Mme la présidente. Sur les articles du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je ne suis saisie d’aucun amendement.

Le vote est réservé.

Je donne à présent lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire sur le projet de loi organique.

projet de loi organique modifiant la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la constitution

Article 1er

Le tableau annexé à la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution est ainsi modifié :

1° La première colonne de la vingtième ligne est complétée par les mots : « et de radioprotection » ;

1° bis (Supprimé)

1° ter La trente-huitième ligne est supprimée ;

1° quater La première colonne de la trente-neuvième ligne est ainsi rédigée : « Haute autorité de l’audit » ;

2° La quarante-cinquième ligne est supprimée ;

3° (nouveau) Après la cinquante-deuxième ligne, est insérée une ligne ainsi rédigée :

 

«

Société Orano

Présidence du conseil d’administration

»

˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙

Article 3

Le 3° de l’article 1er ne s’applique pas au mandat de président du conseil d’administration de la société Orano en cours à la date de publication de la présente loi.

Mme la présidente. Sur les articles du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je ne suis saisie d’aucun amendement.

Le vote est réservé.

Explications de vote communes

Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi et du projet de loi organique dans les rédactions résultant des textes élaborés par les commissions mixtes paritaires, je vais donner la parole, pour explication de vote, à un représentant par groupe.

La parole est à M. Christopher Szczurek, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.

M. Christopher Szczurek. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici, à la fin d’un long processus parlementaire, amenés à entériner la fusion de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN).

Comme je l’avais dit il y a quelques semaines, ce texte constitue, à notre sens, une victoire idéologique dans le débat crucial sur la souveraineté énergétique de la France. Le parc électronucléaire français, produit de notre génie national patiemment édifié pendant des décennies, représente notre meilleur atout pour notre compétitivité comme pour les obligations de la France en matière de transition écologique.

Sans clairons ni trompettes, notre pays fut, dans une indifférence quasi générale, le premier à entamer et à terminer sa transition énergétique. Alors que l’Allemagne se vautre encore dans une production charbonnière criminelle et que d’autres États – je songe à la Pologne – s’inquiètent de leur dépendance à des sources d’énergie fortement carbonées, les Français disposent d’une énergie propre, bon marché et sécurisée.

Nous ne pouvons que nous féliciter que le Gouvernement, après des années d’errance dramatique, se soit rangé à l’avis des scientifiques comme de l’opinion. La relance de notre parc électronucléaire est notre passeport pour une croissance décarbonée et durable. À cet égard, la loi du 22 juin 2023 relative à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes, ou loi Nouveau Nucléaire, aussi insuffisante soit-elle, constitue un premier pas dans la longue reconstruction de notre indépendance nationale.

Pour autant, le présent projet de loi n’exonérera le Gouvernement ni de ses errements passés ni de son passif. En effet, monsieur le ministre, vous avez emprunté durant le précédent quinquennat des directions contradictoires, voulant d’abord réduire notre parc de centrales nucléaires avant d’annoncer, pressé par les signaux de vos erreurs, un plan de développement tardif et incomplet.

Ce texte contribue également à une reprise par le Parlement de son rôle dans l’élaboration des lois. Trop habitué à une majorité suiveuse, le Gouvernement avait voulu organiser cette fusion dans le cadre d’un amendement au texte devenu la loi Nouveau Nucléaire. Il faut donc se féliciter que l’Assemblée nationale, dont chacun connaît la composition relativement plus représentative que cette chambre-ci, ait empêché l’adoption de cet amendement. Un nouveau texte a donc été produit, puis remanié à bon escient par les deux chambres, ce qui rappelle le rôle utile de la discussion parlementaire dans notre démocratie.

Ce texte a provoqué les inquiétudes légitimes de certains acteurs et spécialistes de la filière nucléaire. Le Parlement devra, particulièrement lors de l’examen des textes financiers à venir, rester vigilant sur l’existence de moyens réels pour que la nouvelle autorité puisse exercer sa mission en toute sérénité et en toute efficacité. La sécurité nucléaire ne repose pas sur des normes de papier, mais sur des moyens humains, des agents compétents et intégrés dans le processus industriel de construction et de suivi des installations nucléaires.

Néanmoins, nous jugeons cette fusion bienvenue. Nombre de pays bénéficiant également d’une industrie nucléaire développée ont fait le choix d’un système de sécurité unitaire, ne compromettant ni la célérité des constructions de nouvelles centrales ni le maintien de la sécurité de la production électrique nucléaire.

Aussi voterons-nous le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Jean Rochette, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Pierre Jean Rochette. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce n’était pas gagné ! En effet, comme vous l’avez relevé, monsieur le ministre, ce texte a connu quelques péripéties à l’Assemblée nationale. Nous sommes donc ravis de nous retrouver, ce soir, pour examiner le résultat des travaux d’une commission mixte paritaire conclusive. Voilà, nous y sommes !

La gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection est cruciale à bien des égards. Notre ambition est de relancer notre puissance nucléaire. Comme je le disais en première lecture, il faut désormais transformer l’essai.

Grâce à des mesures concrètes et pragmatiques, ce texte est une première pierre, celle d’une souveraineté énergétique retrouvée pour la France. Le présent projet de loi, très attendu sur ce volet, même s’il a eu du mal à trouver son chemin législatif, n’est finalement que la traduction juridique d’une volonté très claire.

Nous avons besoin de trouver les bons équilibres quand il est question de notre énergie et de notre production d’électricité. Un nucléaire régénéré ira de pair avec des énergies renouvelables, efficaces et développées de manière pragmatique, l’un ne pouvant fonctionner sans les autres. La France a besoin de tenir sur ses deux jambes en matière énergétique.

Notre pays va devoir faire face à de nombreux défis. Décarboner notre production énergétique participe par définition au développement des transitions. Il faudra nous adapter aux conséquences du changement climatique, qui rend vulnérable notre nucléaire. Nous devons adapter notre parc vieillissant et garantir la sécurité de ses installations, existantes et nouvelles.

Concernant ces dernières, les SMR (Small Modular Reactors, c’est-à-dire « petits réacteurs modulaires ») et toutes les technologies à base d’énergie nucléaire que nous développerons, comme le recyclage des déchets, rendent absolument nécessaire une gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection.

Les citoyens aussi en ont besoin : si nous souhaitons les embarquer de nouveau dans l’aventure du nucléaire, cela doit être transparent et sûr.

Enfin, le développement du nucléaire est indispensable pour assurer l’indépendance de l’Union européenne. Nous ne pouvons consentir à laisser la gestion de notre approvisionnement énergétique à d’autres puissances, qui plus est lorsque ce sont des puissances ennemies. L’Union européenne ne peut plus se soustraire à son besoin de puissance. La souveraineté énergétique en fait partie, et elle passera par la relance du nucléaire.

Dans ce cadre aussi, une gouvernance efficace de la sûreté nucléaire et de la radioprotection est une condition sine qua non de la réussite de cette relance.

Les enjeux sont immenses et je tiens à saluer le travail du Sénat, en particulier de notre excellente commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, ainsi que des rapporteurs. La chambre haute a une nouvelle fois montré que la discussion pouvait aboutir à des textes construits et équilibrés.

Comme en première lecture, le groupe Les Indépendants reste attaché à une distinction entre l’expertise et la prise de décision. La solution retenue semble correspondre à cet objectif. Nous y resterons très attentifs.

Nous serons également vigilants sur la mise en pratique du règlement intérieur de la nouvelle autorité. Pour y veiller, l’article 2 du projet de loi a été retravaillé jusqu’au bout. C’est la clé de la réussite.

Nous avions mis un autre point en évidence : le fait que le personnel est le cœur battant de la future ASNR. La fusion des deux entités n’est pas chose aisée. Nous devons faire en sorte que tous les membres du personnel trouvent leur place dans la nouvelle structure. Leur transfert doit bien se dérouler et leurs conditions de travail être préservées. Leurs compétences expriment toute leur excellence. Ils constituent la force du nucléaire et de sa relance. Il est de notre devoir de faire en sorte que la création de l’ASNR permette également la mise en place d’un cadre de travail qui leur correspond.

Trois derniers sujets me tiennent à cœur. Tout d’abord, le rôle de l’Opecst est crucial et participe de la nécessité de transparence. Je pense que les dispositions qui le concernent sont justes.

Ensuite, pour ce qui est du lien entre la filière nucléaire et la nouvelle autorité, je réitère mes propos : celui-ci est indispensable et les conflits d’intérêts paraissent écartés. Je pense que la recherche et l’innovation trouveront là une structure intéressante pour apporter le progrès dont a besoin la filière.

Enfin, je le répète aussi, même si ce n’est pas le sujet du texte, nous devons consacrer les moyens nécessaires à notre transition énergétique ; le nucléaire en fait pleinement partie.

Pour conclure, vous l’aurez compris, les élus du groupe Les Indépendants, conscients de l’importance de ce projet de loi, voteront en faveur du texte issu des conclusions de la commission mixte paritaire, étant entendu, bien sûr, que cela n’est qu’une première étape. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, RDPI et RDSE, ainsi quau banc des commissions.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Denise Saint-Pé, pour le groupe Union Centriste.

Mme Denise Saint-Pé. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, aucun de nous ici n’a oublié l’introduction pour le moins maladroite de ce projet de fusion entre l’IRSN et l’ASN par le Gouvernement, lors de l’examen à l’Assemblée nationale du projet de loi Nouveau Nucléaire, en février 2023.

En procédant ainsi, le Gouvernement menaçait de déposséder le Sénat d’un débat pourtant déterminant pour nos territoires, au vu de la répartition des centrales nucléaires à travers le pays. De fait, beaucoup d’entre nous percevaient que cette réforme posait de nombreuses questions, qui ne pouvaient trouver de réponse satisfaisante dans les délais qui nous étaient impartis.

Heureusement, le Gouvernement a entendu raison et temporisé, car réformer un sujet aussi sensible dans la précipitation aurait entraîné une prise de risque inconsidérée pour la sûreté nucléaire du pays.

Ce temps, le Parlement l’a mis à profit pour se pencher plus en détail sur cette fusion potentielle, notamment grâce au rapport rendu en juillet 2023 par MM. Piednoir et Fugit pour le compte de l’Opecst, et aux travaux de nos collègues rapporteurs, MM. Martin et Chaize, dont je salue l’engagement en commission sur ce sujet.

Ces travaux sont venus rappeler utilement les enjeux majeurs qui accompagnent la relance assumée du nucléaire : construction des nouveaux réacteurs pressurisés européens de type EPR2 ; évolutions technologiques telles que les SMR ; prolongation de la vie des réacteurs existants et augmentation de leur puissance ; gestion des déchets nucléaires ; adaptation des infrastructures au changement climatique et aux risques cyber ; enfin, démantèlement des centrales en fin de vie.

Des difficultés inattendues peuvent par ailleurs survenir, telles que les problèmes de corrosion sous contrainte rencontrés en 2021 et 2022 sur certains de nos réacteurs.

Par conséquent, les travaux à réaliser dans les prochaines années en matière de sûreté nucléaire sont voués à croître de manière importante, ce qui plaide à mon sens en faveur d’une seule entité issue d’un rapprochement entre l’IRSN et l’ASN.

Je tiens néanmoins à rappeler que plusieurs conditions doivent être réunies pour la réussite de ce projet. Tout d’abord, il faut garantir l’indépendance de la nouvelle entité pour écarter tout soupçon de partialité sur ses décisions. Ensuite, il convient de s’assurer d’un dialogue continu entre les experts et les ingénieurs, notamment ceux qui sont au service de l’exploitant, pour éviter l’écueil d’une expertise trop éloignée du terrain. En outre, il est nécessaire de garantir un niveau de transparence élevé pour que nos concitoyens continuent d’avoir confiance dans le nucléaire. Enfin, il faut procéder à des recrutements massifs pour soutenir la charge de travail future et assurer à ce personnel des conditions d’exercice suffisamment qualitatives pour attirer les meilleurs talents.

Le Sénat est resté attentif à ces exigences, comme en témoigne le texte issu de la commission mixte paritaire, qui préserve les apports de notre Haute Assemblée tant sur la forme que sur le fond.

Il en va ainsi, notamment, de la séparation entre expertise et décision ; à cette fin, une distinction sera faite, sur chaque dossier, entre le personnel chargé de la première et celui chargé de la seconde.

Je me réjouis également que le projet de règlement intérieur de la future autorité et ses éventuelles modifications soient présentés aux parlementaires dans le cadre de l’Opecst.

Ces acquis permettent de compléter une réforme ambitieuse dont je suis maintenant convaincue de l’utilité, même si je demeure consciente des évolutions qu’elle demandera à court terme, surtout aux membres du personnel des agences fusionnées.

C’est pourquoi le groupe Union Centriste votera en faveur du texte issu de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées des groupes INDEP et RDPI, ainsi quau banc des commissions. – M. Laurent Burgoa applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Ronan Dantec. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, Il était une fois le nouveau nucléaire français, chapitre deux… Résumé des contes précédents : le chevalier au tablier de plomb, ainsi équipé contre toute radiation, a réussi à réveiller le nucléaire français, alias la Belle au bois dormant, longtemps assoupie à cause des mauvais sortilèges de la fée Carabosse, que certains ont parfois dépeinte sous les traits de Dominique Voynet. (Sourires.)

L’histoire pourrait s’arrêter là et la campagne, surtout normande, se retrouver peuplée de magnifiques châteaux de type EPR2, en attendant les SMR en vente dans tous les supermarchés.

Mais, car il y a un « mais », quelques obstacles se dressaient encore sur la route du chevalier Nukleel. Ainsi, un mage fourbe avait imaginé un buisson touffu, capable de ralentir toute cavalcade trop rapide qui s’affranchirait du code de la route et des règles de sécurité. En imaginant deux structures différentes, réparties entre l’expertise et l’autorité, ce législateur des temps anciens voulait éviter toute précipitation au détriment de ladite sécurité. Et ce système, ce duo de sirènes d’alerte de l’IRSN et de l’ASN – vous noterez le souci de la rime – suscitait l’intérêt, pour ne pas dire l’envie, des royaumes voisins.

Mais notre chevalier, héros de la geste nucléaire, n’a pas le temps de se faufiler dans le buisson, certes franchissable, mais à condition d’en respecter les codes. Il est en effet pressé par le danger, car l’empereur Photovoltaïque a déjà, à l’échelle mondiale, rapidement étendu son domaine – il faut tout de même dire que son mégawattheure est quatre fois moins cher, précise une note de bas de page rédigée en vieux français.

L’empereur Photovoltaïque menace donc de réduire le royaume du chevalier Nukleel au Nord-Cotentin pour les siècles des siècles. Pas de place pour le doute : il faut accélérer la cadence ! Il faut tronçonner et « glyphosater » ce buisson maudit, par trop freinant.

C’est précisément ce que vient de faire le législateur en fusionnant, au désespoir des membres de leur personnel, encore réunis ce matin devant Saint-Sulpice, l’ASN et l’IRSN.

Certains – je salue le rapporteur Pascal Martin – ont bien tenté de maintenir un peu de distance entre l’expertise et la décision, car l’on ne peut – cela semble de bon sens – faire les deux à la fois, sauf à perdre en esprit critique. (M. le ministre délégué le conteste.)

Ainsi, dans le conclave de la commission mixte paritaire, il a été décidé concernant les personnels chargés de l’une et de l’autre, que les uns ne seraient les autres que quand les autres ne pourraient plus être les uns, sans que les uns puissent pourtant jamais être les autres ! (Nouveaux sourires.)

J’espère que vous avez suivi et, surtout, que l’ensemble des règles de fonctionnement de cette nouvelle entité sera consigné dans un livre magique, dans le style du Grand Grimoire d’Antonio Venitiana del Rabina – je précise que les spécialistes en contestent l’authenticité –, que seul un groupe d’initiés composé, monsieur le président de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, des membres redoutés de votre office pourra consulter avant sa publication. (M. Stéphane Piednoir sexclame.)

Pour notre part, simples parlementaires, nous n’en serons pas dignes et notre avis ne sera pas pris en compte, pas plus d’ailleurs, malgré la volonté du Sénat, que celui du Haut Comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire (HCTISN), ou que celui de l’Association nationale des comités et commissions locales d’information (ANCCLI), car l’Assemblée nationale a considéré que c’était inutile. Même la participation de la commission de déontologie à la rédaction de ce règlement intérieur a été supprimée !

Monsieur le ministre, de quoi le Gouvernement a-t-il donc peur ? Est-ce d’une transparence dont le nucléaire français n’a jamais réussi à s’accommoder ? Ou bien craint-il que le nouveau plan nucléaire rappelant le plan Messmer, aujourd’hui glorifié, ne soit bloqué par une plogoffite aiguë ?

Ce soir, mes chers collègues, nous actons de nouveau la rupture du dialogue, donc de toute possibilité de confiance, entre la société française et le monde du nucléaire. C’est la malédiction historique du nucléaire français.

Le groupe GEST votera, bien évidemment, contre ce texte dangereux pour notre avenir, qui augmentera grandement les risques d’accident, à terme, et qui, dans l’immédiat, ralentira paradoxalement le redéploiement du nucléaire que vous souhaitez, en regroupant contre leur avis des personnels aux cultures différentes. Il peut arriver qu’une fusion d’organismes soit décrétée d’un coup de baguette magique, mais, au vu de ses risques évidents, le regroupement absurde que vous proposez tient plus de Garcimore que de Merlin l’enchanteur ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Gay, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

M. Fabien Gay. Monsieur le ministre, une fois de plus, puisque votre gouvernement échoue à convaincre, vous choisissez de faire passer coûte que coûte ce projet de loi qui ne répond pas aux exigences de transparence démocratique, puisqu’il a été élaboré sur la base d’un rapport dont je rappelle que les conclusions ont été gardées secrètes.

Ce passage en force au Parlement a été savamment orchestré. Il y a un an déjà, vous tentiez d’introduire ce projet de fusion par la voie d’un amendement, lors de l’examen du projet de loi Nouveau Nucléaire, avant qu’il ne soit censuré comme cavalier législatif.

Alors que nous sommes désormais saisis en bonne et due forme de ce texte, qui traite de sujets d’une grande complexité technique (M. le ministre délégué sexclame.) – je sais bien, monsieur le ministre, que ce que je dis vous met en difficulté, mais je rappelle la réalité des faits –, vous avez fait le choix d’une procédure accélérée pour contraindre le travail législatif.

Tout au long des débats s’est fait jour votre incapacité à démontrer les dysfonctionnements que vous imputez à notre système dual de contrôle de sûreté nucléaire. Vous n’avez fourni aucun document, aucune étude pour étayer la position du Gouvernement, qui prétend qu’un système unitaire serait plus performant.

Même sur le plan économique, vous ne démontrez en rien l’opportunité d’un projet qui, dans un certain nombre de domaines, coûtera – vous le savez – bien plus cher que le système actuel.

C’est également un passage en force institutionnel, alors que toutes les instances consultées sur ce projet de fusion ont émis des réserves, voire exprimé une franche hostilité.

Surtout, vous faites un passage en force auprès des salariés des deux entités et de leurs sous-traitants, mobilisés depuis plus d’un an pour démontrer que ce projet de fusion n’est fondé sur aucune raison objective et que le processus retenu doit nous alerter par son manque de transparence. Le dialogue social dont vous vantez tant la qualité se résume ainsi : quand on est d’accord avec le Gouvernement, c’est très bien ; quand il y a désaccord, vous restez sourds !

Les risques pour la préservation des emplois et l’attractivité des métiers sont identifiés. Mais, de la même manière que vous ne justifiez pas le bien-fondé de cette fusion, vous n’apportez aucune réponse et ne mettez en place aucune garantie, alors que la filière nucléaire doit s’appuyer sur un statut de haut niveau pour l’ensemble des salariés, y compris – je le rappelle – les sous-traitants. Ce statut doit reconnaître leurs qualifications, il doit les protéger et, ainsi, nous protéger.

Pis encore, les salariés alertent sur les risques qui se profilent en matière de sûreté, alors que nous sommes à l’aube d’une relance de la filière nucléaire, au travers de l’apparition de nouveaux acteurs et de nouveaux réacteurs comme les SMR. Comment pouvez-vous justifier la refonte intégrale d’un système qui a fait ses preuves, dans un moment aussi crucial ?

Comment ne pas voir derrière cette fusion la volonté d’accélérer et de simplifier l’arrivée de nouveaux acteurs du nucléaire, alors que la sûreté des installations devrait être notre priorité absolue ? Comme de nombreux chercheurs l’ont indiqué, une proportion considérable des incidents graves résulte de causes organisationnelles, aussi bien à l’intérieur des entreprises et des agences concernées que dans les relations institutionnelles établies entre elles.

Aussi, ce projet réalisé à la hâte, qui ne semble reposer que sur la volonté de bâillonner les experts et les chercheurs de l’IRSN, fait naître un risque pour l’ensemble de la population.

Si nous sommes favorables à la relance du secteur nucléaire, nous sommes en revanche inquiets face au modèle de sûreté que vous voulez imposer coûte que coûte, monsieur le ministre !

Je vous le dis solennellement, restreindre l’indépendance et la sérénité de l’expertise est une impasse dangereuse. Cette phase ne doit se nourrir que de faits scientifiques et non de considérations économiques ou industrielles. Ce que vous proposez, je le redis, est une impasse dangereuse.

Aujourd’hui, la production nucléaire est une activité hautement capitalistique. Les enjeux économiques liés aux décisions de démarrage ou d’arrêt des centrales sont donc prégnants. Si l’objectif de minimiser la durée de la phase de décision pour des raisons économiques peut parfois être compréhensible, nous considérons en revanche que l’impératif de sûreté doit toujours primer.

Enfin, mes chers collègues, comment comptez-vous renforcer la confiance de nos concitoyennes et concitoyens dans le programme électronucléaire, alors que ce texte conduira à une baisse drastique des impératifs de transparence des décisions, de droit à l’accès à l’information et de démocratie environnementale qui prévalaient jusqu’à présent ?

Nous considérons que, sur le sujet de haute importance qu’est la sûreté nucléaire, il est indispensable de rechercher un large consensus de la représentation nationale plutôt que de faire passer en force un texte élaboré dans des conditions opaques par l’exécutif.

Pour toutes ces raisons, nous voterons contre ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et GEST. – M. Sébastien Fagnen applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Raphaël Daubet, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et RDPI.)

M. Raphaël Daubet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la France s’engage dans une relance d’envergure, historique, de la filière de l’atome civil.

À l’évidence, un tel virage ne se décrète pas sans préparer, adapter, ni renforcer les pièces maîtresses de la charpente qui porte l’édifice nucléaire de notre pays.

La sûreté nucléaire est une d’entre elles. Reconnue dans le monde entier et forte de la confiance des Français, elle est peut-être le pilier le plus solide de l’architecture actuelle. C’est d’ailleurs tout le problème : ce qu’elle nous offre en rigidité, elle nous en prive en souplesse et en flexibilité.

J’entends qu’il faille adapter notre système de sûreté nucléaire à la forte progression de l’activité et au rythme soutenu des travaux qui s’engageront demain. Sans doute faut-il raccourcir les circuits décisionnels et fluidifier les relations entre les acteurs ; sans doute faut-il faire la chasse aux doublons ou aux dépenses inutiles – on en trouve toujours un peu partout chez nous. Mais faut-il aller au-delà, c’est-à-dire jusqu’à la fusion de l’Autorité de sûreté nucléaire avec l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire ? Devons-nous prendre le risque – c’est bien le mot qui convient – de cette fusion, en sachant qu’elle aura pour effet de modérer le rôle de contre-pouvoir de l’IRSN sur l’ASN et qu’elle s’accompagnera de surcroît, inévitablement, d’aléas et de complications logistiques, qui porteront notamment sur les ressources humaines ou sur le transfert de sièges administratifs ?

Au nom du groupe du RDSE, lors de la discussion générale en première lecture, j’ai exprimé les doutes que m’inspirait cette fusion menée tambour battant sur un sujet aussi sensible que celui de la sûreté nucléaire. L’enjeu est celui d’un risque potentiellement planétaire, rien de moins. Un hypothétique gain d’efficacité peut-il justifier une prise de risque en la matière ?

J’attendais néanmoins des débats et de l’examen des amendements des arguments qui m’auraient convaincu que le risque inhérent à un tel bouleversement serait largement compensé par des gains d’efficacité et qu’une ligne rouge ne serait jamais franchie : l’indépendance de l’expertise et la transparence des décisions.

Monsieur le ministre, je suis au regret de vous dire que je suis encore moins convaincu aujourd’hui que je ne l’étais hier…