M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Olivier Cadic. Monsieur le président, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord, monsieur le ministre, de saluer votre action aux côtés du Président de la République et de nos diplomates afin d’obtenir un cessez-le-feu au Liban. Vous avez agi utilement pour trouver une solution politique au pays du Cèdre. Ce succès nous ravit.

Avec Olivier Richard, ma collègue représentant les Français de l’étranger, nous tenons à exprimer toute notre gratitude à ceux qui, au ministère, ont œuvré pour l’ouverture d’un consulat général à Melbourne. Ce progrès récompense l’engagement de Serge Thomann, conseiller des Français de l’étranger pour l’Australie.

Nous le félicitons, ainsi que tous nos élus qui s’engagent au quotidien au service de notre communauté pour favoriser de nouveaux progrès pour le bien commun de nos compatriotes et leur sécurité.

Comme l’ont indiqué nos rapporteurs, avec 3,5 milliards d’euros en autorisations d’engagement, le montant des crédits de la mission « Action extérieure de l’État » s’inscrit en baisse par rapport à la loi de finances pour 2024. Au regard de l’exécution anticipée de l’exercice 2024, ces crédits sont toutefois stables.

Par l’amendement n° II-2206, vous nous proposez de réduire de 25,5 millions d’euros les crédits de la présente mission afin de contribuer au redressement des comptes publics de notre pays, monsieur le ministre. Nous écouterons avec attention vos commentaires à ce sujet.

Au moment où le président Trump annonce que les États-Unis vont se retirer des accords de Paris sur le climat et de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), nos diplomates auront fort à faire pour promouvoir le multilatéralisme et renforcer la sécurité internationale, ainsi que celle des Français, avec les crédits alloués au programme 105.

J’en viens au programme 151. Je remercie votre ministère d’avoir élevé au rang de priorité la simplification de la vie administrative de nos compatriotes à l’étranger.

Les Français de l’étranger sont en effet bien souvent le « laboratoire » de services qui ne sont pas proposés en France – identification sécurisée pour le vote par internet, biométrie pour les certificats de vie, etc.

Des progrès nouveaux sont attendus en 2025 en matière de dématérialisation de l’état civil. La poursuite de l’expérimentation du renouvellement des passeports à distance et la généralisation au monde de la plateforme téléphonique France Consulaire, qui allège la pression sur les consulats, sont également attendues.

En ce qui concerne cette plateforme, je note toutefois que, dans certains pays, comme la Serbie, le fait que la conversation doive nécessairement se tenir en français peut exclure jusqu’à deux tiers des appels. Elisabeth Tesson, notre consul à Colombo, m’a confié que l’intelligence artificielle pourrait nous permettre de devancer l’appel et d’inciter nos compatriotes à renouveler leur enregistrement ou leur demande de passeport avant l’échéance. J’estime, moi aussi, que l’administration performante du futur sera proactive.

Les consulats doivent être vus comme des structures, non pas de coûts, mais de profits. Un agent du service des visas produit quatre fois plus de revenus que son coût. Compte tenu de l’état de nos finances publiques, il serait inepte que notre pays se prive de millions d’euros aussi facilement gagnés. Comme dans une entreprise, il nous faut corréler le montant des recettes collectées avec nos dépenses.

Permettez-moi de corriger une erreur, monsieur le ministre. À la page 130 du projet annuel de performances de la présente mission, il est indiqué que l’Association nationale des écoles françaises à l’étranger (Anefe) a été supprimée, ce qui n’est pas le cas. Cette association, que je préside, s’est ouverte aux écoles françaises non homologuées pour contribuer à l’atteinte de l’objectif présidentiel de doubler le nombre d’élèves dans l’enseignement français à l’étranger d’ici à 2030, et ce sans argent public.

M. Olivier Cadic. Je tiens à saluer le réseau des Alliances françaises, ainsi que les associations soutenues par le dispositif français langue maternelle (Flam), qui apportent une contribution majeure à la promotion et à la diffusion de la langue française.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Et même décisive !

M. Olivier Cadic. Pour faire Nation, il faut s’assurer que tous nos compatriotes parlent français, ce qui est loin d’être une réalité à l’étranger. Je regrette à ce titre que le budget du Pass enfant langue française (Pelf), introduit en 2024, soit absent du budget pour 2025.

J’évoquerai pour conclure le cas emblématique de l’Institut français, présidé par Eva Nguyen Binh, dont la dotation pour 2025 enregistre une baisse de 5,5 %, soit 1,75 million d’euros.

Une réflexion stratégique a été engagée. Plutôt que de diminuer le budget de l’ensemble des programmes, la présidente a su proposer des choix, si bien que pour la première fois de son histoire, le budget initial de l’Institut français est présenté en excédent. Faire plus avec moins d’argent est naturel dans le secteur privé, où l’argent est dur à gagner et la compétition impitoyable.

Comprenant tout à fait que cette mission doive contribuer aux efforts et de manière responsable, le groupe Union Centriste votera, en responsabilité, les crédits de la mission « Action extérieure de l’État ».

À l’heure où la situation budgétaire appelle opérateurs comme parlementaires à faire des efforts, l’Institut français est une source d’inspiration. Baisser ses coûts en se réinventant, c’est possible ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à Mme Michelle Gréaume.

Mme Michelle Gréaume. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les déclarations intempestives et contradictoires du Président de la République, ses multiples coups d’éclat en matière de politique étrangère – qui sont souvent autant de coups d’épée dans l’eau –, masquent difficilement l’affaiblissement diplomatique de la France.

Celui-ci s’explique par l’insuffisance des moyens de notre réseau diplomatique, mais aussi par le nombre croissant de missions et projets majeurs lancés sans grande cohérence, et surtout, sans les moyens budgétaires adéquats.

Depuis la fin de la crise sanitaire, sans consulter le Parlement, le Président de la République a accumulé les effets d’annonce, au point que, les unes après les autres, ces annonces pourraient constituer une loi de programmation diplomatique.

Prenons l’exemple du « réarmement complet de notre diplomatie ». Annoncé en fanfare par le Président de la République le 16 mars 2023, ce réarmement devait emporter une hausse de 20 % des crédits et la création de 700 ETP d’ici à 2027. Dès le mois de février 2024, l’annulation de 174 millions d’euros de crédits a toutefois montré que cet engagement devait être de courte durée.

Pour 2025, le budget de la mission « Action extérieure de l’État » diminue de 4,6 %. La création de soixante-quinze ETP est certes bienvenue, mais elle reste insuffisante au regard de l’engagement présidentiel qui, s’il était respecté, emporterait la création de 175 postes.

Nous constatons avec inquiétude que les crédits alloués à la diplomatie stagnent, voire baissent, tandis que les dépenses militaires, examinées par le Sénat samedi dernier, grimpent de façon exponentielle. Nous nous interrogeons sur le rôle prédominant accordé au recours à la force par un tel arbitrage.

Mme Michelle Gréaume. Au-delà de nos moyens diplomatiques, dont le rapport d’information du Sénat sur l’avenir du corps diplomatique estime que les effectifs ont été réduits de moitié en trente ans, les incohérences de l’exécutif démontrent que toutes les leçons des bouleversements qui secouent le monde actuel n’ont pas été tirées et que toutes les limites du « en même temps » n’ont pas été prises en compte.

Fort d’une nouvelle interprétation de la doctrine Monroe, le président américain commence son mandat animé d’inquiétantes velléités d’expansion. Dans le même temps, son bras droit, Musk, s’ingère de manière flagrante dans la vie politique européenne par un soutien assumé à l’extrême droite. Faut-il suivre les États-Unis alors que ce pays cherche à déstabiliser toute puissance émergente ou européenne pour maintenir son leadership planétaire ? La question nous est posée, mes chers collègues.

Un autre chemin, celui de la coopération et de la diplomatie d’influence hors armée, existe. Son efficacité n’a jamais été démentie par l’Histoire.

Je constate toutefois qu’une fois de plus, le « en même temps » prédomine. Que dire des propos tenus après le départ de nos forces de Centrafrique, du Mali, du Burkina Faso, du Niger, du Tchad, du Sénégal et de Côte d’Ivoire, qui remettent en cause les relations possibles avec l’Afrique au service de la paix ?

En diminuant les crédits alloués à la promotion de la francophonie et à l’enseignement français, pourtant vecteur d’espérance et de partage entre les jeunesses française et africaine, loin des délires impérialistes et militaristes, le Gouvernement a joint la parole aux actes.

Que dire encore des déclarations et incohérences nombreuses sur les agissements illégaux de l’État israélien, que nul embargo militaire ou commercial non plus que la reconnaissance de l’État palestinien n’ont entravé ?

Ces déclarations et décisions erratiques – dont je pourrais citer de nombreux exemples – ont décrédibilisé notre diplomatie aux yeux du monde, emportant le recul de l’influence de la France sur la scène internationale.

Enfin, nos compatriotes comme les futurs visiteurs de notre pays sont victimes de vos faiblesses, monsieur le ministre. Notre incapacité à garantir des services consulaires dignes de ce nom et la baisse du nombre de bourses scolaires accordées aux jeunes Français modestes résidant à l’étranger l’attestent.

Si l’on peut se satisfaire de l’ouverture de deux nouvelles ambassades et d’un consulat, nous resterons vigilants quant à la qualité du service qui sera offert par ces nouveaux postes.

L’ensemble de ces constats appellent un changement de paradigme et le franchissement d’un pas qualitatif dans notre conception de l’action extérieure de l’État. Il nous faut en effet faire le choix de combattre pour la paix sous toutes ses formes, pour la reprise du dialogue, pour le désarmement et pour la coopération. Il en va de la sécurité collective comme des besoins vitaux des populations.

Ce changement de paradigme doit aussi nous conduire à construire une Europe indépendante et coopérative avec les pays du Sud et à rechercher une sécurité commune européenne.

Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe CRCE-K votera contre ce budget.

M. le président. La parole est à Mme Mélanie Vogel. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme Mélanie Vogel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, hier, nous avons, toutes et tous, suivi avec effroi l’arrivée au pouvoir de Donald Trump et le salut nazi d’Elon Musk. Malgré cela, et malgré la situation géopolitique inflammable, les guerres et la crise climatique, le Gouvernement a fait le choix de repartir d’un budget dont il ressort une réduction substantielle des moyens du Quai d’Orsay au détriment de nos valeurs, de nos compatriotes, de notre diplomatie, de notre influence, bref, à notre détriment tout court.

Si les amendements de rabot de dernière minute du Gouvernement étaient adoptés, le ministère verrait ses crédits reculer de près de 12 %, alors qu’ils étaient déjà très insuffisants en 2024. C’est une folie.

Je rappelle du reste que ce budget a été élaboré par un gouvernement désormais censuré dont l’objectif était d’obtenir, par ses propositions, le soutien de l’extrême droite à l’Assemblée nationale.

En tout état de cause, les plus de 3 millions de Françaises et de Français qui vivent à l’étranger – qui n’ont pas été mentionnés une seule fois par le Premier ministre lors de son discours de politique générale –, seront particulièrement affectés par ces coupes qui menacent la solidarité nationale.

Laurent Saint-Martin, ministre délégué chargé des Français de l’étranger, a déclaré vouloir « assurer le meilleur niveau de soutien à nos compatriotes les plus défavorisés ». Il soutient pourtant un budget qui supprimerait 1,6 million d’euros de crédits alloués aux affaires sociales et raboterait les bourses scolaires de 5,5 %.

Le Gouvernement nous propose de réduire drastiquement les crédits alloués au programme 151, qui soutient précisément les Françaises et les Français à l’étranger, notamment ceux qui sont en difficulté.

L’adoption de ce budget en l’état, en dépit des avis contraires de nos élus à l’étranger et de l’Assemblée des Français de l’étranger, emporterait des conséquences désastreuses.

Les plus fragiles ne se verraient accorder qu’une aide sociale anecdotique, quand elle ne leur serait pas refusée tout simplement.

Le montant des bourses pour les élèves de l’enseignement français à l’étranger diminuerait.

Les démarches à l’étranger seraient encore plus longues et plus complexes.

Nos agents, qui font pourtant un travail extraordinaire sur le terrain, ne pourraient plus garantir l’accompagnement nécessaire à nos compatriotes, par exemple après une catastrophe naturelle – phénomène pourtant de plus en plus fréquent – ou en cas de violence.

La Caisse des Français de l’étranger n’aurait toujours pas de modèle pérenne.

Nos agents en sous-effectifs chroniques souffriront encore plus, mais jusqu’à quand tiendront-ils ?

Pour le groupe écologiste, de tels reculs sont inacceptables et dépourvus de toute hauteur de vue. Dans un monde marqué par les crises et l’interdépendance, ce n’est pas dans notre action extérieure qu’il faut couper. Il nous faut au contraire garantir la sécurité, protéger les plus démunis, permettre l’accès à l’éducation ou encore accompagner nos compatriotes dans leurs démarches à l’étranger. Telle est la vision que je défendrai, avec ma collègue Mathilde Ollivier, au travers d’un certain nombre d’amendements.

Ce budget fait par ailleurs l’impasse sur la diplomatie culturelle et d’influence de notre pays. Les crédits du programme 185, qui la financent, pourraient subir une chute vertigineuse de plus de 6 %, soit près de 50 millions d’euros, par rapport à 2024.

L’AEFE, pilier de l’enseignement français à l’étranger, voit sa dotation drastiquement réduite, au détriment de nos propres objectifs et de toute vision de long terme, et en contradiction avec les effets d’annonce et les petites phrases louant notre réseau.

L’Alliance française et l’Institut français sont, eux aussi, priés de se serrer encore un peu plus la ceinture.

Nos consulats sont mis à mal de manière inquiétante, alors qu’ils manquent cruellement d’effectifs pour répondre aux sollicitations et pour accompagner.

Où est passé le fameux réarmement diplomatique promis et revendiqué ? On ne peut pas en appeler à une diplomatie forte au service de nos valeurs et à l’amélioration des services proposés par notre réseau consulaire, et, dans le même temps, décider de rendre tout cela matériellement impossible.

Ces coupes budgétaires attestent un manque cruel de vision sur les défis auxquels nous sommes confrontés à l’échelle mondiale. Parmi ces défis, la crise écologique, fondamentale à mes yeux, est largement, voire totalement ignorée dans cette mission budgétaire.

Face à l’urgence climatique, il est inconcevable que ce budget n’accorde que peu ou pas d’attention aux questions environnementales et climatiques.

Notre groupe est fermement convaincu que l’action extérieure de l’État doit être l’un des leviers fondamentaux au service de la transition écologique.

Or, tel qu’il nous est présenté, le présent budget ne paraît avoir aucune ambition en la matière.

Pour toutes ces raisons, nous appelons le Gouvernement à revoir ses priorités, à réexaminer les besoins de notre réseau consulaire et à adopter une vision ambitieuse pour la diplomatie française qui prenne pleinement en compte la réalité du monde dans lequel nous vivons.

À défaut, le groupe Écologiste - Solidarité et Territoires votera contre les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. le président. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Hélène Conway-Mouret. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’année dernière, votre prédécesseur annonçait le réarmement du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, et nous y avions souscrit ! Investissement dans notre réseau diplomatique, consulaire, scolaire, culturel ou économique, renforcement de notre place sur la scène internationale, affirmation d’une politique de sécurité autonome : tout cela était effectivement utile.

Alors que l’actualité internationale devrait nous inciter à faire preuve de constance, je constate toutefois que votre ministère sera cette année encore la variable d’ajustement budgétaire du Gouvernement, ce qui doit nous conduire à relativiser la réalité des engagements pris il y a tout juste un an.

Face à la montée des régimes autoritaires, au retour de l’impérialisme et aux attaques dont les régimes libéraux font l’objet, la France a un rôle à jouer. En lui assurant une présence planétaire, ses trois millions de ressortissants dans le monde et ses territoires ultramarins lui confèrent une place particulière.

Mais l’universalité de nos réseaux a un coût. Chaque euro investi rapporte indirectement le double à la France, quand chaque euro annulé est un projet remis à plus tard, ce qui profite à nos concurrents.

Il est regrettable que cela ne soit pas compris par Bercy, comme l’illustre l’amendement n° II-2206, déposé inopinément hier, par lequel une coupe supplémentaire de 25,5 millions d’euros est proposée.

Nous sommes de plus les héritiers de choix politiques effectués il y a plusieurs décennies qui doivent permettre à notre voix de continuer à être entendue, à condition que nous y consacrions les moyens nécessaires.

Personne n’ignore la situation budgétaire de notre pays. Si l’on peut donc entendre le besoin de rééquilibrage des dépenses publiques qui concerne l’ensemble des programmes concourant à notre politique extérieure, l’on peut toutefois s’étonner que celui-ci se fasse encore et toujours au détriment des plus vulnérables.

Ils seront en effet les premiers à faire les frais de la baisse des crédits alloués à notre réseau consulaire, à hauteur de 3,9 millions d’euros.

La première coupe budgétaire, de 1 million d’euros, concerne les aides sociales directes à nos compatriotes dans le besoin. Il faut avoir conscience que cette aide ne vise que trois catégories de personnes, mes chers collègues : les enfants en détresse, les Français à très faibles revenus, âgés de plus de 65 ans ou handicapés, et les Français rencontrant une difficulté grave et temporaire. Ils sont très précisément au nombre de 4 246 dans le monde. Est-ce vraiment sur leur dos que nous souhaitons faire des économies ?

Les Oles, le dispositif Stafe et les centres médico-sociaux voient aussi leurs crédits revus à la baisse, alors que les personnes en situation de précarité se reportent de facto sur ces entités quand les aides de l’État ne sont plus disponibles.

Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain présentera des amendements visant à rehausser ces crédits afin de répondre aux besoins exprimés par les conseils consulaires.

Cette coupe budgétaire affecte également le soutien de l’État à la catégorie aidée de la Caisse des Français de l’étranger, dispositif destiné à offrir une couverture sociale à nos compatriotes aux revenus les plus faibles. Au vu de l’augmentation des besoins de la catégorie aidée, qui reflète la paupérisation réelle de la population française à l’étranger, la simple reconduction de la participation de l’État n’est pas suffisante.

De plus, les restrictions budgétaires réduisent encore les marges de manœuvre, ce qui se répercute déjà sur les tarifs des adhésions.

Par voie d’amendement, nous proposerons que l’État prenne pleinement sa part à la mission de service public de la CFE.

Il n’est pas surprenant que cette logique purement comptable s’applique aussi aux aides à la scolarité, dont l’enveloppe est amputée de 6,5 millions d’euros. Le nombre de boursiers a certes baissé de 17 %, soit de 4 235 élèves, entre 2023 et 2024. Plutôt que de s’inquiéter du départ des élèves français, le Gouvernement en profite pour réduire le budget alloué aux bourses.

Le retour d’un système à double vitesse, au sein duquel les familles les plus précaires sont boursières à 100 %, tandis que les plus aisées peuvent pleinement assumer les frais de scolarité, débouche sur l’éviction des classes moyennes.

Nous proposons donc d’augmenter le budget alloué aux bourses scolaires afin de réaffirmer les principes fondamentaux de notre réseau que sont la mixité sociale et la non-exclusion pour des raisons financières.

Si l’objectif de doubler les effectifs est louable, il a entraîné une concurrence déloyale entre les établissements en gestion directe (EGD), contraints budgétairement, et des établissements privés qui, eux, disposent d’importantes capacités d’investissement.

Nous devrons donc rester extrêmement vigilants et nous assurer qu’au sein de la gamme d’offres d’enseignement proposée aux familles, le réseau historique des EGD ne soit pas fragilisé et ne perde pas de son attractivité pour les familles et pour les personnels.

Si ces coupes dans les aides sociales et à la scolarité montrent que les crédits alloués à l’humain ne sont pas prioritaires, les grands projets de modernisation et de dématérialisation du ministère, très attendus par nos communautés françaises, échapperont, eux, à la rigueur budgétaire.

Les crédits alloués à trois projets phares feront en effet l’objet d’une augmentation substantielle : le vote par internet aux élections nationales, le registre d’état civil électronique et le service France Consulaire. Nous saluons ces avancées qui renforceront l’accessibilité de nos services publics, sous réserve que le personnel de nos consulats soit en nombre suffisant.

Le Président de la République avait promis la création progressive de 700 ETP d’ici à 2027 pour rattraper la suppression de 332 emplois entre 2018 et 2022. En 2025, avec la création de 150 emplois, une étape plutôt modeste était prévue. Le présent projet de finances n’ouvrant que la moitié de ces ETP, la promesse ne sera pourtant pas tenue.

Nous proposerons donc un amendement visant à tenir cet engagement et à garantir que votre ministère, qui est celui du verbe et du contact, ait bien les ressources humaines nécessaires pour l’animer, monsieur le ministre.

Notre réseau culturel et d’influence sera lui aussi mis à contribution, puisqu’il subira une perte sèche de 45 millions d’euros, supportée à 35 % par nos opérateurs.

Je pense au premier chef à l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger. Cet opérateur public fait son maximum pour entretenir un réseau éducatif qui n’a aucun équivalent dans le monde, avec des moyens financiers et humains toujours plus limités.

L’Agence est en effet toujours privée de sa capacité pérenne d’emprunter, et elle doit supporter la charge croissante des pensions civiles des fonctionnaires, alors que le niveau de compensation par l’État n’a pas évolué depuis 2009. À cela s’ajoute le fait qu’elle sera amputée de 14 millions d’euros et de 15 ETP, ce qui la contraindra à geler 50 postes supplémentaires.

Les familles continuent, et c’est heureux, de choisir l’enseignement français pour sa qualité, dans la perspective que leurs enfants poursuivent leurs études supérieures en France.

Le problème est toujours le même : les moyens ne sont pas à la hauteur de nos ambitions, ni pour le programme Bienvenue en France, qui aurait besoin de 8 millions d’euros supplémentaires, ni pour Campus France, dont les crédits subissent une baisse de 64 000 euros.

Si nous avons pour ambition de conserver notre septième place des pays d’accueil, nous devons accepter d’y consacrer les moyens, faciliter les démarches administratives des étudiants, accompagner les établissements et mener une politique de visa attractive. Celle-ci devrait relever, non pas du ministère de l’intérieur, mais du vôtre, monsieur le ministre.

Cette stratégie d’ensemble repose également sur les opérateurs qui portent notre diplomatie culturelle et diffusent la francophonie, mise à l’honneur à Villers-Cotterêts.

Le discours du Président de la République a nourri de fortes attentes, hélas ! déçues par la baisse du budget de l’Institut français de Paris et la coupe sévère de 45 % portée à la subvention au réseau de l’Alliance française.

Enfin, les crédits du programme 185 « Diplomatie culturelle et d’influence », après avoir pâti d’une annulation de 120 millions d’euros en février 2024, sont eux aussi en recul de 4,6 %.

Alors que de nombreux pays décuplent d’efforts pour renforcer leurs réseaux, gardons à l’esprit que notre présence sur le terrain est la clé de notre crédibilité et de notre capacité à défendre nos intérêts, mes chers collègues.

Notre présence la plus visible est celle de nos emprises à l’étranger, qu’il s’agisse de nos ambassades ou de nos consulats, qui constituent les portes d’entrée vers la France.

Dans un monde de plus en plus instable, cette présence se joue aussi au sein des enceintes internationales. La France continue à y occuper une place importante. Cela n’est pas un hasard : c’est bien le fruit d’une politique soigneusement construite au fil des années par des professionnels de la diplomatie. L’inaction ou l’absence se traduiraient rapidement par l’affaiblissement de notre capacité à influer sur les grands dossiers mondiaux.

Je tiens du reste à rendre hommage à celles et à ceux qui incarnent notre diplomatie au quotidien, souvent dans des conditions difficiles.

Ce ministère mérite mieux que d’avoir à faire plus avec toujours moins. Comme le rapporteur spécial Rémi Féraud, je me réjouis que la commission soit défavorable à l’amendement n° II-2206, par lequel le Gouvernement propose une coupe de 25,5 millions d’euros, et je regrette qu’elle présente l’amendement n° II-29, tendant à réduire les crédits de 50 millions d’euros.

Si l’un ou l’autre de ces amendements – voire les deux – était adopté, mon groupe serait conduit à voter contre les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Grand. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Jean-Pierre Grand. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ces dernières années, les crises internationales se sont succédé. L’année 2024 n’a hélas ! pas fait exception.

Certaines crises s’inscrivent dans la durée, comme le conflit en Ukraine. D’autres, en sommeil pendant un temps, se sont hélas ! réveillées, à l’image des tensions au Moyen-Orient. De nouvelles menaces pourraient surgir.

Face aux défis qui agitent le monde, la France doit participer activement à la résolution des crises. L’exemple des attaques perpétrées par les Houthis contre des cargos en mer Rouge illustre bien cet état de fait.

Bien qu’ils puissent sembler lointains, ces événements ont des répercussions sérieuses sur notre économie. La France, présente sur tous les océans, occupe une place singulière dans le monde. Forte de son histoire et de ses liens anciens sur tous les continents, elle dispose aujourd’hui du troisième plus grand réseau diplomatique au monde.

Ce réseau est le socle de notre action internationale. Il doit être préservé, et même sacralisé, grâce à des moyens à la hauteur de cette ambition, monsieur le ministre.

Les régimes autoritaires investissent massivement dans des outils d’influence pour promouvoir leurs intérêts, propager leur vision du monde et leur idéologie. Leur emprise s’étend aujourd’hui à de nombreux autres territoires.

Face à cette dynamique, les démocraties libérales comme la France doivent redoubler d’efforts. L’investissement dans les médias français joue à ce titre un rôle clé. La déontologie et l’indépendance des journalistes français constituent des remparts face aux campagnes de désinformation menées en direction des opinions publiques étrangères.

Dans de nombreux territoires, la diplomatie économique joue un rôle clé dans le développement du tissu économique. En soutenant les entreprises françaises à l’international, notamment nos PME, les ambassades et les consulats jouent un rôle stratégique. C’est l’un des moyens d’améliorer la compétitivité de nos entreprises tout en consolidant la position de la France dans le commerce international.

L’enseignement du français est un autre vecteur essentiel de l’action de la France à l’étranger. Avec 320 millions de francophones dans le monde, la langue française est un véhicule puissant pour nos idées et nos valeurs universelles.

Je suis donc préoccupé par la réduction des moyens alloués à l’enseignement français à l’étranger. Les élèves de ces établissements, qu’ils soient Français ou étrangers, sont appelés à devenir des relais de la culture et de l’influence françaises. J’estime donc que l’objectif de doubler le nombre d’élèves d’ici à 2030 doit être maintenu.

Le renforcement de notre diplomatie, amorcé ces dernières années, constitue une avancée significative. Il est indispensable de maintenir cette dynamique.

Le budget 2025 prévoit une augmentation des effectifs dans les services diplomatiques et consulaires. Le groupe Les Indépendants salue cette évolution.

Nous devons également veiller à la modernisation des infrastructures diplomatiques afin de maintenir l’efficacité et la réalité des missions de la France à l’étranger. De nombreux sites nécessitent des travaux de rénovation, en particulier pour répondre aux exigences de sûreté.

Par ailleurs, si la réduction des contributions de la France aux organisations internationales offre une certaine marge de manœuvre budgétaire, ces ressources ne peuvent pas être considérées comme pérennes.

Il est, dans le contexte international actuel, essentiel de sécuriser durablement le financement des actions extérieures de l’État.

Le groupe Les Indépendants sera particulièrement vigilant à ce que le réarmement diplomatique de la France se traduise concrètement dans le budget 2025.

Dans un monde en mutation et dangereux, la France doit rester fidèle à son rôle de puissance d’équilibre et d’influence. Investir dans notre diplomatie, dans la promotion de la langue française et dans le développement de nos réseaux à l’étranger, c’est investir dans notre avenir collectif. Ne pas le faire reviendrait à laisser le champ libre à ceux qui remettent en cause nos valeurs et notre modèle universel.

Voilà pourquoi, monsieur le ministre, j’invite votre ministère à prendre toute sa part dans ce travail et je ne pourrais conclure sans rappeler ce que disait le général de Gaulle sur l’homme, le progrès et la paix : « En notre temps, la seule querelle qui vaille est celle de l’homme. C’est l’homme qu’il s’agit de sauver, de faire vivre et de développer. » Par les temps qui courent, ces propos sont à méditer.

Nous voterons les crédits de la mission.