Mme Annie Le Houerou. L’objet de cet amendement de mon collègue Sebastien Pla est de demander la pérennisation de l’aide de 6 000 euros pour les entreprises de moins de deux cent cinquante salariés qui forment des apprentis.
Nous proposons à cet effet de diminuer les crédits du programme 102 « Accès et retour à l’emploi » de 6 000 euros symboliques en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, et d’augmenter à due concurrence les crédits du programme 103 « Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi ».
Nous revendiquons, je le répète, le maintien de l’aide à l’embauche d’un apprenti au niveau de 6 000 euros pour les TPE et les PME. Réserver cette aide de 6 000 euros aux entreprises de moins de deux cent cinquante salariés permettrait de dégager plus de 1 milliard d’euros d’économies.
Le Gouvernement persiste à ne pas répondre favorablement à cette revendication, et choisit de baisser le montant de l’aide en la maintenant pour toutes les entreprises.
Du point de vue du Gouvernement, une entreprise du CAC 40 aurait donc, pour former un apprenti, besoin de 6 000 euros autant qu’une très petite entreprise de l’un de nos territoires.
Les entreprises de moins de onze salariés, qui ont toujours formé de nombreux apprentis sans attendre pour cela la réforme de 2018, bénéficiaient d’un accompagnement qui pouvait aller, avant ladite réforme, jusqu’à 8 000 euros la première année d’apprentissage.
Après 2018, les aides ont commencé à être supprimées au-delà de la première année. Le montant de l’aide a ensuite été limité à 6 000 euros, et le Gouvernement prévoit de l’abaisser encore.
Ces trois coups de rabot successifs, madame la ministre, montrent que vous gouvernez à vue ; en vérité, vous ne considérez tout simplement pas l’apprentissage comme un vecteur de développement de nos entreprises et de promotion pour nos jeunes.
Cette situation est particulièrement injuste pour les entreprises de proximité, qui forment les deux tiers des apprentis du pays et sont le poumon économique de nos territoires.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° II-232 rectifié est présenté par M. Parigi, Mme Devésa, M. Kern, Mme O. Richard, M. J.M. Arnaud et Mme de La Provôté.
L’amendement n° II-307 est présenté par M. Favreau.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Accès et retour à l’emploi |
|
100 |
|
100 |
Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi |
100 |
|
100 |
|
Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail |
|
|
|
|
Soutien des ministères sociaux dont titre 2 |
|
|
|
|
TOTAL |
100 |
100 |
100 |
100 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Brigitte Devésa, pour présenter l’amendement n° II-232 rectifié.
Mme Brigitte Devésa. Nous avons déjà appelé l’attention du Gouvernement sur le financement de l’aide à l’embauche d’apprentis – rien de nouveau ! Il est important de maintenir le niveau de cette aide à 6 000 euros et de la cibler sur les entreprises qui emploient moins de deux cent cinquante salariés ; tel est le sens de cet amendement déposé par notre collègue Paul Toussaint Parigi.
De surcroît, dans le contexte économique actuel, recalibrer l’aide vers les entreprises qui en ont le plus besoin permettrait de dégager plus de 1 milliard d’euros d’économies.
M. le président. La parole est à M. Gilbert Favreau, pour présenter l’amendement n° II-307.
M. Gilbert Favreau. Défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial. L’amendement n° II-1071 rectifié vise à recentrer l’aide aux employeurs d’apprentis vers les seules entreprises de moins de deux cent cinquante salariés qui embauchent des apprentis de niveau bac+2 maximum.
Si la commission partage l’objectif de ciblage de l’aide, pour les raisons qu’elle expose depuis maintenant deux ans, elle ne souhaite pas priver les PME de la possibilité d’embaucher des apprentis de niveau supérieur à bac+2.
Une telle proposition est bien plus restrictive que ne l’est celle de la commission des finances : les PME doivent pouvoir embaucher aussi des apprentis de niveau bac+3, bac+4, bac+5.
La commission demande donc le retrait de l’amendement n° II-1071 rectifié au profit de son amendement n° II-2.
L’amendement n° II-636 présenté par notre collègue Frédérique Puissat au nom de la commission des affaires sociales répond au même objectif que celui de la commission des finances, qui, je le précise, ne vise pas le montant de l’aide. Aussi invitons-nous Mme la rapporteure pour avis à modifier son amendement pour le rendre identique au nôtre ; nous émettrions un avis favorable sur cet amendement ainsi rectifié.
Les autres amendements en discussion commune visent à revenir sur les économies prévues, à l’opposé de la position constante de la commission.
Nous partageons l’idée de leurs auteurs : la diminution du niveau de la prime est une solution sous-optimale par rapport à un meilleur ciblage des entreprises ou des apprentis éligibles. Nous ne sommes toutefois pas fermés, quant à nous, à une mesure intermédiaire négociée avec le Gouvernement, qui associerait une légère diminution du montant de la prime à un ciblage amélioré de l’aide.
La commission émet donc un avis défavorable sur les amendements nos II-212 rectifié, II-1109, II-213 rectifié et II-801 rectifié, ainsi que sur les amendements identiques nos II-232 rectifié et II-307.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.
Madame la sénatrice Annie Le Houerou, nous avons triplé le nombre d’apprentis depuis sept ans. Il est un peu facile de reprocher au Gouvernement de considérer l’apprentissage comme un dispositif annexe, auquel il n’aurait pas prêté toute l’attention requise… (Mmes Annie Le Houerou et Émilienne Poumirol protestent.)
C’est précisément grâce aux efforts réalisés ces sept dernières années que l’apprentissage est devenu la voie royale de l’insertion professionnelle pour nos jeunes, et ce à tous les niveaux de qualification.
Je suis sensible à cet égard à ce que nous disent les représentants d’un certain nombre de fédérations professionnelles, qui emploient beaucoup d’apprentis de niveaux 2 ou 3, et qui nous demandent de ne surtout pas lâcher les niveaux de qualification 6 et 7 : il s’agit précisément de faire en sorte que, dans un pays obsédé par le diplôme, l’apprentissage ne soit pas vu comme une voie de garage.
En outre, c’est grâce à l’apprentissage qu’un tiers de nos jeunes poursuivent leurs études en master.
Enfin, l’apprentissage permet aux TPE-PME de notre pays de recruter à des niveaux 6 et 7, ce qui améliore la qualité générale de l’emploi et leur permet de monter en gamme.
Mme Annie Le Houerou. Tout à fait d’accord.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Pour ces raisons, le Gouvernement est réticent à moduler le montant de l’aide par niveau de diplôme. (Mme Silvana Silvani proteste.)
J’entends les propositions de modulation par la taille des entreprises ; il me semble néanmoins que le seuil de deux cent cinquante salariés est trop élevé. Cela a été rappelé, 40 % des apprentis travaillent dans des entreprises de moins de dix salariés, 60 % dans des entreprises de moins de cinquante salariés. Il nous faut donc trouver une segmentation plus fine.
Par ailleurs, si l’apprentissage a marché, c’est aussi en raison de la simplicité des dispositifs.
Mesdames, messieurs les sénateurs, les dispositifs que vous proposez sont à double entrée, l’aide étant modulée en fonction de la taille de l’entreprise et en fonction de niveau de qualification de l’apprenti. Certains d’entre vous proposent même d’étaler le financement en prévoyant un versement par année pour les contrats de plus d’un an. Tout cela me semble extrêmement complexe. La modulation par taille, en particulier, doit être affinée, l’idée étant notamment de cibler les plus petites entreprises.
Pour toutes ces raisons, je réitère l’avis défavorable du Gouvernement sur l’ensemble de ces amendements.
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur pour avis.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur pour avis. Conformément à la demande du rapporteur spécial Emmanuel Capus, je modifie mon amendement n° II-636 pour le rendre identique à l’amendement n° II-2 de la commission des finances.
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° II-636 rectifié, dont le libellé est strictement identique à celui des amendements identiques nos II-2 et II-1087 rectifié.
La parole est à Mme Anne-Sophie Romagny, pour explication de vote.
Mme Anne-Sophie Romagny. Je proposais, par mon amendement, une économie de plus de 2 milliards d’euros, contre 1,5 milliard dans le texte initial du Gouvernement. Pour ce faire, je proposais de cibler davantage l’aide à l’apprentissage sur les TPE.
Je remercie Mme la ministre du regard bienveillant qu’elle porte sur les petites entreprises.
Je retire mon amendement.
M. le président. L’amendement n° II-1109 est retiré.
La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. J’appuie sans réserve la proposition de la commission des finances et de la commission des affaires sociales.
Madame la ministre, nous entendons l’argument de la complexité, mais il faut prendre en compte le choc que représente la réduction des crédits de la présente mission.
Nous comprenons la nécessité de l’effort général, au regard en particulier de l’augmentation du coût de l’accompagnement de l’apprentissage depuis plusieurs années. Toutefois, la complexité des mesures proposées n’est qu’une conséquence de la nécessité de faire des économies tout en faisant en sorte que le dispositif soit adapté aux besoins des plus petites entreprises.
Vous l’avez dit, madame la ministre, l’apprentissage est avant tout « tiré » par les plus petites entreprises ; et le montant de l’aide versée, on le sait, est un facteur essentiel dans la décision d’embauche.
Nous comptons sur le dialogue à venir entre la commission et le Gouvernement : ce point est essentiel pour l’avenir de l’apprentissage, compte tenu de l’implication centrale, en ce domaine, de nos petites entreprises.
M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour explication de vote.
Mme Monique Lubin. Je me rends aux arguments de la commission : je vais retirer mon amendement, monsieur le président.
Toutefois, madame la ministre, je ne comprends pas très bien pourquoi nos arguments ne sont pas entendus : nous démontrons, chiffres à l’appui, que les très grandes entreprises ont bénéficié d’un effet d’aubaine et qu’ainsi elles ont pu facilement financer leurs contrats d’apprentissage. Pourquoi refusez-vous de cibler plus précisément le dispositif sur des entreprises de taille un peu plus modeste, sachant que le seuil de deux cent cinquante salariés est déjà relativement élevé ?
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Nous allons bel et bien moduler le montant de l’aide en fonction de la taille des entreprises. Du reste, j’ai moi-même rappelé que 40 % des apprentis travaillent dans des entreprises de moins de onze salariés et 60 % dans des entreprises de moins de cinquante salariés.
Avec un seuil fixé à deux cent cinquante salariés, la maille est peut-être trop large : c’est précisément ce que je dis. Le Gouvernement souhaite protéger les principaux employeurs et plaide en conséquence pour une modulation plus fine de l’aide, au bénéfice des plus petites entreprises.
Mme Émilienne Poumirol. Où faites-vous cette proposition ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-2, II-1087 rectifié et II-636 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, les amendements nos II-212 rectifié, II-213 rectifié et II-801 rectifié, ainsi que les amendements identiques nos II-232 rectifié et II-307, n’ont plus d’objet.
L’amendement n° II-638, présenté par Mme Puissat, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Accès et retour à l’emploi |
|
|
|
|
Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi |
|
398 500 000 |
|
398 500 000 |
Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail |
|
|
|
|
Soutien des ministères sociaux dont titre 2 |
|
|
|
|
TOTAL |
|
398 500 000 |
|
398 500 000 |
SOLDE |
-398 500 000 |
-398 500 000 |
La parole est à Mme le rapporteur pour avis.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur pour avis. Le problème du financement de France compétences a été soulevé par plusieurs de nos collègues à la tribune.
Le déficit de l’établissement sera de 464 millions d’euros à la fin de 2025 ; sa dette est de 10,5 milliards d’euros, sachant que, je le rappelle, France compétences doit contribuer au financement du plan d’investissement dans les compétences (PIC) à hauteur de 8 milliards d’euros sur la période 2019-2024.
Nous souhaitons donc que France compétences se consacre à deux missions : l’apprentissage et le CPF.
À cet effet, nous proposons de diminuer de 398,5 millions d’euros la subvention de l’État à France compétences, avec deux objectifs : d’une part, sortir le financement du PIC du budget de France compétences, ce qui permettrait à l’opérateur de réaliser 800 millions d’euros d’économies au titre de l’exercice 2025 ; d’autre part – la ministre en a parlé –, replacer l’aide à la création ou à la reprise d’une entreprise, l’Acre, dans le répertoire classique du compte personnel de formation – il s’agit actuellement d’une formation éligible de droit audit CPF –, afin d’éviter les abus de certains centres de formation.
M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial. Favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Madame la rapporteure pour avis, votre proposition soulève deux difficultés.
D’une part, les fonds versés au PIC par France compétences financent les pactes régionaux d’investissement dans les compétences (Pric).
Or l’adoption de votre amendement reviendrait à diminuer de 336 millions d’euros le financement de la formation des demandeurs d’emploi, dans un contexte où il est indispensable de rapprocher l’offre et la demande de compétences sur les métiers en tension, au bénéfice des entreprises. Actuellement, l’enjeu est davantage de bien orienter les demandeurs d’emploi vers les métiers en tension, vers les besoins des entreprises, que de réduire les dépenses.
Soustraire aux régions cette ressource qui leur est allouée dans le cadre des Pric priverait donc de nombreux demandeurs d’emploi d’une chance de s’insérer ou de se réinsérer sur le marché du travail.
D’autre part, il s’agit pour l’État de respecter ses engagements conventionnels à l’égard des régions.
Quant à l’autre disposition de votre amendement, à savoir la suppression de l’éligibilité de droit au CPF des actions de formation relevant de l’aide à la création ou à la reprise d’une entreprise, cette proposition sera examinée isolément via un amendement portant article additionnel après l’article 64 ; j’y suis personnellement favorable.
Le Gouvernement vous demande donc de bien vouloir retirer l’amendement n° II-638, qui sera partiellement satisfait en cas d’adoption de votre amendement n° II-639, madame la rapporteure pour avis ; à défaut, l’avis serait défavorable.
M. le président. L’amendement n° II-1602, présenté par M. Capus et Mme Senée, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Accès et retour à l’emploi |
|
|
|
|
Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi |
|
53 000 000 |
|
53 000 000 |
Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail |
|
|
|
|
Soutien des ministères sociaux dont titre 2 |
|
|
|
|
TOTAL |
|
53 000 000 |
|
53 000 000 |
SOLDE |
- 53 000 000 |
- 53 000 000 |
La parole est à Mme la rapporteure spéciale.
Mme Ghislaine Senée, rapporteure spéciale. Cet amendement de coordination, évoqué tout à l’heure par notre collègue Reichardt, vise à tirer la conséquence de la suppression du taux réduit de la taxe d’apprentissage en Alsace-Moselle, que nous avons votée en première partie.
De cette augmentation du taux, qui passerait dans les départements en question de 0,44 % à 0,68 %, devrait résulter un accroissement de 53 millions d’euros des recettes de France compétences.
Cet accroissement permet de minorer à due concurrence la dotation versée par l’État à l’opérateur.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Le rendement attendu de cette mesure est déjà pris en compte dans la réduction de 675 millions d’euros des crédits du ministère du travail découlant de l’adoption de l’amendement n° II-629 du Gouvernement ; je rappelle que l’amendement n° I-894 rectifié, voté en première partie, avait reçu de la part du Gouvernement un avis de sagesse.
Je propose à la commission de retirer son amendement, car il est satisfait.
M. le président. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.
M. André Reichardt. Il s’agit en effet d’un amendement de coordination, qui vise à prendre acte de l’adoption d’un autre amendement, voté samedi soir par le Sénat. Comme j’ai eu l’occasion de l’indiquer tout à l’heure à l’occasion d’un rappel au règlement, c’est la première fois dans l’histoire du Sénat qu’un amendement concernant exclusivement l’Alsace-Moselle est présenté dans cet hémicycle sans concertation préalable avec les organismes consultatifs locaux.
Il a été adopté, faut-il le préciser, après que la commission comme le ministre au banc ont émis un avis de sagesse. En règle générale, un tel avis est donné lorsqu’on ne sait pas très bien comment se prononcer… S’agissant d’un texte de droit local, c’est normal ; mais on se renseigne auprès des intéressés ! (Mmes Catherine Belrhiti, Laurence Muller-Bronn et Elsa Schalck manifestent leur approbation.) Si la concertation avait eu lieu, je vous assure que le vote n’aurait pas été le même !
Cet amendement coûte 53 millions d’euros aux entreprises d’Alsace-Moselle. Était-ce bien le moment, mes chers collègues ?
Mme Patricia Schillinger. Certainement pas !
M. André Reichardt. Nous sommes offusqués, mes collègues d’Alsace-Moselle et moi-même !
Mme Patricia Schillinger. Tout à fait !
M. André Reichardt. En effet, la quasi-totalité des sénateurs alsaciens-mosellans – il nous a manqué une signature, à mon sens un oubli – ont écrit au rapporteur général de la commission des finances pour exprimer leur désaccord profond, sur la méthode comme sur le fond. Ils souhaitent que ce dossier soit à tout le moins réexaminé en commission mixte paritaire.
À l’attention de ceux qui ne le sauraient pas, j’ajoute que l’Alsace-Moselle a un statut particulier qui tient à l’histoire. Si le taux de la taxe d’apprentissage y est réduit par rapport au droit général, c’est parce que les entreprises paient déjà beaucoup plus que dans les autres départements de taxes pour frais de chambres de métiers.
Mme Patricia Schillinger. Voilà !
M. André Reichardt. Les corporations, qui s’y occupent de l’apprentissage, coûtent fort cher. Il faut le savoir ! Encore faut-il se renseigner, mes chers collègues !
Vous aurez compris que, par définition, nous, Alsaciens-Mosellans, voterons contre cet amendement de coordination et – je le répète – nous offusquons de la façon dont on a procédé à l’égard des trois départements de l’Est. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP, RDSE et RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme Elsa Schalck, pour explication de vote.
Mme Elsa Schalck. Je souscris pleinement aux propos de mon collègue André Reichardt. Cet amendement de coordination est la conséquence d’un vote intervenu dans le cadre de l’examen de la première partie du projet de loi de finances. Ce vote, nous ne pouvons tout simplement pas l’accepter, car il supprime le taux réduit de la taxe d’apprentissage dans les départements d’Alsace-Moselle.
Nous avons exprimé notre forte opposition à cet amendement, car il constitue tout simplement une atteinte au droit local alsacien-mosellan et témoigne, au mieux, d’une méconnaissance de la situation juridique et économique qui est la nôtre, comme vient de le rappeler mon collègue en évoquant le régime des corporations en vigueur dans nos départements.
Pour donner un autre exemple, la définition de l’entreprise artisanale ne repose pas sur les mêmes critères en Alsace-Moselle et sur le reste du territoire national. En effet, je le rappelle devant notre assemblée, chez nous, une entreprise conserve son caractère artisanal au-delà de dix salariés, donc quel que soit son effectif.
L’amendement adopté est d’autant plus incompréhensible qu’il a été déposé sans aucune concertation ni aucune consultation des secteurs économiques, et encore moins des parlementaires que nous sommes.
Pour les entreprises des trois départements, il s’agit d’une double peine, car ces 53 millions d’euros représentent une charge nouvelle dans le contexte économique que nous connaissons.
Évidemment, comme André Reichardt et comme la grande majorité des élus alsaciens-mosellans, je vous invite, mes chers collègues, à voter contre ce nouvel amendement, pour des raisons qui tiennent au fond comme à la forme. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC. – Mme Patricia Schillinger applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon, pour explication de vote.
M. Jean-Marie Mizzon. Je me joins aux propos de mes collègues alsaciens. Je profite de cette prise de parole pour décerner un blâme à l’inspection générale des finances et à l’inspection générale des affaires sociales ! En effet, l’amendement qui a été adopté dans la nuit de samedi dernier se fondait sur plusieurs rapports de ces inspections. Étions-nous censés imaginer que les sachants, les inspecteurs généraux, maîtrisent leur sujet ? Que nenni !
Mme Patricia Schillinger. Tout à fait !
M. Jean-Marie Mizzon. Les auteurs de l’amendement incriminé auraient pu avoir la délicatesse d’en parler à l’un ou l’autre des membres de leur groupe qui représentent les départements d’Alsace-Moselle.
M. Jean-Marie Mizzon. Ils n’auraient peut-être pas pris la même décision.
La disposition qu’ils ont fait adopter revient à méconnaître notre situation particulière. Notre système juridique a d’abord été alimenté par le droit allemand, puis par le droit français avant 1870, puis de nouveau par le droit allemand, puis par le droit français, par les autorités françaises sous l’Occupation, et derechef par le droit français. Il est complexe, mais, au total, les entreprises d’Alsace-Moselle…
Mme Laurence Muller-Bronn. … paient plus !
M. Jean-Marie Mizzon. … paient plus que celles de « vieille France » !
Écrire des bêtises pareilles sans les avoir éprouvées auprès de ceux qui connaissent la situation est une erreur majeure !
Le groupe Union Centriste, qui est composé d’élus de toute la France, et non seulement d’Alsaciens et de Mosellans, votera contre cet amendement ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Marc Laménie et Mmes Véronique Guillotin, Nicole Duranton et Patricia Schillinger applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Christian Klinger, pour explication de vote.
M. Christian Klinger. Je ne veux pas trop en rajouter : je m’associe aux déclarations de mes confrères. Sachez simplement, mes chers collègues, que le droit alsacien-mosellan est très bien fait, et que l’apprentissage en Alsace-Moselle est de très bonne qualité. En règle générale, quand quelque chose marche bien, on n’y touche pas, on n’y change rien ! (Applaudissements sur les mêmes travées.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure spéciale.
Mme Ghislaine Senée, rapporteure spéciale. Je comprends évidemment votre courroux, mes chers collègues, s’agissant de votre territoire. Vous avez tout à fait le droit de défendre les entreprises d’Alsace-Moselle. En réalité, s’il existait un dispositif dérogatoire avant 1870, c’est parce qu’à l’époque les jeunes commençaient très tôt à travailler. Il avait donc été décidé, par la suite, d’adapter le droit en vigueur à la situation particulière de ces départements. Or il faut admettre que ces circonstances ne sont plus d’actualité.
M. André Reichardt. Ça n’a rien à voir !
Mme Ghislaine Senée, rapporteure spéciale. À quoi serviront ces 53 millions d’euros ? À financer vos CFA et vos lycées professionnels ! Autrement dit, ces moyens aideront les jeunes de votre territoire à suivre un apprentissage.
Les propos que je vais tenir le seront à titre personnel : j’ai entendu pendant tout l’examen de la première partie du projet de loi de finances des collègues nous expliquer qu’il fallait absolument faire des efforts sans augmenter les recettes. Et qu’êtes-vous en train de nous dire à présent ? Que les efforts, c’est pour les autres, c’est-à-dire pour les plus modestes et pour les plus faibles – ça, d’accord ! –, mais qu’il est impossible d’en demander à vos territoires. (Exclamations sur diverses travées.)
Mme Patricia Schillinger. Arrêtez maintenant !
Mme Catherine Belrhiti. Vous ne connaissez rien au dossier !
Mme Ghislaine Senée, rapporteure spéciale. Il faut l’entendre : j’assume complètement cette remarque !
Mmes Patricia Schillinger et Elsa Schalck. C’est une honte !
M. André Reichardt. C’est un scandale !
Mme Catherine Belrhiti et M. Ludovic Haye. Honteux !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Je répète que vous avez voté en début de séance une baisse des crédits de la mission de 675 millions d’euros. Cette baisse tenait compte notamment de la mesure qui a été proposée puis votée samedi soir par le Sénat, le Gouvernement ayant émis un avis de sagesse. L’amendement n° II-1602 est donc satisfait : la mesure visée est déjà intégrée dans la modification que vous avez votée des crédits de la mission.
Demande de retrait.