M. le président. La parole est à M. le ministre chargé des outre-mer.

M. François-Noël Buffet, ministre auprès du Premier ministre, chargé des outre-mer. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi tout d’abord de saluer votre engagement en Martinique, monsieur le sénateur Buval, pour le souci de nos compatriotes et votre condamnation claire et précise des agressions dont les forces de l’ordre ont été victimes. Je rappelle que des tirs par arme à feu les ont visées et que plus de trente policiers et gendarmes ont été blessés.

Vous avez raison de dire que, partout sur le territoire de la République, l’ordre républicain doit être respecté, ce qui n’empêche pas de regarder en face les difficultés des Antilles, et de la Martinique en particulier.

La mobilisation en faveur du pouvoir d’achat et contre la vie chère dans les outre-mer – les écarts de prix avec l’Hexagone sont inexplicables –, est assez ancienne, ce qui n’est pas une raison pour ne rien faire. Il faut accepter de dire la vérité, aller plus loin et travailler sur la baisse de ces prix.

Vous avez évoqué un certain nombre de pistes. Je ne pourrai y répondre dès cet après-midi, mais sachez, monsieur le sénateur, qu’elles font partie des propositions actuellement étudiées et discutées avec la collectivité territoriale de Martinique ainsi que les acteurs économiques.

Vous interrogez le Premier ministre sur la réponse de l’État. Vous n’ignorez pas que, dès demain, se tiendra une réunion très importante autour du préfet afin de discuter des mesures à prendre, avec l’accord le plus large possible des parties prenantes, et ce pour une mise en œuvre rapide. Je puis vous l’assurer.

Je vous indique également que l’État s’engagera sur le renforcement des moyens de l’observatoire des prix, des marges et des revenus et, plus largement, sur l’objectif d’une meilleure transparence des mécanismes de formation des prix. C’est absolument essentiel ! En effet, certaines choses ne s’expliquent pas réellement. Les contrôles doivent donc être faits dans de bonnes conditions, mais avec fermeté. Nous ne devons pas faiblir sur ce point.

Enfin, vous évoquez la souveraineté alimentaire. Vous avez raison de rappeler qu’en 2022 la Martinique était autosuffisante à hauteur de 32 % en moyenne. Le Gouvernement partage pleinement avec vous l’objectif d’améliorer ce taux, ce qui passe par des progrès dans la diversification des filières.

Comme il me reste quelques secondes, je ne peux terminer ce propos sans vous dire que, au-delà de la crise actuelle,…

M. le président. Il faut conclure !

M. François-Noël Buffet, ministre. Je devrais pourtant avoir l’habitude … (Sourires.)

M. le président. Eh oui, ce sont les habitudes de ces lieux !

M. François-Noël Buffet, ministre. Monsieur le sénateur, nous allons travailler de façon structurelle sur les moyen et long termes. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. François Patriat applaudit également.)

crise du logement

M. le président. La parole est à M. Dany Wattebled, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Dany Wattebled. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la France est actuellement confrontée à une grave crise du logement. La chute des ventes du neuf – elles ont baissé de moitié au deuxième trimestre de cette année par rapport au premier trimestre de l’année dernière –, nous le prouve.

Face à cette situation préoccupante, le Premier ministre, dans son discours de politique générale, a appelé les maires à « revitaliser la construction de logements ».

On ne peut que partager cet objectif. Celui-ci risque néanmoins de rester un vœu pieux.

La réalité est que les maires ne sont guère incités à construire. Plusieurs facteurs freinent cette dynamique.

Tout d’abord, il y a l’accumulation des normes environnementales, comme le zéro artificialisation nette (ZAN) ou la protection des espèces et des zones humides, qui complique leur tâche.

Par ailleurs, les recours contre les permis de construire se multiplient. Cette brochette de procédures crée de véritables blocages juridiques. Ces contestations retardent les chantiers de plusieurs mois, voire de plusieurs années, et découragent parfois les investisseurs.

Enfin, la suppression de la taxe d’habitation en 2023 a privé les communes d’une source majeure de revenus.

Je pense aussi à la baisse des droits de mutation. Pour le département du Nord, ce sont 100 millions d’euros en moins. C’est pour moi un motif d’interrogation, à l’heure où l’État cherche des recettes.

Le paradoxe devant lequel sont placés les maires est désormais le suivant : il leur faut construire davantage sans nouvelles recettes !

Votre prédécesseur avait formulé des propositions : le recours au prêt à taux zéro (PTZ), l’augmentation du volume de logements intermédiaires détenus par les organismes HLM ou la généralisation du permis d’aménager multi-sites.

Dans ce contexte, madame la ministre, quelles mesures concrètes le Gouvernement envisage-t-il de prendre pour accélérer les procédures liées à la construction de logements neufs et inciter les maires à développer une politique du logement ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre du logement et de la rénovation urbaine.

Mme Valérie Létard, ministre du logement et de la rénovation urbaine. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénatrices et sénateurs, monsieur le sénateur Dany Wattebled, c’est bien parce que le Premier ministre a compris à quel point la crise du logement était au cœur des préoccupations des Français qu’il a décidé de faire un effort particulier sur la politique du logement, en prévoyant tout d’abord un ministère du logement de plein exercice, ce qui n’était pas arrivé depuis 2017. (M. Akli Mellouli sexclame.)

Mme Audrey Linkenheld. C’est vrai !

Mme Valérie Létard, ministre. La grave crise du logement que nous traversons s’inscrit dans un contexte de dette budgétaire et écologique qui s’ajoute aux contraintes existantes.

La situation appelle des propositions pragmatiques et concrètes. Plusieurs mesures ont d’ores et déjà été annoncées dès le discours de politique générale. Elles sont, je crois, de nature à apporter de premières réponses.

Le premier sujet est la relance de la primo-accession. Le Premier ministre l’a dit avec précision, il importe de développer le prêt à taux zéro (PTZ) sur tout le territoire. Cet outil est ancien et a fait ses preuves, mais il a besoin d’être proposé en tout point du territoire, urbain comme non urbain, en métropole comme hors métropole. En effet, derrière l’accession des jeunes ménages à la propriété, il y a la libération du logement locatif. Par ailleurs, aider nos compatriotes à devenir propriétaires, c’est aussi sécuriser leur trajectoire de vie en préparant leur retraite.

Le deuxième sujet est la relance de l’investissement locatif. Pour loger étudiants, travailleurs, agents publics, plusieurs travaux, dus notamment à des parlementaires, ont déjà ouvert des pistes d’aménagement (Mme Sonia de La Provôté approuve.) et j’amorcerai rapidement une série de consultations pour avancer sur ce sujet.

Concernant le logement social, vous l’avez rappelé, il faut aussi être au rendez-vous. À cet égard, vous le savez, des engagements avaient été pris en 2023 par le gouvernement précédent, à hauteur de 1,2 milliard d’euros. Compte tenu de la situation budgétaire, un gel a été décidé cet été, ce qui a mis en difficulté l’ensemble des territoires, dont le vôtre, monsieur Wattebled, pour mettre en œuvre la rénovation thermique des logements sociaux.

M. le président. Il faut conclure, madame la ministre.

Mme Valérie Létard, ministre. Je peux vous confirmer aujourd’hui le report en 2025 de l’intégralité des crédits gelés, à hauteur de 200 millions d’euros.

D’autres chantiers sur le diagnostic de performance énergétique (DPE) et la rénovation thermique sont d’ores et déjà engagés. Ils permettront d’offrir aux parlementaires des débuts de solution. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. François Patriat applaudit également.)

situation des français au liban

M. le président. La parole est à Mme Sophie Briante Guillemont, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

Mme Sophie Briante Guillemont. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous venons d’en parler, le Proche-Orient est au bord de l’embrasement.

Parallèlement à son rôle diplomatique, la France se doit d’assurer la protection de nos compatriotes. Aujourd’hui, les 21 000 Français du Liban, en majorité franco-libanais, sont extrêmement angoissés. Contrairement à d’autres pays qui ont décidé d’évacuer leurs ressortissants, nous n’avons pas, à ce stade, fait ce choix, estimant que les vols commerciaux permettaient aux Français qui le souhaitaient de partir.

Or non seulement la situation est loin de s’améliorer, avec des bombardements fréquents sur la route de l’aéroport, mais, surtout, une partie importante de nos compatriotes manquent de ressources, que ce soit pour payer les billets d’avion, actuellement hors de prix, ou pour s’installer en France.

Par ailleurs, ceux qui font ou feront le choix de rester seront confrontés à une perte d’activité. Pour les enfants, le suivi pédagogique peut difficilement être assuré. Un de nos lycées français, à savoir le lycée Abdel-Kader, ne pourra pas, quoi qu’il arrive, rouvrir ses portes, puisqu’il est actuellement occupé par 3 000 déplacés ayant fui les premiers bombardements.

Madame la ministre, beaucoup de questions se posent aujourd’hui, d’abord pour ceux qui veulent rentrer en France ou s’y installer pour la première fois : comment les aider à partir ? Comment les accueillir quand ils n’ont pas de famille ici ?

Ensuite, pour les Français qui décident de rester : quid des aides sociales et de l’enveloppe des bourses scolaires ?

Enfin, quel message adressez-vous à l’ensemble de la communauté française du Liban, alors qu’elle vit actuellement, avec le bourdonnement incessant des drones, dans la crainte d’un bombardement mal ciblé et l’incertitude d’une paix, qui, un an après les événements tragiques du 7 octobre, semble s’éloigner de jour en jour ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du commerce extérieur et des Français de l’étranger.

Mme Sophie Primas, ministre déléguée auprès du ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargée du commerce extérieur et des Français de létranger. Madame Sophie Briante Guillemont, je crois que c’est votre première question d’actualité : permettez-moi de vous féliciter, en introduction à ma première réponse… (Sourires sur les travées des groupes Les Républicains, UC et RDSE.)

Vous évoquez la situation des Français établis au Liban, pour beaucoup binationaux. Nos compatriotes vivent aujourd’hui dans l’angoisse et les interrogations. Nous avons la responsabilité d’aider nos ressortissants et nos agents sur place. Aussi, nous avons renforcé les moyens de notre ambassade et de notre consulat à Beyrouth pour les recevoir, les écouter et les soutenir.

Face à la situation dramatique qui prévaut au Liban et dans toute la région, le ministre des affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, en lien avec le ministère des armées, a permis hier à plus de cinquante de nos compatriotes en situation de vulnérabilité de regagner la France en utilisant un avion militaire de retour d’une mission humanitaire. Nous travaillons évidemment à l’organisation d’autres vols et à l’ouverture de places sur les vols commerciaux.

M. Xavier Iacovelli. Très bien !

Mme Sophie Primas, ministre déléguée. Je comprends votre souhait d’être également attentive à leur précarité sociale. C’est un sujet sur lequel nous travaillons avec l’ambassade.

J’étais hier soir à Roissy pour accueillir nos compatriotes et je puis vous dire qu’ils sont extrêmement reconnaissants envers l’ensemble des Français et des services de l’État qui sont près d’eux pour répondre à leur détresse.

Ensuite, il y a le sujet du Liban d’une façon plus générale. Le ministre de l’Europe et des affaires étrangères a répondu à l’ensemble des questions qui se posent sur les responsabilités diverses et variées. Nous nous efforçons d’associer tout le monde pour aller vers un cessez-le-feu. C’est très important pour nous.

Vous avez raison, madame la sénatrice, les enfants que j’ai rencontrés hier soir à leur descente d’avion avaient peur du bourdonnement des drones. Leurs témoignages étaient poignants.

Pour conclure, je vous confirme que les services de notre ambassade continueront à être soutenus. Nous n’envisageons pas d’autre solution pour l’instant. Nous sommes dans les starting-blocks et nous nous préparons à toute éventualité, mais aucune évacuation n’est encore prévue.

M. le président. Il faut conclure !

Mme Sophie Primas, ministre déléguée. Ce n’est d’ailleurs pas ce que demandent nos compatriotes, qui réclament plutôt du soutien et de l’attention. C’est déjà ce que nous leur apportons et nous continuerons dans les prochains jours. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Jean-Baptiste Lemoyne applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Sophie Briante Guillemont, pour la réplique.

Mme Sophie Briante Guillemont. Je vous remercie, madame la ministre déléguée. Les Français du Liban ont vraiment besoin d’être rassurés. Votre première réponse y contribuera. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

narcotrafic

M. le président. La parole est à Mme Marie-Arlette Carlotti, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Marie-Arlette Carlotti. Ma question s’adresse à M. le garde des sceaux.

La guerre entre les gangs fait rage à Marseille. Un adolescent de 15 ans est abattu ; le gang adverse, qui a soif de vengeance, commandite un tueur à gages depuis une cellule de la prison de Luynes et, une fois encore, il y a un mort innocent, Nessim Ramdane, à qui je voudrais que nous rendions hommage.

Ce mécanisme, nous l’avons décortiqué dans le rapport de la commission d’enquête sur l’impact du narcotrafic en France. Le seul fait nouveau, aujourd’hui, c’est l’extrême jeunesse du tueur.

Tueur à 14 ans, cela fait frémir !

Vous mesurez donc l’effroi des familles des victimes, le plus souvent des mères célibataires, dépassées par ce qui leur arrive et qui nous demandent de l’aide. L’effroi, aussi, des populations devant de tels actes de violence, qui empoisonnent leur vie quotidienne et qui leur donnent le sentiment que la République les a quittées.

Je veux que nous leur disions qu’ici, au Sénat, nous ne les abandonnerons pas et que nous donnerons une suite au travail que nous avons effectué. Nous ne nous contenterons pas d’opérations « place nette XXL » nouvelle version. Si celles-ci sont spectaculaires, elles ne visent pas, ou très peu, le haut du spectre, qui constitue le fil rouge de notre rapport.

Nous voulons une loi ambitieuse qui reprenne les nombreuses préconisations du rapport, qui ont toutes été adoptées à l’unanimité : le statut des repentis, en préparation depuis des mois ; la lutte contre le blanchiment, la corruption ; les conditions de détention des narcotrafiquants, car nos prisons sont des passoires, monsieur le garde des sceaux, et c’est depuis leur cellule que les narcos dirigent leur business. L’actualité vient une fois de plus de nous le démontrer, tout circule dans les prisons françaises : drogues, trafics en tout genre. Les surveillants disent saisir en moyenne quatre téléphones portables par cellule. Il est urgent d’agir !

Dès le mois de juillet, le rapporteur et le président de la commission d’enquête, Étienne Blanc et Jérôme Durain, ont déposé une proposition de loi. Elle a été retirée de l’ordre du jour à la demande du Gouvernement. Pourquoi ? La France, et vous le savez, monsieur le garde des sceaux, est submergée par le narcotrafic. Aujourd’hui même, des membres de DZ Mafia, tout de noir vêtus et masqués, se sont offert une conférence de presse.

Alors, monsieur le garde des sceaux, si vous considériez, vous et le Gouvernement, qu’il n’y a pas d’urgence à agir, je crois que vous feriez une grave erreur. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K.)

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Didier Migaud, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la sénatrice Marie-Arlette Carlotti, la criminalité organisée prend une ampleur inquiétante, et j’en suis parfaitement conscient. Des événements récents, que vous avez rappelés, ne font que le confirmer.

Le procureur de la République de Marseille, Nicolas Bessone, l’a souligné très justement : le phénomène est grave ! Il se développe et nous devons être à la hauteur en formulant un certain nombre de propositions dans les meilleurs délais. Des travaux avaient été entrepris par l’ancien gouvernement. Parallèlement, une commission d’enquête du Sénat sur le narcotrafic a formulé un certain nombre de propositions.

L’examen de la proposition de loi qui en a résulté est seulement reporté,…

Mmes Marie-Arlette Carlotti et Marie-Pierre de La Gontrie. Pourquoi ?

M. Didier Migaud, garde des sceaux. Tout simplement pour me permettre d’expertiser, avec le ministre de l’intérieur, l’ensemble des mesures qu’elle contient, parce que nous souhaitons nous aussi avancer sur ce sujet, et ce dans les meilleurs délais. Vous comprenez bien qu’il y ait un certain nombre de vérifications à faire, mais je souhaite, comme vous, que nous puissions, avant la fin de l’année, débattre de ce texte.

Vous m’interrogez également sur le centre pénitentiaire d’Aix-Luynes. Il est évident que la poursuite d’activités criminelles depuis un centre de détention n’est pas admissible. Je vais poursuivre l’action déjà engagée par mon ministère pour lutter contre l’introduction de ces objets, qui sont tout à fait illicites en détention. La sécurisation des prisons, et par là même celle des surveillants et de nos concitoyens, est une priorité absolue de mon ministère.

Je souhaite savoir pourquoi tout cela s’est passé. Aussi, j’ai décidé de saisir l’inspection générale de la justice concernant le fonctionnement de ce centre pénitentiaire.

M. le président. Il faut conclure, monsieur le garde des sceaux.

M. Didier Migaud, garde des sceaux. Je souhaite me rendre prochainement à Marseille. J’ai proposé au ministre de l’intérieur que nous puissions y aller conjointement, ce qu’il a accepté. (Marques dimpatience sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Il faut vraiment conclure !

M. Didier Migaud, garde des sceaux. Nous travaillons ensemble, à partir des propositions que vous avez formulées, pour avancer sur ce problème qui est grave. (Applaudissements sur des travées des groupes RDPI et RDSE.)

loyers impayés des gendarmeries

M. le président. La parole est à Mme Lauriane Josende, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Lauriane Josende. Ma question s’adresse à M. Bruno Retailleau, ministre de l’intérieur.

Monsieur le ministre, vendredi dernier, plusieurs maires du département des Pyrénées-Orientales, dont je suis élue, ont appris que la gendarmerie nationale ne pourrait pas payer les loyers des biens immobiliers loués aux collectivités jusqu’à la fin de l’année. Elle n’en aurait tout simplement plus les moyens. Cette annonce suscite, comme vous pouvez l’imaginer, de grandes inquiétudes parmi les élus locaux.

Les loyers payés par la gendarmerie représentent, pour certaines communes, une part considérable de leur budget. Un défaut de paiement mettrait ainsi certaines d’entre elles en grande difficulté financière.

Monsieur le ministre, comment est-il possible que, dans notre pays, l’État soit dans l’incapacité de payer ses loyers, qui plus est les loyers de nos casernes de gendarmerie ? Comment cela peut-il se produire, alors que ces contrats de location ne sont pas apparus du jour au lendemain ni conclus dans l’urgence ?

Ces dépenses immobilières figuraient, bien évidemment, dans la loi de finances pour 2024, alors comment expliquer à nos élus que les crédits correspondants n’existent pas ou plus ?

J’ai bien conscience, monsieur le ministre, que vous n’êtes pas responsable de cette situation. (Murmures sur les travées des groupes SER et GEST.) Cependant, vous êtes aujourd’hui notre ministre de l’intérieur et c’est à vous d’en répondre.

Quelles mesures prendrez-vous pour permettre le paiement de ces loyers dans les meilleurs délais et pour que cette situation ne se reproduise plus à l’avenir ? Pouvez-vous également nous assurer que le programme d’investissement pour la construction de nouvelles gendarmeries sera bien respecté ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Bruno Retailleau, ministre de lintérieur. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est aussi la première fois que je prends la parole depuis le banc du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.) Je peux vous dire que j’ai emporté avec moi au Gouvernement la conviction que le Sénat est une institution nécessaire à la République française, d’autant plus quand le contexte politique est instable.

M. Loïc Hervé. Bonne nouvelle !

M. Bruno Retailleau, ministre. Je veux aussi dire que, malgré et en dépit de la séparation des pouvoirs, rien ne pourra m’éloigner de cette institution qui mérite toute mon affection.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Ce n’est pas la question !

M. Bruno Retailleau, ministre. Madame la sénatrice, chère Lauriane Josende, j’ai trouvé le problème que vous évoquez en arrivant au ministère : la gendarmerie nationale n’avait plus de crédits pour payer les loyers des collectivités hébergeant des casernes, et donc nos gendarmes.

Pourquoi, me demandez-vous ? J’ai identifié trois raisons. Il y a sans doute eu une sous-évaluation des crédits nécessaires à l’origine. Ensuite, la gendarmerie a dû supporter les dépenses entraînées par les troubles en Nouvelle-Calédonie. Enfin, elle a dû engager des dépenses pour la sécurisation d’autres événements, notamment les jeux Olympiques.

Aussitôt, j’ai considéré qu’il était absolument impossible de laisser les bailleurs sociaux, mais aussi les collectivités, sans réponse. J’ai donc pris la décision d’honorer la parole et les engagements de l’État. Nous allons faire deux parts : celle des grandes collectivités et des bailleurs sociaux ayant de la trésorerie, qui seront payées en fin d’année (Exclamations sur les travées du groupe SER.) ; les plus petites collectivités et les bailleurs sociaux ayant des problèmes de trésorerie, qui seront payés très rapidement.

J’en profite pour remercier les bailleurs sociaux, petits, moyens ou grands, mais surtout les collectivités territoriales, qui investissent pour assurer à nos gendarmes des conditions d’hébergement humaines et dignes. Soyez assurés que l’État honorera sa parole. C’est la conception que je me fais du rôle de l’État dans sa permanence. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et des travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à Mme Lauriane Josende, pour la réplique.

Mme Lauriane Josende. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse. Je sais que vous, vous savez prendre vos responsabilités… (Exclamations ironiques sur les travées des groupes SER et GEST. – Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Mickaël Vallet. C’est que de l’amour !

M. le président. Mes chers collègues, je vous en prie !

Mme Lauriane Josende. Il est grand temps que chacun en fasse de même, surtout dans la crise que nous traversons. Celle-ci exige que nous cessions les instrumentalisations politiciennes.

Ce genre de situation ne devrait pas exister. Nous devons nous efforcer d’agir pour que cela ne se reproduise plus, car une telle défaillance n’est pas admissible dans un pays où l’État se doit de respecter ses engagements et de montrer l’exemple, notamment lorsque la sécurité des Français est en jeu. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

annonces à la suite du dernier comité des finances locales

M. le président. La parole est à M. Thierry Cozic, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Thierry Cozic. Monsieur le Premier ministre, « La situation que je découvre est extrêmement grave ». Vous êtes bien le seul à être surpris de la gravité de notre situation budgétaire !

Nous n’avons eu de cesse, sur ces travées, d’avertir nos compatriotes sur les choix budgétaires qui ont été faits depuis sept ans. Des choix que nous avons toujours dénoncés comme iniques, et qui n’ont fait qu’organiser l’attrition des finances publiques, et ce avec le quitus permanent de la droite sénatoriale. (Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Les résultats sont probants : déficit à la dérive, supérieur à 6 % du PIB, soit un écart de l’ordre de 50 milliards d’euros. Je dois reconnaître que le macronisme finissant a fait fort cette année.

M. Xavier Iacovelli. Plus fort que le socialisme !

M. Thierry Cozic. Du jamais-vu !

Lorsque vous nous alertez sur le niveau d’impéritie des gouvernements macronistes, je peine à trouver la cohérence qui est la vôtre, monsieur le Premier ministre, vous qui nommez comme directeur de cabinet celui-là même qui officiait auprès de Bruno Le Maire voilà un mois.

On ne change pas une équipe qui perd !

Soixante milliards d’euros : voilà la somme qu’il vous faut trouver. Ce sont précisément les recettes fiscales détruites chaque année par le président Macron.

Vous choisissez de récupérer deux tiers de cette somme en coupant dans les dépenses, comme votre prédécesseur : vous semblez plus à l’aise avec la purge des dépenses publiques qu’avec la potion fiscale des profiteurs de crise.

Monsieur le Premier ministre, pour mettre fin à la crise, il faudrait commencer par ne pas l’aggraver. Et ce n’est pas en faisant porter le chapeau aux collectivités, comme l’a fait Bruno Le Maire, que vous y parviendrez.

M. Thierry Cozic. Les remontées de terrain à l’annonce des 5 milliards d’euros de coupes budgétaires sont édifiantes. Dois-je vous rappeler que les collectivités territoriales sont déjà à l’os !

Ma question est simple : alors que la droite sénatoriale a toujours voté tous les budgets des gouvernements macronistes (Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains.), comptez-vous enfin changer de doctrine afin que les erreurs du passé ne se reproduisent pas ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. le ministre chargé du budget et des comptes publics.

M. Laurent Saint-Martin, ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics. Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Cozic, pour dissiper tout malentendu, dans le droit fil de ce qu’a dit le Premier ministre et tout à fait en ligne avec Catherine Vautrin, ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation, je répète que nous ne sommes pas là pour pointer du doigt ou trouver des coupables du dérapage des finances publiques. (Protestations sur les travées du groupe SER.)