M. Yannick Jadot. Ils le méritent : ils défendent l’intérêt général et la loi commune.
De la même façon, qui peut croire sérieusement qu’en sapant nos normes, nous serons plus compétitifs sur les marchés internationaux ? (Vives exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Au contraire, nous accélérerons la disparition de nos fermes, nous renforcerons la concentration et nous aggraverons la précarisation. (Marques d’impatience sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Yannick Jadot. Qui peut croire, madame la ministre, qu’en supprimant le plan Protéines, les programmes Écophyto et la planification écologique, nous nous adapterons au changement climatique ? (Protestations et nouvelles marques d’impatience sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Yannick Jadot. Je conclus, madame la présidente.
Mme la présidente. S’il vous plaît, mon cher collègue.
M. Yannick Jadot. Mes chers collègues, notre opposition commune à l’accord avec le Mercosur nous offre une chance, celle de débattre de notre modèle agricole ! (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE-K.)
Mme la présidente. La parole est à M. Henri Cabanel, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Henri Cabanel. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, « La guerre de la viande a-t-elle commencé ? » s’est interrogé le quotidien Les Échos il y a deux jours. Cette question résume en quelques mots le contexte exacerbé qui s’intensifie autour de l’accord entre l’Union européenne et le Mercosur.
Un post d’Alexandre Bompard, président-directeur général du groupe Carrefour, sur le réseau social LinkedIn est à l’origine de cette interrogation : « Par solidarité avec le monde agricole, Carrefour prend l’engagement de ne commercialiser aucune viande en provenance du Mercosur ».
Il n’est pas facile d’être solidaire sur un marché international quand toutes les interactions, économiques, environnementales ou politiques, s’entremêlent !
Le retour de bâton ne s’est pas fait attendre ; il s’est traduit par une suspension de livraisons de viande brésilienne au groupe Carrefour de la part de gros producteurs et par une réaction outrée du ministre de l’agriculture du Brésil.
Si l’opposition à cet accord fait, de façon rarissime, l’unanimité politique en France – pas moins de 622 parlementaires ont cosigné un courrier adressé à Ursula von der Leyen –, n’oublions pas que ce traité ne date pas d’hier.
Le 27 avril 2018, le Sénat avait adopté à l’unanimité, sur proposition du groupe du RDSE, une résolution relative aux négociations de cet accord.
L’exposé des motifs soulignait alors : « À l’instar de l’accord économique et commercial global (Ceta), ce projet d’accord soulève des inquiétudes quant aux répercussions à la fois économiques et sanitaires des nouveaux contingents qui seront autorisés à pénétrer le marché européen. »
Une nouvelle résolution, qui confortait la position du Sénat, était adoptée le 16 janvier 2024.
Bref, le sujet n’est pas nouveau, mais le contexte géopolitique, lui, était bien différent en 2018. Il s’est aggravé depuis, notamment du fait de la guerre en Ukraine et de la dissolution de l’Assemblée nationale, qui nous a fragilisés.
Si la position de la France est unanime aujourd’hui, c’est que nous avons eu le temps d’étudier les enjeux et les effets potentiels de cet accord. Ils sont de nature environnementale, sanitaire, économique et démocratique.
Comme je l’ai indiqué dans la proposition de résolution européenne que j’ai déposée récemment avec mes collègues Maryse Carrère et Michel Masset au nom du groupe du RDSE, le premier des risques est la fragilisation économique de plusieurs filières agricoles françaises, certaines d’entre elles étant déjà en très grande difficulté.
Dans le nouveau cadre d’échanges, l’Union européenne s’engage à abaisser ses barrières tarifaires sur la viande bovine, la volaille, le sucre et l’éthanol.
Quelque 160 000 tonnes de viande bovine, principalement des morceaux à haute valeur ajoutée, seraient ainsi importées en Europe.
De même, quelque 180 000 tonnes de volailles, soit une hausse de 20 %, seraient importées à droit nul.
Alors que la filière volailles décline, affaiblie par la grippe aviaire, par le soutien dérogatoire aux importations de poulets ukrainiens ou encore par la surtransposition des normes européennes, l’écart de compétitivité avec la production brésilienne, estimé à 36 % pour un poulet standard, pourrait précipiter sa chute.
Enfin, cet accord entraînerait l’importation de 180 000 tonnes de sucre et de 8,2 millions d’hectolitres de biocarburants, ce qui représente la moitié de la production française.
Alors que l’Union européenne défend et impose une agriculture vertueuse sur le plan environnemental et sanitaire nécessitant des investissements coûteux, Bruxelles laisserait entrer dans le même temps des produits agricoles sud-américains, à rebours de ses propres prescriptions.
Cette posture est tout aussi contradictoire que déraisonnable. Elle est encore aggravée par cette forme de déni – une pierre de plus dans le jardin de l’accord de Paris – qui fait fi des émissions importées qu’un tel accord produirait.
Il s’ensuivrait une concurrence déloyale et inéquitable à plus d’un titre. L’aspect sanitaire est en effet à considérer également, en l’absence d’un régime solide de clauses miroirs.
Les agriculteurs qui ont crié et continuent de crier leur colère en France, mais aussi devant le Parlement européen, ne peuvent pas comprendre que l’Union européenne impose des exigences sanitaires de haut niveau à ses États membres, mais non aux exportateurs des pays tiers, qu’il s’agisse de traitements antibiotiques ou de produits phytosanitaires. Nous n’avons en effet aucune garantie de contrôle. Les agriculteurs français ne comprennent pas cette réalité, car elle est tout simplement incompréhensible.
Tout comme les agriculteurs européens qui partagent les mêmes craintes, ces derniers veulent gagner leur vie grâce à leur métier, sans dépendre de compensations financières. Ils n’ont pas peur de la compétitivité – je l’ai déjà dit à cette tribune –, à la condition que les mêmes règles s’imposent à tous.
Dans la perspective d’autres accords potentiels avec le Mexique, le Chili, l’Inde, le Kenya, l’Indonésie ou encore la Thaïlande, la construction d’un régime solide de clauses miroirs est une nécessité absolue.
Je rappellerai les propos de l’ancien président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, dans son discours du 13 septembre 2017 sur l’état de l’Union : « L’Europe est ouverte au commerce, oui. Mais réciprocité il doit y avoir. Il faudra que nous obtenions autant que ce que nous donnons. »
Sept ans plus tard, l’Europe s’est oubliée. Elle est divisée, sans stratégie commune, privilégiant des postures individuelles sous couvert d’une industrialisation en perte de vitesse, qui la pousse à abandonner ses agriculteurs et pose la question de notre souveraineté alimentaire qui s’érode.
Face au protectionnisme de puissances comme la Chine ou les États-Unis, cette vision à court terme montre la fragilité de nos postures, mais aussi de notre diplomatie.
Se pose enfin la question du bénéfice social pour les pays d’Amérique latine. En effet, la déforestation repousse souvent sur des terres montagneuses moins fertiles les populations et les petites structures agricoles au profit des plus puissantes.
En Colombie par exemple, l’accaparement des terres au profit d’une dizaine de familles s’est développé après la signature du traité de libre-échange entre l’Union européenne et la Colombie, qui s’applique depuis 2013. Résultat, les exportations se font au détriment du marché intérieur et de l’agroécologie paysanne.
Enfin, l’accord de libre-échange avec le Mercosur constitue un enjeu démocratique.
Pour contourner la position de la France, qui pourrait faire valoir son droit de veto dans le cadre de l’approbation d’un accord mixte, la commission pourrait procéder à une scission du texte pour en extraire un accord commercial relevant exclusivement de la compétence de l’Union européenne.
Ce projet porterait atteinte aux parlements nationaux. Il ne respecterait pas le mandat de négociation initial donné par le Conseil européen à la Commission. Il serait très inquiétant pour l’avenir de l’Europe que la confiance soit ainsi bafouée d’un simple revers de main.
Rappelons qu’à la signature de l’accord d’association entre la Commission européenne et le Mercosur, le communiqué du 28 juin 2019 de la commission était clair : « Le nouveau cadre commercial, composante d’un accord d’association plus large entre les deux régions, consolidera un partenariat politique et économique stratégique et offrira d’importantes possibilités de croissance durable à chacune des parties, tout en respectant l’environnement et en préservant les intérêts des consommateurs et des secteurs économiques sensibles de l’Union européenne. »
Compte tenu de toutes les interrogations que nous avons soulevées, force est de constater que nous sommes loin du compte.
Quelles seront donc notre force de frappe et notre marge d’action ?
Certaines voix émergent : nous ne serions pas si isolés que cela et la France pourrait bien rallier un nombre suffisant d’États pour former une minorité de blocage. En attendant, les négociations se poursuivent.
Les récentes décisions du Parlement européen concernant le report d’un an des contraintes sur la déforestation confirment toutefois l’abandon très clair des valeurs et des engagements affichés. Elles ne sont pas un bon signe.
La France doit rester ferme. Elle ne cédera pas aux arrangements entre faux amis. Nous continuerons le combat pour que cet accord ne voie pas le jour en l’état.
En tout état de cause, nous resterons vigilants sur ce que vous nommez un « accord possible équilibré » : la variable d’ajustement ne doit pas être exclusivement l’agriculture française. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées des groupes GEST et RDPI.)
Mme la présidente. La parole est à M. Christopher Szczurek, pour la réunion administrative des sénateurs n’appartenant à aucun groupe.
M. Christopher Szczurek. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre débat aujourd’hui tombe à point nommé, alors que se manifeste de nouveau la légitime colère de nos agriculteurs et l’incompréhension des Français, signe par ailleurs de la faiblesse du projet de loi agricole dont nous aurons à débattre au mois de janvier et qui ne suscite aucun espoir.
Nous avions déjà accueilli favorablement, en janvier dernier, la proposition de résolution de nos collègues de la majorité sénatoriale relative aux négociations en cours en vue d’un accord commercial entre l’Union européenne et le Mercosur qu’avait présentée notre collègue Rapin.
Nous nous apprêtons donc, comme l’Assemblée nationale, à refuser d’approuver en l’état les négociations portant sur ce traité de libre-échange.
Sous la pression populaire, le Gouvernement souhaite obtenir l’accord unanime du Parlement pour s’opposer à ce traité – nous l’espérons – ou en tout cas négocier de meilleures garanties pour notre agriculture.
Pour autant, mes chers collègues, tout cela n’est finalement que le symptôme de la profonde obsolescence d’un système de libre-échange qui a ravagé conjointement l’environnement et nos économies.
Le Mercosur n’est que le dernier avatar de cette conception uniquement comptable de l’homme et des économies : il n’y aurait que flux, échanges et avantages comparatifs à faire se rencontrer, au mépris complet des espaces, de la biodiversité et de nos agriculteurs, le tout pour surseoir quelque temps à l’agonie de l’industrie allemande.
Songez que les négociations sur ce traité ont débuté en 1999, voilà vingt-cinq ans ! Dans un contexte marqué depuis par le dérèglement climatique et les troubles géopolitiques, mais encore par le chômage de masse et la crise économique, la planète comme nos compatriotes demandent que cesse cette logique mortifère.
Parmi les opposants au traité avec le Mercosur, certains défendent l’idée que ce traité n’est pas semblable au Ceta : l’un serait dangereux, l’autre profitable.
Hier on a beaucoup cité Audiard ; je citerai aujourd’hui Les Inconnus, n’y voyez aucune défiance générationnelle. (M. Stéphane Demilly sourit.)
Il y aurait ainsi d’un côté les mauvais traités de libre-échange, qui détruisent nos entreprises et nos agricultures, qui ravagent les paysages et le climat, et font vendre à des chômeurs des biens produits par des esclaves ; et il y aurait de l’autre côté les bons traités de libre-échange, qui détruisent nos entreprises et nos agriculteurs, qui ravagent les paysages et l’environnement, et font vendre à des chômeurs des biens produits par des esclaves.
L’opposition de la France ne saurait s’appuyer exclusivement sur des éléments techniques. Certes, il faudrait négocier davantage de clauses miroirs ou de quotas douaniers. C’est fondamentalement vrai, mais c’est l’ensemble d’une logique économique et commerciale qu’il faut reconsidérer.
Mes chers collègues, à quoi sert notre débat ? À quoi servent nos votes du jour comme ceux d’hier à l’Assemblée nationale ? C’est bien malheureux, mais sans doute à rien, si ce n’est, pour certains, à se dédouaner de leurs responsabilités.
En effet, nombre d’entre vous ont soutenu des gouvernements qui ont validé et entériné la compétence exclusive de l’Union européenne sur les négociations commerciales.
La voix de la France, la voix de son Parlement, la voix des Français, tout cela est sans effet sur les pouvoirs que s’est arrogés la Commission.
Le Rassemblement national se félicite d’avoir été constant, non pas dans l’opposition à l’Europe que nous défendons comme ensemble culturel et civilisationnel, mais à cette construction européenne qui s’est faite contre les peuples et, en définitive, contre l’Europe elle-même.
Nous voterons à l’unisson du Parlement, mais nous attendons que prévale enfin l’intérêt de la France et des Français.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre. (Mme Florence Lassarade applaudit.)
Mme Annie Genevard, ministre de l’agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je note avec une très grande satisfaction l’unanimité qui se dégage en faveur de la déclaration du Gouvernement posant le principe d’une opposition à ce projet d’accord avec le Mercosur.
En dépit de nos différences, je vous en remercie sincèrement : cette unanimité a beaucoup de sens.
Le président Darnaud a rappelé que, au-delà de cette assemblée, une large majorité de Français, 67 %, s’opposaient également à cet accord.
À cela, nous pourrions ajouter l’incompréhension totale du monde agricole face à un projet qui placerait l’Union européenne en contradiction avec toutes les politiques de verdissement qu’elle conduit et qui – nous savons à quel point – posent des difficultés d’adaptation au monde agricole.
Monsieur le sénateur Didier Marie, vous avez rappelé que céder, c’était renoncer à la capacité de régulation.
Je crois personnellement à la capacité de régulation de l’Union européenne. Elle a d’ailleurs évolué positivement, me semble-t-il, vers le concept de souveraineté alimentaire qui limite et encadre objectivement la libre concurrence, qui a longtemps été sa seule religion.
Monsieur le sénateur Franck Menonville, dans un avis mesuré, vous avez souligné à juste titre l’obsolescence de cet accord, tout en faisant la distinction utile entre protection et protectionnisme.
Nombre d’entre vous ont par ailleurs dénoncé l’absence de transparence dans les négociations et l’utilité qu’il y aurait à avoir sur la table le détail de cet accord. Or nous ne l’avons pas. Nous en connaissons naturellement les grandes lignes, mais nous n’avons pas le détail de cet accord. C’est, d’une certaine façon, un déni de démocratie, de même que serait un déni de démocratie l’absence de vote des parlements sur cet accord, ou encore une scission de sa partie commerciale et de son cadre général.
Cette opacité a également été dénoncée par le sénateur Fabien Gay.
Monsieur le sénateur Jadot, j’aime votre optimisme.
M. Yannick Jadot. On va gagner !
Mme Annie Genevard, ministre. Je pense moi aussi qu’il n’est pas trop tard et que la France a éveillé les consciences.
L’unanimité ou la quasi-unanimité du Parlement français revêt un poids politique important. Je l’ai constaté à l’occasion de mon déplacement en Pologne vendredi dernier. La position de la France, largement relayée par le ministre de l’agriculture et par le ministre du commerce, ont pesé dans la décision du Conseil des ministres. Elle est une force.
Monsieur Jadot, puisque vous avez raccroché de façon quelque peu artificielle la question de l’OFB à celle du Mercosur, permettez-moi de vous livrer mon sentiment sur ce sujet.
À la suite des attaques qui ont été menées contre les locaux de l’OFB, j’ai clairement annoncé une « tolérance zéro » en cas de violences faites aux personnes et aux biens. J’ai d’ailleurs été quelque peu « bousculée » à ce sujet par les organisations syndicales, qui y ont vu, à tort, une mise en cause de la légitimité de leur manifestation.
Nous devons rétablir la confiance entre l’OFB et les agriculteurs, car aujourd’hui il y a beaucoup d’incompréhensions. Retrouver le chemin de la confiance est d’ailleurs l’objectif de la mission qu’Agnès Pannier-Runacher et moi-même avons confiée aux inspections de nos ministères. Je m’appuierai aussi sur les recommandations du Sénat, notamment celles qui sont contenues dans le rapport d’information que Jean Bacci a présenté à la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable présidée par Jean-François Longeot.
J’en reviens au Mercosur et à la question de la souveraineté alimentaire qui a été largement évoquée.
Monsieur le président Darnaud, vous avez eu raison de nous appeler à sortir de la naïveté. Dans cette affaire, il faut toujours rappeler que l’agriculture est un secteur essentiel et qu’elle occupe, à tous égards, une place centrale dans notre pays, que ce soit sur le plan économique, environnemental ou encore patrimonial.
Monsieur Marie, je suis d’accord avec vous : l’agriculture ne peut pas être l’objet d’un marchandage.
Monsieur Menonville, vous avez eu raison de contester le principe de la compensation. On ne peut pas en effet compenser la perte d’une production ou d’une exploitation agricole. Cela ne peut pas fonctionner ainsi !
Monsieur le sénateur Patriat, vous avez eu raison de dire à quel point notre agriculture était notre fierté. Vous avez aussi fait la démonstration éclairante de l’effet de l’importation de certaines productions, par exemple en viande bovine, lorsqu’elle est concentrée sur certains morceaux ; cette donnée nous montre qu’on ne peut pas réfléchir à partir de pourcentages globaux.
De même, j’attire votre attention sur le caractère cumulatif des accords de libre-échange, car c’est toujours sur les filières de la viande qu’ils pèsent ! Nous finirons bien par le payer en termes de souveraineté.
Monsieur le sénateur Jadot, vous avez eu raison de mettre en balance – je l’ai dit dans mon discours à l’Assemblée nationale – le fait que l’accord, tel qu’il est présenté par la Commission européenne, entraînerait à la fois la disparition de fermes chez nous et la déforestation là-bas. Comme l’a dit le sénateur Cabanel, il aura également pour conséquence la disparition de petites exploitations, tant dans le Mercosur que dans l’Union européenne, alors même que l’agriculture familiale appartient à notre patrimoine.
Vous avez évidemment beaucoup insisté sur les risques sanitaires et sur les dispositions qui contreviennent de fait à la politique européenne.
Monsieur le sénateur Menonville, vous avez à juste titre rappelé à quel point les garanties environnementales avaient été rehaussées dans l’Union européenne. Elles ont été imposées, parfois à marche forcée et dans la douleur, à nos agriculteurs. De ce point de vue, nous avons besoin de plus de contrôles ; plusieurs d’entre vous l’ont dit et c’est extrêmement important.
Enfin, je terminerai en répondant aux interrogations sur le sens de ce débat. Monsieur le sénateur Marie, ce n’est pas du tout un soutien au Gouvernement que nous vous demandons – pas du tout ! Le sujet n’est pas là.
M. Didier Marie. Nous en prenons acte !
Mme Annie Genevard, ministre. Nous connaissons fort bien la diversité des opinions qui s’expriment dans cet hémicycle.
Nous vous demandons non pas de soutenir le Gouvernement, je le redis, mais de soutenir nos agriculteurs, nos systèmes de production, nos fermes, notre agriculture en général. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDSE et INDEP.) Voilà ce qui est demandé au Sénat aujourd’hui ! De ce point de vue, comme l’a dit le sénateur Cabanel et d’autres orateurs, l’unanimité est une force.
Contrairement à vous, monsieur le sénateur Christopher Szczurek, je ne pense pas que ce débat soit inutile. Je dirais même qu’il est fondamentalement utile.
Vous dites que la pression populaire aurait dicté notre décision d’organiser ce débat, mais ce qui nous a guidés, c’est la conviction profonde que l’avenir de notre agriculture ne passe pas par l’accord qui nous est proposé aujourd’hui. Pour que l’avenir de notre agriculture soit aussi magnifique que son passé, nous ne devons pas approuver cet accord.
Cela ne signifie en rien le rejet par principe des accords de libre-échange, mais de tels accords ne doivent pas être conclus à n’importe quel prix et en tout cas pas au prix du sacrifice de nos agriculteurs et de notre agriculture. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi que sur des travées du groupe RDPI.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Benjamin Haddad, ministre délégué. Mesdames, messieurs les sénateurs, après cette réponse très complète de ma collègue Annie Genevard, je tiens à saluer l’unanimité de votre assemblée pour rejeter l’accord entre l’Union européenne et le Mercosur tel qu’il est proposé aujourd’hui par la Commission européenne.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous envoyez ainsi un message fort à nos homologues européens comme à nos agriculteurs, qui travaillent dur, qui s’inquiètent et dont la colère – légitime – s’exprime aujourd’hui. Ce message sera entendu par les autres parlements et gouvernements, ainsi qu’au Parlement européen. N’en doutez pas ! D’ailleurs, la position de plusieurs de nos voisins a déjà évolué : ils partagent désormais nos préoccupations et nos inquiétudes, celles de leurs agriculteurs.
J’ai entendu, mesdames, messieurs les sénateurs, votre opposition sur le fond. Aujourd’hui, cet accord ne respecte ni l’équité ni la réciprocité des normes environnementales ; il ne prend en compte ni l’accord de Paris, pourtant essentiel, ni les clauses miroirs sur les normes que nous imposons à nos propres entreprises et à nos agriculteurs.
Pour notre part, nous défendons un commerce libre, équitable et loyal et nous appelons l’Union européenne à être moins naïve sur le plan commercial et dans les relations internationales.
Vous vous opposez aussi à cet accord sur la forme et à l’idée d’une scission qui conduirait à contourner les parlements nationaux. C’est d’ailleurs pour combattre cette idée qu’il nous a paru si important d’organiser ce débat aujourd’hui.
Vous avez été nombreux à rappeler le contexte géopolitique, en particulier la concurrence accrue avec la Chine et les États-Unis, des pays qui n’hésitent pas à redoubler de protectionnisme et à soutenir leurs filières agricoles et leurs secteurs industriels face aux intérêts européens. Nous ne pouvons pas être les derniers naïfs à ne pas défendre nos propres intérêts !
Soyez assurés de l’engagement du Gouvernement à continuer à se mobiliser auprès de nos partenaires pour faire bouger les lignes. Le vote unanime d’aujourd’hui sera de ce point de vue, je le répète, un message fort.
Pour conclure, je rappelle l’importance de la diplomatie parlementaire que vous êtes nombreux à faire vivre. Les messages que vous pourrez transmettre à vos partenaires du Parlement européen et des parlements nationaux pèseront dans les débats des prochains mois et au-delà. Ils permettent de porter la voix de la France, celle de ses agriculteurs, dans le monde.
Nous devons tous ensemble, membres du Gouvernement, parlementaires, porter cette voix et dire très clairement que, en l’état, cet accord n’est pas acceptable. Continuons de nous mobiliser pour nos agriculteurs ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et RDPI. – Mme Véronique Guillotin applaudit également.)
Vote sur la déclaration du Gouvernement
Mme la présidente. À la demande du Gouvernement, le Sénat est appelé à se prononcer par un vote sur la déclaration portant sur les négociations en cours relatives à l’accord d’association entre l’Union européenne et le Mercosur.
Conformément à l’article 39, alinéa 6, du règlement, il va être procédé au scrutin public ordinaire dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement ; aucune explication de vote n’est admise.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 91 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 339 |
Pour l’adoption | 338 |
Contre | 1 |
Le Sénat a approuvé la déclaration du Gouvernement. (Applaudissements sur des travées du groupe UC.)
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures vingt-cinq, est reprise à dix-huit heures trente-cinq.)
Mme la présidente. La séance est reprise.