M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Lermytte. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Brigitte Devésa applaudit également.)
Mme Marie-Claude Lermytte. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, des propositions variées provenant de la gauche en 1983, j’en retiens deux. La première était mauvaise : instaurer l’âge de la retraite à 60 ans, à l’heure où la réalité démographique s’imposait déjà en France et en Europe.
Mme Monique Lubin. Voilà qui commence bien !
Mme Marie-Claude Lermytte. La seconde était bonne : arrêter d’indexer les salaires sur l’inflation. Confrontée à la réalité, la gauche a fait le choix qui s’imposait. (Exclamations amusées sur les travées des groupes Les Républicains et GEST.)
Souvenons-nous : la loi du 18 juillet 1952, dite loi Pinay, indexait le salaire minimum sur l’inflation. De fait, certaines conventions collectives ont appliqué ce principe. Nous étions sous la IVe République : le contexte était bien différent, du fait d’une inflation à deux chiffres. La mesure d’indexation était accompagnée d’un dispositif de blocage des prix.
Il y a quarante ans, après un accord pour le moins infructueux entre les socialistes et le parti communiste français, et une succession de mesures dispendieuses et dénuées de tout sens des réalités, le mur des faits s’est érigé. Même François Mitterrand n’a pu l’éviter ! Dans le cadre de la politique d’austérité qui s’est imposée, en 1983, après un retour de tensions inflationnistes, désormais accrues, la gauche a interdit cette fois les clauses permettant l’indexation des salaires sur l’inflation, à l’exception du Smic.
Le gouvernement d’alors a accepté la logique selon laquelle un mécanisme d’indexation des salaires augmente les coûts de production, lesquels augmentent les prix de vente des biens et des services, lesquels entraînent une hausse des salaires. C’est ce que l’on appelle la spirale inflationniste ! La décision a été salutaire : entre 1982 et 1985, l’inflation a diminué, passant de presque 12 % à moins de 6 %.
Quarante ans plus tard, par la proposition de loi qu’il a déposée, le groupe CRCE-K affirme à présent que l’idée était bonne et souhaite revenir en arrière. On se trompe ! Il ne faut pas oublier que toutes les entreprises de France ne font pas partie du CAC 40 et que tous les employeurs ne sont pas des entreprises.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Justement !
Mme Marie-Claude Lermytte. Les quelque 158 000 PME de France emploient 4,3 millions de salariés et créent près d’un quart de la valeur ajoutée de l’ensemble des entreprises. Combien d’entre elles seraient économiquement capables de faire face à l’obligation d’indexer les salaires sur l’inflation ?
De plus, nous pensons évidemment aux collectivités territoriales, dont personne, surtout au Sénat, n’ignore les difficultés. Les départements doivent déjà faire des choix difficiles pour assurer l’intégralité de leurs missions, d’autant que nous connaissons les écueils du Ségur de la santé. (Mme Émilienne Poumirol s’exclame.) Faut-il leur en imposer de nouveaux ?
Chacun devine les bonnes intentions derrière ce texte. Nous les partageons tous, bien sûr !
Mme Marie-Claude Lermytte. Améliorer le pouvoir d’achat des Français, qui pourrait être contre ? Nous devons tout faire pour que l’ensemble de nos concitoyens vivent dignement de leur travail.
Pour autant, imposer une telle mesure aux entreprises alourdirait les contraintes, déjà nombreuses, et réduirait les embauches. C’est inévitable. Par ailleurs, le contexte actuel ne s’y prête guère, le nombre de demandeurs d’emploi ayant augmenté de 3,9 % au quatrième trimestre 2024, la plus forte hausse en dix ans, hors période covid.
Dans leur rapport d’information sur les négociations salariales, nos collègues Frédérique Puissat et Corinne Bourcier proposent de continuer de réformer le système des allégements de cotisations patronales pour limiter les effets de seuil ou encore de poursuivre le développement du partage de la valeur en entreprise. Ce sont là bon sens et réalité sans dogmatisme ! (Mme Émilienne Poumirol proteste.) Indexer les salaires sur l’inflation risquerait de mettre en péril le dialogue social et pourrait nuire à la qualité du travail des partenaires sociaux.
Les augmentations ne peuvent passer que par l’amélioration de la compétitivité et de la productivité des entreprises, en respectant et en renforçant le dialogue social. Par conséquent, le groupe Les Indépendants – République et Territoires ne soutiendra pas ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – Mme Brigitte Devésa applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Frédérique Puissat. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Brigitte Devésa applaudit également.)
Mme Frédérique Puissat. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, par la proposition de loi qu’elle présente, Cathy Apourceau-Poly aborde un sujet qui nous concerne tous : le pouvoir d’achat. Celui-ci demeure l’une des priorités fondamentales des Français.
D’abord, ma chère collègue, vous faites état dans l’exposé des motifs de cet effet ciseaux que nous connaissons bien : les salaires sont bas et les coûts contraints – alimentation, transport, logement – augmentent, notamment ces dernières années. Cette situation fait que bon nombre de Français qui travaillent connaissent de véritables difficultés, ils ont le sentiment de ne plus y arriver.
Ensuite, vous mentionnez le processus dit de smicardisation, évoquant à ce titre ce que vous appelez l’« absence d’une véritable politique salariale ». Néanmoins, le phénomène en question renvoie au coût du travail en France et, pour utiliser les termes du rapport d’Antoine Bozio et d’Étienne Wasmer, à « trente ans de politique de réduction des cotisations employeur ».
En effet, durant ces trente ans, de 1993 à 2024, se sont succédé plusieurs gouvernements et plusieurs Présidents de la République, de toutes sensibilités politiques, qui ont adopté une stratégie combinant des taux importants de cotisations sociales, un salaire minimum relativement élevé et des réductions de cotisations employeur.
Enfin, vous évoquez « une inflation qui ampute le pouvoir d’achat de l’ensemble des salariés ». Vous prenez l’exemple des répercussions de la hausse des prix sur les salariés, y compris dans la fonction publique, pour aboutir à l’objet de votre proposition de loi : « l’urgence d’indexer les salaires sur l’inflation ».
Nous partageons bon nombre de vos constats. Je pense à ceux qui sont liés à la précarité ou au sentiment de précarité de bon nombre de ménages, situation qui a conduit la commission des affaires sociales à s’emparer du sujet au travers d’une mission d’information sur les négociations salariales, conduite par Corinne Bourcier et par moi-même, au mois de juin 2024. Je pense également aux constats liés aux exonérations, enjeux dont nous avons débattu dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale, plus singulièrement de son article 6. Pourtant, le groupe Les Républicains n’aboutit pas aux mêmes solutions que celles que vous proposez dans cette proposition de loi.
Premièrement, je rappelle que, en France, les salaires se décident librement entre le salarié et l’employeur, au travers du contrat de travail et dans le respect du Smic, des grilles salariales d’entreprise, ainsi que des grilles conventionnelles de branche fixées par le dialogue social. Notre logique politique est et reste de laisser les partenaires sociaux négocier entre eux et de ne surtout pas encourager l’État à administrer les salaires.
Pour répondre à l’inflation de ces dernières années, qu’elle soit conjoncturelle ou structurelle, une première tentation consisterait à vouloir indexer les salaires, notamment les salaires minima hiérarchiques, sur le Smic. Cette idée semble séduisante, mais nous pensons que, en matière de négociation collective, il faut parfois faire des choix. Pourtant, l’indexation des pieds de grilles ou d’autres niveaux de rémunération risquerait d’escamoter le dialogue social et, singulièrement sur les bas salaires, de renforcer le tassement des grilles de rémunération en n’agissant que sur les échelons rattrapés par ce seuil.
Deuxièmement, je rappelle – vous l’avez évoqué – que l’indexation des salaires sur les prix a déjà existé en France entre 1952 et 1983. Pourquoi a-t-on modifié le système à cette date ? Le gouvernement socialiste dirigé par Pierre Mauroy, au nom de la lutte contre l’inflation, a fait le choix de la désindexation. L’indexation automatique des salaires sur les prix ne semblait plus concluante et l’exécutif s’était rendu compte que ce mécanisme provoquait l’inverse de ce qui était souhaité. En effet, l’indexation entraînait en réalité une hausse des prix, phénomène appelé à l’époque spirale prix-salaires. J’ai bien noté, madame le rapporteur, que notre interprétation historique divergeait sur ce point.
Troisièmement, je rappelle que, dans les autres pays d’Europe, seuls les travailleurs de la Belgique, de Chypre, de Malte et du Grand-Duché du Luxembourg bénéficient encore de l’indexation automatique des salaires : la grande majorité des États ne s’inscrivent pas dans cette logique économique. Même si j’ai bien noté, chère Cathy Apourceau-Poly, que vous nous encouragiez à voyager, reconnaissons que le champ des destinations reste relativement limité en Europe !
Quatrièmement, les entreprises – il faut le souligner, notamment en faisant référence à la note de la Dares que vous avez citée, madame la ministre – ont procédé à des augmentations ces dernières années. En effet, les salaires ont été revalorisés de 4,6 % en 2023 et de 3,5 % en 2024. Une étude récente sur les 630 accords déjà conclus pour 2025 dans le cadre des négociations annuelles obligatoires relève qu’au mois de janvier 2025 les hausses atteindraient 2,27 % sur un an. Les enveloppes sont donc peut-être en baisse cette année, en lien avec le ralentissement de l’inflation, mais elles sont en moyenne supérieures à celle-ci. Les employeurs sont lucides sur leur besoin de rester attractifs.
Madame la sénatrice, vous appliquez le principe de l’indexation à la fonction publique. Aussi, vous prévoyez une compensation passant par une majoration de la dotation globale de fonctionnement (DGF). Cette mesure revient à méconnaître – il nous semble – les difficultés que nous rencontrons et, au-delà, à méconnaître nos dernières semaines de discussion, notamment sur les enjeux liés à l’augmentation ou à la baisse de cette enveloppe.
Cinquièmement, sur le conditionnement des réductions de cotisations patronales sur les bas salaires au respect de l’augmentation annuelle des salaires a minima au niveau de l’inflation constatée, nous avons vu, notamment dans l’article 6 du projet de loi de financement de la sécurité sociale, combien le débat était délicat et nécessitait une discussion branche par branche. Pour autant, personne n’est opposé à une discussion. Celle-ci ne passera certainement pas par un texte descendant, imposant des solutions non négociées aux branches.
Sixièmement, tordons le cou à une idée partagée par tous, y compris par plusieurs gouvernements, même si j’ai bien noté, madame la ministre, votre singularité en la matière. Grâce à l’action des partenaires sociaux, notre cadre juridique est resté adapté dans la période d’inflation soutenue que nous avons connue, même si – je tiens à en parler – des branches sont en non-conformité.
Le sérieux travail d’enquête que ma collègue Corinne Bourcier et moi avons mené nous a permis de constater que les enseignements tirés des informations transmises par la direction générale du travail (DGT) comme de nos auditions étaient bien différents du réquisitoire à l’origine de la proposition de loi, voire des positions continues des différents gouvernements.
En effet, au mois de décembre 2023, seulement six branches professionnelles – vous en avez évoqué cinq, madame la ministre – étaient encore identifiées par le Gouvernement comme non conformes depuis plus d’un an. Au mois de mars 2024, trois d’entre elles avaient déjà retrouvé des salaires minima hiérarchiques (SMH) supérieurs au Smic pour tous les niveaux de classification. Sur les trois branches restantes, à savoir cafétérias, institutions de retraite complémentaire et foyers de jeunes travailleurs – le caoutchouc n’en fait pas partie –, qui ne représentent plus que 48 000 salariés sur les 13 millions que comporte le secteur privé hors agriculture, aucune situation présentée ne rendait compte d’un dialogue social moribond ou impuissant à la négociation salariale. Nous pouvons donc remercier les branches du travail qui est fait, laborieux et constant.
Pour toutes ces raisons, le groupe Les Républicains rejettera cette proposition de loi. Pour les négociations salariales et les enjeux de pouvoir d’achat des salariés ou des fonctionnaires, il renvoie aux propositions formulées dans le cadre des travaux menés par la mission d’information sur les négociations salariales au mois de juin 2024.
Pour autant, nous remercions Cathy Apourceau-Poly et le rapporteur Silvana Silvani d’avoir mis en avant le débat du pouvoir d’achat et des salaires. Même si chacun propose des solutions différentes, cette question reste un défi majeur et quotidien de notre engagement parlementaire. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Brigitte Devésa applaudit également.)
M. le président. La discussion générale est close.
La commission n’ayant pas élaboré de texte, nous passons à la discussion des articles de la proposition de loi initiale.
proposition de loi visant à indexer les salaires sur l’inflation
Article 1er
I. – Les salaires du secteur privé augmentent annuellement au minimum en fonction du taux prévisionnel d’évolution de la moyenne annuelle de l’indice des prix à la consommation des ménages, hors tabac, annexé au projet de loi de finances de l’année de versement, arrondi au demi-entier supérieur.
II. – L’article L. 3231-3 du code du travail est abrogé.
III. – L’article L. 112-4 du code monétaire et financier est complété par une phrase ainsi rédigée : « Sont également autorisées, dans les conventions ou accords collectifs de travail, les clauses comportant des indexations sur le salaire minimum de croissance, sur le niveau général des prix ou des salaires ou sur les prix des biens, produits ou services en vue de la fixation et de la révision des salaires prévus par ces conventions ou accords. »
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Silvana Silvani, rapporteure. Sur l’article 1er, je tiens à souligner un point qui me semble essentiel et qui a peut-être été abordé un peu vite lors de la discussion générale. Outre l’indexation automatique des salaires qui y est proposée, cet article a pour objet d’abroger, par cohérence, l’interdiction des clauses d’indexation des conventions collectives qui existe dans le droit en vigueur.
À la lumière de nos travaux, cette interdiction ne cesse de me surprendre. Pourquoi le législateur tient-il à empêcher tout accord validement conclu entre syndicats et patronat en la matière ? Le Sénat, qui se distingue et qui s’honore traditionnellement par sa défense du paritarisme – les différents orateurs l’ont rappelé –, trouverait là une occasion de marquer sa confiance envers les partenaires sociaux.
M. le président. La parole est à Mme Marianne Margaté, sur l’article.
Mme Marianne Margaté. L’article 1er a pour objet une indexation annuelle des salaires du secteur privé sur le taux prévisionnel d’inflation. Il vise, en outre, à mettre fin à l’interdiction contenue dans le code du travail des clauses conventionnelles comportant une indexation automatique des salaires sur le Smic.
L’indexation des salaires est un mécanisme permettant d’éviter que le niveau de vie des salariés chute quand les prix augmentent. Nous proposons, pour notre part, de lier cette rémunération à l’évolution du coût de la vie.
Il est évident que le choix de l’indice est déterminant dans ce calcul. Nous avons pris comme référence celui de l’Insee, car il fait autorité, malgré les critiques qu’il y aurait à faire à son encontre. Par exemple, l’Insee ne tient pas compte des dépenses liées au logement ou à la santé alors même que ces deux postes pèsent lourdement sur le pouvoir d’achat des ménages.
L’inflation moyenne calculée est donc en décalage avec ce que ressentent nos concitoyens. Ainsi, au mois de février 2023, l’Insee l’a chiffrée à 7,7 %, tandis que le prix de plusieurs denrées de première nécessité avait explosé au cours de la même période : plus de 20 % pour les pâtes, 30 % pour la viande surgelée, 17 % pour les légumes frais ou encore 16 % pour l’énergie.
Actuellement, en l’absence d’indexation des salaires sur un indice des prix, les travailleurs et les fonctionnaires perdent chaque mois du pouvoir d’achat.
Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, nous vous invitons à voter l’article 1er.
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, sur l’article.
M. Fabien Gay. Nous vous avons écoutés attentivement, mes chers collègues. Vous n’êtes pas en faveur de notre proposition de loi.
M. Michel Canévet. Non !
M. Fabien Gay. C’est le jeu !
En revanche, vous niez une réalité : il existe bien un problème de salaires en France. Pourtant, vous ne proposez aucune solution pour le régler.
Madame la ministre, nous ne parlons pas de pouvoir d’achat, nous posons la question du salaire, qu’il soit net, brut ou super brut ! À un moment donné, il faudra donc se pencher sur les 88 milliards d’euros d’exonérations de cotisations sociales et patronales. Nous devrons tout mettre sur la table !
À nos propositions, vous objectez que le Smic a connu huit hausses. Dont acte. Reste que les salaires augmentent moins vite que les dividendes. Le constat ne provient pas du groupe CRCE-K : toutes les études le démontrent !
Certes, entre 2011 et 2021, les salaires ont augmenté de 22 %, mais, dans le même temps, les dividendes ont explosé : +57 % ! La hausse a donc été deux fois plus rapide pour ces derniers en dix ans et même quatorze fois depuis 2020 ! Pour le dire autrement, depuis la crise inflationniste, les salariés trinquent pendant que les actionnaires continuent à se goinfrer de dividendes !
Si vous ne voulez pas indexer les salaires sur les prix, que voulez-vous faire ? Maintenir le système existant ? Je vous ai bien écoutée, madame la ministre : si la branche caoutchouc a rehaussé sa grille pour la faire passer au-dessus du Smic – c’est très bien –, 94 branches sur 171 continuent en France à faire commencer leurs salaires en dessous de ce seuil. Voilà la réalité !
Il faudra donc passer par une augmentation généralisée des salaires pour que l’ensemble des travailleurs et des travailleuses vivent dignement du fruit de leur travail. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K. – Mme Raymonde Poncet Monge et M. Jean-Claude Tissot applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Yannick Jadot, sur l’article.
M. Yannick Jadot. L’initiative du groupe CRCE-K est très bonne, car la question générale du pouvoir d’achat est devenue éminemment politique. Donald Trump a gagné aux États-Unis en raison non pas simplement de ses délires fascistes repris par un certain nombre d’électrices et d’électeurs, mais aussi du choc d’inflation.
M. Yannick Jadot. En ne voyant pas qu’il faut absolument rassurer les salariés sur le niveau de leur pouvoir d’achat et de leur salaire, vous passez à côté de quelque chose d’extrêmement important, madame la ministre, y compris politiquement.
J’entends les références à la spirale inflationniste des années 1980. Toutefois, à l’époque, la Banque centrale européenne (BCE) n’existait pas et la compétitivité se jouait notamment à coups de dévaluations !
À présent, nous sommes dans un autre monde : la politique monétaire y a pour objectif principal de limiter la hausse des prix.
Nous sommes dans un monde de plus en plus instable, où les chocs inflationnistes viennent percuter les salariés de l’ensemble des pays. C’est pour cette raison que la proposition communiste fait sens : il s’agit de protéger les salariés de ces chocs liés à l’instabilité croissante du monde. C’est cela qui compte.
Sur le pouvoir d’achat, nous faisons des propositions et vous, madame la ministre, vous rejetez l’encadrement des loyers, vous rejetez l’augmentation des financements pour la construction de logements, qu’ils soient sociaux ou autres, vous rejetez toute une série de mesures qui permettent d’augmenter le pouvoir de vivre de nos concitoyennes et de nos concitoyens. De fait, toutes les études montrent un décrochage des salaires par rapport à l’inflation.
J’insiste : nous ne sommes pas dans la situation des années 1980. Dans cet autre monde, profondément instable, les chocs inflationnistes font arriver l’extrême droite au pouvoir. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et CRCE-K.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, sur l’article.
M. Daniel Chasseing. Il n’y a pas très longtemps, une motion de censure a provoqué un arrêt des embauches et de l’investissement. Sept syndicats sur huit souhaitaient qu’il n’y en ait pas de deuxième ; fort heureusement, ils ont été exaucés. Un budget de compromis a été adopté ; il permettra, nous l’espérons, une reprise des investissements qui étaient gelés.
Le Smic a augmenté, atteignant 1 426 euros brut mensuels en 2024, contre 1 218 euros brut en 2020. Il est vrai que la part de salariés au Smic est passée de 12 % à 27 %. Cela représente 3 millions de salariés.
C’est ce qui a motivé le dépôt de cette proposition de loi visant à indexer les salaires sur l’inflation.
Les 140 milliards d’euros de profits des multinationales, auxquels vous faites référence, sont essentiellement réalisés hors de France.
De même, il est faux de dire que les entreprises « se goinfrent de dividendes ». Nos très petites entreprises (TPE) et nos petites et moyennes entreprises (PME) se développent, créent de l’emploi et font participer leurs salariés en cas de hausse des bénéfices. (Mme Cécile Cukierman s’exclame.)
Nous voulons comme vous que les salaires augmentent. Mmes El Khomri et Pénicaud, en aménageant le code du travail, ont incité au dialogue dans l’entreprise.
Je souhaite que le Gouvernement continue la politique de l’offre, afin de renforcer notre compétitivité et de permettre la hausse des salaires.
Le dispositif que vous proposez d’instituer a été supprimé en 1983, afin, précisément, de ne pas nuire à cette compétitivité.
Nous devons donc continuer la politique de l’offre pour avoir des TPE compétitives, avec des carnets de commandes bien remplis, et permettre aux entreprises de créer de la richesse.
Maintenons nos acquis sociaux, investissons et augmentons les salaires, afin que nos salariés puissent vivre dignement des fruits de leur travail.
M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, sur l’article.
Mme Monique Lubin. J’écoute mes collègues et je suis toujours très étonnée : tout le monde partage les objectifs d’amélioration et de préservation du pouvoir d’achat, mais aucune solution ne convient jamais !
Ainsi que je l’ai rappelé en commission et lors de la discussion générale, si le Smic est protégé, les salaires au-dessus du Smic ne le sont absolument pas !
Un grand nombre d’entreprises, notamment de PME, n’augmentent pas les salaires. Même en période de forte inflation, certaines ne les ont jamais augmentés ou l’ont fait seulement au bout de deux ou trois ans, et de moitié par rapport à la hausse des prix !
Des salariés qui perdent en pouvoir d’achat, cela existe, mes chers collègues !
Je suis très surprise que l’on puisse ainsi faire abstraction de la situation des salariés et de la question de la rémunération du travail, et ce toujours en avançant les mêmes arguments : « Il faut préserver nos PME et nos entreprises. » Tout cela, c’est évidemment très important, mais il n’y a pas d’entreprise sans salariés. D’ailleurs, mais c’est un autre débat, certaines d’entre elles feraient peut-être bien de s’interroger sur les causes de leurs difficultés à recruter.
Je suis tout de même un peu consternée de constater que, pour nombre d’entre vous, la situation des salariés est un enjeu très secondaire.
Par ailleurs, j’ai trouvé certaines interventions pour le moins jusqu’au-boutistes. Je me suis même demandé si une pluie de sauterelles ne s’abattrait pas sur les entreprises en cas d’adoption de cette proposition de loi !
(M. Pierre Ouzoulias remplace M. Dominique Théophile au fauteuil de la présidence.)