COM (2003) 624 final
du 24/10/2003
Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution
Texte déposé au Sénat le 14/11/2003Examen : 02/06/2004 (délégation pour l'Union européenne)
Environnement
Communication de M. Hubert Haenel
relative à
l'accès à la justice en matière
d'environnement
Textes E 2430, E 2431 et E 2432
COM (2003) 622 final,
COM (2003) 624 final
et COM (2003) 625 final
(Réunion du 2 juin 2004)
M. Hubert Haenel :
Le 24 mai dernier, je vous ai transmis la communication suivante qui porte sur trois textes européens relatifs à l'accès à la justice en matière d'environnement :
Le 25 juin 1998, la Communauté européenne a signé la convention sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement dite « convention d'Aarhus ». Cette convention comporte trois dispositions principales : un droit d'accès du public à l'information sur l'environnement, un droit à prendre part aux décisions en matière d'environnement et enfin un droit d'accès à la justice en matière d'environnement. La Communauté a l'intention d'approuver prochainement cette convention et souhaite, préalablement, mettre en conformité le droit communautaire avec ses dispositions.
Deux directives ont déjà été adoptées concernant l'accès du public à l'information environnementale (directive 2003/4/CE) et la participation du public lors de l'élaboration de certains plans et programmes relatifs à l'environnement (directive 2003/35/CE).
L'ensemble des textes qui ont été soumis à la délégation est composé d'une proposition de directive, d'une proposition de règlement et d'une proposition de décision. La proposition de directive vise à compléter ces dispositions concernant le troisième et dernier « pilier » de la convention d'Aarhus, à savoir le droit d'accès à la justice en matière d'environnement, défini à l'article 9 de la convention. Il s'agit de conférer au public le droit d'engager des procédures administratives ou judiciaires en vue de contester des actes ou des omissions de personnes privées ou d'autorités publiques qui vont à l'encontre des dispositions du droit de l'environnement.
La proposition de règlement et la proposition de décision visent, d'une part, à garantir le respect des dispositions de la convention d'Aarhus par les institutions et organes communautaires et, d'autre part, à permettre l'approbation de la convention au nom de la Communauté. Ces deux propositions ne posent pas de difficulté particulière et n'appellent donc pas d'observations. Il convient en revanche d'examiner la proposition de directive.
I - LA PROPOSITION DE DIRECTIVE
Le contenu de la proposition de directive est, en résumé, le suivant :
- l'article 1er définit l'objet et le champ d'application de la proposition de directive et précise, en particulier, que les « procédures en matière d'environnement » sont les procédures administratives et judiciaires devant une autorité judiciaire ou un organe indépendant et impartial, à l'exclusion des procédures pénales ;
- le droit de l'environnement est défini à l'article 2 par référence à l'article 174 du traité de la Communauté européenne et à la convention d'Aarhus ;
- à l'article 3, la proposition de directive précise qu'elle s'applique aux actes et omissions des personnes privées comme des autorités publiques ;
- à l'article 4, elle définit les membres du public qui ont droit d'ester en justice : ils doivent avoir un intérêt suffisant à contester l'acte ou faire valoir une atteinte à un droit dans le cas où l'État membre en fait une condition de formation du recours ;
- à l'article 5, elle prévoit d'accorder un droit d'ester en justice à certaines entités qui n'auraient dès lors pas à prouver un intérêt suffisant pour agir. Ces entités qualifiées doivent répondre à certains critères définis à l'article 8 du projet de directive. Ces critères sont les suivants : avoir comme premier objectif statutaire la protection de l'environnement, agir sans but lucratif, être doté de la personnalité juridique et avoir une durée minimale d'existence (qui est fixée par chaque État sans pouvoir dépasser trois ans). La procédure de reconnaissance comme entité qualifiée, définie à l'article 9, serait soit préalable, par l'administration, soit au cas par cas, par le juge (« ad hoc »), mais tout État membre devra laisser la possibilité d'une reconnaissance « ad hoc » rapide.
- l'article 6 de la proposition de directive limite le délai de réponse à une demande de recours administratif à 12 semaines, délai au-delà duquel le plaignant peut engager une procédure (article 7) ;
- l'article 10 du projet de directive exige, de manière générale, « l'instauration de procédures efficaces et adéquates, qui soient justes et équitables, dans un temps opportun, et ne coûtent pas excessivement cher ».
Enfin, la proposition de directive fixe l'entrée en vigueur de ses dispositions au 1er janvier 2005.
II - LES DIFFICULTÉS SOULEVÉES PAR CETTE PROPOSITION DE DIRECTIVE
Il ne saurait être question de remettre en cause l'adhésion de l'Union européenne à la convention d'Aarhus, mais cette proposition de directive pose des questions de subsidiarité et de proportionnalité.
En effet, la proposition de directive se fonde sur les dispositions du Traité en matière d'environnement alors que certaines dispositions relèvent manifestement du pilier « justice et affaires intérieures » (JAI). Par ailleurs, le texte va sur plusieurs points au-delà de la convention d'Aarhus.
La proposition de directive tend en effet à intervenir dans l'organisation des procédures administrative, civile et pénale, alors que ces procédures relèvent du droit processuel des États membres (coûts, délais, ministères d'avocats, régime des preuves).
Ainsi, l'article 10 de la proposition de directive pose problème en ce qu'il porte une atteinte excessive à l'autonomie des États membres dans l'organisation de leur système juridique. L'article 10 impose « l'instauration de procédures efficaces et adéquates, qui soient justes et équitables, dans un temps opportun, et ne coûtent pas excessivement cher » là où l'article 9 de la convention d'Aarhus ne mentionne que « l'accès à une procédure rapide établie par la loi qui soit gratuite ou peu onéreuse ».
Comme il ne semble pas possible de limiter les dispositions procédurales aux seules affaires contentieuses en matière d'environnement, leur insertion contraindrait vraisemblablement à modifier l'ensemble des procédures en matière judiciaire, pénale et administrative.
Ainsi, la Cour de justice des communautés européennes pourrait devenir le juge de la qualité et de l'organisation judiciaire des États membres.
A ce titre, certains amendements, pour l'essentiel présentés par la commission de l'environnement du Parlement européen, pourraient aggraver la situation s'ils étaient retenus :
- en réintégrant, à l'article 2 de la proposition de directive, les procédures pénales dans la définition des « procédures en matière d'environnement », et en élargissant ces procédures à celles « ayant un lien en matière d'environnement » ce qui rendrait le champ d'application de la directive très large et incertain ;
- en donnant, au même article, une définition large de la notion d'autorité publique, au-delà de la définition donnée par la Convention d'Aarhus ;
- en supprimant aux articles 6 et 7 des dispositions relatives au réexamen interne, et en interdisant ainsi l'obligation de respecter un recours gracieux préalable à tout recours contentieux ;
- en élargissant le droit d'ester en justice, à l'article 8, au-delà des organisations reconnues de protection de l'environnement, à toute organisation « qui, à un moment donné, se trouve dans le besoin concret de protéger le milieu où elle se situe » ce qui serait particulièrement large et indéfini ;
- en ajoutant aux dispositions de l'article 10 sur le coût des procédures, des obligations nouvelles d'information du public sous la forme de bureaux d'information.
À la suite de cette communication, je vous proposais de prendre acte des textes E 2430 et E 2432, et d'adopter des conclusions sur le texte E 2431. Notre collègue Serge Lagauche a souhaité évoquer ces textes devant la délégation pour faire quelques observations sur les conclusions relatives au texte E 2431.
M. Serge Lagauche :
Je vous remercie de me donner l'occasion de faire quelques observations au sujet des projets de textes communautaires relatifs à l'accès à la justice en matière d'environnement.
Nous souhaitons que la mise en application de ces textes, et en particulier la transposition de la proposition de directive (E 2431), se fasse le plus rapidement possible après le 1er janvier 2005 : nous considérons donc que le délai de trois ans, proposé dans le projet de conclusions, est trop long ; nous comprenons que certains États membres auront besoin de modifier leur législation nationale, mais rien ne nous empêche de donner l'exemple, alors que le Parlement examine en ce moment le projet de Charte pour l'environnement.
Signée en juin 1998 par la Communauté et ses États membres, la Convention d'Aarhus est entrée en vigueur le 30 octobre 2001. Nous avons commencé à la transposer, notamment en matière de droit à l'information, dans la loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité, et nous devons continuer dans cette voie. Rien ne nous empêche de progresser plus rapidement que les autres États membres et de démontrer ainsi notre volonté à aller plus loin, tout de suite, en matière de droit à l'environnement.
Nous demandons donc que le délai soit ramené à dix-huit mois, conformément aux propositions du Parlement européen ; il nous semble amplement suffisant. Nous tenons également à ce que l'entrée en vigueur de la directive soit maintenue au 1er janvier 2005, conformément à la proposition de directive.
M. Hubert Haenel :
Je pense que les observations de notre collègue sont parfaitement fondées. La rédaction des conclusions de notre délégation pourrait être précisée : il ne s'agit pas de repousser l'entrée en vigueur de la directive, qui est prévue, selon la proposition de la Commission, pour le 1er janvier 2005, mais de s'assurer que les États membres auront le temps nécessaire pour la transposer.
En effet, à la date limite de transposition, tout État peut faire l'objet d'un recours devant la Cour de justice des communautés européennes pour défaut de transposition. Nous ne savons pas encore quelle sera l'importance de cette transposition, puisque le texte n'est pas encore adopté, et il faut donc s'assurer que notre pays dispose d'un délai minimum.
Je vous propose donc que l'alinéa soit re-rédigé de la manière suivante :
- (la délégation) suggère que le délai limite pour la transposition en droit interne des dispositions de la directive soit de trois ans à compter de la date d'entrée en vigueur de ladite directive.
Je précise que le délai de trois ans est un délai habituel en matière de transposition. Il s'agit là d'un délai maximum et, pour répondre au souhait de Serge Lagauche, nous pouvons faire savoir au Gouvernement que nous souhaitons que la France transpose rapidement la directive relative à la mise en oeuvre de la Convention d'Aarhus, dès qu'elle sera définitivement adoptée, sans attendre l'expiration de ce délai.
*
La délégation a alors adopté les conclusions suivantes :
Conclusions
La délégation du Sénat pour l'Union européenne,
Vu le texte E 2431 (COM (2003) 624 final),
- Souhaite que la Communauté approuve la convention d'Aarhus sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement, dans la mesure où l'application de cette convention permettra de mieux garantir le respect de l'environnement, pour lequel l'Union européenne et la France se sont particulièrement engagés ;
- Est favorable à ce que la directive sur l'accès à la justice en matière d'environnement permette de mettre la Communauté en conformité avec la convention d'Aarhus, sans aller au-delà de ces dispositions, chaque État membre ayant toujours la possibilité de prendre des mesures plus favorables, selon le principe de subsidiarité ;
- Propose que soit exclue de la directive toute coordination des procédures administrative, civile et pénale qui ne sont pas mentionnées dans la convention d'Aarhus, et qui relèvent, soit du pilier « Justice et affaires intérieures », soit des dispositions législatives internes des États membres ;
- Suggère que le délai limite pour la transposition en droit interne des dispositions de la directive soit de trois ans à compter de la date d'entrée en vigueur de ladite directive.