Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Catherine Vautrin, ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation. Monsieur le sénateur Ravier, on constate effectivement une augmentation des dépenses de personnel.
J’entends l’hommage que vous rendez aux pompiers et aux policiers, mais permettez-moi d’y associer également tous les personnels qui s’occupent de nos enfants dans les écoles et qui relèvent des collectivités territoriales.
Lors de la dernière séance de questions d’actualité au Gouvernement, une question a d’ailleurs été posée sur l’accompagnement des enfants en situation de handicap pendant la pause méridienne. Il y a été rappelé qu’un texte avait été voté à l’unanimité par votre assemblée. Tout cela nécessité évidemment du personnel, mais personne ne le regrette.
Ce qu’il faut, c’est du personnel au bon endroit, et savoir qui le paie. Cela ouvre un autre débat, celui de la gratuité. Rien n’est gratuit et quelqu’un doit assumer les coûts de certaines politiques. C’est une manière de répondre à la question que vous avez posée sur le consentement à l’impôt. Quel service voulons-nous et combien sommes-nous prêts à payer pour ce type de service ? C’est un point tout à fait important.
L’autre constat objectif auquel nous sommes confrontés est le vieillissement de la population. Les Français veulent vieillir à domicile. Comment organiser cela ? Cette politique a aussi un coût. En 2030, notre pays compte plus de Français de plus de 65 ans que de Français de moins de 15 ans. Cela nécessitera une organisation qui ne sera pas gratuite non plus.
Par ailleurs, tout le monde veut davantage de services. L’apport de France Services, dont une agence se trouve à vingt minutes de chaque Français, fait d’ailleurs l’unanimité. Or son fonctionnement représente concrètement un budget de 65 millions d’euros.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet.
M. Jean-Raymond Hugonet. Madame la ministre, ce volumineux rapport, objet de notre débat, illustre, à lui seul, l’état des relations entre l’État et les collectivités. À l’approche du Congrès des maires, une lecture attentive de cet ouvrage permet de mesurer parfaitement le profond décalage existant entre la théorie et la pratique, entre le verbe et la réalité.
S’agissant de la théorie, elle est, comme à l’accoutumée, savamment et adroitement présentée. Et encore, je suis diplomate, car les scandaleuses et mensongères allégations des ministres précédents sur la prétendue responsabilité des collectivités dans le déficit public m’amèneraient à être beaucoup plus cru dans mon expression…
Quant au verbe, il s’agit du sempiternel sabir technocratique, triste maquillage d’une réalité devenue malheureusement brutale pour nos collectivités.
La réalité et la pratique sont tout autres, madame la ministre !
Le triste constat c’est que d’une liberté constitutionnelle, pensée et conçue pour garantir la libre administration des collectivités, l’autonomie financière est devenue une coquille vide dépourvue de tout effet utile pour nos collectivités.
M. Laurent Burgoa. Très bien !
M. Jean-Raymond Hugonet. Le triste constat, c’est qu’en vingt ans le modèle de décentralisation à la française a perdu de sa pertinence face à un double mouvement opéré par l’État consistant à recentraliser le fonctionnement des collectivités locales tout en accroissant, en même temps, les charges pesant sur elles.
Dans ce contexte, réconcilier le pouvoir central et le pouvoir local serait une œuvre historique pour la France. C’est même devenu – je le crois sincèrement – un véritable enjeu de démocratie. Y êtes-vous prête, madame la ministre ? (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Catherine Vautrin, ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation. Je vous remercie pour ce propos, monsieur le sénateur, qui porte au fond sur l’organisation globale de notre pays. Vous avez raison de nous replonger dans l’histoire de la décentralisation depuis 1982, parce qu’en fait la France n’a pas évolué sur ce sujet. Elle a choisi – sciemment ou non ? – une autre voie.
Cela rejoint la question déjà évoquée tout à l’heure de la gentrification, mais aussi celle des relations entre l’État et les collectivités locales : l’État joue-t-il un rôle de tutelle ou est-il un partenaire pour les collectivités ?
Le Premier ministre et le Président de la République ont répondu à cette question, en choisissant de créer un ministère du partenariat avec les territoires et de la décentralisation. Renouer les fils de ce partenariat est donc le sens de mon engagement au sein de ce gouvernement.
C’est pourquoi j’ai pris, malgré le contexte budgétaire que vous connaissez et des délais constitutionnels contraints, des engagements. Ce que nous avons proposé n’est pas un solde de tout compte et je mesure la nécessité d’ouvrir un travail commun avec les parlementaires et les associations d’élus – j’en ai parlé dans mon propos liminaire.
Beaucoup d’entre nous ont été élus locaux dans une vie antérieure et se sont même parfois investis dans des associations d’élus. C’est pourquoi je mesure l’importance des rapports qui ont déjà été réalisés sur toutes ces questions. Ces rapports ne doivent pas rester sur des étagères ; l’heure est venue de passer aux actes !
Je ne prends qu’un seul exemple : les normes. Laurent Saint-Martin et moi-même avons demandé à Boris Ravignon, maire de Charleville-Mézières et président de la communauté d’agglomération Ardenne Métropole, de travailler à nos côtés sur ce sujet pour avancer tout de suite.
Vous le voyez, en parallèle du travail sur le budget, nous avançons des réponses concrètes et tout cela a vocation à aller de concert.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet, pour la réplique.
M. Jean-Raymond Hugonet. Madame la ministre, je connais l’engagement du Premier ministre et votre sincérité, mais tout cela n’apparaît pas vraiment dans le projet de loi de finances tel qu’il a été déposé…
C’est pourquoi la commission des finances du Sénat va se charger de vous faire des propositions ! (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon.
M. Jean-Marie Mizzon. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, ce débat nous donne l’occasion d’évoquer un sujet qui nous concerne tous et qui suscite bien des interrogations.
Dans le cas des collectivités locales, par exemple, le Gouvernement a annoncé que celles dont les dépenses réelles de fonctionnement sont supérieures à 40 millions d’euros seront directement concernées par des ponctions sur leurs recettes.
Certes, mais selon quels critères précisément ?
Selon les documents annexés au projet de loi de finances, environ quatre cent cinquante collectivités seraient concernées par ce nouveau dispositif. Pour les communes il est question d’un « indice synthétique de ressources et de charges ». Concrètement, cela veut-il dire, madame la ministre, que des communes vont être mises à contribution sans tenir compte des dépenses contraintes ?
Tout cela n’est pas des plus judicieux et, sans aller jusqu’à parler de sanction inique, lorsque vous demandez aux collectivités locales de contribuer au redressement des comptes publics à hauteur de 5 milliards d’euros, par cet effort supplémentaire, vous participez à leur fragilisation.
Alors, pourquoi ne pas lever les contraintes coûteuses qui pèsent sur elles ? Je pense par exemple à l’amortissement de la voirie – 500 millions d’euros à la charge des collectivités – ou au décret sur la régulation thermique des bâtiments – 1,5 milliard.
Des pistes existent, madame la ministre. Sachons les exploiter !
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Catherine Vautrin, ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation. Monsieur le sénateur, nous sommes partis d’un critère de 40 millions d’euros de dépenses réelles de fonctionnement, mais nous avons écarté les collectivités les plus fragiles : les deux cent cinquante premières communes dans le classement de la DSU, les deux mille cinq cents premières dans le classement de la dotation de solidarité rurale (DSR), les trois cents premiers EPCI selon l’indice de péréquation de la dotation d’intercommunalité, et les vingt départements les plus fragiles au titre de l’indice de fragilité sociale.
En ce qui concerne la charge de l’amortissement de la voirie, je suis en discussion avec le ministère de l’économie et des finances pour faire en sorte que les collectivités ne soient pas pénalisées lorsqu’elles entretiennent leur réseau. J’ai d’ailleurs décidé de ne pas signer le décret tel qu’il était envisagé pour que nous puissions construire ensemble plutôt que de nous opposer.
En ce qui concerne le décret sur la régulation thermique des bâtiments, aussi appelé décret tertiaire, je veux quand même rappeler qu’il s’agit d’une mesure vertueuse : au-delà de la résorption de notre dette écologique – une préoccupation rappelée par le Premier ministre –, elle permet de réaliser des économies considérables à court terme. Il s’agit donc d’un excellent investissement.
Je comprends qu’en des temps de raréfaction des moyens, fixer des échéances courtes est compliqué. C’est pourquoi j’ai des échanges avec ma collègue Agnès Pannier-Runacher pour trouver un juste équilibre.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon, pour la réplique.
M. Jean-Marie Mizzon. Madame la ministre, j’apprécie votre manière de voir. Certes, le décret tertiaire est vertueux, mais il est très coûteux et il faut prendre en compte les charges qu’il entraîne.
Je voudrais vous dire, de manière plus générale, que les maires – j’en rencontre tous les jours – sont très abattus.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Absolument !
M. Jean-Marie Mizzon. Ils ne comprennent pas ce qui se passe, parce qu’ils ne sont en aucune manière comptables des errements, des dérives de nos finances publiques. Sur le terrain, ça gronde fort, madame la ministre. Souvenez-vous-en, lorsque nous débattrons du projet de loi de finances !
Mme la présidente. La parole est à M. Simon Uzenat. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Simon Uzenat. Madame la ministre, je voudrais tout d’abord insister sur l’ironie du moment : on reproche aux collectivités l’écart entre leurs dépenses et leurs recettes, alors que l’État n’a eu de cesse – et cela s’est accéléré depuis sept ans – de leur transférer des compétences et des charges tout en réduisant leur autonomie financière et fiscale. La part des dotations n’a cessé d’augmenter, si bien que l’État a la main sur les ressources dont les collectivités disposent.
Ensuite, il faut être conscient que les efforts demandés aux collectivités dans la version initiale du projet de loi de finances ne s’élèvent pas à 5 milliards d’euros : ils dépassent les 10 milliards !
Sur le fonds de réserve – un intitulé qui masque la réalité des choses –, toutes les collectivités seront touchées, que ce soit directement ou indirectement, y compris les petites communes rurales. Ainsi, le conseil départemental du Morbihan a annoncé la suspension du programme de solidarité territoriale, tout en rappelant son soutien au Gouvernement – comprendra qui pourra…
S’agissant des régions, la catégorie de collectivités la plus impactée, alors même qu’elle n’a pas été aidée au moment de la crise inflationniste, les impacts seront très lourds sur les services publics. Pour la Bretagne, la ponction demandée équivaudrait à quatre mois sans train express régional (TER) ou à un an de fermeture des lycées. Il y aura aussi un impact sur les investissements au détriment de nos TPE-PME.
Je souscris d’ailleurs aux propos du rapporteur général sur la nécessité de refondre la fiscalité locale. Aujourd’hui, les régions disposent notamment d’une taxe sur les cartes grises et d’une fraction de la taxe sur l’essence, alors qu’elles doivent promouvoir les mobilités décarbonées.
Madame la ministre, quelle est votre position sur le versement mobilité additionnel déplafonné, sur la taxe de séjour additionnelle et sur la hausse des péages ferroviaires qui pénalise les régions ?
Pouvez-vous nous confirmer que la signature de l’État sera honorée s’agissant des contrats de plan État-région (CPER), du pacte régional d’investissement dans les compétences (Pric) ou encore de la troisième tranche de compensation du protocole État-régions en faveur des formations sanitaires et sociales ?
Enfin, les îles ont besoin d’une prise en compte singulière dans le cadre du projet de loi de finances, parce que les surcoûts de la vie insulaire explosent : que comptez-vous faire pour cela ? (Mme Isabelle Briquet applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Catherine Vautrin, ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation. Monsieur le sénateur, j’ai bien noté vos commentaires sur les transferts de compétences et sur l’évolution à la baisse du pouvoir de taux des collectivités.
Sur le sujet de la réserve de précaution qui concernerait tout le monde par ricochet – par exemple, les départements supprimeraient une partie de leurs programmes d’aide à l’investissement à destination des autres collectivités –, vous avez compris que nous voulons débattre de ce sujet de façon à limiter l’impact sur les départements des mesures proposées.
S’agissant des régions, nous travaillons notamment sur deux aspects particuliers.
D’abord, le versement mobilité. Nous réfléchissons à l’idée de permettre aux régions de l’augmenter dès lors qu’elles réalisent des investissements visant à élargir le réseau, en particulier pour les transports du quotidien – vous savez que le Gouvernement est très engagé sur ce sujet.
Ensuite, la taxe sur les cartes grises, l’une des dernières taxes pour lesquelles les régions disposent d’un certain pouvoir de taux. Nous réfléchissons à améliorer ce pouvoir de taux.
En ce qui concerne les CPER, des autorisations d’engagement peuvent être ouvertes dès 2025 pour ceux qui ont été signés, mais je ne vous cache pas que les marges de manœuvre sont plus limitées pour les crédits de paiement.
Voilà les quelques éléments que je souhaitais vous apporter.
Mme la présidente. La parole est à M. Rémy Pointereau.
M. Rémy Pointereau. Ma question porte sur les conséquences dramatiques que les mesures envisagées dans le projet de loi de finances pour 2025 pourraient avoir sur les départements et leurs habitants.
Permettez-moi de prendre l’exemple du département du Cher, qui compte 300 000 habitants, mais les difficultés que je décris concernent également de nombreux départements ruraux de taille comparable.
Après avoir échangé avec Jacques Fleury, président du conseil départemental, il apparaît que, depuis 2021, le Cher doit faire face à 56 millions d’euros de dépenses supplémentaires, une hausse de 17,5 %, alors que les recettes n’ont augmenté que de 17 millions, une progression de 4,5 %.
Si le projet de loi de finances pour 2025 est maintenu en l’état, le Cher perdra encore 15 millions d’euros.
S’il est appliqué tel qu’il a été déposé au Parlement, 85 % des départements, dont le Cher, seront dans l’incapacité de présenter un budget en équilibre pour l’année 2025. Ce sera la fin de la cohésion territoriale !
Je rappelle que la dette des départements ne représente que moins de 1 % des 3 200 milliards d’euros de la dette publique et que ceux-ci ne sont pas responsables de la gestion budgétaire du « quoi qu’il en coûte » décidé par le Président de la République.
Aujourd’hui, c’est le gouvernement de Michel Barnier qui doit redresser les comptes publics.
Dans ce contexte, mes questions sont simples.
Quelles mesures concrètes et quels moyens envisagez-vous de mettre en œuvre pour que les départements puissent exercer pleinement leurs compétences ?
Envisagez-vous de mettre en place un partenariat avec les collectivités locales afin de rétablir un lien direct entre fiscalité et démocratie locale ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Laurent Burgoa. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Catherine Vautrin, ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation. Monsieur le sénateur, vous m’avez entendue dire combien j’étais préoccupée par la situation des départements. Je le dis d’autant plus volontiers qu’ils ont une singularité : en versant des allocations individuelles de solidarité, ils agissent pour le compte de l’État sans avoir de maîtrise sur elles.
Le Premier ministre aura d’ailleurs l’occasion de revenir sur le sujet et, comme vous le savez, nous nous retrouverons la semaine prochaine à Angers pour les assises des départements de France. Pour tout vous dire, j’en parlerai ce soir avec le président de Départements de France, François Sauvadet. Nous devons trouver des solutions spécifiques au cas des départements.
Nous devons aussi penser aux DMTO, puisque les départements, pour ceux dont le marché de l’immobilier le permet, ont ici un pouvoir de taux.
Enfin, comme pour les critères de la DGF, le Gouvernement souhaite revisiter la fiscalité. Je pense plutôt aux communes à cet égard, car nous avons besoin d’impliquer nos concitoyens en tant qu’usagers de leur commune.
Mme la présidente. La parole est à M. Rémy Pointereau, pour la réplique.
M. Rémy Pointereau. Je vous remercie pour votre réponse, madame la ministre.
Je veux rappeler que la perte d’autonomie des départements a surtout commencé sous le gouvernement Jospin en 2001 avec la création de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) compensée à seulement 50 %.
N’oublions pas non plus qu’en 2015, sous le gouvernement Valls, ce sont près de 18 milliards d’euros qui ont été ponctionnés sur les collectivités. Peu ont l’air de s’en souvenir ! Surtout à la gauche de cet hémicycle…
Aujourd’hui, les départements sont à l’os. Alors, madame la ministre, essayons de limiter au maximum toute nouvelle ponction !
Mme la présidente. La parole est à M. Rémi Féraud. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Rémi Féraud. Ma question porte sur les finances des métropoles, des grandes villes, des agglomérations. C’est surtout sur elles, parmi les quatre cent cinquante collectivités concernées par la décision du Gouvernement, que portera l’effort budgétaire.
Je rappelle d’abord que plusieurs grandes intercommunalités comprennent des petites communes : celles-ci seront donc également pénalisées.
Ensuite, priver de moyens à ce point les métropoles et les agglomérations, c’est oublier qu’elles sont en première ligne face à la crise sociale et qu’elles ont un rôle déterminant pour lutter efficacement contre le dérèglement climatique, puisqu’il leur revient d’investir massivement dans la transition écologique, les transports en commun, la rénovation énergétique.
De manière générale, les villes portent une grande part de l’investissement public comme du service public. Ce serait donc une folie de sacrifier à ce point leurs recettes de fonctionnement, qui servent aussi à l’autofinancement des investissements.
Madame la ministre, pour rectifier la copie gouvernementale concernant les métropoles et les agglomérations, quels leviers êtes-vous prête à utiliser ? Les cotisations à la CNRACL, le FCTVA, la DGF ?
Ne faudrait-il pas – je crois que nous devons avancer dans ce sens – redonner une marge d’autonomie fiscale supplémentaire, par exemple en déplafonnant la taxe d’habitation sur les résidences secondaires ou la taxe de séjour ? Ce ne sont là que deux exemples.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Catherine Vautrin, ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation. Monsieur le sénateur, je partage complètement votre commentaire sur les EPCI. Dans l’intercommunalité que j’ai présidée, douze communes ont moins de 100 habitants et plusieurs autres ont moins de 1 000 habitants. Je mesure donc bien ce qu’est la ruralité, ce que représente une ville-centre et ce que pèsent les charges de centralité.
Dans certains territoires de notre République, les villes-centres portent aussi le logement social. C’est la raison pour laquelle nous avons utilisé les critères de fragilité que j’ai évoqués tout à l’heure, notamment la DSU. C’est un point très important.
En ce qui concerne l’investissement public, les collectivités – communes, EPCI, etc. – sont très engagées et elles participent à la commande publique. C’est la raison pour laquelle nous menons, je le disais, une réflexion sur le FCTVA, qui est une ressource majeure pour les communes.
Vous évoquiez une évolution de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires. Je crois que la question principale que nous devons poser est celle de ce que j’appellerai la consommation de la ville. Nous devons tous ensemble – parlementaires, associations d’élus, etc. – réfléchir aux moyens de mieux associer les usagers quotidiens d’une ville, et pas seulement les touristes – vous parliez de la taxe de séjour. Participer au fonctionnement de la ville dans laquelle on vit a aussi pour vocation de responsabiliser nos concitoyens.
Mme la présidente. La parole est à M. Rémi Féraud, pour la réplique.
M. Rémi Féraud. Je vous remercie pour votre réponse, madame la ministre. Je vois que la prise de conscience est là, mais la réponse ne peut pas être seulement une réflexion. Il faut que cela se traduise en actes dans le budget pour 2025.
M. Rémi Féraud. Je prendrai l’exemple de la collectivité dont je suis l’élu, Paris, qui est à la fois une ville et un département. Avec une dotation globale de fonctionnement égale à zéro et une péréquation qui approche les 800 millions d’euros, la facture de 300 millions, telle qu’elle résulte de la copie du Gouvernement, n’est ni réaliste, ni raisonnable, ni juste.
Par conséquent, j’espère que nous pourrons revoir la copie actuelle pour les métropoles et les agglomérations. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Catherine Vautrin, ministre. Monsieur le sénateur, je suis bien consciente de la situation de la Ville de Paris, mais je rappelle que c’est un cas particulier, parce qu’elle bénéficie des DMTO, contrairement aux autres communes.
Mme la présidente. La parole est à M. Rémi Féraud.
M. Rémi Féraud. Madame la ministre, Paris est à la fois une ville et un département : il y a donc une forme de double peine sur les sacrifices qui sont aujourd’hui demandés et nous avons besoin de réponses sur ce point. Je vous remercie de nous avoir entendus et nous comptons sur vous.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Baptiste Blanc. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Baptiste Blanc. Madame la ministre, je souhaite vous interroger sur la DGF, qui représente quand même un montant total de 27,2 milliards d’euros.
Un récent rapport de la Cour des comptes confirme un certain nombre de points que nous connaissions : la DGF, avec ses dix-huit composantes, ses deux cent soixante données, ses paramètres de calcul incomplets et imprécis et son processus de calcul lourd, est particulièrement complexe, voire opaque.
En outre, elle est insuffisamment documentée et elle corrige mal les inégalités territoriales. Le rapport parle ainsi d’un montant de dotations forfaitaires injuste et d’une péréquation loin d’être cohérente et efficace, en concluant que les inégalités entre collectivités sont indépassables dans le cadre actuel de la DGF.
La Cour nous invite donc à passer à autre chose, à ne plus nous contenter de faire du paramétrique pour engager une réforme systémique. Madame la ministre, entendez-vous nous engager sur cette voie ? Si oui, comptez-vous en profiter pour repenser la gouvernance locale afin d’aboutir à plus d’efficacité et d’acceptabilité ? Je crois que nous devons mêler les avantages de l’horizontal, du vertical et du transversal ! (Sourires.)
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. C’est un cours de géométrie ! (Nouveaux sourires.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Catherine Vautrin, ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation. Monsieur le sénateur, je ne sais pas si ma réponse sera celle d’une mathématicienne – je ne le suis pas –, mais il est incontestable – je l’ai dit à de nombreuses reprises – que la DGF continue d’intégrer des dotations anciennes qui sont aujourd’hui déconnectées de la réalité des territoires.
C’est pourquoi nous avons inséré dans ce projet de loi de finances quelques petits changements : un indicateur de longueur de voirie par un recensement IGN (Institut national de l’information géographique et forestière) ou encore un indicateur de logements sociaux sur le fondement du recensement réalisé par le ministère chargé du logement.
Ce sont des choses extrêmement concrètes ; ce n’est pas rien ! Certes, c’est probablement encore très insuffisant, mais le temps était compté entre le 21 septembre et la mi-octobre…
Je vous propose que nous continuions ce débat, nous devons le faire dès que nous en aurons terminé avec ce projet de loi de finances et je m’engage devant vous à ce que le Gouvernement, après un travail conjoint du ministère chargé des comptes publics et du mien, vous apporte des réponses pour le projet de loi de finances 2026.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Do Aeschlimann. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Marie-Do Aeschlimann. Madame la ministre, le Gouvernement impose aux collectivités locales une contribution de 5 milliards d’euros – en réalité 9 ou 10 milliards – pour maîtriser le déficit public dès 2025.
Or les collectivités locales ont déjà fait beaucoup d’efforts ces dernières années. En 2014, la DGF a fondu de 11 milliards d’euros. En 2018, l’évolution de leurs dépenses de fonctionnement a été plafonnée à 1,2 % par an. La taxe d’habitation a été supprimée.
Pourtant, les collectivités locales font face en première ligne, aux côtés de l’État, à toutes les crises sanitaires, écologiques, énergétiques et économiques, en soutenant le pouvoir d’achat.
Dans le même temps, l’État continue de se désengager et les collectivités prennent en charge de plus en plus de missions : la petite enfance, la sécurité, la santé, la transition écologique et le soutien à l’économie à travers leur importante contribution à l’investissement public.
Aujourd’hui, elles n’ont plus de marge de manœuvre. Les finances des départements sont exsangues, celles des communes sont fragilisées et les régions sont en difficulté.
Or un énième effort est demandé aux collectivités dont le budget de fonctionnement est supérieur à 40 millions d’euros. Elles sont mises à contribution pour alimenter un fonds de précaution de 3 milliards d’euros sans aucune considération de la qualité de leur gestion financière. Dans les Hauts-de-Seine, cette ponction aveugle atteindrait 102 millions d’euros pour le bloc communal et le département.
Madame la ministre, les collectivités locales sont prêtes à participer à l’effort budgétaire national, mais elles souhaitent que leur contribution soit calculée de manière juste. Dans cette optique et pour tenir compte de la bonne gestion, pourriez-vous envisager de remplacer le critère du volume de dépenses de fonctionnement par un critère plus dynamique, celui de l’évolution des dépenses de fonctionnement ? (M. Rémy Pointereau applaudit.)