Mme la présidente. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, sur l’article.

Mme Émilienne Poumirol. Nous allons aborder, avec l’article 9, la question de la clause de sauvegarde, et donc celle du médicament.

Je souhaite saisir cette occasion pour pointer à mon tour, comme l’a fait le président Kanner au début de cette séance, l’incohérence du Gouvernement et de ses décisions, et pour demander moi aussi, madame la ministre, s’il y a un pilote dans l’avion.

Vous nous aviez annoncé, tout d’abord, une hausse de 10 points du ticket modérateur sur les consultations médicales. Mais, à la suite de la protestation générale des syndicats, et y compris des syndicats de médecins, vous avez reculé, ramenant cette augmentation à 5 points.

Mais vous nous avez ensuite annoncé, en contrepartie, une hausse de 5 points du ticket modérateur sur les médicaments, déremboursement qui serait pris en charge par les mutuelles, avec les conséquences que l’on sait non seulement pour ceux qui n’ont pas de mutuelle, mais aussi pour tous les autres, qui devront supporter ce surcoût.

Et voilà que vous semblez faire marche arrière : vous ne parlez plus désormais de ce déremboursement de 5 points des médicaments.

Vous aviez annoncé par ailleurs la création d’une franchise sur les dispositifs médicaux, le Gouvernement déposant ici même un amendement aussitôt retiré : nouvelle marche arrière !

Avez-vous vraiment une stratégie dans le domaine du médicament,…

Mme Émilienne Poumirol. … et notamment à l’égard des Big Pharma ? Comptez-vous enfin doter le pays d’une politique claire de régulation des dépenses de médicaments et de dispositifs médicaux, qui sont considérables ?

Les décisions que vous avez commencé à prendre engendrent un glissement vers la privatisation et la financiarisation du système de santé, lequel va être de plus en plus pris en charge par les mutuelles. Je rappelle quel est l’inconvénient d’un tel glissement : il accroît les inégalités devant la santé, au détriment des Français les plus précaires.

Je plaide pour une vision plus globale de ce sujet, qui donne toute sa place en particulier à la prévention. On sait en effet que la prévention est un bon moyen, à court et à long terme, de diminuer les dépenses de la sécurité sociale.

Mme la présidente. L’amendement n° 965, présenté par Mmes Brulin, Apourceau-Poly, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…) Le même I est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ce montant M déterminé par la loi est retranché du total des financements et aides publiques perçus au cours de l’année précédant la déclaration par l’entreprise assujettie. » ;

La parole est à Mme Céline Brulin.

Mme Céline Brulin. Cet amendement a pour objet de moduler le montant M, ce seuil qui détermine l’assujettissement des entreprises pharmaceutiques à la clause de sauvegarde, en fonction des aides et financements publics que l’entreprise a perçus.

Cette démarche – vous n’en serez pas surpris, puisque nous la portons régulièrement – vise à conditionner et à encadrer l’usage de l’argent public, en particulier dans le secteur absolument stratégique qu’est celui de la santé.

La commission d’enquête sur la pénurie de médicaments et les choix de l’industrie pharmaceutique française, dont la présidente était Sonia de La Provôté et la rapporteure notre ancienne collègue Laurence Cohen, avait montré que le montant des aides publiques octroyées aux entreprises, notamment dans le cadre des plans France Relance et France 2030, était particulièrement opaque.

On voit ainsi, quotidiennement ou presque, des entreprises du secteur pharmaceutique capter des financements publics considérables, sans qu’il soit exigé d’elles la moindre contrepartie réelle en matière d’investissement dans la recherche, de relocalisation des productions essentielles ou de lutte contre les pénuries de médicaments. Certaines sociétés, à l’instar de Sanofi, qui défraie la chronique en ce moment, vont jusqu’à utiliser ces aides pour accroître leur rentabilité nette et distribuer des dividendes records à leurs actionnaires, supprimant même des postes de chercheurs.

C’est pour tenter d’enrayer cette logique que nous proposons cet amendement. Il nous semble en effet bien plus opportun et bien plus efficace, pour dégager des moyens et prévenir ce que vous considérez comme des « dérapages » en matière de dépenses de médicaments, de faire les choix que nous indiquons plutôt que de poursuivre le déremboursement des produits de santé prescrits aux patients.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Je trouve intéressant le regard que vous portez sur les mécanismes de régulation du secteur du médicament, ma chère collègue.

On lit partout, notamment dans la presse, que les Français sont les premiers consommateurs de médicaments. Sans doute faut-il tenter d’y remédier ; nos dépenses s’en trouveraient réduites.

Pour en revenir à la régulation qui a été établie depuis plusieurs années entre les producteurs de médicaments et l’assurance maladie, le montant dit « M », qui est un seuil collectif visant le chiffre d’affaires de l’ensemble des ventes de médicaments, est fixé pour l’année. Ce n’est qu’en cas de dépassement dudit montant par les entreprises du secteur que la clause de sauvegarde se déclenche.

Cette clause de sauvegarde est devenue – nous l’avons dénoncé ces dernières années – une corde de rappel et, plus encore, un outil fiscal. C’est la raison pour laquelle la Première ministre Élisabeth Borne avait commandé sur ce sujet un rapport dont les auteurs ont montré qu’il fallait revoir notre dispositif de régulation.

L’année dernière, déjà, lors de l’examen du PLFSS pour 2024, nous recherchions le mécanisme le plus adéquat pour réguler la consommation de médicaments, donc les dépenses y afférentes.

Ma chère collègue, vous demandez que le montant M déterminé par la loi « soit retranché du total des financements et aides publiques perçus au cours de l’année précédant la déclaration par l’entreprise assujettie ».

Le montant M étant collectif, comment voulez-vous que la disposition que vous proposez ait la vertu que vous lui attribuez ? Ce n’est tout simplement pas possible ! En effet, toutes les entreprises ne perçoivent pas les mêmes aides : certaines en touchent plus, d’autres moins ; or, à vous suivre, il faudrait les mettre toutes dans le même panier…

Je demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis de la commission serait défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre. Je souhaite tout d’abord dire à Mme la sénatrice Poumirol que la politique que nous suivons est très simple : nous avons 5 milliards d’euros d’économies à réaliser !

M. Patrick Kanner. C’est la punition !

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre. Lorsque j’ai pris mes fonctions, il était prévu, sur ces 5 milliards d’euros d’économies, d’en transférer 1,14 milliard aux assurances complémentaires. J’ai travaillé durant plusieurs semaines afin de limiter ce montant à 900 millions d’euros.

Le chiffre de 1,14 milliard correspondait à une hausse de 10 points du ticket modérateur sur les consultations médicales, qui ne m’a pas paru opportune. Le montant retenu est donc de 900 millions d’euros ; pour réaliser cette économie, nous avons besoin d’une augmentation de 5 points du ticket modérateur sur les consultations médicales et d’une augmentation de 5 points du ticket modérateur sur les médicaments. Sont bien sûr exclus de ce dispositif les médicaments remboursés à 100 % par la sécurité sociale, ainsi que ceux qui sont prescrits aux patients en affection de longue durée (ALD) – vous le savez très bien. (Mme Émilienne Poumirol proteste.)

Je suis d’accord avec vous, madame la rapporteure générale – l’industrie pharmaceutique sera peut-être mécontente de m’entendre le dire –, il faudrait que nous consommions beaucoup moins de médicaments. (Mme la rapporteure générale de la commission des affaires sociales approuve.)

Pour consommer moins de médicaments, encore faut-il que les besoins diminuent, ce qui suppose de construire une politique de prévention plus efficace ; et vous avez eu raison de souligner qu’en la matière il reste beaucoup à faire.

J’ai pris mes fonctions il y a six semaines,…

Mme Annie Le Houerou. Ça fait sept ans que ça dure !

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre. … et je puis vous assurer que nous allons y parvenir, avec vous. Car, pour l’instant, tout le monde en parle, mais je ne vois rien de concret… Nous allons le faire ! Il y a là une priorité si l’on veut faire baisser la consommation de médicaments !

J’en viens à votre amendement, madame la sénatrice Brulin.

Comme l’a très bien dit Mme la rapporteure générale, le dispositif visé – la clause de sauvegarde et le montant M – est très technique, très complexe. Pour ma part, je considère qu’il ne s’agit pas du tout du bon vecteur pour traiter de façon différenciée les industriels qui auraient bénéficié d’aides…

De surcroît, les entreprises dont nous parlons sont implantées sur notre territoire. Or nous voulons relocaliser en France les industries du médicament. Si des aides publiques sont versées, c’est justement parce qu’il y va de notre intérêt en matière de souveraineté sanitaire. Ce que vous proposez n’est donc pas, je le répète, le bon vecteur.

Le bon vecteur, celui qui permet de tenir compte des aides et de la localisation des entreprises, ce n’est pas la clause de sauvegarde, c’est le prix du médicament : telle est bien la variable sur laquelle il convient de jouer.

Avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Céline Brulin, pour explication de vote.

Mme Céline Brulin. Il arrive que l’on se réfugie derrière la prétendue complexité des choses pour ne rien faire…

Je suis d’accord avec vous, ces dispositifs – clause de sauvegarde, montant M – sont extrêmement complexes, mais cela ne doit pas nous détourner d’un principe simple : les fonds publics ne sauraient être utilisés pour casser notre industrie, pour délocaliser, pour supprimer des emplois.

Vous savez comme moi, mes chers collègues, ce qui se passe en ce moment même dans l’industrie pharmaceutique, et vous avez entendu le Premier ministre lui-même convenir de l’opacité des aides publiques qui ont été accordées, notamment à Sanofi – il ne l’a certes pas dit dans ces termes-là : il a déclaré que l’on avait du mal à s’en faire une idée.

Qu’un travail reste à faire pour concevoir des mécanismes opérationnels, je n’en disconviens pas. Mais je trouve regrettable que notre proposition soit balayée d’un revers de main, car il y a là un vrai sujet.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.

M. Bernard Jomier. Nous ne devons pas nous noyer dans la technicité, même s’il est vrai que la LFSS est technique, comme est technique, en particulier, la question du médicament.

Madame la ministre, vous souhaitez modérer la consommation de médicaments et agir sur les prix. Très bien ! Mais on n’y parviendra pas sans introduire davantage de transparence dans le mécanisme de fixation des prix.

On a coutume de dire que le coût des médicaments augmente parce que l’innovation coûte cher. Dont acte, mais on a vu apparaître une modalité de fixation des prix des médicaments qui est déconnectée des coûts de recherche et de production des molécules, et qui est fondée sur une estimation de l’économie supposée pour les systèmes de santé. Un pharmacologue fait une comparaison que j’aime beaucoup : au fond, dit-il, c’est comme si le plombier qui vient chez vous réparer une fuite vous faisait payer non pas 100 euros, prix de l’intervention proprement dite, mais 10 000 euros, au motif qu’il a évité l’inondation de la maison… Voilà exactement ce qui se passe dans le domaine du médicament !

Les États sont devenus plus que faibles face à une industrie complètement financiarisée et internationalisée. Dans ces conditions, rétablir une souveraineté de production des médicaments en en relocalisant la fabrication est un combat extrêmement complexe à mener.

L’Union européenne, qui essaie d’élaborer une politique en ce domaine via son paquet pharmaceutique, est elle-même en difficulté dans les négociations. Dans la dernière mouture de la législation adoptée, elle a tout de même cédé beaucoup de terrain à l’industrie pharmaceutique, dont les taux de rentabilité n’ont rien à voir avec la vie économique réelle !

La clause de sauvegarde et les montants M et Z sont certes des dispositifs techniquement complexes, qui ne sont pas avares, d’ailleurs, de sous-montants et de sous-catégories ; mais il ne faut jamais perdre de vue l’enjeu politique. Or ce gouvernement et ceux qui l’ont précédé ont constamment refusé nos amendements visant à améliorer la transparence des politiques du médicament…

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 965.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 76 rectifié, présenté par M. Milon, Mme Petrus, MM. Somon, Sol et Khalifé, Mmes Aeschlimann et Malet, M. J.B. Blanc et Mmes Lassarade, Jacques, M. Mercier et Micouleau, est ainsi libellé :

I. – Après l’alinéa 9

Insérer sept alinéas ainsi rédigés :

…) Il est ajouté un paragraphe ainsi rédigé :

« …. – Ne sont toutefois pas prises en compte pour le calcul du montant remboursé par l’assurance maladie mentionné au I du présent article :

« 1° Les spécialités génériques définies au a du 5° de l’article L. 5121-1 du code de la santé publique ;

« 2° Les spécialités inscrites au répertoire des groupes génériques en application des deux dernières phrases du b du 5° de l’article L. 5121-1 du même code ;

« 3° Les spécialités de références définies aux 5° et 15° de l’article L. 5121-1 dudit code de la santé publique, lorsqu’elles sont remboursées sur la base d’un tarif fixé en application du II de l’article L. 162-16 du code de la sécurité sociale ou lorsqu’elles le sont sur la base de remboursement la plus chère en vigueur pour les spécialités génériques appartenant au groupe générique concerné, en application du III de ce même article, ou lorsque leur prix de vente au public est identique à celui des spécialités du groupe générique auquel elles appartiennent.

II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

…. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à M. Alain Milon.

M. Alain Milon. Les médicaments génériques étaient, à l’origine, exonérés de la clause de sauvegarde, du fait des marges faibles qu’ils induisent.

Tout en offrant les mêmes garanties de qualité et de sécurité que leur princeps, les génériques favorisent un accès durable de tous les patients aux traitements à un coût raisonnable pour les comptes publics. Chaque année, le développement de ces médicaments génère 2,5 milliards d’euros d’économies en raison des prix fixés, situés 60 % en deçà de ceux des spécialités de référence. Le secteur des génériques est donc le premier contributeur aux économies réalisées.

À compter de 2019, les génériques ont été intégrés dans l’assiette de la clause de sauvegarde, sans toutefois qu’il soit tenu compte de leur spécificité. Cette inclusion a engendré une chute de la rentabilité du secteur, car cette contribution n’est pas soutenable s’agissant de produits à bas prix et à faible marge. Ladite rentabilité est passée de 0,3 % en 2021 à –1,5 % en 2023.

En 2023, la clause de sauvegarde qui pèse sur les ventes de médicaments génériques – 300 millions d’euros – était même supérieure à l’accroissement du chiffre d’affaires annuel hors taxe (CAHT) des génériques, soit 270 millions d’euros. La clause de sauvegarde remet donc en cause l’existence même du premier contributeur aux économies et à l’accès aux traitements à un coût raisonnable.

L’amendement proposé a pour objet de corriger l’incohérence consistant à encourager les économies sur les dépenses d’assurance maladie liées au développement des spécialités génériques tout en les sanctionnant via la clause de sauvegarde.

Mme la présidente. L’amendement n° 684, présenté par Mmes Poumirol et Le Houerou, M. Kanner, Mmes Canalès, Conconne et Féret, MM. Fichet et Jomier, Mmes Lubin et Rossignol, MM. Bourgi et Ros, Mmes Linkenheld et Narassiguin, MM. Ziane et Lurel, Mme Bélim, M. Féraud, Mme Harribey, M. Gillé, Mme Brossel, MM. Fagnen et Chantrel, Mme Conway-Mouret, MM. Darras, Michau, Mérillou et Montaugé, Mme Bonnefoy, M. Roiron, Mme Blatrix Contat, MM. Jeansannetas, Vayssouze-Faure et M. Weber, Mmes Monier et G. Jourda, MM. P. Joly, Marie, Tissot, Durain et Chaillou, Mme Artigalas, MM. Redon-Sarrazy, Ouizille, Pla, Uzenat et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

I. – Après l’alinéa 9

Insérer sept alinéas ainsi rédigés :

« …) Est ajouté un paragraphe ainsi rédigé :

« …. – Ne sont toutefois pas pris en compte pour le calcul du montant remboursé par l’assurance maladie mentionné au I du présent article :

« …° Les spécialités génériques définies au a du 5° de l’article L. 5121-1 du code de la santé publique ;

« …° Les spécialités inscrites au répertoire des groupes génériques en application des deux dernières phrases du b du 5° de l’article L. 5121-1 du code de la santé publique ;

« …° Les médicaments biologiques similaires définis au a du 15° de l’article L. 5121-1 du code de la santé publique ;

« …° Les médicaments hybrides définis au c du 5° de l’article L. 5121-1 du code la santé publique ;

« …° Les spécialités de références définies au 5° et au 15° de l’article L. 5121-1 du code de la santé publique, lorsqu’elles sont remboursées sur la base d’un tarif fixé en application du II de l’article L. 162-16 du code de la sécurité sociale ou lorsqu’elles le sont sur la base de remboursement la plus chère en vigueur pour les spécialités génériques, hybrides ou les médicaments biologiques similaires appartenant au groupe générique, hybride ou biologique similaire concerné, en application du III de ce même article, ou lorsque leur prix de vente au public est identique à celui des spécialités du groupe générique, hybride, ou biologique similaire auquel elles appartiennent. »

II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

…. - La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à Mme Émilienne Poumirol.

Mme Émilienne Poumirol. Mon amendement va exactement dans le même sens que celui qui vient d’être présenté par M. Milon : il vise à exclure de la clause de sauvegarde les médicaments génériques, les hybrides et les biosimilaires substituables.

Comme cela vient d’être rappelé, les génériques nous permettent chaque année de faire des économies substantielles. De surcroît, ils sont le plus souvent produits par de petites entreprises, des PME françaises, la faible rentabilité de ces produits les rendant peu attractifs aux yeux des Big Pharma, dont les taux de rendement sont de 6 % ou de 8 %, bien supérieurs, par exemple, à ceux de l’industrie aéronautique – je pense notamment à Airbus, entreprise très présente dans mon département, qui est pourtant un fleuron de notre industrie.

Il n’est pas normal que ces petites entreprises courent le risque de ne plus pouvoir fabriquer les génériques sur notre territoire. Il est donc important d’exclure ces médicaments de la clause de sauvegarde, sanction légitime lorsqu’elle s’applique aux Big Pharma, mais qui ne doit pas viser les PME.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. La commission propose de plafonner, cette année encore, la contribution des médicaments génériques et des spécialités de référence soumises à un tarif forfaitaire de responsabilité (TFR). Ainsi répond-elle à une demande forte émanant de certains secteurs, qui présentent des taux de rentabilité faibles et pour lesquels le poids de la clause de sauvegarde apparaît inadapté.

Nos collègues proposent d’exclure entièrement de la clause ces mêmes médicaments que je viens d’évoquer. Or une telle mesure ne me semble pas soutenable compte tenu de l’état des comptes de l’assurance maladie. Il n’est pas davantage souhaitable d’exclure entièrement de la clause de sauvegarde les médicaments biosimilaires ou hybrides.

En conséquence, la commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements. Elle vous invitera surtout, mes chers collègues, à adopter son amendement n° 129, qui vise à plafonner la contribution due sur la vente des médicaments génériques et d’un certain nombre d’autres spécialités.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre. Je partage l’avis de Mme la rapporteure générale : je demande le retrait de ces amendements au profit de l’amendement n° 129 de la commission, dont l’adoption permettrait de reconduire, cette année encore, le plafonnement – et non l’exclusion – de la contribution assise sur les ventes de médicaments génériques.

Je rappelle que la clause de sauvegarde a été élargie à tous les médicaments en 2019 et que cette disposition inscrite dans la loi de financement de la sécurité sociale a permis d’améliorer la lisibilité de la régulation macroéconomique des médicaments.

Mme la présidente. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour explication de vote.

Mme Émilienne Poumirol. La commission propose non pas d’exclure les entreprises produisant des génériques de la clause de sauvegarde, mais de plafonner la contribution due au titre de ces médicaments.

Je le rappelle, ces médicaments moins chers permettent à la sécurité sociale de réaliser des économies.

Nous avons déjà fait diverses propositions de recettes supplémentaires. Attaquez-vous plutôt aux Big Pharma ! Vous ne réagissez pas lorsque Sanofi revend sa filiale Opella, qui fabrique le Doliprane, à un fonds de pension américain, mais vous proposez de plafonner la clause de sauvegarde sur les génériques. Ce n’est pas logique !

Il faut exclure les génériques de la clause de sauvegarde, en particulier parce que cela permettrait de sauver les petites PME qui les fabriquent sur le sol français.

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Harribey, pour explication de vote.

Mme Laurence Harribey. Je soutiendrai ces deux amendements et appuierai les propos de notre collègue Poumirol.

Madame la rapporteure générale, vous dites que, compte tenu du contexte, nous ne pouvons pas nous permettre une telle mesure ; mais il faut prendre de la hauteur.

En réalité, étant donné la situation de l’industrie pharmaceutique, on ne peut pas se permettre d’accroître encore les difficultés des fabricants de médicaments génériques. Nos collègues Milon et Poumirol l’ont très bien expliqué, ces entreprises, le plus souvent des PME françaises, sont en grande difficulté.

Repousser sans arrêt la décision d’exclure les génériques de la clause de sauvegarde revient à faire courir des risques énormes aux entreprises qui les produisent. Nous devons faire des économies, certes, mais il ne faut pas pour autant mettre en péril l’industrie pharmaceutique.

La commission d’enquête du Sénat sur la pénurie de médicaments et les choix de l’industrie pharmaceutique française, dont étaient membres Alain Milon et Émilienne Poumirol, mais aussi Pascale Gruny ici présente et moi-même, avait insisté sur la nécessité d’adapter la politique pharmaceutique aux différents types de médicaments commercialisés, en étudiant notamment de près la question de la production en France de spécialités génériques.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Milon, pour explication de vote.

M. Alain Milon. J’adhère aux propos de Mme Poumirol. Pendant des années, pour faire faire des économies à la sécurité sociale, on a incité les médecins à prescrire des médicaments génériques et les patients à en prendre. Actuellement, on incite les entreprises à s’installer en France et en Europe, afin d’y relocaliser la production.

N’augmentons pas les impôts de ces entreprises, dont les bénéfices sont modestes : si nous les augmentons, elles ne pourront pas investir.

Madame la rapporteure générale, je vous prie de m’excuser d’aller à rebours de la position de la commission, mais je maintiens mon amendement. La France est probablement le pays où le prix des médicaments est le moins élevé ; n’aggravons pas la situation.

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure générale.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. J’ai expliqué pourquoi la commission avait émis un avis défavorable sur ces amendements ; pour autant, je comprends le raisonnement de leurs auteurs.

Cette question mérite en effet un travail approfondi. Les pages du rapport consacrées à l’article 9 et à la régulation du médicament sont, du reste, d’une grande complexité. On ne saurait, certes, prétexter de cette complexité pour ne rien changer, mais, justement, le contexte, lui, a changé : le rendement de la clause de sauvegarde a augmenté dans de telles proportions ces dernières années que ce dispositif obéit désormais à une logique bien différente de celle qui avait motivé sa création.

Madame la ministre, est-il possible de simplifier cette contribution non pas à outrance, mais de manière modérée, tout en la rendant cohérente avec les préconisations faites aux Français en matière de prise de médicaments ? Moins on consomme de médicaments, en effet, mieux on se porte. Il faut en outre faire attention aux interactions médicamenteuses ; à voir les piluliers de certains anciens, j’ai parfois quelques inquiétudes quant à l’efficacité des traitements…

On a encouragé l’usage des médicaments génériques tout en décidant de les comptabiliser dans l’assiette de la clause de sauvegarde. Les en exclure reviendrait à la faire porter uniquement sur les médicaments les plus coûteux, c’est-à-dire sur les médicaments innovants, qui soignent le cancer ou les maladies rares.