je rappelle en effet que le nom de la politique de voisinage est peu apprécié par les pays partenaires.
Enfin, la politique de voisinage est surtout un enjeu de crédibilité pour l'Union européenne. Si cette dernière ne parvient pas à s'imposer comme un acteur solide dans son propre voisinage, faute pour les États de surmonter leurs divisions et leurs rivalités, comment pourrait-elle alors prétendre à devenir un acteur global ? À cet égard, la politique de voisinage renvoie l'Union à ses propres faiblesses, ce qui lui donne une portée stratégique qui va bien au-delà de ses objectifs avoués.
En conclusion, je voudrais insister une nouvelle fois sur les points les plus problématiques de la politique de voisinage et proposer quelques recommandations pour y remédier :
1. La Commission européenne est omnipotente dans la politique de voisinage. Il faut remédier à un double déséquilibre. D'une part, la Commission doit rééquilibrer le dialogue avec les pays partenaires, pour que les relations deviennent plus partenariales et concertées qu'unilatérales. D'autre part, la Commission doit impliquer davantage les autres institutions européennes, les parlements nationaux et la société civile dans la conception, la mise en oeuvre et le suivi de la politique européenne de voisinage.
2. La politique européenne de voisinage perd sa cohérence et son unité, au détriment du principe de solidarité. Il faut d'abord plus de transparence dans la négociation des différents statuts ad hoc. Ensuite, la politique de voisinage doit assouplir et adapter son cadre actuel pour mieux coordonner les trois zones régionales, qui me paraissent de plus en plus incontournables. Pour cela, la Commission doit en particulier travailler sur l'articulation des différents projets et statuts entre eux, dans le cadre d'une politique de voisinage aux structures plus flexibles.
3. La politique de voisinage a échoué dans la résolution des conflits gelés et la coopération régionale entre les pays voisins. Il faut donc renforcer les efforts et les financements dans ces deux domaines. De plus, une coopération accrue avec le Comité des régions pourrait être envisagée afin de favoriser le développement de coopérations sous-étatiques, notamment au niveau régional.
4. La politique de voisinage souffre d'un manque de visibilité et de communication. Il faut donc renforcer les efforts de communication et d'information auprès de la société civile, notamment dans les pays voisins, en insistant par exemple sur les réalisations concrètes permises par la politique européenne de voisinage.
Compte rendu sommaire du débat
Mme Alima Boumediene-Thiery :
La politique européenne de voisinage est l'un des programmes les plus importants de l'Union européenne. Elle participe au développement de relations privilégiées avec les pays de la rive sud de la Méditerranée.
Cependant, il y a, dans le cadre de cette politique, des non-dits qui me dérangent. J'ai l'impression qu'on évite certains sujets. Par exemple, quand on parle de coopération régionale, pourquoi ne pas évoquer le conflit israélo-palestinien ? Comment garantir des relations de bon voisinage si on ne fait pas avancer cette question ? Je constate qu'on éludait cette question au début de la politique de voisinage, et qu'on l'évite toujours, cinq ans après. Cela m'étonne.
Il en va de même pour la question du respect des droits de l'homme. Chaque accord d'association signé avec un pays méditerranéen comporte un article spécifique qui réaffirme que le partenariat ne peut se construire que dans le respect des droits de l'homme. Or, certains pays ignorent totalement cet aspect du partenariat, et on ne constate pourtant aucun rappel à l'ordre de la part de l'Union européenne. On a l'impression que cet article spécifique n'existe pas. Je m'étonne à nouveau qu'on n'aborde pas plus ces questions dans la politique européenne de voisinage. Les ONG aussi s'en étonnent. Pourtant la politique de voisinage devrait constituer une opportunité pour aborder ces questions.
Enfin, je perçois mal la spécificité du projet d'Union pour la Méditerranée par rapport à la politique européenne de voisinage, dans la continuité du processus de Barcelone. Je ne comprends pas bien comment ils s'articulent.
M. Jacques Blanc :
Sur le premier point, la paix est au coeur même des objectifs de la politique européenne de voisinage. Mais l'Europe a dit, de façon pragmatique, qu'on ne pouvait pas attendre la paix pour entreprendre des partenariats, sinon on n'avancerait jamais. La politique de voisinage peut-être un outil pour la paix, il faut qu'on le souligne.
Quant au respect des droits de l'homme, il figure explicitement comme objectif dans tous les plans d'action. La politique de voisinage ne peut résoudre à elle seule tous les conflits, mais elle favorise des évolutions positives en la matière. On ne peut pas faire porter à la politique européenne de voisinage la responsabilité de situations qui n'avancent pas aussi vite que ce que l'on souhaiterait. Au contraire, la politique de voisinage contribue à accélérer le processus de réforme dans ces domaines.
Mme Alima Boumediene-Thiery :
Il faut saisir les opportunités, comme celle-ci, pour exercer une pression. Je vous rappelle par exemple que, lorsque nous avions examiné, au début de 2005, l'accord euroméditerranéen avec la Tunisie, nous avions expressément demandé que tous les moyens prévus par l'accord d'association entre l'Union européenne et la Tunisie en faveur du respect des droits humains et des libertés fondamentales soient pleinement appliqués.
M. Jacques Blanc :
Quant à l'Union pour la Méditerranée, la question est de savoir si la Commission européenne acceptera une évolution de cette politique de voisinage pour tenir compte des dimensions nouvelles qui l'enrichissent, que ce soit les initiatives régionales ou l'objectif de parité entre le Nord et le Sud. Une réflexion sera sans doute nécessaire pour aboutir à un nouveau montage plus adapté que le système actuel.
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À l'issue de ce débat, la délégation a autorisé la publication de ce rapport d'information, paru sous le numéro 451 et disponible à l'adresse suivante :
www.senat.fr/europe/rap.html