M. le président. La parole est à Mme Anne Souyris, sur l’article.

Mme Anne Souyris. Les allégements généraux de cotisations patronales ont coûté en 2023 près de 80 milliards d’euros, dont plus de 65 milliards d’euros à la sécurité sociale.

Il s’agit d’une moindre recette pour la sécurité sociale de 17 milliards d’euros de plus par rapport à 2022, mais elle n’a pas eu que des effets négatifs. Le rapport Bozio-Wasmer a montré le risque de trappe à bas salaires entraîné par la réduction de cotisations sociales sur des salaires autour du Smic.

Ainsi, nous avions accueilli avec joie la réforme des allégements généraux de cotisations portés par ce PLFSS. Quel dommage que les tenants de la politique de l’offre l’aient réduite significativement ! Surtout, si les baisses de cotisations sociales sur les bas salaires ont pu avoir des effets sur l’emploi, celles qui ont porté sur les salaires plus élevés n’ont pas encore fait la preuve de leur efficacité.

Notre collègue Raymonde Poncet Monge vous proposera de supprimer l’exonération de cotisations au-delà de deux Smic, ce qui pourrait rapporter entre 6 milliards d’euros et 8 milliards d’euros à la sécurité sociale. L’aveuglement idéologique de ceux qui refusent cette réforme coûte très cher à notre modèle de protection sociale. Le cadeau social aux entreprises se fait au détriment de la sécurité sociale et, in fine, de l’emploi.

M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret, sur l’article.

Mme Corinne Féret. Si les filières les plus accidentogènes, dont celles du bâtiment et travaux publics (BTP), de la métallurgie et de la chimie, ont connu de nets progrès grâce à une action renforcée en faveur de la prévention et de la santé au travail, a contrario, les secteurs des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS), des hypermarchés ou même du stockage ont assisté à une détermination rapide de leur situation.

L’indice de fréquence atteignait 50 % pour les activités des services médico-sociaux et l’aide à la personne, comme pour le BTP.

La fréquence des accidents du travail est deux fois plus élevée dans le secteur de l’aide à domicile que dans le secteur du BTP.

La durée moyenne des arrêts à la suite d’un accident est également deux à trois fois plus élevée dans le secteur de l’aide à domicile que dans le BTP, par manque de prévention et de mise à disposition des moyens nécessaires au bon déroulement de l’activité.

Il est donc nécessaire de responsabiliser les entreprises qui ne protègent pas leurs travailleurs et la santé de ces derniers, car les conséquences à long terme sont très lourdes pour notre système de santé et de sécurité sociale.

Pour protéger les travailleurs, notre groupe avait déposé un amendement qui a malheureusement été déclaré irrecevable. Son objet était de créer un prélèvement supplémentaire pour les entreprises à haute sinistralité, afin de financer la prise en charge par les employeurs et, surtout, d’inciter ces derniers à prendre les mesures nécessaires.

C’est la qualité de vie de milliers d’hommes et de femmes qui est en jeu. En 2021, quelque 35 550 nouvelles incapacités permanentes, atteignant des personnes parfois très jeunes, ont été ainsi reconnues.

Le rapport du 30 juin 2024 de la commission chargée de la sous-déclaration des accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) rappelle que la plupart des recommandations formulées au fil des années ne sont pas mises en place, comme la formation des professionnels de santé aux enjeux des AT-MP, l’amélioration de la traçabilité des sinistres et l’information des travailleurs au sujet de leurs droits.

M. le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou, sur l’article.

Mme Annie Le Houerou. Je profite de l’examen de cet article pour introduire de nouveau le sujet des allégements généraux de cotisations sociales pour l’employeur accordés aux entreprises relevant d’une branche dont les salaires minimaux sont inférieurs au Smic.

Avec les sénateurs du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, j’ai présenté un amendement visant à calculer les allégements sur les salaires minimaux, et non plus sur le Smic, afin de compenser l’abrogation des mesures de report de l’âge légal et d’accélération prévue dans la réforme des retraites passée par 49.3 en avril 2023.

Or cet amendement a été déclaré irrecevable au titre de l’article 45 de notre règlement. Cependant, il est nécessaire de nous emparer de ce sujet. En effet, de nombreuses branches professionnelles fixent par accord des minima salariaux inférieurs au Smic, écrasant par le bas l’échelle des rémunérations et limitant ainsi les évolutions salariales.

Au 24 janvier 2025, à la suite de la revalorisation anticipée du Smic au 1er novembre 2024, 94 des 171 branches du régime général affichaient des salaires minimaux inférieurs au Smic. En 2024, seulement 5 branches affichaient des minima structurellement inférieurs au Smic.

Nous noterons ici une amélioration, sachant qu’une vingtaine de branches agissaient ainsi auparavant. Cependant, cette mécanique reste problématique. En effet, elle autorise les employeurs à précariser les salariés, ces derniers ne touchant pas le salaire minimal légal.

M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, sur l’article.

M. Daniel Chasseing. L’article 6 reprend le compromis issu du travail réalisé en commission mixte paritaire. Il porte la mesure d’économie sur les allégements de cotisations patronales à 1,6 milliard d’euros, contre 3 milliards d’euros dans la version du Sénat et 4 milliards d’euros dans celle que le gouvernement Barnier avait initialement proposée.

Au total, les allégements au niveau du Smic sont maintenus à leur niveau actuel et les seuils minimaux des bandeaux famille et maladie, c’est-à-dire les allégements des cotisations d’allocations familiales et des cotisations maladie sont désormais fixés à 3,3 fois le Smic et 2,5 fois le Smic.

Il est vrai que les allégements de cotisations patronales représentent un montant important. Mais n’oublions pas qu’ils ont permis la création de millions d’emplois. Le dispositif avait été mis en place dans le cadre du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) en 2013. Il n’avait pas immédiatement porté ses fruits, mais, une fois transformé en allégement de charges, il s’est révélé bénéfique pour nos très petites entreprises (TPE) et nos petites et moyennes entreprises (PME).

Je le rappelle, le taux de chômage a augmenté au trimestre dernier et il faut donc être vigilant sur toute décision qui pourrait avoir des conséquences sur l’emploi. En effet, la compétition est rude entre les entreprises européennes. L’emploi est très important pour l’avenir des jeunes et pour la société. En outre, il garantit une hausse du nombre des cotisants qui permettra de dégager des recettes bénéficiant au maintien des acquis sociaux.

Cet article nous paraît donc équilibré.

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, sur l’article.

Mme Raymonde Poncet Monge. Je voudrais revenir sur le mécanisme des allégements de cotisations et montrer l’effet pervers du dispositif.

On dit toujours que l’allégement des cotisations sociales a pour effet de tasser les salaires. Mais si l’on réfléchit bien, le Smic suit l’inflation, de sorte que, à ce niveau, le salaire réel est maintenu. Pourquoi donc les salaires qui ne sont pas au niveau du Smic n’évoluent pas ? Cela résulte simplement du fait que le mécanisme d’exonération des cotisations fonctionne sur un effet multiplicateur du Smic.

Autrement dit, les exonérations portent sur les salaires qui vont jusqu’à 1,6 fois le Smic, avec un bandeau maladie fixé à 2,5 fois le Smic et un bandeau famille fixé à 3,3 fois le Smic.

Quand le Smic augmente, certains employeurs le déplorent au nom de la compétitivité de leur entreprise, alors que, en réalité, ils ne font que maintenir le salaire réel de leurs employés.

En revanche, ils sont nombreux à être très satisfaits de cette augmentation, car certains salariés qui n’étaient pas pris en compte dans le calcul des exonérations ou qui n’entraient pas dans le cadre des bandeaux se retrouvent happés par l’effet multiplicateur. Ce sera le cas notamment de ceux qui touchaient plus de 1,6 fois le Smic.

L’entreprise gagne le jackpot ! Elle bénéficie d’exonérations sur le salaire de ces employés, alors que ce n’était pas le cas auparavant. L’effet d’aubaine est garanti. Cela explique que les employeurs ont tout intérêt à ne pas faire évoluer le salaire de leurs employés dont le niveau est aux bornes du Smic.

Madame la ministre, puisque vous êtes favorable aux exonérations – on pourrait en discuter –, il faudrait que le dispositif soit forfaitaire. On éviterait ainsi que les employeurs préfèrent ne pas faire évoluer le salaire réel de certains de leurs salariés, en sachant qu’ils seront inclus dans le calcul des exonérations dès que le Smic augmentera.

Tel est l’effet pervers du dispositif. Le seul mécanisme qui pourrait l’empêcher serait l’indexation de tous les salaires, c’est-à-dire l’échelle mobile, que nous voterons ici au Sénat mercredi prochain, je l’espère.

M. le président. L’amendement n° 36, présenté par MM. Szczurek, Hochart et Durox, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Christopher Szczurek.

M. Christopher Szczurek. Je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 36 est retiré.

L’amendement n° 10, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Brulin, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 4

Insérer sept alinéas ainsi rédigés :

« La réduction dont bénéficie chaque employeur peut être minorée en fonction :

« 1° Du nombre de fins de contrat de travail, à l’exclusion des démissions ;

« 2° De la nature des contrats de travail et de leur durée ;

« 3° De la politique d’investissement de l’entreprise ;

« 4° De l’impact de l’entreprise sur l’environnement ;

« 5° De la taille de l’entreprise.

« Un décret précise les modalités de calcul de la minoration de la réduction dégressive de cotisations patronales. » ;

La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Nous n’avons pas l’intention de refaire dans son intégralité le débat que nous avons mené en première lecture ; nous avons bien compris que la majorité sénatoriale souhaitait que ce texte soit adopté conforme.

Permettez-nous malgré tout, mes chers collègues, de prendre le temps de discuter cet article 6, qui fait l’objet de nombreuses crispations au sein même de cet hémicycle.

Initialement, le Gouvernement souhaitait réduire les exonérations patronales de 4 milliards d’euros. Toutefois, à la faveur d’une coalition des députés Renaissance, Horizons, Modem, LR et RN, la commission mixte paritaire a réduit l’effort des entreprises à 1,6 milliard d’euros.

Il faut certainement y voir l’action du chef du Mouvement des entreprises de France (Medef), qui a crié à la suppression de milliers d’emplois et à la fermeture de centaines d’entreprises. Il est tout de même étrange de constater à quel point il est difficile de remettre en question les aides publiques aux entreprises : ces dernières ne sont-elles pas censées faire du profit grâce à la main invisible d’Adam Smith, et non grâce à celle de la sécurité sociale ?

Toujours est-il que même le Medef pourrait être favorable à notre amendement, puisque celui-ci vise non pas à réduire les exonérations patronales, auxquelles vous êtes manifestement très attachés, mais seulement à demander des engagements vertueux en contrepartie. Nous proposons par exemple de conditionner l’octroi de ces 78,4 milliards d’euros d’aides à l’embauche de salariés en CDI ou à des engagements en faveur de l’environnement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Chère collègue, je vous remercie de me donner l’occasion de rappeler tout le travail que nous avons réalisé en commission sur ces fameux allégements généraux, dont nous avons longuement débattu en première lecture.

Il est en effet intéressant de réfléchir à une remise en cause de ces allégements, dont le montant approche les 80 milliards d’euros, 65 milliards d’euros étant assumés par la sécurité sociale malgré l’important déficit que celle-ci accuse.

Je rappelle que le Sénat a initialement proposé de réduire ces exonérations de 3 milliards d’euros. Si nous nous sommes ensuite mis d’accord en commission mixte paritaire sur une économie de 1,6 milliard d’euros pour la sécurité sociale, il convient d’examiner cette décision à l’aune de la situation des entreprises, qui s’est dégradée depuis l’automne dernier.

Cela ne nous empêche pas de réfléchir encore et toujours à la manière de revoir le système des allégements généraux. Ce sera le rôle, notamment, de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, dont Raymonde Poncet Monge est membre.

Madame Apourceau-Poly, nous avons déjà débattu de l’opportunité de conditionner ces allégements. La condition que vous proposez est une option envisageable parmi bien d’autres, mais, comme je l’ai souligné en première lecture, elle rendrait le dispositif moins lisible. À mon sens, il convient de revoir le principe même des allégements généraux ; des travaux à venir y pourvoiront.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Madame la sénatrice, nous avons en effet constaté les limites de ces exonérations, notamment leur caractère inflationniste.

Comme l’a dit Mme la rapporteure générale, ces exonérations représentent, avant l’adoption du PLFSS pour 2025, quelque 80 milliards d’euros. Ce montant a augmenté de 20 milliards d’euros en quelques années à cause de l’indexation de ces allégements sur l’inflation.

Permettez-moi malgré tout de revenir sur la raison d’être des allégements généraux, car il ne s’agit pas de faire des cadeaux au patronat. Le coût du travail en France – c’est-à-dire le niveau des cotisations patronales – est parmi les plus élevés d’Europe, malgré ces exonérations : ce n’est pas moi qui le dis, c’est la Commission européenne !

Les sénateurs de la commission des affaires économiques du Sénat ont eu la chance d’entendre M. Menegaux, le président de Michelin, au cours d’une audition très remarquée. Celui-ci a montré la perte de compétitivité de la France en comparant le coût des emplois qualifiés en France, en Allemagne, au Canada ou en Thaïlande.

Cela dit, je suis d’accord avec Mme la rapporteure : il nous faut repenser les exonérations patronales. De même, je partage le constat dressé par M. Henno lors de la discussion générale : notre protection sociale est anormalement assise sur le travail. Je comprends l’enjeu du salaire différé, mais les cotisations se répercutent directement sur le salaire net du travailleur et sur le salaire super-brut assumé par l’employeur !

Il me semble important de livrer ces éléments à votre réflexion. Nous ne militons pas pour distribuer des chèques à tout va, mais il convient de s’interroger : les cotisations patronales sont très élevées par rapport aux autres pays de l’Union européenne – et je ne compare même pas avec les États-Unis ou la Corée du Sud !

Mme Silvana Silvani. Encore heureux…

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. En ce qui concerne votre amendement tendant à instaurer une forme de conditionnalité, nous sommes en désaccord, madame la sénatrice. De telles mesures ont certes été envisagées au début du parcours législatif de ce PLFSS, mais les arbitrages rendus en commission mixte paritaire en ont décidé autrement.

Vous renvoyez à un décret le conditionnement des aides en fonction de l’impact environnemental des entreprises. Or le dispositif du bonus-malus qui a été instauré sur l’assurance chômage tient déjà compte de ce paramètre, a fortiori depuis le dernier accord national interprofessionnel (ANI) relatif à l’assurance chômage.

Par ailleurs, votre amendement vise toutes les fins de contrats, « à l’exclusion des démissions », ce qui revient à prendre en compte les départs à la retraite. Autrement dit, vous pénalisez les entreprises comptant de nombreux salariés seniors, alors que le maintien dans l’emploi de ces derniers est une priorité que nous partageons tous. En effet, le taux d’activité des seniors en France reste faible par rapport aux standards européens.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Nous n’en doutions pas !

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Mme Raymonde Poncet Monge. On veut faire passer des options d’économie politique pour des lois naturelles…

De fait, les exonérations, telles qu’elles ont été pensées en France, c’est-à-dire focalisées sur le Smic, ont défavorablement positionné la France en matière de compétitivité. Le bas et le moyen de gamme ont été privilégiés par rapport au haut de gamme. C’est d’ailleurs ce qui explique la création du CICE.

Un réexamen de ces exonérations est nécessaire pour montrer le mauvais positionnement compétitif qu’elles ont fait prendre à la France. Il serait préférable d’aider les entreprises à investir dans l’innovation et la recherche, et pas seulement par le biais du crédit d’impôt recherche (CIR) – nous y reviendrons lors de l’examen du prochain budget.

Il faut bien comprendre que cette politique publique est inefficace, d’autant qu’elle a dû être doublée de mécanismes de soutien au pouvoir d’achat à mesure que le nombre de travailleurs pauvre a augmenté. Or ce n’est pas l’objectif premier de la sécurité sociale.

Il est grand temps de revenir sur les effets pour la compétitivité de trente ans de politique d’exonérations.

M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour explication de vote.

Mme Céline Brulin. Madame la ministre, vous expliquez qu’il faut soutenir la compétitivité des entreprises françaises.

Il y aurait lieu d’organiser un grand débat sur ce que nous entendons par là, même si ce n’est ni le lieu ni le moment. En effet, certaines entreprises estiment qu’elles manquent de compétitivité dès lors qu’elles se trouvent dans un cycle un peu plus délicat qu’à l’accoutumée ou qu’elles jugent insuffisant leur taux de rentabilité…

Par ailleurs, alors que les évolutions démographiques posent de nombreuses questions sur les retraites et le grand âge, dans la situation où se trouvent nos hôpitaux et nos Ehpad, est-ce à la sécurité sociale de soutenir la compétitivité de nos entreprises ? Je n’en suis vraiment pas sûre !

Vous avez l’air de considérer que la compétitivité des entreprises dépend exclusivement du coût du travail. Or dans le secteur de la chimie, par exemple, le coût de l’énergie est bien supérieur à celui du travail !

Au-delà de cet amendement, nous voudrions débattre du principe de la conditionnalité : n’est-il pas préférable de soutenir les entreprises vertueuses, qui favorisent l’emploi et, ce faisant, rapportent de nouvelles cotisations, c’est-à-dire de nouvelles ressources pour la protection sociale ?

Certes, les entreprises ne sont pas toutes des voyous, comme l’a dit tout à l’heure l’une de nos collègues. Mais rien n’empêche la puissance publique de soutenir stratégiquement des entreprises qui contribuent au bien commun, plutôt que d’autres qui ne le font pas : c’est le sens de cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 10.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 11, présenté par Mmes Silvani, Apourceau-Poly, Brulin et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 4

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

« La réduction dont bénéficie chaque employeur peut être minorée en fonction du respect de l’égalité salariale dans l’entreprise.

« Un décret précise les modalités de calcul de la minoration de la réduction dégressive de cotisations patronales. » ;

La parole est à Mme Silvana Silvani.

Mme Silvana Silvani. Cet amendement de repli vise à conditionner les exonérations de cotisations sociales des entreprises au respect de l’égalité salariale.

D’aucuns prétendront que le droit y pourvoit, mais, selon l’Insee, l’écart de salaire annuel entre les femmes et les hommes s’élevait à 23,5 % en 2022. Dans le secteur privé, le revenu annuel moyen des hommes est de 26 110 euros, contre 19 980 euros pour les femmes, soit un écart de 6 130 euros.

Nous proposons de ne pas subventionner les entreprises qui ne respectent pas la loi de 1983 portant modification du code du travail et du code pénal en ce qui concerne l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, dite loi Roudy.

L’État doit faire respecter ses propres lois. En maintenant les exonérations de cotisations, vous encouragez les entreprises à ne pas respecter le principe d’égalité salariale.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 11.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 12, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Brulin, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 4

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

« La réduction dont bénéficie chaque employeur peut être minorée en fonction du respect de l’obligation d’embauche de 6 % de travailleurs handicapés, mutilés de guerre et assimilés mentionnés à l’article L. 5212-13 du code du travail.

« Un décret précise les modalités de calcul de la minoration de la réduction dégressive de cotisations patronales. » ;

La parole est à Mme Céline Brulin.

Mme Céline Brulin. Cet amendement vise également à conditionner l’octroi des exonérations de cotisations sociales. Il s’agit de réserver celles-ci aux entreprises embauchant au moins 6 % de travailleurs handicapés.

Les vingt ans de la loi de 2005 pour l’égalité des droits et des chances ont mis en lumière le fait que les personnes handicapées ont un taux d’emploi bien inférieur à l’ensemble de la population et un taux de chômage presque double. C’est pourquoi il nous importe d’encourager les entreprises à modifier leurs pratiques en la matière.

Madame la rapporteure générale, vous êtes convenue tout à l’heure que conditionner les allégements n’était pas une si mauvaise idée, tout en craignant que cela ne rende le dispositif illisible. Voilà un critère parfaitement lisible !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Employer un certain pourcentage de personnes handicapées est déjà une obligation pour les entreprises, même si nous voyons bien que certaines industries ont du mal à atteindre les objectifs fixés. Les entreprises faisant déjà des efforts pour respecter cette obligation, il ne semble pas souhaitable de les soumettre en plus à un tel conditionnement des aides.

La commission a déjà émis un avis défavorable sur un amendement similaire en première lecture ; je n’irai donc pas plus avant dans ma démonstration.

Madame Silvani, il en va de même pour l’amendement n° 11. Le sujet de l’égalité entre les hommes et les femmes est éminemment important, mais en ajoutant condition sur condition, nous rendrions le dispositif très peu lisible. (Mme Émilienne Poumirol sexclame.) Il faut chercher à atteindre l’égalité salariale, mais les allégements généraux ne sont peut-être pas le meilleur moyen d’y parvenir.

La commission émet donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Mme Raymonde Poncet Monge. Je voudrais revenir sur l’esprit de ces amendements, dont les objectifs de justice sociale sont également bons pour la sécurité sociale.

Madame Gruny, j’ai eu moi aussi une expérience professionnelle avant d’être sénatrice. Là où elle a été le plus fortement soutenue, c’est-à-dire dans les grandes entreprises comprenant un comité social et économique (CSE) et des organisations syndicales très actives, l’application de l’index de l’égalité professionnelle a conduit à des rattrapages de salaires sur plusieurs années, donc à davantage de recettes pour la sécurité sociale.

Nous entendons constamment dire que, pour sauver notre modèle social, il faut augmenter le taux d’emploi. Or il est bien question de cela ici : il s’agit d’améliorer le taux d’emploi d’une partie de la population qui connaît un taux de chômage deux fois supérieur à son ensemble.

De la même manière, j’en entends certains regretter que notre taux d’emploi des plus de 60 ans soit inférieur à celui de l’Allemagne. Avant d’augmenter la durée du travail, il convient de se demander pourquoi moins d’un ouvrier sur trois est encore en activité à 62 ans, et non au chômage ou en inaptitude. Car au bout du compte, c’est le sas de précarité que nous augmentons ! Seuls les cadres sont majoritairement encore en emploi à 62 ans ; les ouvriers et les employés n’y sont plus.

Qu’il s’agisse des conditions de travail, de l’égalité hommes-femmes ou de l’inclusion des personnes en situation de handicap, il faut régler ces questions sociétales : c’est bon pour la société dans son ensemble, et c’est bon pour la sécurité sociale !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 12.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 57, présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 15

Remplacer le nombre :

2,25

par le nombre :

2

II. - Alinéa 16

Remplacer le nombre :

3,3

par le nombre :

2

III. - Alinéa 19

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.

Mme Raymonde Poncet Monge. Nous ne nous sommes pas engagés à voter ce texte conforme. Vous nous pardonnerez donc de défendre des amendements ! Celui-ci vise à limiter le champ d’application de l’allégement des bandeaux famille et maladie aux salaires inférieurs ou égaux à deux Smic.

Les annexes du PLFSS évaluent le coût des exonérations de cotisations à 91,3 milliards d’euros, soit 3 points de PIB, dont 2,9 milliards d’euros ne sont pas compensés à la sécurité sociale par le budget de l’État – sans compter les 19 milliards d’euros qui font carrément l’objet d’une exemption !

Le bandeau maladie, qui concerne 89 % des salariés, représente une perte de recettes de 25 milliards d’euros et le bandeau famille, qui concerne 98 % des salariés, une perte de 9,6 milliards d’euros. Alors que l’objectif fixé par les critères européens reste de ramener le déficit de nos administrations publiques consolidées à 3 %, ces coûts pèsent lourdement sur l’ensemble de nos finances publiques.

Or nous le savons, au-delà de deux Smic, ces exonérations n’ont d’effet ni sur l’emploi ni sur la compétitivité. En y mettant fin au-delà de ce seuil et en les recentrant sur les bas salaires – c’est-à-dire en revenant au dispositif initial –, nous réduirions la dépense de l’État.

En outre, un rapport d’information de l’Assemblée nationale démontre que la réduction des cotisations familiales sur les salaires bénéficie surtout aux grandes entreprises. En effet, 270 grandes sociétés concentrent près du tiers des allégements sur les rémunérations comprises entre 2,5 Smic et 3,5 Smic. Il s’agit dès lors d’un effet d’aubaine emportant, comme je l’ai expliqué précédemment, un mécanisme multiplicateur absolument délétère pour les finances publiques.

Cet amendement vise ainsi à mettre fin pour les grands groupes à un effet d’aubaine dont l’inefficacité pour l’emploi et la compétitivité est avérée et documentée.