M. le président. La parole est à Mme Michelle Gréaume, pour explication de vote.

Mme Michelle Gréaume. Mes chers collègues, je vous invite à vous pencher sur le rapport d’information du Sénat, Quel avenir pour le corps diplomatique ?, datant de 2022. En effet, ses auteurs pointent que, entre 2006 et 2019, alors que les effectifs de la fonction publique étaient réduits de 3,84 %, ceux du Quai d’Orsay ont diminué de 15,43 %, soit quatre fois plus.

La part des effectifs du ministère de l’Europe et des affaires étrangères dans la fonction publique est ainsi passée de 0,66 % à 0,58 %.

Ce même rapport souligne que les effectifs du ministère ont baissé de 30 % en dix ans et de 50 % en trente ans.

Par conséquent, mes chers collègues, les efforts d’économies considérables que visent vos amendements ne consistent pas à réduire un service coûteux ni à prélever une forme d’aumône. Les refuser participe d’un plan de sauvetage de notre appareil diplomatique, dont les moyens ont été rongés à l’os, comme le disait M. Perrin. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Une telle réduction de crédits ne nous semble donc ni souhaitable ni responsable. Cette sape supplémentaire dans les crédits de notre appareil diplomatique nuira directement au rayonnement de notre pays. Dans un monde aussi instable que le nôtre, où le capitalisme mondial affaibli cherche à ouvrir de nouvelles brèches, y compris par la guerre, pour se revitaliser, il est urgent de garantir à notre appareil diplomatique les moyens nécessaires à son fonctionnement. C’est la crédibilité de la France sur la scène internationale qui est en jeu et, par là même, la protection des Français et des Françaises.

Mme Michelle Gréaume. Le groupe CRCE-K votera contre ces amendements.

M. le président. La parole est à M. Yan Chantrel, pour explication de vote.

M. Yan Chantrel. Le ministre a très bien montré dans son propos liminaire que son ministère était à l’os. En effet, ce n’est pas seulement depuis cette année, mais depuis plusieurs décennies que l’effort budgétaire porte de manière disproportionnée sur ce ministère.

Nos diplomates n’ont pas forcément la possibilité de se mobiliser, de faire grève ou de se faire entendre, mais, pour les avoir souvent rencontrés comme l’ont fait aussi mes autres collègues représentant les Français établis hors de France, j’ai pu constater que de nombreux postes de titulaires manquaient.

En outre, prendre soin de notre diplomatie, c’est également prendre soin des agents qui œuvrent en son sein. Or certains d’entre eux sont en burn-out. Le Gouvernement est censé préserver le régalien et l’action extérieure de l’État en fait partie.

Au nom de la commission de la culture, et en tant que président du groupe d’études Francophonie, j’ai remis en 2024 un rapport d’information dans lequel figurent des propositions visant à défendre la francophonie à travers des mesures de renforcement de notre diplomatie culturelle. La commission les a votées à l’unanimité. Porter atteinte à notre diplomatie, c’est affaiblir la France.

Enfin, madame la rapporteure spéciale, vous défendez votre amendement en indiquant que le Gouvernement souhaite respecter un objectif de déficit public de 5 % du PIB. Sauf que cet objectif est désormais réévalué à 5,4 % du PIB. Il faudrait donc revoir votre amendement en fonction de ce nouvel objectif.

Le groupe socialiste votera contre ces amendements et contre celui du Gouvernement que nous examinerons ensuite.

M. le président. La parole est à M. Pierre Jean Rochette, pour explication de vote.

M. Pierre Jean Rochette. Il est évident que toutes les pistes d’économies sont bonnes à étudier. Jusqu’à la fin de l’examen de ce PLF, nous aurons nous-mêmes l’occasion d’en proposer, notamment par la suppression des agences que nous pensons inutiles.

Mais, si nous votions l’un ou l’autre de ces amendements, je crois que nous reproduirions l’erreur qui a été commise il y a quelques décennies quand nous avons commencé à dégrader, ou du moins à ne plus augmenter, les moyens de l’armée.

La diplomatie française n’est pas une diplomatie fantoche : lors de nos déplacements à l’étranger, nous voyons bien que notre pays peut compter sur un corps diplomatique fort, assurant son rayonnement grâce à un travail de fond. Notre diplomatie défend les intérêts français, quels qu’ils soient, et avec un succès indéniable.

Si nous vivions dans un monde pacifié et stable, de telles propositions pourraient peut-être faire leur chemin. Mais nous assistons au retour des empires. Si nous ne nous préparons pas à cette montée en puissance, nous serons écrasés. Nous avons donc besoin, malheureusement, d’une armée puissante et d’une diplomatie active. Qu’on le veuille ou non, les deux vont de pair.

Les élus de notre groupe ne voteront aucun de ces amendements.

M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.

M. Guillaume Gontard. Sur ce sujet, j’approuve évidemment M. le ministre. En tout cas, je fais mienne la première partie de son propos, analyse très juste de la situation.

De même, j’abonde dans le sens de M. Perrin, à ceci près que nous n’avons pas voté la baisse des crédits de l’aide au développement. Ces derniers – M. le ministre l’a rappelé – ont été amputés de 1,3 milliard d’euros. En parallèle, 200 millions d’euros d’économies sont réalisées aux dépens de l’action extérieure de l’État. À présent, on voudrait y ajouter 25 millions ou 50 millions d’euros de baisses – certains s’affrontent pour savoir jusqu’où pousser les économies. Mais quel est le sens de tout cela ? Pourquoi en sommes-nous là ? Pourquoi discutons-nous de ces baisses, que l’on nous présente comme une nécessité ?

La situation dans laquelle nous nous trouvons est la conséquence de décisions accumulées depuis des années ; il s’agit, en somme, d’un bilan.

Elle est, en outre, le résultat d’un choix politique, marqué par le refus obstiné d’aller chercher de nouvelles recettes. On s’est mis délibérément dans la seringue de l’austérité : dont acte. Mais on voit bien où mène cette dernière. On voit clairement ses limites, tout particulièrement aujourd’hui, en traitant de la diplomatie.

Il y a un autre budget, que le Sénat a voté il y a quelques jours et qui, loin de subir une baisse, est en hausse : c’est celui de l’armée. Pourquoi pas… Mais où est la logique ? On veut une armée forte au motif que le monde est de plus en plus dangereux – le discours de Donald Trump hier soir nous l’a une fois de plus confirmé. Or, dans le même temps, on entreprend de désarmer notre diplomatie. Tout cela n’a absolument aucun sens.

À l’évidence – les débats d’aujourd’hui le prouvent –, le Gouvernement n’a aucune ligne politique. Il se contente de calculs à courte vue, en essayant de faire des économies au jour le jour. C’est tout bonnement dramatique : nous aurions besoin, à l’inverse, d’une diplomatie forte, et notamment d’une diplomatie climatique.

M. le président. La parole est à Mme Samantha Cazebonne, pour explication de vote.

Mme Samantha Cazebonne. Pour toutes les raisons invoquées, je ne puis qu’être contre ces amendements, qui plus est en tant que Française de l’étranger.

Mes chers collègues, que l’on réside à l’étranger ou que l’on y soit simplement de passage, on est susceptible d’avoir besoin d’aide, pour sortir d’une mauvaise passe ou d’une situation plus ou moins désagréable. Or, à qui fait-on appel en pareil cas ? À nos consulats et à nos ambassades, qui, ces dernières années, ont si souvent été mis à contribution. On ne peut pas les sacrifier ainsi.

Jean-Baptiste Lemoyne, qui fut secrétaire d’État chargé des Français de l’étranger, l’a très bien dit : voter une telle baisse de crédits, c’est refuser de reconnaître les Français de l’étranger comme des Français à part entière. Nous avons besoin de consulats de plein exercice. Nous devons pouvoir compter à tout moment sur ces équipes.

C’est pourquoi l’on ne saurait contraindre budgétairement nos postes diplomatiques à choisir entre telle et telle mission à accomplir. Il importe que nous envoyions aujourd’hui le bon signal, en soulignant que nous sommes à leur côté.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Mes chers collègues, nos finances publiques – et cela n’aura échappé à personne – sont dans une situation dramatique, et les préoccupations de la commission des finances ne sont pas des vues de l’esprit.

D’ailleurs, monsieur le ministre, si je reprends les budgets successifs, j’observe qu’entre 2023 et 2025 les crédits considérés augmentent d’un peu plus de 7 %. On ne peut pas prétendre que le ministère de l’Europe et des affaires étrangères est le grand sacrifié.

J’ai bien entendu vos propos : vous ne voulez pas être le ministre de tous les renoncements, et je le comprends. Mais il faut aussi que les uns et les autres acceptent de s’écouter et de comprendre leurs points de vue respectifs.

À un moment ou un autre, nous devrons accomplir un effort collectif pour commencer à redresser nos comptes publics. Certains considèrent que cet effort est déjà fait,…

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. … via ce projet de loi de finances, et qu’il est même excessif. Pour ma part, j’observe qu’il faut, politique par politique, mobiliser les uns et les autres afin d’obtenir l’effort nécessaire pour chacune des missions budgétaires.

Je vous le dis en toute sincérité, en rappelant une énième fois la situation dans laquelle nous nous trouvons et en insistant sur le rôle à venir de la commission mixte paritaire.

Dans ce cadre, je tâcherai de défendre le mieux possible les choix du Sénat ; mais, en matière financière, il reste toujours des points d’interrogation. Ainsi, l’effort d’économies que nous avions proposé l’an passé s’est révélé relativement modeste au regard des décrets d’annulation qui ont été pris par la suite – on l’a d’ailleurs constaté pour d’autres missions budgétaires. Il faut le dire en toute franchise pour voir comment, ensuite, faire évoluer les choses.

À l’évidence – Mme Goulet ne me contredira pas –, l’amendement de la commission va être rejeté, mais il me semble préférable de le maintenir : c’est notre responsabilité, en ce temps difficiles, d’assumer nos positions, au risque de subir des défaites – cela fait partie de la vie –, car il faut avant tout tracer un chemin pour demain.

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur spécial.

Mme Nathalie Goulet, rapporteur spécial. Mes chers collègues, j’abonde évidemment dans le sens de M. le rapporteur général.

Que les choses soient bien claires pour tout le monde : personne, à la commission des finances, ne souhaite réduire l’attractivité de la France ou entraver la lutte contre les ingérences étrangères. Je rappelle en outre que, pour cette mission, les crédits exécutés restent parfaitement stables.

Nous avons bien compris le sort que le Sénat s’apprête à réserver à l’amendement que j’ai présenté, non pas en mon nom personnel, mais au nom de la commission. Néanmoins, nous le maintenons.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-29.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Monsieur Canévet, l’amendement n° II-75 est-il maintenu ?

M. Michel Canévet. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° II-75 est retiré.

Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° II-2206, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Action de la France en Europe et dans le monde

 

19 325 517

 

19 325 517

dont titre 2

4 325 517

4 325 517

Diplomatie culturelle et d’influence

 

4 190 761

 

4 190 761

Français à l’étranger et affaires consulaires

 

2 000 000

 

2 000 000

TOTAL

 

25 516 278

 

25 516 278

SOLDE

- 25 516 278

- 25 516 278

La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Noël Barrot, ministre. Défendu !

M. le président. L’amendement n° II-76 rectifié, présenté par M. Canévet et Mme Romagny, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Action de la France en Europe et dans le monde

 

4 325 517

 

4 325 517

dont titre 2

4 325 517

4 325 517

Diplomatie culturelle et d’influence

 

1 190 761

 

1 190 761

Français à l’étranger et affaires consulaires

 

 

 

 

TOTAL

 

5 516 278

 

5 516 278

SOLDE

- 5 516 278

- 5 516 278

La parole est à M. Michel Canévet.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Nathalie Goulet, rapporteur spécial. M. le ministre a estimé que je devais être six fois plus satisfaite que l’an dernier. (Sourires.) Qu’il s’agisse de l’amendement n° II-2206 ou de l’amendement n° II-76 rectifié, je m’en remets, au nom de la commission, à la sagesse du Sénat.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° II-76 ?

M. Jean-Noël Barrot, ministre. M. le rapporteur général le souligne avec raison, les crédits du ministère de l’Europe et des affaires étrangères ont progressé depuis les États généraux de la diplomatie, en 2021,…

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. En effet !

M. Jean-Noël Barrot, ministre. … même s’il faut tenir compte de l’inflation qui a marqué cette période.

Il n’en demeure pas moins que cette hausse est intervenue après une longue période de désarmement de ce ministère, qui, comme vous le savez, a conduit à une crise sociale et même presque morale. Le renforcement des moyens et des effectifs avait pour but, non seulement de mettre fin à cette crise, mais aussi de réarmer le ministère face aux menaces qui s’accumulent.

Je comprends la frustration qui s’exprime : l’an dernier, un amendement de gel de crédits était rejeté, puis, trois mois plus tard, le Gouvernement gelait des montants six fois supérieurs. Mais, la différence, c’est que le nouveau gel – même si ce n’est pas moi qui l’ai demandé – figure dans le projet de loi de finances.

Le Gouvernement a inscrit dans le dur l’effort très significatif accompli au printemps dernier ; en renouvelant l’opération l’année prochaine, on renoncerait tout simplement à avoir l’une des meilleures diplomaties du monde. Je ne crois pas du tout qu’il faille s’attendre à une telle répétition ; en tout cas, je m’y opposerais de toutes mes forces.

Cela étant, il faut bien engager le redressement des finances publiques. À cette fin, le Gouvernement propose un peu plus de 25 millions d’euros d’économies, dont 5 millions d’euros sur la masse salariale.

Les économies proposées portent en grande partie sur le programme 105, donc sur le budget du ministère lui-même et sur les contributions multilatérales. Au titre des deux autres programmes, l’on demande un effort plus modeste, afin de préserver les équilibres actuels : c’est, selon nous, la meilleure formule possible.

Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, plusieurs d’entre vous déplorent ces choix. Je vous le dis très franchement, nous ne les faisons pas de gaieté de cœur. Mais il s’agit, sur ce budget, d’un dernier effort en vue du redressement des finances publiques.

Monsieur Canévet, le Gouvernement vous prie en conséquence de bien vouloir retirer l’amendement n° II-76 rectifié au profit de l’amendement n° II-2206.

M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour explication de vote.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. M. le ministre vient de présenter, au nom du Gouvernement, un amendement tendant à réduire d’un peu plus de 25 millions d’euros les crédits de cette mission. Ce faisant, il est dans son rôle : un ministre est solidaire du gouvernement auquel il appartient, sinon il cesse d’être ministre… Mais nous, parlementaires, ne sommes pas tenus pas cette même solidarité.

Aussi, je me dois de le dire : un tel amendement me semble tout à fait regrettable. Rappelons les masses financières dont nous débattons : le budget de la mission « Action extérieure de l’État », c’est 3,5 milliards d’euros. Rapporté aux 490 milliards d’euros du budget de l’État, ce n’est pas un petit fleuve, c’est un ruisseau ; c’est même un ru…

Pourtant, avec ces crédits, notre diplomatie est tenue de faire des miracles au quotidien : les nombreux orateurs qui se sont exprimés en explication de vote en ont donné des illustrations.

Mes chers collègues, je me tourne à ce propos vers ceux d’entre nous qui ont eux aussi déposé des amendements. La plupart du temps, ces derniers sont gagés sur les crédits du programme 105 : leur adoption viendrait donc encore l’amoindrir, alors que le Gouvernement propose déjà de l’amputer de 19 millions d’euros !

Concrètement, le vote d’une telle baisse rendrait très compliquée l’adoption de l’amendement de M. Le Gleut visant à renforcer le budget l’AFE ; de celui de M. Chantrel visant à renforcer le soutien des élèves en situation de handicap ; ou encore de celui de Mme Cazebonne tendant à prolonger le Pelf.

Si l’on veut mener un vrai travail de fond pour améliorer la copie du Gouvernement, il faut garder des marges de manœuvre au titre du programme 105. C’est précisément pourquoi il faut rejeter l’amendement du Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. Didier Marie, pour explication de vote.

M. Didier Marie. Monsieur le ministre, je ne reprendrai pas l’ensemble des arguments invoqués dans ce débat. Toujours est-il que M. Trump, élu président des États-Unis avec le soutien des Gafam, vient tout juste d’être investi ; que la Chine et la Russie déploient des moyens considérables pour remettre en cause notre modèle démocratique ; et que la France, malheureusement, recule partout en Afrique. Dans un tel contexte, la réduction des moyens de la diplomatie française nous semble être une décision inconsidérée.

Le Gouvernement avait déposé un premier amendement visant à réduire de 5,5 millions d’euros les crédits des programmes dont nous parlons. À présent, un nouvel amendement tend à amputer de près de 4,2 millions d’euros les crédits du programme « Diplomatie culturelle et d’influence », lequel était précédemment épargné ; de 19,3 millions d’euros les crédits du programme « Action de la France en Europe et dans le monde » ; et de 2 millions d’euros les crédits du programme « Français à l’étranger et affaires consulaires ».

Monsieur le ministre, la baisse de 5,5 millions d’euros proposée initialement devait porter sur la masse salariale. Or, si je ne m’abuse, M. le Premier ministre a annoncé qu’il renonçait aux deux jours de carence supplémentaires dans la fonction publique : vous retrouvez de ce fait, me semble-t-il, quelques marges de manœuvre.

Toujours est-il qu’en proposant de telles baisses, vous allez dans le même sens que Mme la rapporteure spéciale. J’aurais préféré que vous vous en teniez à votre plaidoyer, à nos yeux tout à fait juste, en faveur de notre diplomatie.

M. le président. La parole est à M. Michel Canévet, pour explication de vote.

M. Michel Canévet. Chacun aurait de bonnes raisons de repousser les efforts d’économies, quelle que soit la mission considérée.

Quand nous avons déposé des amendements de réduction de crédits, chaque fois ou presque, on nous a demandé : pourquoi donc ? Tout simplement parce que la situation financière de notre pays est particulièrement catastrophique et qu’elle appelle de ce fait des mesures d’urgence.

Le gouvernement Barnier avait annoncé un effort de 50 milliards d’euros, avec deux tiers d’économies et un tiers de hausses d’impôt. Le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) estimait pour sa part qu’il proposait en fait 70 % de recettes supplémentaires et seulement 30 % d’économies. Il convient désormais d’engager un véritable effort d’économies. Sinon, c’est notre capacité à agir qui s’en trouvera affectée.

L’effort prévu aujourd’hui doit nous permettre de limiter le déficit public à 5,4 % du PIB. Mais imaginez celui qu’il va falloir accomplir ensuite pour tenir nos engagements européens : nous ne sommes pas au bout de nos peines ! Et le travail sera d’autant plus difficile que les intérêts de la dette vont croître, réduisant d’autant notre capacité à agir. Un jour viendra où la charge de la dette sera le premier poste de dépenses de l’État : la situation sera alors intenable. Il nous faut réagir maintenant.

Il y a quelques instants, M. Gontard évoquait la hausse du budget des armées. Ce projet de loi de finances contient en effet des dépenses supplémentaires – trop, hélas ! à notre goût.

Pour l’aide publique au développement, il convient bel et bien de remettre en cause les objectifs que nous nous sommes fixés : nous ne sommes pas en mesure de mener seuls une telle action à l’échelle du monde. Il faut aussi tenir compte de l’effort que nous faisons, avec nombre d’autres pays, au titre des fonds multilatéraux. La France n’a pas vocation à intervenir seule, et pour tout.

Ces précisions étant apportées, je retire mon amendement, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° II-76 rectifié est retiré.

La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote.

M. Bruno Sido. Pour ma part, j’abonde dans le sens de M. Lemoyne. Il est sûr et certain qu’il faut faire des économies ; et, aux efforts initialement prévus dans le projet de loi de finances, le Gouvernement entend ajouter, aux dépens de cette mission, une économie de 25 milliards d’euros…

Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. Millions !

M. Bruno Sido. Comme aurait dit Henri Krasucki : j’ai fait une erreur dans les chiffres ? (Sourires.)

Quoi qu’il en soit, il semble évident que le vote de l’amendement du Gouvernement rendrait très difficile, pour ne pas dire impossible, l’adoption des amendements tendant à réduire les crédits des différents programmes de la mission. Peu importe qu’ils ne soient pas en discussion commune : c’est une question de logique intellectuelle.

Je sais bien que le Parlement a pour mission de parler. Monsieur le président, dans votre grande largesse, vous nous avez d’ailleurs donné une demi-heure de plus pour examiner les crédits de cette mission. Mais, je le répète, les mesures proposées par les uns et les autres aux dépens de ce budget seraient rendues caduques par l’adoption de l’amendement gouvernemental.

Dans l’ensemble, ces débats sont tout de même assez singuliers… Le Gouvernement dépose à chaque instant, y compris en pleine nuit, des amendements que nous sommes tenus d’étudier sans délai : c’est ainsi pour tous les programmes. La discussion du budget de 2025 est compliquée – c’est le moins que l’on puisse dire.

M. le président. Monsieur Sido, je vous rassure : même si l’amendement du Gouvernement est adopté, il restera suffisamment de dépenses pilotables pour que les autres amendements soient examinés.

La parole est à Mme Mathilde Ollivier, pour explication de vote.

Mme Mathilde Ollivier. Monsieur le ministre, vous nous dites que le ministère sera globalement préservé, malgré les coupes budgétaires. Mais comment ces 25 millions d’euros d’économies seraient-ils indolores, quand bien même ses frais de fonctionnement seraient revus ?

L’an dernier, on nous avait déjà présenté des mesures d’économies. On avait alors tenté de nous faire avaler la pilule en nous certifiant que l’on prendrait sur la réserve de précaution… Bien sûr, les baisses demandées aujourd’hui auront un impact sur notre diplomatie, qu’il s’agisse de ses agents ou de ses implantations à l’étranger.

Les élus de notre groupe voteront contre votre amendement.

Enfin, pour répondre à M. Lemoyne, je rappelle que nous sommes obligés de gager nos amendements ; mais nous espérons bien sûr que le Gouvernement lèvera le gage.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Cédric Perrin, président de la commission des affaires étrangères. Il y a le cœur et il y a la raison…

M. Cédric Perrin, président de la commission des affaires étrangères. Mon cœur voudrait évidemment que la diplomatie française ait tous les moyens d’exercer ses missions. Nous avons suffisamment rappelé qu’elle a été largement mise à contribution via différents budgets étudiés ces derniers jours, notamment celui de l’aide au développement. Chacun peut le constater.

Cette question a été largement débattue par la commission que j’ai l’honneur de présider, laquelle a approuvé les crédits de la mission « Action extérieure de l’État » et s’est prononcée pour l’amendement du Gouvernement tendant à supprimer quelque 25 millions d’euros de crédits supplémentaires.

Pour ma part, je voterai cet amendement. Il faut avoir conscience des difficultés budgétaires auxquelles nous devons aujourd’hui faire face. Sur un tel sujet, il faut écouter, non son cœur, mais sa raison, même si cette diminution de crédits ne sera pas sans conséquence pour notre diplomatie. Je n’en suis pas moins le premier à penser que, pour exister à l’étranger, la France a besoin d’une diplomatie digne de ce nom ; souvenons-nous que la dernière étape avant la guerre, c’est la diplomatie…

M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.

M. Olivier Cadic. Merci, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, de nous avoir fait entendre la voix de la raison.

Mes chers collègues, la commission des finances vient de nous proposer une baisse de 50 millions d’euros. Pour d’autres, il ne faudrait aucune réduction de crédits. À présent, le Gouvernement suggère 25 millions d’euros d’économies, solution nécessairement séduisante pour un centriste. (Sourires.)

Nous n’en sommes pas moins conscients, tous autant que nous sommes, de la nécessité de défendre cette mission budgétaire. L’action extérieure de l’État joue un rôle fondamental. Le Quai d’Orsay est à la défense ce que la justice et à l’intérieur : l’un ne va pas sans l’autre. Il faut donc défendre ce budget pied à pied ; mais pour reprendre la formule, très juste, du président Perrin, il y a le cœur et il y a la raison. Or, ici, c’est la raison qui parle.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Le cœur a ses raisons que la raison ignore !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Noël Barrot, ministre. Madame la sénatrice Mathilde Ollivier, les affaires étrangères doivent consentir un effort d’économies de 1,5 milliard d’euros : c’est 10 % de l’effort global de l’État, alors même que ce ministère représente 1 % du budget général.

J’ajoute que l’aide publique au développement, notamment par le programme 209, concentre la quasi-totalité de l’effort : ce budget est en baisse de 1,3 milliard d’euros. La mission « Action extérieure de l’État » doit dégager les 200 millions d’euros d’économies restants, auxquels je vous propose d’ajouter 25 millions d’euros.

J’assume pleinement ce choix, car je ne voulais ni dégrader les services octroyés à nos compatriotes à l’étranger ni mettre à mal les outils de notre diplomatie culturelle et d’influence. De même, je voulais préserver l’agenda de transformation du ministère issu des États généraux de la diplomatie – il a fallu accomplir des efforts considérables à cette fin.

Ainsi les trois programmes composant cette mission sont-ils nettement moins mis à contribution que ceux de la mission « Aide publique au développement ».

En outre, je rappelle qu’au sein de la mission dont nous débattons aujourd’hui c’est le ministère lui-même qui assume l’essentiel de l’effort : le programme 105 totalise, à lui seul, 150 des 200 millions d’euros d’économies. Le Parlement – je le sais très bien – n’aurait jamais accepté que l’on sacrifie les crédits dédiés aux Français de l’étranger ou que l’on mette à mal les outils de notre diplomatie culturelle et d’influence au profit du ministère stricto sensu. Je me serais fait incendier…

C’est bien le programme 105, c’est-à-dire le cœur du ministère, qui assume le plus gros effort : on va se serrer la ceinture. Certains projets de l’agenda de transformation sont reportés, non seulement pour maintenir la dynamique, mais aussi parce que le ministère doit montrer l’exemple.

Les programmes 151 et 185 connaissent eux aussi des baisses de crédits, mais – j’y insiste – ils sont très largement préservés de l’effort considérable que le ministère, au sens large, consent.