État civil :
Né le 4 mars 1920
Décédé le 22 février 1993

Elu le 8 juillet 1959
Fin de mandat le 16 mars 1961

Sénat de la République francaise

Groupe démocratique pour la Communauté

Membre de la commission des traités, accords internationaux et Défense commune

Député de l'Assemblée nationale française

1940-1958  (Extrait du Dictionnaire des parlementaires français)
Ve République  (Extrait du Dictionnaire des parlementaires français)

1940-1958

LECANUET (Jean, Adrien, François)

Né le 4 mars 1920 à Rouen (Seine-Inférieure)

Décédé le 2 février 1993 (*) à Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine)

Député de la Seine-Inférieure de 1951 à 1955

Secrétaire d'Etat à la Présidence du Conseil du 22 octobre 1955 au 2 janvier 1956

Jean Lecanuet est né le 4 mars 1920 à Rouen. Il y fait ses études secondaires aux collèges privés Bellefonds et Jean-Baptiste de la Salle puis au lycée Corneille. Il est admis au lycée Henri-IV à Paris pour préparer le concours de l'Ecole normale supérieure mais le déclenchement de la seconde guerre mondiale l'oblige à abandonner ce projet. Il participe à la campagne de France comme simple soldat de 2e classe.

Après avoir été démobilisé, Jean Lecanuet reprend ses études et obtient, en 1942, l'agrégation de philosophie. Il est major de sa promotion. L'année suivante, il épouse Denise Paillard dont il aura trois enfants. D'abord professeur à Douai, il est ensuite nommé à Lille. Il y fait la connaissance de l'abbé Vancourt, professeur à la Faculté catholique, qui appartient au réseau franco-anglais du capitaine Michel. Tout en assurant son service d'enseignement, Jean Lecanuet participe aux activités de renseignement et de sabotage. En juin 1944, après avoir saboté un poste d'aiguillage dans le but de ralentir l'acheminement des renforts allemands en Normandie, il est arrêté mais parvient à s'évader. Il reste alors dans la clandestinité jusqu'à la libération.

Les relations que Jean Lecanuet avait nouées avant et pendant la guerre avec les milieux catholiques lui assurent d'être distingué par les dirigeants du Mouvement Républicain Populaire auquel il adhère dès sa fondation. Il est, en outre, nommé en 1945 Inspecteur général de l'information. De 1946 à 1951, Jean Lecanuet, comme directeur-adjoint, chef de cabinet ou chargé de mission, appartient au cabinet des ministres MRP Bichet, Dupraz, Abelin, Colin, Buron et Letoumeau.

Le 17 juin 1951, Jean Lecanuet conduit la liste MRP dans la première circonscription de la Seine-Inférieure. Avec 18 568 voix sur 192 439 suffrages exprimés, la liste MRP arrive en sixième position derrière les listes communiste, gaulliste, indépendante, radicale et socialiste. Mais un apparentement ayant été conclu entre les listes qui se réclamaient de la Troisième force, et celui-ci ayant atteint la majorité des suffrages exprimés, Jean Lecanuet est élu député. En 1953, il consolide sa position en se faisant élire conseiller municipal de sa ville natale dont il est devenu maire en 1968.

Jean Lecanuet est d'emblée un parlementaire actif et écouté. Il est nommé membre de la Commission de la presse - et en devient vice-président en 1954-1955 - ainsi que de la Commission des affaires étrangères. Cette dernière le désigne en 1954 pour siéger à la Commission d'examen des problèmes intéressant les États associés. Durant la législature, Jean Lecanuet intervient en faveur de son département, l'un des plus sinistrés de France. En qualité de membre de la Commission de la presse, il est l'un des maîtres d'oeuvre du projet de loi relatif au fonds de développement de l'industrie cinématographique en 1953. Il est favorable à des aides directes ou indirectes avec en contrepartie l'exercice d'un contrôle. Le 20 mars 1953, il avait déposé une proposition de résolution visant à créer une Communauté européenne du cinéma.

C'est à l'occasion du débat sur l'investiture de Pierre Mendès France, en 1954, que Jean Lecanuet prononce son premier grand discours de politique générale. L'inscription de son intervention à l'ordre du jour témoigne de la volonté du MRP de mettre en avant un parlementaire jeune non dénué de talent d'orateur. Ainsi, le 17 juin 1954, le député de la Seine-Inférieure s'efforce-t-il de défendre, non sans habileté, la politique indochinoise de Georges Bidault tout en critiquant l'attitude de Pierre Mendès France qui est l'artisan de la chute du gouvernement Laniel au milieu d'une négociation internationale. Quant au pari indochinois que le Président designé propose, Jean Lecanuet n'y voit qu'un « transfert de responsabilités » sur l'Assemblée nationale. Il interpelle aussi le député de l'Eure sur la signification qu'il faut donner à l'information selon laquelle le groupe communiste voterait l'investiture. Jean Lecanuet ne cache pas son inquiétude que suscite l'attitude de Pierre Mendès France à l'égard de la Communauté européenne de défense (CED). « Dès l'instant que la France s'écartera de la politique qu'elle même a proposée au monde libre, dès l'instant qu'elle laisserait par ses tergiversations, le monde libre incertain, elle se priverait, sur tous les terrains, de ses moyens diplomatiques les plus essentiels. Ce serait l'isolement pour la France, toutes les tentations pour l'Allemagne, la désunion du monde libre. » Et Jean Lecanuet conclut au nom du groupe MRP : « Nous ne voterons pas votre investiture, Monsieur le président du Conseil désigné, pour indiquer clairement que la crise que nous n'avons pas ouverte ne peut trouver d'issue que dans la continuité de la politique extérieure française, dans la volonté d'en assumer toutes les obligations, dans la force retrouvée d'une majorité résolue sur les exigences et les échéances maintenant inéluctables du progrès et de la paix. » Deux des thèmes récurrents des discours de Jean Lecanuet apparaissent dans cette intervention : anticommunisme et défense de la construction européenne.

Jean Lecanuet, le 29 juillet 1954, s'abstient lors du vote d'approbation des conclusions des négociations de Genève sur l'Indochine. Il vote contre la question préalable déposée par le général Aumeran qui vise à rejeter le projet de Communauté européenne de défense et s'oppose, le 29 décembre, à la ratification des Accords de Paris.

Le 20 octobre 1955, à l'occasion d'un remaniement de son gouvernement, Edgar Faure confie à Jean Lecanuet un secrétariat d'État rattaché à la présidence du Conseil. Mais la dissolution de l'Assemblée ayant été prononcée le 2 décembre, il reste peu de temps aux affaires.

Le 2 janvier 1956, Jean Lecanuet n'est pas réélu député. Il est alors nommé au tour extérieur Maître des requêtes au Conseil d'État. Il est chargé de mission de Pierre Pflimlin, ministre des finances en 1957-1958 puis président du Conseil en 1958. Il est directeur de son cabinet quand Pierre Pflimlin est ministre d'État dans le gouvernement de Gaulle. Jean Lecanuet est élu le 27 avril 1958 conseiller général du 2e canton de Rouen mais battu aux élections législatives de 1958. Il est élu au Sénat en 1959. Sous la Ve République, il poursuit une carrière politique qui le situe au premier plan de la vie politique nationale.

(*) Note de la division des Archives du Sénat : Décédé le 22 février 1993

Ve République

LECANUET (Jean)

Né le 4 mars 1920 à Rouen (Seine-Inférieure)

Décédé le 22 février 1993 à Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine)

Député de la Seine-Inférieure de 1951 à 1956

Secrétaire d'État à la Présidence du Conseil du 22 octobre 1955 au 2 janvier 1956

Sénateur de la Seine-Maritime de 1959 à 1973 et de 1977 à 1993

Député de la Seine-Maritime de 1973 à 1974 et en 1986

Garde des Sceaux, ministre de la Justice du 28 mai 1974 au 12 janvier 1976

Ministre d'État, Garde des Sceaux, ministre de la Justice du 12 janvier 1976 au 27 août 1976

Ministre d'État, chargé du Plan et de l'Aménagement du territoire du 27 août 1976 au 30 mars 1977

(Voir première partie de la biographie dans le dictionnaire des parlementaires français 1940-1958, tome V, p. 107-108)

Après la fondation de la Ve République, Jean Lecanuet, battu en 1956, se représente aux élections législatives de novembre 1958 dans la première circonscription de la Seine-Maritime. Candidat du Mouvement républicain populaire (MRP), il n'arrive qu'en quatrième position à l'issue du second tour, avec 9 862 voix sur 44 119 suffrages exprimés, tandis que le gaulliste Roger Dusseaulx est élu avec 13 470 voix.

Il sollicite alors, en avril 1959, un mandat de sénateur de la Seine-Maritime. À la tête d'une liste d'Action sociale et rurale présentée par le MRP, qui obtient 272 voix sur 2 190 suffrages exprimés, il fait son entrée au Palais du Luxembourg. Inscrit au groupe sénatorial du MRP, il le préside de 1960 à 1963.

Président national du MRP de 1963 à 1965, il s'affirme comme un opposant de plus en plus résolu au pouvoir gaulliste, auquel il reproche de n'être ni démocratique ni européen. Il combat ainsi activement la réforme constitutionnelle de 1962. Membre de la commission sénatoriale des affaires étrangères à partir de 1959, il critique régulièrement la politique extérieure du général de Gaulle lors de la présentation de son rapport sur le budget des affaires étrangères, de 1959 à 1963. Son opposition au gaullisme ne l'empêche toutefois pas de voter la loi autorisant le Gouvernement à prendre certaines mesures relatives au maintien de l'ordre, à la sauvegarde de l'État, à la pacification et à l'administration de l'Algérie en 1960, la loi portant réforme des régimes matrimoniaux en 1965, et la loi Neuwirth relative à la régulation des naissances en 1967.

Après avoir recherché en vain une alliance avec la Section française de l'Internationale ouvrière (SFIO) en 1964, Jean Lecanuet se présente à la première élection présidentielle organisée au suffrage universel, en 1965. Candidat des centristes âgé de quarante-cinq ans, peu connu des Français, le sénateur de la Seine-Maritime conduit une campagne innovante, s'inspirant notamment de celle menée par John Fitzgerald Kennedy aux États-Unis en 1960. Il crée ainsi la surprise lors du premier tour, le 5 décembre 1965 : avec 3 777 120 voix, soit 15,6 % des suffrages exprimés, il arrive en troisième position derrière le général de Gaulle et François Mitterrand et contribue à la mise en ballotage du président sortant.

Devenu le chef incontestable du centrisme et désireux d'imposer ce dernier sur la scène politique française, Jean Lecanuet fonde le Centre démocrate en 1966. Il le préside jusqu'en 1976, date de la création du Centre des démocrates sociaux, qu'il dirige jusqu'en 1982. Malgré son élection en avril 1968 comme maire de Rouen, sa ville natale, au conseil municipal de laquelle il siégeait depuis 1953, il connaît une longue traversée du désert après l'élection présidentielle de 1965. Candidat du Centre démocrate dans la première circonscription de la Seine-Maritime, en juin 1968, il ne recueille que 12 499 voix sur 47 777 suffrages exprimés au premier tour et se retire avant le deuxième. Après avoir activement appelé à voter « non » lors du référendum d'avril 1969, il soutient la candidature centriste d'Alain Poher lors de l'élection présidentielle qui suit la démission du général de Gaulle.

Entretemps, en septembre 1968, Jean Lecanuet a retrouvé son siège au Sénat : la liste de l'Entente centriste qu'il conduisait a obtenu 751 des 2 329 suffrages exprimés. Toujours membre de la commission des affaires étrangères, qu'il préside de 1971 à 1973, il intervient en séance publique sur la politique extérieure française ou la détente entre les deux Grands. En 1972, il vote contre la loi portant création et organisation des Régions.

En 1973, il abandonne le Palais du Luxembourg et retrouve les bancs du Palais Bourbon. Sous l'étiquette du Mouvement réformateur, coalition centriste fondée en 1971 aux côtés du radical Jean-Jacques Servan-Schreiber avec lequel il publie Projet réformateur, le président du Centre démocrate est en effet élu député de la première circonscription de la Seine-Maritime : il recueille 29 904 voix sur 48 111 suffrages exprimés contre 18 207 pour le communiste Victor Blot. Inscrit au groupe des réformateurs démocrates sociaux, il siège à la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale. Il vote pour la loi Royer d'orientation du commerce et de l'artisanat en 1973.

En 1974, espérant notamment une relance des initiatives françaises en faveur de la construction européenne, Jean Lecanuet apporte son soutien à la candidature de Valéry Giscard d'Estaing à la présidence de la République. Ce ralliement lui vaut d'être nommé Garde des Sceaux dans le gouvernement de Jacques Chirac, de mai 1974 à août 1976. C'est son suppléant, Pierre Damamme, qui le remplace alors à l'Assemblée nationale.

Au titre de ministre de la Justice, promu ministre d'État en 1976, il fait voter l'abaissement de l'âge de la majorité à 18 ans et une réforme constitutionnelle permettant à 60 parlementaires de saisir le Conseil constitutionnel en 1974, ainsi que la réforme du divorce en 1975. Lorsque Raymond Barre est appelé à Matignon en août 1976, Jean Lecanuet devient ministre d'État, chargé du Plan et de l'Aménagement du territoire, jusqu'en mars 1977.

En septembre 1977, il réintègre la Haute Assemblée. Rassemblant toute la majorité dans la Seine-Maritime, sa liste d'Union des républicains et des démocrates réunit 1 315 voix sur 2 595 suffrages exprimés. Au Palais du Luxembourg, Jean Lecanuet siège au groupe de l'Union centriste des démocrates de progrès (UCDP). Il retrouve la présidence de la commission des affaires étrangères et la conserve jusqu'à son décès. L'année suivant sa réélection au Sénat, en 1978, il prend part à la création de l'Union pour la démocratie française (UDF), qui regroupe l'ensemble de la famille centriste. Il préside ce mouvement de 1978 à 1988. Ardent promoteur de la construction européenne, cet héritier spirituel de Robert Schuman est en outre élu député au Parlement européen en 1979 sur la liste conduite par Simone Veil. Réélu en 1984, il quitte l'assemblée européenne en 1988 pour respecter la loi sur le cumul des mandats.

Il se présente de nouveau aux élections législatives dans la Seine-Maritime, en mars 1986. Il a en effet été choisi pour diriger la liste unique UDF-RPR afin de concurrencer la liste socialiste de Laurent Fabius. La liste du maire de Rouen obtient 233 910 voix sur 594 257 suffrages exprimés et cinq élus à l'Assemblée nationale. Inscrit au groupe de l'UDF et président de la commission des affaires étrangères, il ne siège que quelques mois au Palais Bourbon, votant notamment pour la loi relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France. Dès septembre 1986, il retrouve son fauteuil de sénateur, ainsi que la présidence de la commission des affaires étrangères du Sénat : la liste UDF-RPR qu'il conduit recueille 1 694 voix sur 2 913 suffrages exprimés.

Au cours de ses mandats sénatoriaux, de 1977 à 1993, Jean Lecanuet intervient surtout en séance publique sur les questions internationales. Le président de la commission des affaires étrangères met son éloquence au service de la construction européenne ou de l'Alliance atlantique, dont il juge le rôle essentiel pour la sécurité de l'Europe. Il prend également la parole lors des débats sur le budget de la défense ou les lois de programmation militaire. Il approuve la loi Peyrefitte renforçant la sécurité et protégeant la liberté des personnes en 1980, la loi portant abolition de la peine de mort en 1981, la loi Deferre relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions en 1982, la loi sur les prestations de vieillesse, d'invalidité et de veuvage en 1982 et la loi relative au revenu minimum d'insertion en 1988. Fidèle à ses convictions européennes, il vote également en 1992 en faveur de la loi constitutionnelle ajoutant à la Constitution un titre : « De l'Union européenne ».

Sa carrière politique nationale de tout premier plan n'empêche toutefois pas Jean Lecanuet de rester constamment fidèle à sa Normandie. Outre son fauteuil de maire de Rouen, dans lequel « le roi Jean » est reconduit sans discontinuité pendant un quart de siècle, de 1968 à 1993, il conserve le mandat de conseiller général du deuxième canton de sa ville natale, de 1958 jusqu'à son décès, et préside le Conseil général de la Seine-Maritime de 1974 à 1993. Il a en outre présidé le Conseil régional de Haute-Normandie en 1974.

Officier de la Légion d'honneur, Jean Lecanuet s'éteint à Neuilly-sur-Seine, le 22 février 1993, dans sa soixante-treizième année, des suites d'une longue maladie. Pendant trois décennies, cette grande figure de la vie politique de la Ve République n'a cessé d'incarner le centrisme, la démocratie-chrétienne et l'attachement à la construction européenne.

Page mise à jour le

Pour toute remarque relative à cette page, veuillez contacter : anciens-senateurs@senat.fr