M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, sur l’article.

M. Fabien Gay. Nous abordons l’article 4 qui instaure le dispositif appelé à succéder à l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh). En 2010, le Parlement a adopté la loi portant nouvelle organisation du marché de l’électricité, dite loi Nome, qui a créé l’Arenh. Ce système, dont personne ne comprenait le fonctionnement, a spolié EDF et les usagers de l’électricité pendant quinze ans.

M. Jean-Jacques Panunzi. C’est la vérité !

M. Fabien Gay. On nous propose maintenant un nouveau dispositif, dont personne n’est capable de nous expliquer les modalités d’application, si ce n’est que, en réalité, le prix va augmenter. Pour le comprendre, il aurait fallu que nous puissions débattre d’un projet de loi ad hoc, ainsi que les précédents gouvernements nous l’avaient promis. Nous aurions dû être saisis de cette question depuis deux ans et demi.

Nous apprenons maintenant que ce projet de loi ne verra pas le jour et que ce nouveau dispositif, qui va durer dix ou quinze ans et emporter des conséquences sur le tarif de l’électricité, après la crise énergétique que nous venons de vivre, va être institué par voie d’amendement, sans étude d’impact et sans que nous sachions comment il fonctionnera.

Nous estimons que cela n’est pas sérieux et nous ne sommes pas les seuls : c’est le cas de l’ensemble des groupes politiques. Nous devrions au moins nous accorder pour ne pas adopter une telle mesure en une demi-heure, par voie d’amendement, même si nous ne serons sans doute pas d’accord sur le dispositif à retenir. Ce n’est pas ainsi qu’il faut procéder, ce n’est pas sérieux.

Nous allons maintenant examiner des amendements de suppression et nous avons beaucoup de questions à poser. Je forme le vœu que M. le ministre puisse nous apporter des réponses, car, lors des auditions des différents ministres, nos interlocuteurs nous ont chacun donné des réponses différentes.

M. le président. Je suis saisi de cinq amendements identiques.

L’amendement n° I-457 est présenté par MM. Szczurek, Hochart et Durox.

L’amendement n° I-775 est présenté par MM. Gay, Barros, Savoldelli et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

L’amendement n° I-984 est présenté par M. Cozic, Mme Blatrix Contat, MM. Lurel, Kanner et Raynal, Mme Briquet, M. Éblé, Mme Espagnac, MM. Féraud et Jeansannetas, Mmes Artigalas, Bélim, Bonnefoy, Brossel et Canalès, MM. Cardon, Chaillou et Chantrel, Mmes Conconne et Daniel, MM. Darras, Fagnen et Gillé, Mme Harribey, MM. Jacquin et Jomier, Mme G. Jourda, M. Kerrouche, Mmes Le Houerou, Linkenheld et Lubin, MM. Marie et Mérillou, Mme Monier, M. Montaugé, Mme Narassiguin, MM. Ouizille, Pla et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roiron, Ros, Stanzione, Temal, Tissot, Uzenat, M. Vallet, Vayssouze-Faure, M. Weber, Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° I-1345 est présenté par MM. Dossus et G. Blanc, Mme Senée, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon, Mmes Souyris, M. Vogel et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.

L’amendement n° I-2018 rectifié bis est présenté par Mmes Joseph et Evren et M. Bouchet.

Ces cinq amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Joshua Hochart, pour présenter l’amendement n° I-457.

M. Joshua Hochart. Le présent amendement vise à supprimer l’article 4 du projet de loi de finances pour 2025, qui prévoit l’introduction d’une taxe sur l’utilisation du combustible nucléaire pour la production d’électricité à compter du 1er janvier 2026.

Ce dispositif, destiné à remplacer le mécanisme de l’Arenh, dont la fin est programmée au 31 janvier 2025, appelle plusieurs critiques de fond et de forme.

Tout d’abord, l’intégration d’une telle réforme dans le cadre d’une loi de finances soulève de sérieuses réserves procédurales. En vertu de l’article 47 de la Constitution, le projet de loi de finances fait l’objet de délais d’examen contraints, ne permettant pas de garantir un débat parlementaire à la hauteur des enjeux soulevés par cette réforme.

Le secteur nucléaire, stratégique pour la souveraineté énergétique nationale, ne peut faire l’objet d’une décision hâtive dans le cadre restrictif d’un examen budgétaire. Une refonte aussi déterminante du régime de tarification de l’électricité et de la gestion des ressources d’EDF appelle un texte législatif dédié, permettant un débat approfondi et éclairé.

Ensuite, l’absence d’une étude d’impact préalable est particulièrement préoccupante. Le dispositif envisagé modifie substantiellement le cadre fiscal applicable aux acteurs du secteur énergétique, au premier rang desquels EDF.

L’absence d’évaluation chiffrée et rigoureuse des conséquences de cette nouvelle taxe sur l’opérateur historique et, plus largement, sur le marché de l’électricité, prive le législateur des données nécessaires pour apprécier l’opportunité et la portée de cette mesure.

Enfin, sur le fond, le mécanisme de taxation envisagé menace directement les capacités d’investissement d’EDF. En captant abusivement une part des revenus générés par l’entreprise lorsque ceux-ci dépassent un certain seuil, cette taxation viendrait s’ajouter aux hausses successives de la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE) et aux prélèvements sur les dividendes d’EDF. Elle risquerait ainsi de compromettre la disponibilité des ressources financières destinées à des investissements stratégiques, tant pour la prolongation de la durée de vie des centrales nucléaires existantes que pour le financement de la construction de nouveaux réacteurs.

Cette ponction supplémentaire affaiblirait donc la capacité d’EDF à mener à bien les projets nécessaires à la transition énergétique et à la sécurité énergétique de la France.

M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour présenter l’amendement n° I-775.

M. Fabien Gay. Vous ne nous proposez pas de sortir de la logique du marché ; nous suggérons, quant à nous, de nous approcher d’une logique appuyée sur le coût de production. Tel est le débat. Il est maintenant essentiel d’expliquer clairement à tous le fonctionnement de ce nouveau mécanisme.

L’Arenh permettait la revente de 25 % du nucléaire historique à des opérateurs privés, concurrents directs d’EDF, au prix de 42 euros. Face aux dysfonctionnements et abus constatés, vous proposez désormais une libéralisation totale. Cependant, chacun ayant constaté que le prix de 42 euros ne suffisait pas à couvrir les coûts de production, le seuil devra dorénavant se situer à 70 euros.

Une première question se pose alors : cette évolution aura-t-elle, oui ou non, une incidence sur les prix de l’énergie et sur les tarifs réglementés de vente (TRV) ? Je me permets à ce sujet d’informer la représentation nationale que l’Autorité de la concurrence vient de demander la fin des TRV, contre l’avis de la Commission de régulation de l’énergie (CRE). Vous devrez nous faire part de votre position à ce sujet.

Ensuite, le mécanisme proposé prend tout son sens : si les prix se situent entre 78 et 82 euros, l’État reprendra 50 % de la plus-value à EDF, sans que l’on sache à qui elle sera redistribuée ; s’ils atteignent un deuxième palier, entre 95 et 110 euros, alors l’État en reprendra 90 %.

Avouons-le, à ce stade, la moitié de la représentation nationale est perdue ! Nul ne sait vraiment comment ce dispositif fonctionnera, vous en êtes d’accord, n’est-ce pas ? Lors des auditions, pas un ministre ne tient le même discours que l’autre à ce sujet.

Vous prétendez résoudre en dix minutes la question d’un mécanisme qui, pendant quinze ans, a spolié EDF et les usagers. Soyons sérieux, mes chers collègues ! Même si vous êtes en désaccord avec nous – nous assumons être pour un service public de l’énergie –, un tel sujet mérite un débat approfondi dans le cadre d’un projet de loi dédié, accompagné d’une étude d’impact.

Nous allons donc supprimer cet article ; monsieur le ministre, vous direz à vos collègues qu’il faudra revenir devant le Parlement avec un véritable projet de loi, afin que nous puissions en débattre sereinement en janvier ou février, en commission puis dans l’hémicycle. Nous aviserons ensuite.

M. le président. La parole est à M. Thierry Cozic, pour présenter l’amendement n° I-984.

M. Thierry Cozic. Cet amendement vise donc à supprimer l’article 4, lequel prévoit, en catimini, une réforme de l’Arenh.

Depuis près de dix ans, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain défend la suppression de l’Arenh, un mécanisme qui n’a jamais permis de favoriser le développement de capacités de production chez les concurrents d’EDF, mais qui a, en revanche, privé l’opérateur historique de ressources importantes qui lui manquent maintenant pour réaliser les investissements dans le parc nucléaire historique, dans le parc futur et dans les énergies renouvelables. Mon collègue Franck Montaugé a eu l’occasion de s’exprimer en ce sens au nom de notre groupe, à plusieurs reprises.

Malgré nos alertes anticipées, le Gouvernement agit un peu n’importe comment, tant sur la méthode que sur le fond.

Sur la méthode, les articles 4 à 7 et 36 auraient pu et dû faire l’objet d’un projet de loi dédié pour assurer la clarté des débats. Je regrette qu’ils soient noyés dans un projet de loi de finances dont les enjeux sont bien plus larges, dans un contexte d’instabilité politique qui rend les choses encore plus compliquées.

Sur le fond, le mécanisme prévu en remplacement de l’Arenh a sans doute des vertus, mais il n’est pas défendable pour une seule et unique raison : il va se traduire par une explosion du prix acquitté par les ménages.

Il est important de faire les choses sérieusement : supprimons cet article et laissons le Gouvernement revenir devant la représentation nationale avec un projet de loi dédié, sérieux et crédible.

M. Fabien Gay. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Else Joseph, pour présenter l’amendement n° I-2018 rectifié bis.

Mme Else Joseph. L’article 4 a introduit dans la loi le volet régulation du nucléaire issu de l’accord entre EDF et l’État. Cependant, au regard du terrain, et en particulier pour les entreprises de mon département, cette régulation s’avère trop complexe, inefficace et inutile.

En effet, le mode de calcul du revenu taxable d’EDF est compliqué et entraînera des difficultés pratiques. De plus, cette régulation sera inefficace, car elle ne protégera que peu les consommateurs de la volatilité des prix, sans leur apporter une quelconque visibilité.

Compte tenu de ces raisons, la suppression de l’article 4 s’impose, dans l’attente d’une concertation qui permettra de définir le mécanisme appelé à remplacer l’Arenh.

M. le président. La parole est à Mme Monique de Marco, pour présenter l’amendement n° I-1345.

Mme Monique de Marco. Cet amendement vise à supprimer l’article 4, lequel prévoit un nouveau dispositif de reversement aux consommateurs des revenus issus de l’exploitation des centrales nucléaires, destiné à remplacer l’Arenh. Si la question de l’avenir de l’Arenh, dont l’arrêt est prévu le 31 décembre 2025, mérite évidemment un débat, ce dernier ne peut pas se tenir dans des conditions aussi précipitées et imprécises.

Tout d’abord, la méthode adoptée pose problème. À la surprise générale, le Gouvernement propose un dispositif post-Arenh au détour du projet de loi de finances, sans nous donner le temps nécessaire pour en mesurer les implications. Cette réforme, pourtant très importante, est introduite sans concertation approfondie et son contenu reste entouré d’incertitudes, notamment quant aux seuils de taxation et d’écrêtement des revenus d’EDF.

Concrètement, le dispositif prévoit que si le prix du marché dépasse un certain seuil, 50 % des revenus supplémentaires générés par EDF seraient redistribués aux consommateurs. Ce prélèvement s’élèverait à 90 % si un second seuil était franchi.

Or ces seuils seront fixés par voie réglementaire, sans qu’aucune indication claire ne figure dans le texte à leur sujet, alors même que la CRE a estimé le coût complet de la production nucléaire à 60,7 euros par mégawattheure pour 2026-2030, et que l’État et EDF ont conclu un accord fixant un prix de référence de 70 euros par mégawattheure à partir de 2026. Ces chiffres, essentiels pour comprendre l’équilibre du dispositif, ne sont pas mentionnés. Une telle opacité nourrit l’incompréhension et renforce la méfiance sur la gestion des coûts du nucléaire.

De plus, le projet reste muet sur une question fondamentale : que se passera-t-il si les prix du marché tombent en dessous des seuils de taxation ? Une telle lacune montre à quel point ce dispositif est incomplet et précipité.

M. le président. Il faut conclure.

Mme Monique de Marco. Enfin, une réforme aussi structurante que celle du dispositif de l’Arenh ne saurait être discutée à l’occasion de l’examen d’un projet de loi de finances.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. L’avis de la commission reflète le fait que le nouveau dispositif n’est pas encore complètement assis.

M. Fabien Gay. C’est sûr !

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Le Gouvernement et l’opérateur historique travaillent ensemble et, de mon point de vue, le système est appelé à évoluer, car il ne donne pas entière satisfaction à tous les acteurs et suscite l’inquiétude de chacun d’entre eux.

Pour autant, on peut modifier le dispositif sans le supprimer et il est plus facile aujourd’hui pour l’État d’en discuter avec EDF, dans la mesure où l’entreprise – la seule intéressée – est publique.

Monsieur le ministre, un de vos prédécesseurs nous avait expliqué qu’il fallait que l’opérateur soit entièrement public pour qu’il soit possible de dialoguer avec lui de manière constructive. Il faut, certes, obtenir encore des améliorations, mais cela ne cesse de m’étonner.

Quoi qu’il en soit, je n’étais pas particulièrement favorable à ce dispositif, mais je me suis rallié à l’avis majoritaire. Contrairement à vous, je ne pense pas qu’il faille en passer par une suppression de l’article mais par une évolution du dispositif, comme des relations entre EDF et l’État.

L’avis est donc défavorable sur ces amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Laurent Saint-Martin, ministre. Un certain nombre de questions ont déjà été posées sur ce sujet.

Tout d’abord, j’émets un avis défavorable sur ces amendements de suppression, comme sur l’ensemble de ceux qui remettront en cause cet article, lequel est nécessaire pour une question de calendrier.

M. Fabien Gay. C’est vous qui avez provoqué ce retard, nous attendons depuis trois ans !

M. Laurent Saint-Martin, ministre. Il était nécessaire de l’inscrire dans ce projet de loi de finances pour 2025, ce qui n’a pas empêché les consultations publiques de la CRE comme du Conseil national d’évaluation des normes (CNEN).

Cet article, parce qu’il comporte une disposition fiscale, a sa place dans ce projet de loi de finances. Il s’agit non pas d’un cavalier budgétaire, mais bien d’un sujet fiscal.

M. Fabien Gay. Bien sûr !

M. Laurent Saint-Martin, ministre. Certes, cette disposition aurait pu faire l’objet d’un projet de loi dédié, mais il ne s’agit pas pour autant d’un cavalier dans ce projet de loi de finances.

Nous connaissons la temporalité de ce processus : il faut compter une anticipation d’environ deux ans ; or l’Arenh se termine dans un peu plus d’un an.

M. Fabien Gay. C’est de votre faute si trois ans sont déjà passés !

M. Laurent Saint-Martin, ministre. Aussi, nous avons besoin de légiférer et de préparer le mécanisme post-Arenh. Pour cela, il ne me paraît pas raisonnable, et encore moins nécessaire, de supprimer cet article.

Maintenant, abordons le fond et certaines de vos questions, même si je n’ai pas la prétention d’avoir réponse à tout.

La question du prix et de la redistribution de la taxe aux consommateurs est la clé. Une situation dans laquelle nous n’aurions pas de dispositif post-Arenh serait probablement la plus dangereuse pour le consommateur, vous en conviendrez.

Comment garantir que ce système sera plus protecteur pour le consommateur que l’Arenh ? Actuellement, l’Arenh, c’est 40 euros sur un tiers du parc, et un prix libre sur les deux tiers ; dans le système post-Arenh, au-delà de 78 euros, 100 % de la production historique sera concernée. Le mécanisme va donc automatiquement protéger le consommateur et abaisser la facture.

Ainsi, pour répondre à votre question, le dispositif de taxation est directement consacré à la protection du consommateur en réduisant la facture.

M. Fabien Gay. Comment ?

M. Laurent Saint-Martin, ministre. La finalité de cette taxation au-delà d’un certain prix doit être très claire pour tous.

Vous m’avez également interrogé sur l’opacité du coût du nucléaire. Le projet de loi de finances prévoit son suivi et sa publication, notamment par la CRE, afin de garantir une information la plus transparente possible. Le seuil, qui est important pour le prix et donc pour la redistribution de la taxe, se fondera sur cette publication.

Tels sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les premiers éléments de réponse que je pouvais vous apporter.

J’émets un avis défavorable sur ces amendements de suppression.

M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.

M. Fabien Gay. J’appelle l’attention de l’ensemble de nos collègues : le rapporteur général vient de nous dire que, finalement, le mécanisme n’est pas le bon mais que ce n’est pas grave, car il pourra évoluer. C’est bien cela ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Ce n’est pas ce que j’ai dit !

M. Fabien Gay. Le ministre, quant à lui, essaye de nous donner deux ou trois éléments mais, à mon sens, presque personne n’a compris comment cela allait fonctionner.

Soyons sérieux : personne ne comprenait le mécanisme en vigueur. Avec ma collègue Dominique Estrosi Sassone, nous avons préparé un rapport sur les abus de l’Arenh pour lequel nous avons auditionné tout le monde. Chaque acteur du système nous a livré une explication différente !

Le mécanisme de redistribution, qui s’appelle aujourd’hui compléments de prix – CP 1 et CP 2 –, était incompréhensible et personne ne savait comment il fonctionnait. Il a été mis en place pour revenir aux consommateurs, mais savez-vous ce qui est arrivé ? Les énergéticiens, c’est-à-dire ceux qui ont payé l’amende, se sont redistribué l’argent entre eux, car on ne savait pas à qui ces sommes devaient aller… Et maintenant, on nous demande d’accepter en dix minutes un mécanisme abscons qui doit absolument remplacer l’Arenh !

Pardonnez-moi de vous le dire, monsieur le ministre, mais vous ne pouvez pas soutenir devant le Parlement qu’il faudrait impérativement trancher maintenant : cela fait trois ans que vous nous promettez ce projet de loi. Ce n’est pas nous qui l’avons retardé, c’est vous. Vous êtes issu de la majorité qui a perdu, mais qui a gagné tout de même ; il ne s’agit pas d’une autre majorité…

Nous aurons des désaccords, vous connaissez notre position et nous ne vous demanderons pas de l’adopter. Mais nous exigeons un débat sérieux permettant, au moins, de savoir comment tout cela va fonctionner.

Une fois que vous aurez pris 50 % entre 78 et 82 euros, comment le mécanisme de redistribution va-t-il permettre aux usagers, qu’ils soient clients résidentiels, petites entreprises, grandes entreprises ou collectivités, d’obtenir un remboursement sur leur facture ? Personne ne le sait, pas même les dirigeants d’EDF. Et vous prétendez nous demander de régler cela en dix minutes ?

M. le président. Il faut conclure.

M. Fabien Gay. Nous allons demander un scrutin public sur ces amendements parce que, dans trois ou cinq ans, il sera trop tard pour nourrir des regrets ; c’est maintenant qu’il faut se positionner.

M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.

M. Daniel Salmon. On se demande ce que vient faire ici cet article. Le mécanisme de l’Arenh a été mis en place à une époque où l’on se vantait de notre nucléaire historique, qui était peu cher. Pour le démontrer, on a créé l’Arenh, à 42 euros, mais au bout d’un moment, le nucléaire historique n’était plus du tout à ce prix-là.

Aujourd’hui, EDF fait face à un mur d’investissements, avec la quatrième visite décennale des centrales nucléaires, avec les nouveaux réacteurs pressurisés européens (EPR), avec la gestion des déchets, et il va falloir arbitrer entre le consommateur et le contribuable, car cette facture devra être payée.

Depuis des années, nous attendons le projet de loi de programmation pluriannuelle de l’énergie et le projet de loi sur l’énergie et le climat, qui ne viennent pas. Nous avons besoin de temps pour connaître le véritable coût du nucléaire historique et pour savoir comment nous allons financer la relance du programme nucléaire. À partir de là, nous pourrons définir un nouveau mécanisme de prix.

Nous sommes aujourd’hui complètement à contretemps, parce que nous n’avons pas réalisé les travaux et les études préalables qui nous permettraient de définir un prix qui tienne la route.

M. le président. La parole est à Mme Frédérique Espagnac, pour explication de vote.

Mme Frédérique Espagnac. Je n’avais pas prévu de prendre la parole, mais, monsieur le ministre, je vous entends choisir l’angle fiscal pour justifier la présence de cet article. Or cela ne saurait constituer ni une excuse ni un alibi pour traiter cette question en début de soirée, juste avant le dîner, au regard des conséquences que celle-ci emportera pour nos concitoyens ou pour les collectivités dans les années à venir.

Cela fait dix ans que nous demandons la suppression de l’Arenh. Depuis 2022, nous attendons un projet de loi qui permette un débat de fond sur la fixation des prix de l’électricité en France, sur l’avenir d’EDF et sur la compétitivité de nos entreprises. Il est tout à fait impossible et irresponsable d’aborder ce sujet ici de cette manière.

Je rappelle que vous êtes au Gouvernement depuis 2017 et que des missions, notamment celle de Mme Dominique Estrosi-Sassone, ici même, ont rendu leur rapport. On ne peut pas dire que nous ne disposions pas des alertes et des documents nécessaires pour démontrer que le mécanisme de l’Arenh était une erreur. Il n’est donc pas acceptable d’entendre, ce soir, le Gouvernement prétendre trouver des solutions à partir de cet article !

Vous êtes maître du calendrier parlementaire, avec le bureau du Sénat. Si vous souhaitez inscrire à l’ordre du jour, au plus vite, un projet de loi susceptible de résoudre cette question et de donner lieu à ce débat entre nous, vous pouvez le faire.

M. le président. La parole est à M. Christian Bilhac, pour explication de vote.

M. Christian Bilhac. Ce sujet est très complexe, mais je retiens un fil directeur de toutes les interventions : nous avons besoin que les entreprises investissent. Et une entreprise doit investir plus encore que les autres, EDF, parce que nous avons un problème énergétique et que tout un programme doit être mis en place.

Dès lors, taxer EDF directement à un moment où on lui demande d’investir pour l’avenir énergétique de la France me semble constituer une erreur fondamentale.

Il serait plus prudent de supprimer cet article que de donner naissance à une usine à gaz dont on ne connaît pas le résultat, sinon qu’elle va pénaliser EDF.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon, pour explication de vote.

M. Jean-Marie Mizzon. Je suis sensible aux arguments développés par ceux qui demandent la suppression de cet article.

Certes, vous n’avez disposé, monsieur le ministre, que de quelques semaines pour préparer votre projet de loi de finances, mais cela ne devrait pas vous amener à y insérer un dispositif de cette sorte, bien au contraire.

Il ne s’agit pas seulement de voter un taux ou un prix, et d’actualiser l’existant, mais bien de mettre en place de nouveaux principes et de nouvelles modalités. Or à la lecture du projet de loi de finances, on ne peut pas comprendre comment le système fonctionnerait.

J’observe que ce dispositif doit être mis en place au plus tard le 1er janvier 2026. Il nous reste donc quelques mois, pour ne pas dire une année, pour y travailler au travers d’un projet de loi qui serait davantage de nature à laisser la possibilité aux uns et aux autres de s’exprimer et de mieux comprendre les tenants et aboutissants du sujet.

Je n’ai pas pour habitude de voter ce que je ne comprends pas, et ma compréhension de ce texte est très fragile.

M. Albéric de Montgolfier. Vous ne votez pas grand-chose, alors !

M. Jean-Marie Mizzon. Il est inutile de tomber dans l’insulte, mon cher collègue. J’en connais d’autres qui ne comprennent pas grand-chose, mais qui parlent bien fort !

Voilà, monsieur le ministre, pourquoi je voterai pour la suppression de cet article.

MM. Christian Bilhac et Fabien Gay. Bravo !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Laurent Saint-Martin, ministre. Permettez-moi d’insister sur l’importance d’inscrire cet article dans le projet de loi de finances, parce qu’il est impératif d’anticiper.

Monsieur le sénateur Mizzon, vous avez raison de dire que nous avons, en apparence, du temps. Pour autant, les négociations de prix, notamment vis-à-vis des professionnels, se font à l’avance. Si nous ne donnons aucune visibilité aujourd’hui pour l’avenir, alors que l’Arenh se termine au 31 décembre 2025, nous faisons peser un risque sur les possibilités de contractualisation de nos industriels et des entreprises – vous l’avez tous compris. Nous avons donc besoin de cet article.

Madame Frédérique Espagnac, je comprends votre souhait de discuter d’un projet de loi ad hoc. Pour autant, un PLF offre la meilleure sécurité juridique en matière fiscale, et c’est la solution la plus rapide.

Monsieur Gay, vous semblez considérer que je suis au Gouvernement depuis trois ans. Ce n’est pas le cas !

Cette disposition a sa place dans un PLF, même si elle aurait aussi pu faire l’objet d’un texte ad hoc. Prenons le temps d’en débattre, examinons les modalités, cela ne pose aucun problème, mais il est fallacieux de soutenir qu’il s’agirait d’un cavalier.

Mme Frédérique Espagnac. Ce n’est pas seulement un sujet fiscal !

M. Laurent Saint-Martin, ministre. Comment cela va-t-il fonctionner ?

M. Fabien Gay. Vous ne le savez pas !

M. Laurent Saint-Martin, ministre. Monsieur Gay, je tente de répondre à vos questions.

L’affectation de la taxe fonctionne comme pour le bouclier tarifaire : les fournisseurs baissent la facture et sont remboursés.

M. Fabien Gay. Vous avez choisi le meilleur exemple pour nous pousser à voter contre !

M. Laurent Saint-Martin, ministre. Vous ne pouvez pas prétendre que le bouclier n’a pas fonctionné : il me semble que la facture de nos concitoyens a bien baissé.

M. Fabien Gay. Non ! Comment osez-vous dire cela ?

M. Laurent Saint-Martin, ministre. Si nous ne prévoyons pas un mécanisme pour succéder à l’Arenh, tout le monde subira la volatilité des prix du marché et nous nous trouverons dans l’incapacité de concevoir des amortisseurs pour nos concitoyens et surtout pour les entreprises, lesquelles ont besoin d’anticipation quand elles contractualisent avec leur fournisseur. Nous ne parlons pas chinois : ces mécanismes sont importants.

La date de fin de l’Arenh est connue depuis un moment et ce n’est pas la première fois que vous en débattez, il me semble.

Adopter cet article dans ce projet de loi de finances me paraît vraiment nécessaire.