COM (2008) 19 final
du 23/01/2008
Date d'adoption du texte par les instances européennes : 23/04/2009
Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution
Texte déposé au Sénat le 12/02/2008Examen : 22/02/2008 (délégation pour l'Union européenne)
Ce texte a fait l'objet de la proposition de résolution : voir le dossier legislatif
Environnement
Paquet Énergie-Climat
Textes E 3771,
E 3772, E 3774 et E 3780
COM (2008) 16 final à COM
(2008) 19 final
(Procédure écrite du 22 février 2008)
La Commission a adopté, le 23 janvier 2008, quatre propositions législatives connues sous le nom de « Paquet Énergie-Climat ». Ces propositions font suite aux conclusions du Conseil européen du 20 février 2007 en vue de développer une politique européenne en faveur du climat et de l'énergie. Elles s'inscrivent aussi dans le cadre plus large du programme européen sur le changement climatique qui a été décidé dès juin 2000. Ce sont les groupes de travail pluridisciplinaires créés grâce à ce programme qui sont ainsi à l'origine des propositions actuelles de la Commission.
Le Conseil européen avait souligné dans ses conclusions du 20 février 2007 qu'il était déterminé à faire de l'Europe une économie à haut rendement énergétique et à faible taux d'émission de gaz à effet de serre. Il avait appelé la Commission à « présenter des propositions qui prévoient des mesures d'encouragement appropriées favorisant des décisions en matière d'investissement novatrices et portant sur des technologies à faible émission de composés carbonés ».
Les propositions présentées le 23 janvier 2008 par la Commission sur la base de ce mandat du Conseil portent sur :
- le remplacement des plans nationaux d'allocation des quotas d'émission de CO2 par un système de mise aux enchères ou d'attribution gratuite de quotas régi par une réglementation communautaire uniforme pour l'ensemble de l'Union européenne ;
- l'inclusion des gaz à effet de serre autres que le CO2 dans ce système communautaire, qui serait applicable à toutes les grandes installations industrielles polluantes en 2013 et progressivement, d'ici à 2020, à l'aviation ;
- la fixation de règles déterminant la contribution de chaque État membre au respect de l'engagement pris par l'Union européenne de réduire globalement de 20 % d'ici à 2020 ses émissions de gaz à effet de serre ;
- la promotion du recours aux énergies renouvelables avec des objectifs chiffrés pour chaque État membre pour la production de l'électricité, de la chaleur et du froid ainsi que pour la promotion des biocarburants ;
- l'établissement d'un cadre juridique pour le stockage géologique du dioxyde de carbone sur le territoire des États membres.
Ces propositions complètent d'autres dispositions déjà adoptées en décembre 2007 par la Commission en dehors de ce paquet Énergie-Climat et qui portent sur :
- la qualité des carburants ;
- la réduction des émissions de CO2 des voitures particulières ;
- l'adoption de nouvelles normes d'émissions des véhicules utilitaires lourds dites Euro VI ;
- la prévention et la réduction intégrées de la pollution industrielle.
Elles prolongent d'autres décisions plus anciennes, comme celles de 2001 relatives à la promotion de l'électricité à partir de sources d'énergie renouvelables, de 2002 sur la performance énergétique des bâtiments, de 2004 sur la cogénération, de 2005 sur la conception de produits consommateurs d'énergie respectant davantage l'environnement ou de 2006 sur la réduction de certains gaz à effet de serre fluorés.
C'est dire si les mesures nationales en matière d'environnement dépendent maintenant des choix arrêtés au niveau européen.
L'ensemble des mesures contenues dans le paquet du 23 janvier ont fait l'objet d'intenses négociations entre la Commission et les États membres. Celles-ci vont se poursuivre tout au long de l'année 2008 et un accord politique est attendu avant les élections européennes qui auront lieu au printemps 2009.
Faute de pouvoir entrer dans le détail des trois propositions de directives et de la décision qui sont souvent très techniques, il importe surtout d'en mesurer l'impact pour notre pays.
La première remarque tient au fait que l'énergie nucléaire est la grande absente du paquet « Énergie-Climat », malgré le fait maintenant parfaitement reconnu par tous que cette industrie est très faiblement carbonée et qu'elle contribue à l'indépendance énergétique de l'Europe. On ne trouve en effet aucune disposition portant sur l'énergie nucléaire, ni dans la prise en compte du partage du fardeau rendu nécessaire pour atteindre les objectifs de réduction des gaz à effet de serre, ni dans la fixation des objectifs nationaux de promotion des énergies renouvelables. Or, la France produit en moyenne 25 % de dioxyde de carbone de moins que les autres États membres - notamment pour la production d'électricité qui est le secteur le plus émetteur de gaz à effet de serre - grâce à l'importance de son parc électronucléaire.
Il serait paradoxal qu'une telle situation ne soit prise en compte ni dans les objectifs, ni dans les moyens d'une politique de lutte contre le changement climatique, au moment même où, d'ailleurs, le prix des autres formes d'énergie augmente très fortement. Il en résulte que, par le fait que l'énergie nucléaire est écartée des renouvelables, l'objectif fixé à la France est de 23 % ; il excède sensiblement l'engagement déjà très ambitieux de 20 % annoncé par le gouvernement français, ce qui a conduit le Président de la République à faire part de ses préoccupations au Président de la Commission.
La seconde remarque concerne l'ajustement du système d'échanges de permis d'émission au regard des pays tiers. En effet, faute d'un mécanisme d'ajustement de ce dispositif aux frontières de l'Union européenne, les secteurs industriels exposés à la concurrence internationale risqueraient d'être lourdement pénalisés par leurs efforts en faveur de la protection de l'environnement du fait du renchérissement de leurs coûts de production par rapport aux industries situées dans des pays ne souscrivant pas à de tels engagements.
Le système pourrait en outre comporter un risque pervers d'incitation à la délocalisation de certaines activités fortement émettrices, qui viendrait s'ajouter à celle qui résulte des coûts salariaux ou sociaux. Il est à craindre que l'absence d'un tel mécanisme d'ajustement, largement combattu par les États non-industriels uniquement préoccupés de commerce international, n'accentue la défiance des opinions publiques au regard d'une Europe plus préoccupée par le libre-échange et la mondialisation que par le maintien d'une industrie européenne et par la protection sociale.
La troisième remarque porte sur la stratégie de l'Union européenne en matière de biocarburants. Si l'intérêt des agro-carburants n'est pas contestable, en particulier pour un pays agricole comme la France, des doutes sont apparus récemment sur leur impact environnemental. Cet impact pourrait être négatif d'après des travaux menés, non seulement par des organisations non gouvernementales, mais aussi par les propres services de la Commission.
En effet, un document élaboré par le Centre Commun de Recherche européen, organisme dépendant de la Commission, avec l'aide d'experts scientifiques nationaux choisis par la Commission elle-même, laisse entendre que les incertitudes dans ce domaine sont trop importantes pour permettre d'affirmer que l'objectif de 10 % de biocarburants d'ici à 2020 permettrait de réduire effectivement les émissions de gaz à effet de serre. Un rapport de la Chambre des Communes va dans le même sens. Il conviendrait à tout le moins que le respect de cet objectif chiffré soit envisagé avec prudence tant que la communauté scientifique n'a pas définitivement arrêté sa position au regard des bénéfices réels qu'apporterait une telle décision. D'autres préoccupations ont en outre été exprimées par diverses organisations non-gouvernementales quant aux conséquences d'un tel objectif sur le prix de l'alimentation humaine et animale, préoccupations qui ne peuvent laisser totalement indifférents.
Malgré ces trois remarques de fond, les propositions législatives de la Commission ont reçu un accueil favorable de la part des États membres qui les considèrent globalement comme une bonne traduction des décisions prises par le Conseil européen au printemps 2007. La Commission s'est en outre engagée à minimiser le coût de ces mesures pour les entreprises européennes. Elle est ainsi prête à tenir compte du poids réel de l'effort pour certains industriels, notamment en cas d'absence d'un accord international sur le climat post-Kyoto, par exemple par l'achat obligatoire de quotas d'émission européens de gaz à effet de serre par les importateurs de produits provenant de pays tiers ou par l'attribution de quotas gratuits aux industries européennes de haute intensité énergétique.
En tout état de cause, l'Europe ne peut rester inerte face au défi du changement climatique. Les mesures envisagées doivent certainement être arrêtées par les États membres sans tarder, sous réserve des ajustements chiffrés qui résulteront des négociations au sein du Conseil. Elles sont la garantie du maintien de la compétitivité des industries européennes qui pourront en outre bénéficier d'aides d'État mieux ciblées et plus élevées. Ces garanties couvrent dorénavant les subventions pour une adaptation anticipée aux normes, aux études environnementales, au chauffage urbain, à la gestion des déchets, au système d'allocation de quotas, aux projets de capture et de stockage du carbone. En outre, la Commission autorise désormais des allègements ou des dérogations fiscales pour les taxes environnementales et des aides d'État dont le montant a été relevé à 60 % des investissements en faveur de l'environnement engagés par les grandes entreprises et à 80 % par les petites et moyennes entreprises.
L'Europe a tout à gagner à adopter des mesures qui lui permettront d'améliorer, non seulement la compétitivité de son industrie, mais aussi la qualité de vie de ses ressortissants, tout en confortant ses positions dans les négociations engagées avec les autres grands blocs économiques mondiaux.
La commission des affaires économiques ayant fait savoir qu'elle allait examiner ce paquet, et ayant constitué à cet effet un groupe de travail présidé par Ladislas Poniatowski, la délégation a décidé de ne pas l'étudier plus avant.