État civil :
Né le 5 octobre 1847
Décédé le 20 décembre 1927
Profession :
Enseignant (Abbé)
Département :
Bas-Rhin
IIIème République

Ancien sénateur de la IIIe République

Elu le 11 janvier 1920
Fin de mandat le 8 janvier 1927 ( Ne se représente pas )

1889-1940  (Extrait du «Jean Jolly»)

1889-1940

DELSOR (ABBÉ NICOLAS), né le 5 octobre 1847 à Strasbourg (Bas-Rhin), mort le 20 décembre 1927 à Strasbourg.

Sénateur du Bas-Rhin de 1920 à 1927.

Né le 5 octobre 1847 à Strasbourg, mais d'un père auvergnat, Nicolas Delsor allait être l'exemple même de ces vies déchirées par le malheur du temps. Quand on l'avait vu, au sommet de son âge, député au Reichstag à Berlin, on le verra sénateur à Paris, au soir de sa vie. Et tel, en France même, qui, vers 1904, ne reconnaissait en Delsor qu'un Alsacien assez content d'être devenu sujet allemand, découvrira en lui, vers 1920, le pur exemple de la résistance alsacienne à l'Allemand. Grande ambiguïté, comme on voit.

En 1858, âgé de 11 ans, Nicolas Delsor entre au petit séminaire de Strasbourg. Il y fait d'excellentes études, montre même tant de dons qu'en 1865, quand on l'ordonne prêtre, on lui demande de demeurer encore quelque temps dans ce séminaire comme professeur. Le jour qu'il en sortira, l'Alsace, française, sera devenue allemande Plusieurs paroisses l'ont successivement comme curé, mais Delsor n'est pas de ces prêtres de campagne à qui suffisent les humbles devoirs pastoraux. Deux ans ne se passent pas qu'il ne soit connu, et fort connu, partout comme prédicateur et comme conférencier, parlant, suivant les lieux, suivant les auditeurs, tantôt en français, tantôt en allemand, car il s'exprime avec la même facilité dans l'une et l'autre langue. Aux environs de 1880. il fonde la Revue catholique d'Alsace, dont il se nomme aussitôt le directeur. A cette époque, il se consacre par dessus tout à étudier l'histoire du catholicisme en Alsace.

Cependant, c'est trop peu pour cet esprit dont la nature profonde n'est guère contemplative. Delsor a trop soif d'activité pour ne pas se donner à la politique. Il rejoint les rangs du mouvement protestataire, y milite très activement, et ce n'est alors un mystère pour personne, en Alsace, qu'il n'est pas plus farouche adversaire de l'Allemand que l'abbé Delsor. Puis - est-ce véritable résignation ? Est-ce seulement la fougue qui s'attiédit ? Il quitte ses amis protestataires pour adhérer au Parti catholique alsacien, dont il n'y a guère à s'étonner, vu son dynamisme, qu'il devienne bientôt, avec Wetterlé et Pfleger, l'un des chefs les plus écoutés. Il trouve même des partisans lorsque, quelque temps encore ayant passé, il déclare que la raison commande la réunion du parti alsacien avec le parti du centre allemand, de façon qu'ils ne soient plus qu'un, par fusion.

Pour tout cela, on comprendra du reste qu'en France le visage de Nicolas Delsor soit demeuré flou assez longtemps, les uns voulant seulement se souvenir qu il fut protestataire, les autres ne retenant que les bonnes manières faites à la politique allemande.

Quoi qu'il en soit, voilà Nicolas Delsor, déjà membre du Landtag d'Alsace, élu député au Reichstag, au renouvellement de 1898. Eut-il, en cette occasion et en plusieurs autres, comme le soutint en 1904, devant la Chambre des députés, Corrard des Essards, à « lutter à outrance, lui prêtre, contre un catholique allemand qui n'était pas un homme de mince importance, le Prince de Hohenlohe, préfet de la Haute-Alsace ». ou bien, comme le prétendirent les milieux « combistes » à cette époque, son élection ne fut-elle pas préconisée par les milieux les plus réactionnaires du Gouvernement allemand ? C'est une question à laquelle il ne sera jamais répondu, chacun continuant de juger selon sa pente. En tout cas, Delsor ne fait point mauvaise figure à Berlin, non seulement comme député, mais polémiste catholique enragé, d'une violence !... En 1900, il a fondé à Strasbourg un quotidien, le Volksfreund, et il s'attire une très mauvaise affaire (c'est Combes lui-même qui le rappelle au cours de cette séance de la Chambre des députés, le 22 janvier 1904, où l'on parla beaucoup de Delsor). Il vilipende les protestants. Un de ses articles, il le conclut de la sorte : « Les souteneurs et les courtisans ne sont pas de mauvais protestants : ils sont des protestants logiques ! » C'est aller un Peu loin : trois mois de prison à ce prêtre, pour outrage à un autre culte.

Cependant, c'est le 7 janvier 1904 qu'il éclate ce qu'on peut, à bon droit, nommer « l'affaire Delsor ». Ecoutons la version des faits que donne M. Corrard des Essards au cours de la fameuse séance du 22 janvier : « Les Alsaciens habitant Lunéville - et ils sont nombreux plus de 1.500- ayant appris que M. l'abbé Delsor, représentant au Reichstag la circonscription de Rolsheim, devait venir dans cette ville où il a des relations d'amitié anciennes, eurent l'idée de lui demander de profiter de sa présence pour leur parler de l'Alsace. M. Delsor accepta, mais il mit une condition à sa causerie : qu'elle n'aurait aucun caractère politique... » Est-ce bien sûr ? C'est le vrai caractère de cette réunion qui fait problème. Faut-il croire Corrard des Essards quand il affirme : « Il ne devait pas y avoir de conférence politique. C'était une véritable réunion de famille, c'étaient des familles d'ouvriers venues au grand complet ; et des enfants dormaient sur les genoux de leur mère. » Convient-il plutôt de suivre le président du Conseil, Combès, qui dit d'abord que Delsor n'est pas un député protestataire - ce en quoi, assurément, il à raison - et ajoute : « Il résulte de mes informations que la conférence organisée au cercle catholique par le parti réactionnaire devait constituer une protestation contre l'interdiction en France du journal alsacien Volksfreund ? »Il n'importe guère : c'est affaire de passions.

Delsor arrive à Lunéville vers quatre heures et demi de l'après-midi. Pas de manifestation, A la gare, deux de ses amis l'attendent, dont l'un est Corrard des Essards. Il se rend dans une famille amie, ne sort de cette maison qu'à l'heure de la réunion. Un commissaire spécial de police le guette au coin de la rue. Il approche de lui. Il lui dit : « Vous êtes bien M. Delsor ? », et, comme il voit une hésitation, il sort son écharpe, se la met autour du corps et déclare : « Je vous somme de me dire si Vous êtes bien M. Delsor. J'ai contre vous Un arrêté d'expulsion vous enjoignant de quitter le territoire français sans délai ». Cela à Huit heures du soir, en pleine rue : attroupement. Delsor refuse de signer la notification d'expulsion.

« Il quitte la France - c'est Corrard des Essards qui raconte - et, à une nouvelle Vérification d'identité, il répondit : « Je m'appelle Delsor, je suis né à Strasbourg en 1849 (sic), de parents français, mon père a tiré à la conscription... »

Sur quoi la Chambre s'esclaffe. L'on crie : « Son père, il était Auvergnat ! ».

Corrard des Essards n'en est point désarçonné, tout au contraire : « Comme vous le dites, s'exclame-t-il ; il est doublement français, puisque sa famille est du coeur de la France et que ses grands-parents étaient d'Auvergne !... Et on le traite de « sujet allemand », on parle de « l'étranger susvisé » : voilà le mot douloureux voilà ce qui a meurtri nos coeurs et humilié notre patriotisme ! ».

Tout tourna à la confusion. Est-ce donc, comme le prétend un député, Lemire, qu'en agissant de la sorte, Combes a voulu atteindre et déchirer la robe de prêtre de Delsor ? Après un long, furieux débat entre anticléricaux et droite nationaliste, la Chambre répond que non, votant l'ordre du jour pur et simple par 295 Voix contre 243.

Cela vu, le mot de la fin appartient assurément à Delsor, lequel, de retour à Strasbourg, écrit au préfet de la Meurthe-et-Moselle, d'une jolie plume « Veuillez agréer, Monsieur le Préfet, mes souhaits bien sincères que la France n'ait jamais à courir de danger plus sérieux que celui dont votre vigilance vient de la sauver en ma modeste personne. »

Après quoi, on ne parle plus guère de l'abbé Delsor, du moins en France, car, sur son activité au Reichstag, nous manquons d'informations. Toujours est-il qu'en 1919, l'Alsace redevenue française, quand on réunit pour la première fois le Conseil national (issu de Landtag) d'Alsace-Lorraine, lequel va saluer avec joie le retour à la France, qui donc le préside ? Nicolas Delsor, devenu chanoine.

Aux élections sénatoriales du 11 janvier 1920, il se porte. Il est élu dès le premier tour, par 863 voix sur 1.202 votants, mais le cinquième seulement sur cinq. Il quitte son appartement de Strasbourg (5, rue du Général de Castelnau) pour Paris cette fois, où il prend logement au 15 de la rue Malebranche. Au Sénat, ou il s'inscrit au groupe de la gauche républicaine, il fait partie de plus d'une Commission - des congés, de l'hygiène, de l'assistance obligatoire aux vieillards, de la modification de l'article 67 du Sénat - mais il n'inter vient qu'en de très rares occasions en séance publique. Au vrai, il se donne tout entier à la Commission de l'enseignement, à ce point que lorsqu'on apprend sa mort, le 20 décembre 1927, c'est le président de cette Commission. Victor Bérard, qui se charge de son éloge funèbre : « Le souvenir de ce vaillant et fidèle Français, dit-il, restera dans la mémoire de tous ceux qui l'ont connu et l'histoire de la patrie restaurée enregistrera son rôle durant le grand demi-siècle où l'Alsace nous fut arrachée, Notre Commission invite le Sénat à adresser à l'Alsace ses plus vives condoléances. » Et c'est le vice-président du Sénat) Hervay, qui conclut sous les applaudissements : « M. le Chanoine Delsor était un fidèle ami !... » Il était âgé de 80 ans.

Nicolas Delsor était Chevalier de la Légion d'honneur. Il avait la Médaille de 1870.

Extrait du « Dictionnaire des Parlementaires français », Jean Jolly (1960/1977)

Extrait de la table nominative

Résumé de l'ensemble des travaux parlementaire
de Nicolas DELSOR

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