COM(1998) 266 final
du 06/05/1998
Date d'adoption du texte par les instances européennes : 14/02/2000
Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution
Texte déposé au Sénat le 25/06/1998Examen : 18/11/1998 (délégation pour l'Union européenne)
Communication de M. Yann
Gaillard
sur la proposition d'acte communautaire E 1106
relative au
programme « Culture 2000 »
Communication
En mai 1998, la Commission a proposé au Conseil et au Parlement européen une nouvelle approche de l'action culturelle communautaire, exposée dans deux documents distincts, mais interdépendants : d'une part, une communication présentant un programme cadre pour la culture, portant sur la période 2000-2004 ; d'autre part, et en application de celui-ci, la création d'un instrument unique de financement et de programmation pour la coopération culturelle, dit « programme culture 2000 ».
Au fil des discussions entre les Etats membres, et à la suite de la première lecture de ce texte au Parlement européen, son contenu a évolué sur plusieurs points importants, que je vous signalerai au cours de ma présentation.
1 - Le programme cadre
La présentation de ce premier « programme cadre pour la culture » répond à une demande du Parlement européen et du Conseil lui-même qui, en septembre 1997, avait prié la Commission de proposer « une approche directrice globale et transparente pour l'action culturelle, y compris, entre autres, l'établissement d'un instrument unique de programmation et de financement ».
L'intervention de la Commission se fonde sur l'article 128 du traité qui donne une base juridique spécifique à l'action culturelle de la communauté, sans pour autant que celui-ci se substitue à l'action des Etats membres.
· La conception de la culture par la Commission
Il résulte des documents présentés que la culture est ici entendue, non pas seulement comme la « haute culture » traditionnelle des arts et lettres, mais dans une acception plus large, plus populaire, plus quotidienne. « A ce titre, dit la Commission, elle est étroitement liée aux réponses qu'il convient d'apporter aux grands défis contemporains : l'accélération de la construction européenne, la mondialisation, le développement des nouvelles technologies de l'information, les préoccupations liées à l'emploi et la recherche de la cohésion sociale. »
Les initiatives communautaires actuelles
Jusqu'à présent, les initiatives communautaires ont déjà souhaité intégrer la dimension culturelle dans les décisions européennes, mais d'une manière moins globale. Elles ont notamment cherché à assurer le respect de la création et de la diversité culturelle et linguistique de l'Europe au sein des enceintes internationales et à explorer le potentiel de création d'emplois dans le secteur culturel.
Sur le plan pratique, les actions ont concerné la mise en oeuvre de programmes encourageant la coopération culturelle dans le domaine des « arts vivants » (danse et théâtre) par le programme Kaléidoscope, de la littérature, par le programme Ariane et du patrimoine, par le programme Raphaël.
Le bilan de ces actions montrerait que le nombre et la diversité des interventions de la Communauté justifient qu'une vision rationalisée et renforcée de l'action culturelle européenne soit désormais présentée.
Les propositions de la Commission
Ce dossier se situe dans l'optique et le prolongement d'Agenda 2000, qui fait du développement et de la réorganisation des politiques internes de la Communauté une priorité et qui souligne le rôle essentiel de la culture pour la réussite du processus d'élargissement à l'Est.
Deux axes principaux ont été retenus :
- rationaliser et mettre en cohérence les actions de coopération culturelle communautaire, en instituant un instrument unique d'intervention ;
- intégrer la culture dans les actes et politiques communautaires.
2 - La création d'un instrument unique de programmation et de financement
Cet instrument est destiné à succéder aux programmes Ariane et Kaléidoscope, le programme Raphaël étant supprimé, à compter du 1er janvier 2000. Il devrait permettre d'éviter une dispersion des fonds européens sur des petits projets et de réaliser désormais « des projets culturels de dimension véritablement communautaire et ayant un réel impact ».
Cet instrument serait doté d'un budget global, pour les cinq années de la période, de 167 millions d'euros, destiné à financer trois types d'actions :
- Des actions intégrées au sein d'accords de coopération culturelle
Il s'agit du point le plus novateur du projet. Il est proposé de « favoriser le rapprochement et le travail en commun, notamment par la mise en réseau d'opérateurs, d'organismes culturels, d'institutions culturelles de différents Etats membres ». Ces accords, d'une durée maximale de trois ans, pourraient concerner les activités suivantes : coproduction d'oeuvres et de manifestations d'envergure (expositions, festivals...), actions de formation, de perfectionnement des professionnels et de diffusion des connaissances, encouragements à la connaissance mutuelle de la culture et de l'histoire des peuples européens.
Toutes ces opérations pourraient bénéficier d'un soutien financier à hauteur de 60 % et de dotations annuelles comprises entre 200 000 et 350 000 euros, dès lors que plusieurs Etats, membres ou non de l'Union européenne, sont impliqués dans ces actions. Je vous signale que la proposition initiale prévoyait la présence de sept Etats membres à ces accords, ce qui paraissait d'une mise en oeuvre difficile.
- Des accords majeurs à rayonnement européen ou international
Il s'agit d'événements culturels spéciaux comme la ville européenne de la culture, la création d'un festival culturel de l'Union, l'organisation de tournées européennes, la reconnaissance de talents...
Ces opérations peuvent bénéficier d'un financement jusqu'à 60 %, compris entre 200 000 et 1 million d'euros.
- Des actions spécifiques, innovatrices et expérimentales
Il s'agit de projets impliquant des opérateurs issus de plusieurs Etats, membres ou non de l'Union, entreprenant des actions innovantes pour l'émergence de nouvelles formes d'expression culturelle, une meilleure participation des citoyens, l'accès à la lecture ou la sauvegarde du patrimoine.
Cette disposition a été profondément remaniée par rapport au texte initial, dans lequel la Commission citait notamment « la culture de la nature, de la solidarité, de l'intégration sociale des jeunes » -autant d'appellations qui pouvaient laisser à penser...- et prévoyait l'association d'au moins quatre Etats membres pour mettre en oeuvre ces actions.
Ces projets, d'une envergure moindre, bénéficieraient d'un financement jusqu'à 60 %, compris entre 50 000 et 100 000 euros, voire 150 000 euros selon les dernières discussions en cours.
En tout état de cause, la fixation d'un « plancher de financement » marque bien la volonté de la Commission de soutenir des projets importants et d'éviter le saupoudrage des fonds disponibles.
Initialement, les modalités de mise en oeuvre du programme « Culture 2 000 » prévoyaient que celui-ci serait assuré par la Commission, assistée par un comité composé de représentants des Etats membres doté d'un rôle uniquement consultatif. Les discussions ont permis d'associer davantage les Etats membres à ce processus par la transformation de ce comité en comité de gestion, dans le respect des pouvoirs dévolus à la Commission en la matière. Les membres de ce comité peuvent se faire assister d'experts ou de conseillers. Cette modification, qui pourrait être acceptée dans la suite de la procédure, me semble tout à fait opportune, notamment dans le cadre des accords de coopération culturelle.
Par ailleurs, une évaluation du programme est prévue à mi-parcours pour réajuster éventuellement ses orientations.
3 - L'intégration de la culture dans les actes et politiques communautaires
La Commission joint à son document un vaste panorama des politiques à mener ou à poursuivre et des mesures à prendre dans ce sens.
Elle relève ainsi la nécessité d'améliorer ou de prévoir :
Un cadre législatif favorable à la culture
- par la promotion de la diversité culturelle (prix du livre, aides publiques à la culture, politique audiovisuelle) ;
- par l'encouragement à la création et au développement culturel (droits d'auteur, fiscalité -application d'un taux réduit de TVA sur les disques par exemple-, mécénat d'entreprise) ;
- par la contribution à la coopération et aux échanges culturels (libre circulation des personnes, qui pose encore de difficultés juridiques dans le secteur culturel, et des biens, notamment pour ce qui concerne leur trafic illicite).
La dimension culturelle des politiques de soutien
- par le développement culturel et l'aménagement culturel du territoire (recherche et développement, politique structurelle, développement rural, tourisme) ;
- par la formation et la diffusion des connaissances (politique sociale, d'éducation et de formation, télécommunications).
La culture dans les relations extérieures de la Communauté, et notamment :
- faire entendre sa voix dans les grandes enceintes internationales, on pense notamment au débat en cours sur l'accord multilatéral sur les investissements et sur l'exception culturelle européenne ;
- intégrer la participation des candidats à l'adhésion ;
- assurer le rayonnement international de la culture européenne.
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A quel stade de la procédure en est cette proposition d'acte communautaire ?
Je dois vous dire qu'il a été particulièrement difficile de suivre l'évolution de ce texte car nous avons reçu des informations partielles, tardives et parfois très contradictoires à son sujet.
Ce que je peux vous indiquer avec certitude, c'est que le Parlement européen a adopté le 21 octobre dernier, le rapport de Mme Nana Mouskouri, qui a modifié en profondeur la proposition initiale de la Commission, en particulier sur les points suivants :
- souhait de voir porter l'enveloppe financière globale de 167 millions d'euros à 250 millions d'euros ;
- ouverture de financements communautaires pour des projets de petite et moyenne envergure ;
- établissement d'une grille indicative de répartition du budget sur six actions verticales thématiques (théâtre et danse : 9 %, musique : 16 %, arts plastiques : 7 %...) et trois actions horizontales et transectorielles (synergies, actions conjointes et actions symboliques : 20 %).
Nous sommes ici dans le domaine de la codécision. Le Conseil a obtenu, hier, à un accord politique et la procédure d'adoption définitive va se prolonger dans les mois à venir.
Mon sentiment est que, sur le fond, la proposition de la Commission, semble désormais plutôt cohérente et constructive.
Les propositions financières initiales de 167 millions d'euros paraissent déjà très généreuses, compte tenu des contraintes financières qui pèsent sur le budget européen : une simple reconduction de l'existant aboutirait à un budget d'environ 130 à 150 millions. Au cours du Conseil « Affaires culturelles » du 17 novembre dernier, il semble que les Etats membres ont été plutôt favorables à cet effort budgétaire -et même prêts à l'accroître, seuls les Pays-Bas et la Grande-Bretagne ayant considéré qu'il fallait s'en tenir à une simple reconduction des moyens financiers précédemment accordés à la culture.
Je crois donc pouvoir vous proposer de soutenir le Gouvernement français qui semble disposé à admettre les propositions financières de la Commission, compte tenu de l'intérêt que notre pays a toujours porté à l'action culturelle communautaire.
Par ailleurs, j'étais, dans un premier temps, assez convaincu de l'intérêt de disposer d'une grille de répartition par actions thématiques, sur le modèle proposé par le Parlement européen. Après consultations, il semble que cette disposition aboutirait à rendre difficilement gérable l'ensemble du programme par la Commission, en y ajoutant des contraintes supplémentaires. Aussi, je me suis rendu à ses arguments, considérant que les procédures européennes sont déjà beaucoup trop complexes pour être toujours bien comprises. En outre, le texte dans sa version actuelle a repris l'idée d'une distinction entre actions verticales, par discipline artistique, et horizontales, englobant plusieurs domaines culturels, qui paraît constructive. Il prévoit également une répartition indicative du budget entre les trois grands types d'actions à mener, qui permet de mieux en mesurer l'impact.
De la même manière, si je suis plutôt favorable à la prise en compte de petits projets permettant de mieux répartir sur l'ensemble de la population les « retombées culturelles européennes », je crois que les seuils de financement retenus au titre des « actions innovantes et expérimentales » sont satisfaisants. J'observe que ces projets sont directement traités entre la Commission et les opérateurs locaux, sans médiation des Etats membres. Si l'on veut éviter un saupoudrage de financement sur une multitude d'opérations mineures, voire marginales, et permettre un bon contrôle de la Commission sur la distribution des fonds, il faut s'en tenir à des projets d'un volume raisonnable.
Dans ces conditions, je vous propose de ne pas nous opposer au texte actuellement en cours d'adoption, compte tenu des modifications constructives qui lui ont été apportées depuis son dépôt.