M. Grégory Blanc. Très juste !

M. Sébastien Fagnen. Ces préconisations ne manquent pourtant pas et elles permettraient d’embrasser toutes les facettes du ZAN, ses limites comme ses opportunités.

Ensuite, ce texte souffre d’absences criantes. Deux d’entre elles sont particulièrement dommageables.

La première concerne l’ingénierie. À l’occasion tant des auditions que d’enquêtes réalisées auprès des élus locaux, nous avons pu mesurer le besoin urgent, ressenti par les collectivités, d’outils permettant de mettre concrètement et aisément en application la sobriété foncière. Si les élus souscrivent majoritairement à cet objectif, mettre en œuvre le ZAN sans disposer d’une ingénierie digne de ce nom équivaut à gravir l’Everest muni seulement d’une paire de moufles…

Or une ingénierie digne de ce nom ne pourra voir le jour sans la massification de l’accompagnement des collectivités, notamment rurales, ce qui passera nécessairement par le renforcement des services déconcentrés de l’État dans les départements.

La deuxième absence, et ce n’est pas la moindre, concerne la fiscalité. Cette dernière, régulièrement évoquée, mais malheureusement non encore traitée à ce jour, malgré les travaux sénatoriaux de notre collègue Jean-Baptiste Blanc, constitue pourtant l’indispensable chemin vers un changement de modèle. En en faisant l’économie, nous faisons de la résorption des friches et de la rénovation du bâti vacant une course d’obstacles quasi infranchissables, alors même que cela représente un considérable gisement foncier.

Enfin, ce texte suscite une inquiétude manifeste liée à l’insécurité juridique dans laquelle se retrouvent les élus locaux, en raison de la suppression, un brin hypocrite, de l’objectif intermédiaire de réduction de moitié de la consommation des terres agricoles et naturelles.

En effet, si cette étape disparaît – c’est-à-dire si l’article 2 du texte est adopté en l’état –, l’objectif de zéro artificialisation nette d’ici à 2050 demeure. Dès lors, en l’absence de tout jalon intermédiaire et avec la suppression de l’enveloppe décennale de 125 000 hectares, comment juger du bon respect par les collectivités territoriales de la trajectoire de sobriété foncière, donc de l’atteinte finale de l’objectif du ZAN ?

En légiférant dans ce sens, nous risquons d’ouvrir une boîte de Pandore juridique, dans laquelle les conflits interprétatifs seront légion et dont les élus locaux seront assurément les premières victimes. Il s’agit là de l’une des nombreuses limites évoquées il y a quelques instants par notre collègue Christian Redon-Sarrazy.

Mes chers collègues, Edgard Pisani a écrit : « Aménager, c’est prendre conscience de l’espace français comme richesse et comme devoir. » La richesse de notre pays réside dans sa géographie à nulle autre pareille et dans des ressources naturelles incomparables. Toutefois, ses richesses portent en elles des fragilités, notamment la surconsommation foncière et l’appauvrissement des sols.

Face aux conséquences du changement climatique, notre devoir est de porter une vision durable de l’aménagement du territoire national, fondée sur la cohésion entre les villes et les campagnes, la sobriété dans l’usage des sols et l’audace d’une transition écologique ambitieuse. Hélas ! à ce stade, ce texte ne répond manifestement pas à cette ambition. Nous espérons donc que le débat qui s’ouvre ce soir permettra d’en combler les principales lacunes. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Anglars. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-Claude Anglars. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, un constat s’impose : si l’objectif de sobriété foncière suscite un consensus, la méthode retenue pour l’atteindre – le zéro artificialisation nette – pose de sérieux problèmes. Je remercie à cet égard Jean-Baptiste Blanc d’avoir rappelé les débats – ou les combats – menés depuis quatre ans sur ce terrain et je rends hommage aux auteurs de ce texte.

Le Sénat, conscient de ces difficultés, a mis en place une mission conjointe de contrôle chargée d’évaluer l’application du ZAN. En 2024, durant cinq mois, ce groupe de suivi a mené plus de soixante-dix auditions et une consultation des élus locaux. Son constat est clair : la mise en œuvre du ZAN est jugée trop rigide, trop technocratique et déconnectée des réalités locales.

Placés en première ligne, les maires éprouvent des difficultés face à l’accumulation de normes et à la rigidité des objectifs fixés sans réelle étude d’impact. Le ZAN est perçu comme une réforme technocratique imposée verticalement. Pis, certaines communes vertueuses, ayant déjà limité leur consommation foncière, se trouvent aujourd’hui pénalisées, d’où un sentiment d’injustice.

Face à ces constats, une réforme s’imposait : tel est l’objet de cette proposition de loi.

D’abord, celle-ci pérennise la mesure de l’artificialisation au travers de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers au-delà de 2031, ce qui évite un changement préjudiciable de métrique.

Ensuite, elle supprime l’objectif intermédiaire de réduction de moitié de l’artificialisation des sols d’ici à 2031, tout en maintenant celui de 2050. Toutefois, sans modification de la période de référence pour établir les objectifs de réduction, fixée à 2011-2021, l’effet de cette suppression restera limité. La réévaluation de cette base aurait été nécessaire pour mieux prendre en compte l’évolution des dynamiques territoriales.

Par ailleurs, elle reporte également les dates butoirs de mise à jour des documents d’urbanisme, offrant une respiration bienvenue. Elle prévoit en outre d’exclure les grands projets d’envergure nationale et européenne des enveloppes foncières locales, qui ne viendront plus pénaliser le développement des territoires ; nous avons entendu avec plaisir les propos tenus précédemment par M. le ministre à ce sujet.

Enfin, elle renforce la place des élus locaux du bloc communal au sein de la conférence régionale du ZAN, portant leur représentation à 75 %.

Ces ajustements sont nécessaires, mais sont-ils suffisants ?

Les débats que nous allons avoir en séance seront essentiels pour renforcer ce texte et répondre aux nombreuses critiques. Pour ma part, je crois nécessaire d’accentuer l’approche ascendante, afin de sortir de la logique descendante, en vertu de laquelle les décisions s’imposent sans véritable concertation. Pour renforcer l’acceptabilité du texte, il faudra aussi revenir sur le traitement des communes soumises au règlement national d’urbanisme (RNU), qui se trouvent dans une impasse. Nous devrons également garantir la protection des « coups partis », c’est-à-dire des projets engagés avant l’instauration du ZAN et qui sont aujourd’hui bloqués par la réglementation.

Pour assurer la prise en compte des spécificités locales, je crois également souhaitable de renforcer la représentation départementale au sein de la conférence régionale et d’éviter la mutualisation à l’échelle régionale du potentiel de développement des communes rurales, afin d’éviter son absorption par les zones urbaines.

Cela dit, l’enjeu le plus transversal reste la reconnaissance insuffisante de la diversité des territoires. Le recours à la grille de densité communale de l’Insee permettrait d’ajuster les règles aux réalités des territoires ruraux. Il ne peut y avoir une seule et même norme pour une métropole et pour un village de quelques dizaines ou quelques centaines d’habitants.

Cette différentiation peut d’ailleurs être déclinée…

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Jean-Claude Anglars. … pour les communes peu denses et très peu denses à propos de la protection de la garantie communale. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-Raymond Hugonet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en 2017, le Président de la République, Emmanuel Macron, tout à son bonheur légitime d’avoir balayé une classe politique affaiblie et rejetée, a cru pouvoir gouverner seul, secondé par quelques brillants éléments des élites de la technostructure et un bataillon de ministres redevables. (Sourires.) Tout cela n’a eu qu’un temps et le sujet qui nous occupe aujourd’hui en est la plus parfaite illustration.

En effet, la loi Climat et Résilience, promulguée le 22 août 2021, était censée marquer un tournant décisif dans la politique environnementale française. Ce texte ambitieux visait à accélérer la transition écologique du pays en s’attaquant aux principaux secteurs émetteurs de gaz à effet de serre. Des transports à l’agriculture, en passant par le logement et la consommation, rien ni personne ne pouvait échapper aux contours d’une société plus durable et résiliente face aux défis climatiques.

Et voilà que l’on nous invente une machine infernale, un sommet de planification bien de chez nous, un Gosplan à la française. Évidemment, tout cela se conçoit et s’écrit sans concertation, dans quelques cénacles autorisés, où l’on a la science infuse, puisque nous autres sénateurs sommes des ignorants rétrogrades. (Nouveaux sourires.) Évidemment, tout cela s’envisage sans aucune étude d’impact sérieuse et chiffrée, puisque nous sommes déjà entrés de plain-pied dans le « quoi qu’il en coûte ».

Pourtant, ce salmigondis de 305 articles impose, pour les années à venir, des changements profonds affectant brutalement le quotidien des Français, des entreprises et des collectivités. Au beau milieu de ce fatras, on a même introduit un objectif national de zéro artificialisation nette d’ici à 2050, avec un objectif intermédiaire de réduction de la consommation foncière d’ici à 2031.

Entendons-nous bien, si l’objectif de réduction de l’artificialisation des sols est unanimement partagé, il pose avant tout une question de modèle culturel. De quelle façon voit-on la France de demain ? Eh bien, ici, dans la chambre des territoires, que vous connaissez si bien, monsieur le ministre, nous ne voyons pas la France avec les lunettes de la direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages, la funeste DHUP (Mêmes mouvements.), au sein du ministère de la transition écologique et solidaire. Nous ne voyons pas la France comme l’ineffable Mme Wargon, qui osait qualifier avec mépris les maisons individuelles de « non-sens écologique, économique et social ». (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Le chaos politique dans lequel nous a plongés cette démarche solitaire, aveugle et technocratique nous contraint désormais à nous rendre à l’évidence : croire que la politique peut s’improviser est une idée fondamentalement fausse. Bien sûr, il est difficile de faire avec l’« ancien monde », mais il est impossible de faire sans ! Les récents castings politiques ayant suivi la dissolution et la censure en sont le meilleur témoignage…

Cet ancien monde, Gérard Collomb – paix à son âme – en était l’une des incarnations, et vous étiez fort justement à ses côtés, monsieur le ministre, lorsqu’il s’est agi de dénoncer, par exemple, la loi sur le cumul des mandats, dont on mesure aujourd’hui les effets délétères. Souvenez-vous de ses derniers mots – presque un règlement de compte – lorsqu’il a claqué la porte : il a mis en garde publiquement contre la déconnexion à l’égard des territoires.

Aussi, monsieur le ministre, au regard de votre parcours, qui atteste merveilleusement de votre enracinement dans ces territoires de France, tempérez donc les ardeurs d’une administration devenue folle et laissez votre collègue Mme Pannier-Runacher à son « saut quantique », dont on connaît l’issue. Restez connecté avec la réalité de nos territoires, comme vous l’avez toujours été, en considérant le travail remarquable de l’ensemble de nos collègues qui n’ont pas ménagé leur peine – je pense en particulier à Jean-Baptiste Blanc et à Guislain Cambier – pour nous sortir du pétrin…

M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. Jean-Raymond Hugonet. … et limiter la casse, puisque c’est encore possible ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi visant à instaurer une trajectoire de réduction de l’artificialisation concertée avec les élus locaux

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi visant à instaurer une trajectoire de réduction de l'artificialisation concertée avec les élus locaux
Article 1er (début)

Avant l’article 1er

M. le président. Je suis saisi d’un amendement et d’un sous-amendement.

L’amendement n° 9 rectifié ter, présenté par Mme Romagny, MM. Pillefer, J.P. Vogel et Genet, Mmes Patru et Billon, M. Bouchet, Mmes Housseau et Devésa, MM. Somon, Maurey, J.M. Arnaud, Chevalier, Levi, Pernot, Fargeot et Khalifé, Mmes Josende, Perrot, P. Martin et F. Gerbaud, MM. Delcros, Laménie et Rochette et Mme Jacquemet, est ainsi libellé :

Après l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l’article L. 101-2-1 du code de l’urbanisme, il est inséré un article L. 101-… ainsi rédigé :

« Art. L. 101-… – Au sens de l’article L. 101-2-1, l’enveloppe urbaine est la délimitation des espaces urbanisés, contigus ou imperméabilisés d’une commune. Une commune peut compter plusieurs enveloppes urbaines.

« L’enveloppe urbaine est établie à 50 mètres à partir de la dernière construction ou du dernier aménagement et intègre les espaces vierges de toute construction, entourés complètement ou partiellement de bâtis.

« Ces espaces vierges sont définis par décision de l’autorité compétente pour le schéma de cohérence territoriale. »

La parole est à Mme Anne-Sophie Romagny.

Mme Anne-Sophie Romagny. Plutôt que de recourir à la notion de faisceau d’indices tirée de la jurisprudence, je propose que l’on définisse clairement l’enveloppe urbaine.

Cette notion est citée dans plusieurs articles de cette proposition de loi ; elle est importante pour le calcul de l’artificialisation ; elle est une référence dans les documents d’urbanisme ; et elle permet de déterminer si l’urbanisation se fait en renouvellement urbain, en densification ou en extension urbaine.

Le présent amendement vise donc à en donner une définition générale et consensuelle. Pour cela, je me suis appuyée sur les travaux du Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema), je n’ai rien inventé.

Ainsi, selon cette définition, l’enveloppe urbaine pourrait être discontinue – village, hameau, zone d’activités –, contenir des dents creuses, ne pas correspondre nécessairement à la limite de la parcelle cadastrale, intégrer les surfaces imperméabilisées – parkings, places ou encore jardins publics – et son périmètre inclurait une certaine distance autour des bâtiments pour l’aménagement et la circulation. Je propose une distance de cinquante mètres, mais je suis prête à la fixer à trente ou même à vingt mètres ; l’idée est de ne pas se placer à l’aplomb du dernier mur de la commune…

M. le président. Le sous-amendement n° 184, présenté par M. Bleunven, est ainsi libellé :

Amendement n° 9, alinéa 4

Après les mots :

des espaces urbanisés

insérer les mots :

et hameaux intégrés à l’environnement

La parole est à M. Yves Bleunven.

M. Yves Bleunven. Ce sous-amendement vise à compléter la définition de l’enveloppe urbaine, afin d’y intégrer les hameaux.

La loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite loi Élan, a marqué une avancée, en permettant l’urbanisation des secteurs déjà urbanisés, notamment pour faciliter le comblement des dents creuses. Toutefois, cette définition reste trop restrictive et exclut de nombreux territoires dans lesquels l’urbanisation s’est historiquement développée sous forme de hameaux dispersés – je l’évoquais en discussion générale, lorsque j’ai souligné la spécificité de la Bretagne à cet égard.

Dans ces territoires, les dents creuses situées au sein des hameaux constituent un foncier sous-exploité. L’incapacité des maires d’y autoriser des constructions freine le développement local, contribue à la rareté du foncier disponible et accentue la pression immobilière sur d’autres secteurs déjà saturés.

Il est donc nécessaire d’adapter les critères définissant les secteurs déjà urbanisés, en reconnaissant la spécificité des hameaux comme partie intégrante du tissu communal, afin de permettre leur densification maîtrisée et d’offrir des solutions de logement adaptées aux besoins locaux.

Cette évolution législative permettrait de résoudre des difficultés locales propres aux territoires à urbanisation diffuse, tout en garantissant une urbanisation cohérente et encadrée. À l’instar de la jurisprudence récente du Conseil d’État, qui a assoupli les critères de densité pour les secteurs déjà urbanisés, il conviendrait d’étendre cette approche aux hameaux, dès lors qu’ils disposent de voies de circulation, d’équipements et d’un raccordement aux réseaux publics.

En reconnaissant ces espaces comme éligibles à une densification progressive, on éviterait une artificialisation excessive tout en offrant aux communes un levier essentiel pour dynamiser leur territoire, favoriser l’installation de nouveaux habitants et préserver l’équilibre entre développement rural et préservation du paysage bocager.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marc Boyer, rapporteur. En ce qui concerne l’amendement n° 9 rectifié ter, nous avons inscrit dans la loi les critères qui permettent de définir un espace urbanisé en nous appuyant sur la jurisprudence. En effet, il nous avait été signalé que les élus avaient du mal à appréhender cette notion pourtant essentielle pour appréhender celle de consommation d’Enaf.

La définition de l’enveloppe urbaine correspond, de fait, à l’ensemble des espaces urbanisés en continuité, y compris les dents creuses. Cette notion paraît beaucoup moins difficile à appréhender ; du reste, les collectivités y recourent déjà.

En revanche, étendre l’enveloppe urbaine jusqu’à cinquante mètres au-delà de la dernière construction reviendrait à favoriser l’extension urbaine, alors que votre préoccupation concernant les dents creuses est satisfaite par la rédaction actuelle de l’article 1er.

Quant au sous-amendement n° 184, il a pour objet de considérer que tout hameau constitue une enveloppe urbaine. Or cela ne doit pas être automatique : selon leur configuration, notamment leur densité, certains hameaux pourront être qualifiés d’espaces urbanisés, donc former une enveloppe urbaine, et d’autres non. Il faut apprécier cette catégorisation au cas par cas.

La commission a donc émis un avis défavorable sur l’amendement n° 9 rectifié ter et sur le sous-amendement n° 184.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Rebsamen, ministre. Je rejoins le rapporteur à cet égard.

En ce qui concerne l’amendement n° 9 rectifié ter de Mme Romagny, la volonté de reprendre les principes généraux du code de l’urbanisme, à savoir une définition très encadrée de l’enveloppe urbaine, procède de la volonté de faciliter l’appréciation par les acteurs locaux de ce qui peut être considéré ou non comme de la consommation d’espaces naturels, agricoles ou forestiers.

Or la définition que vous proposez, madame la sénatrice, se voulant très générale, est au contraire trop rigide, puisqu’elle s’appuie sur un périmètre de cinquante mètres, identique partout. L’enjeu est au contraire de permettre une appréciation souple et adaptée – ce n’est pas vous qui me contredirez – aux spécificités locales. Ainsi, certains espaces naturels, agricoles ou forestiers situés au sein de l’enveloppe urbaine doivent être préservés comme, par exemple, les vignes situées dans les clos urbains de la ville de Reims.

Puisqu’il faut admettre qu’il est difficile et même impossible de donner une définition normative plus fine de l’enveloppe urbaine, nous faisons confiance aux élus locaux pour mettre en place des méthodes de décompte adaptées. Je considère qu’étendre partout cette enveloppe, jusqu’à cinquante mètres au-delà de la dernière construction, entraînera une consommation de très nombreux espaces urbains vierges et favorisera l’étalement urbain.

Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement.

Intégrer les hameaux à l’enveloppe urbaine permettrait de ne pas comptabiliser la consommation d’Enaf en leur sein. Cette proposition complexifie, à mon sens, la définition de l’enveloppe en introduisant une ancienne notion juridique de la loi relative à l’aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral, dite loi Littoral, qui a été supprimée par la loi Élan.

Par ailleurs, cet ajout ne permet pas de lever les difficultés que j’ai relevées concernant la rédaction de l’amendement.

Par conséquent, le Gouvernement émet également un avis défavorable sur le sous-amendement.

M. le président. La parole est à Mme Anne-Sophie Romagny, pour explication de vote.

Mme Anne-Sophie Romagny. Monsieur le ministre, cette définition est un préalable à nos travaux, nous n’arracherons pas d’hectares de vignes dans la Marne. (Sourires.)

Je ne veux pas que nous nous focalisions sur la distance retenue : au lieu de cinquante mètres, nous pouvons très bien en prévoir dix. L’idée est seulement de permettre la construction d’un carport ou d’une aire de retournement après la dernière construction.

J’ai suivi les travaux de MM. Cambier et Blanc, qui ont fait un travail remarquable de recherche, d’analyse et de pédagogie. Ils soulignent l’importance d’une définition de l’enveloppe urbaine, concept dont nous entendons parler depuis des décennies.

Cette absence de définition créant un vide, l’application du ZAN diverge selon les départements en fonction de l’interprétation des préfets, ce qui entraîne un problème d’équité dans les territoires.

Disposer d’une définition à laquelle se référer nous permettrait de parler de la même chose. De fait, quand la définition de l’enveloppe urbaine est à la main du préfet de département et que celui-ci l’entend différemment d’un autre, la comptabilisation par région peut révéler des iniquités territoriales au sein même de la région concernée.

L’idée est d’avoir un socle commun sur lequel nous mettre d’accord. J’y insiste, ne nous focalisons pas sur le critère des cinquante mètres, que je suis prête à modifier. Mon amendement vise essentiellement à établir une définition plaçant tout le monde sur un pied d’égalité.

M. le président. La parole est à Mme Muriel Jourda, pour explication de vote.

Mme Muriel Jourda. Je m’associe au sous-amendement de mon collègue morbihannais Yves Bleunven.

Il faut comprendre la situation telle qu’elle se présente dans nos territoires bretons et dans les territoires similaires. On y trouve beaucoup de villages…

M. Jean-Marc Boyer, rapporteur. Comme en Auvergne.

Mme Muriel Jourda. … avec des parcelles de 500 ou de 800 mètres carrés qui ne seront jamais consacrées à l’agriculture. Or ce sont les services de l’État, et non pas les élus locaux, qui ont du mal à définir exactement ce que sont ces espaces.

Lesdits services refusent avec une grande constance de les considérer comme des parcelles constructibles, alors même que cela n’enlèverait rien à l’agriculture.

M. Bernard Pillefer. Tout à fait !

Mme Muriel Jourda. Dans certains de nos villages et de nos communes, les services de l’État, refusant l’urbanisation de ces parcelles, demandent aux maires de construire en pourtour de bourg sur des terres qui sont de bonnes terres agricoles.

Même si nous abordons assez peu cette notion, il y a de bonnes terres agricoles et de mauvaises terres agricoles. Par conséquent, alors que des réseaux existent sur des parcelles qui ne sont rien d’autre que des friches, dont personne ne s’occupera jamais, nous consommons de la bonne terre agricole ! Cette situation, à laquelle personne ne tente de remédier, est proprement inadmissible.

Aussi, pour ma part, je suivrai mon collègue.

M. le président. La parole est à M. Michel Canévet, pour explication de vote.

M. Michel Canévet. J’ai entendu tout à l’heure que la jurisprudence avait suffisamment défini les choses. Non ! Elle pose justement un certain nombre de problèmes que nous devons clarifier. C’est le sens de l’amendement et du sous-amendement qui viennent d’être défendus.

Pour ma part, comme Muriel Jourda, je souscris totalement au sous-amendement de notre collègue Yves Bleunven. Dans bien des territoires, en particulier littoraux, nous arrivons à des aberrations : ainsi, nous ne pouvons pas densifier les hameaux dans les zones urbanisées, au nom de l’ancienneté du concept ou de l’application du principe de précaution élaboré par la jurisprudence. Pourtant, il s’agit non pas de consommer des terres supplémentaires, mais de densifier un espace déjà urbanisé.

Monsieur le ministre, en raison de l’application particulièrement rigide des concepts par vos services, les maires ne s’en sortent pas ! Il est temps que le législateur remette du bon sens dans tout cela pour permettre aux élus de densifier ces hameaux.

Je soutiendrai donc cet amendement et ce sous-amendement.

M. le président. La parole est à M. Yves Bleunven, pour explication de vote.

M. Yves Bleunven. Je souhaiterais tout d’abord compléter les propos de mes deux collègues pour souligner une spécificité de notre territoire breton : il existe peu de régions où l’habitat est aussi diffus. Si, pour ma part, j’ai été le maire d’une commune de 5 000 habitants, 45 % de la population bretonne habite dans des villages.

Ensuite, je tiens à rappeler que chaque dent creuse représente un gaspillage foncier, puisque ces espaces ne reviendront jamais à l’agriculture. Il faut intégrer cette réalité au raisonnement.

M. le président. La parole est à M. Cédric Chevalier, pour explication de vote.

M. Cédric Chevalier. Alors que la plupart des élus locaux sont devant une situation nébuleuse, l’amendement de notre collègue, que je voterai, vise à clarifier les choses. C’est essentiel pour l’acceptation.

Même si je ne suis pas Breton, je comprends également le sens des dispositions du sous-amendement. Si nous considérons que les élus sont les mieux placés pour comprendre les réalités du terrain, il faut aller dans ce sens.

M. le président. La parole est à Mme Sonia de La Provôté, pour explication de vote.

Mme Sonia de La Provôté. Je souscris aussi à cette nécessité de définir plus précisément l’enveloppe urbaine.

Par exemple, je me pose des questions pour les communes nouvelles, parfois constituées d’une vingtaine de communes historiques et présentant une véritable discontinuité urbaine. Or la définition proposée permet précisément de prendre en compte les enjeux d’urbanisation en l’absence de continuité. Elle me paraît particulièrement adaptée à toutes les configurations urbaines de nos communes.

M. le président. La parole est à M. Vincent Louault, pour explication de vote.