M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le sénateur Tissot, nul ne peut nier aujourd’hui que l’agriculture européenne traverse une crise majeure, sans doute l’une des plus importantes de ces dernières décennies. Le covid-19, l’invasion de l’Ukraine par la Russie, associée à la déstabilisation des marchés énergétiques et agricoles organisée par M. Poutine, ou encore le dérèglement climatique et les menaces qu’il fait peser sur nos récoltes et la biodiversité, sont autant de sources dans lesquelles cette crise trouve ses racines.
Dans ce contexte, il est naturel que la colère de nos agriculteurs s’exprime haut et fort. Pour reprendre les mots de Georges Clemenceau, la colère gronde, mais elle ne doit pas rester sourde aux appels de l’action.
Comment pourrions-nous tolérer que ceux qui nourrissent notre nation ne puissent vivre décemment de leur labeur ? C’est pourquoi le Gouvernement est à l’action pour traiter le problème fondamental de la juste rémunération, pour les protéger de la concurrence déloyale venant de pays qui n’appliquent pas les mêmes règles environnementales que les nôtres, pour simplifier leur vie, afin qu’ils puissent passer plus de temps sur leur exploitation et moins dans leur bureau – c’est aussi une façon d’alléger leurs charges.
Avec Marc Fesneau, je suis en permanence sur le terrain, au contact et à l’écoute des agriculteurs. Nous n’avons pas attendu le salon de l’agriculture pour agir. C’est ainsi que, sous l’égide du Président de la République et du Premier ministre, nous déployons rapidement un plan d’action pour répondre point par point à leurs difficultés.
Les fonds d’urgence ont d’ores et déjà été mis en place et les premiers paiements ont été effectués depuis mi-février, comme nous nous y étions engagés. Il s’agit d’argent frais qui arrive dans les cours de ferme. C’est valable pour le fonds destiné à accompagner les éleveurs impactés par la maladie hémorragique épizootique (MHE), mais aussi pour le fonds d’urgence viticulture. Et nous avons, vous le savez, engagé une mesure de trésorerie sur le gazole non routier (GNR).
Nous avons également négocié hier, avec le ministre de l’économie, des mesures de trésorerie avec les banques.
M. Christian Redon-Sarrazy. Et le PSN !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Les premiers textes de simplification ont été établis. Certains sont d’ores et déjà publiés. Nous engageons dès à présent une réflexion, via la mission Égalim qui va être confiée aux députés Alexis Izard et Anne-Laure Babault.
Nous avons la conviction que l’avenir de notre modèle agricole passera par le défi du renouvellement des générations. Un projet de loi, qui sera présenté en conseil des ministres, en fera un point central.
M. le président. Il faut conclure !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Le PSN vient d’être négocié avec l’ensemble des filières… (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Concluez !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Nous n’avons pas de raison de le réviser à ce stade, puisque nous avons un plan d’action adapté à la situation.
instauration d’un prix plancher pour les agriculteurs
M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Sophie Primas. Madame la ministre déléguée, samedi dernier, lors de l’ouverture du salon de l’agriculture, alors que le Premier ministre tentait, avec vous, depuis plusieurs semaines, de renouer la confiance avec la profession agricole par le travail et la concertation, le Président de la République, survolté, en bras de chemise, dans un grand numéro de communication comme il les affectionne tant, annonçait… – tadam ! – l’arrivée des prix planchers ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
Sortie de nulle part, réclamée par personne – nous l’avons vérifié avec la présidente Estrosi Sassone au salon de l’agriculture –, cette annonce a laissé sans voix les paysans et les organisations professionnelles. Vous-même aviez du mal à cacher votre stupéfaction.
Olivia Grégoire disait récemment, à juste titre, que les prix planchers rappelaient Cuba ou l’Union soviétique. (Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains opinent.) Quant à Marc Fesneau, il qualifiait ces mesures de « démagogiques ».
Oui, les prix planchers relèvent de l’économie administrée et n’ont aucun sens dans un marché ouvert. Mis en œuvre, ces prix deviendront des prix plafonds. Ils lamineront la compétitivité de notre agriculture à l’export et entraîneront, à moyen terme, une surproduction comparable à celle que nous avons connue dans les années 1980 pour le lait – la profession s’en souvient !
Madame la ministre, les effets d’annonce n’apportent en aucun cas un soutien structurel, même aux filières les plus fragiles comme celle de l’élevage. Surtout, cette méthode jupitérienne casse toujours et encore cette confiance qu’il faut recréer entre la parole publique et le monde agricole.
Ma question est donc simple : que diable êtes-vous allée faire dans cette galère des prix planchers, à laquelle vous ne croyez pas vous-même ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Je vous rappelle que vous disposez d’un temps plancher imparti de deux minutes ! (Rires.)
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire. Plutôt un temps plafond, monsieur le président !
Madame la sénatrice Primas, vous l’avez dit, nous avons engagé depuis plusieurs années des réformes permettant de mieux rémunérer nos agriculteurs. Il s’agit des lois Égalim, dont j’ai longuement parlé dans mes dernières réponses. Nous avons fait évoluer le rapport de force dans la négociation entre agriculteurs, industriels et distributeurs, mais le compte n’y est pas aujourd’hui. Vous avez mentionné les filières les plus fragiles, et notamment celle de l’élevage bovin.
Qu’a donc annoncé le Président de la République ? Qu’il s’agissait de prendre la température (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.), de constater que les lois Égalim n’ont pas rempli toutes leurs promesses, de remettre l’ouvrage sur le métier et d’avancer d’un cran pour faire respecter ces lois, sanctionner les tricheurs et construire le prix « en marche avant », ainsi que le prévoyaient les lois Égalim : en faisant en sorte que le prix soit négocié sur la base d’indicateurs de référence entre agriculteurs et industriels avant que la négociation ne démarre entre industriels et distributeurs. Voilà ce que nous allons faire ! Telle est la mission qui est confiée aux deux députés que j’ai cités et qui nous feront des propositions dans les mois qui viennent.
Contrairement à ce que disent certains qui essaient d’entretenir la confusion, les prix planchers ne sont pas des prix administrés. Ce n’est pas Cuba sans le soleil ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Ces prix sont établis avec les interprofessions, sur la base d’indicateurs de référence. Mme la ministre Grégoire avait raison de dénoncer les projets défendus à l’époque par l’extrême gauche, qui auraient effectivement eu les effets que vous mentionnez : l’effondrement de nos exportations, et un risque d’augmentation des importations.
M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour la réplique.
Mme Sophie Primas. Vous n’avez pas vraiment répondu à mes questions, mais je n’en suis pas vraiment surprise. Vous avez des solutions pour améliorer Égalim : il y en a, on vous en a proposé, et nous travaillerons ici au Sénat en ce sens. Mais ce n’est pas le sujet. Pour vous, la question majeure concerne la façon de rétablir la confiance, qui est perdue, avec les agriculteurs.
Ce matin, dans les allées du salon de l’agriculture, les agriculteurs ont compris que vous aviez un langage à Paris, un langage au salon et un langage à Bruxelles, où les députés européens Renew votaient ce matin même une loi de décroissance pour le monde agricole ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
quel tourisme de montagne demain ?
M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Jean-Michel Arnaud. Madame la ministre chargée du tourisme, le dérèglement climatique va profondément bouleverser – cela commence déjà – nos modes de vie, particulièrement dans les territoires de montagne. Comment accompagner la transformation dans ces territoires ?
J’ai lu récemment deux rapports.
L’un, issu d’une commande faite par Élisabeth Borne à l’ancien ministre Joël Giraud et intitulé Pour une montagne vivante en 2030, plaide pour une vision de long terme avec des investissements dans le domaine de la formation et du logement, afin de favoriser la diversification des activités et la préservation de la démographie. En somme, il expose la façon dont peuvent se conjuguer économie de la montagne et développement durable, avec maintien de l’activité cœur – l’activité neige –, et prévoit trente-trois recommandations concrètes.
L’autre, celui publié par la Cour des comptes le 6 février dernier, porte sur le sujet des stations de ski face au réchauffement et au changement climatiques. Ses conclusions sont bien différentes. Les magistrats de la rue Cambon dépeignent un secteur d’activité sous perfusion de fonds publics, « incapable » de s’adapter aux enjeux écologiques. Leur conclusion générale se fonde exclusivement sur une grille de lecture financière et sur des indicateurs très contestables.
À titre d’exemple, la Cour des comptes évalue la vulnérabilité des stations sur la base d’une altitude moyenne sans prendre en compte l’étendue du domaine, l’exposition des pistes ou encore le nombre de communes supports. À croire que la culture montagnarde des magistrats de la Cour des comptes se limite à la montagne Sainte-Geneviève et ses 61 mètres d’altitude à Paris !
Ma question est simple, madame la ministre : pour quelle vision de la montagne le Gouvernement va-t-il opter ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des entreprises, du tourisme et de la consommation.
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des entreprises, du tourisme et de la consommation. Monsieur le sénateur Arnaud, vous le savez, cela fait désormais plusieurs années que le Gouvernement est engagé sur cette question et que nous suivons de près la situation économique des stations, que vous avez évoquée et qui est pointée, tant pour aujourd’hui que pour l’avenir, par le rapport de la Cour des comptes.
Nous apportons un soutien massif en matière d’investissements. Le plan Avenir montagnes, lancé par l’ancien Premier ministre Jean Castex, vient de s’achever, avec des investissements qui représentaient – il me semble important de le rappeler – un peu plus de 330 millions d’euros, au service d’une montagne des quatre saisons.
Je tiens à le dire clairement, monsieur le sénateur. Vous vous êtes engagé en faveur du ski, qui est important pour la montagne, et il ne s’agit ni de le dénigrer ni de le remplacer. Mais il faut aussi accompagner les élus de la montagne, comme ils l’appellent – je le crois – de leurs vœux, dans le développement d’une montagne de chaque saison, qui soit capable d’accueillir les touristes même en dehors des périodes d’enneigement.
Les changements climatiques sont structurels, vous l’avez dit. Nous accompagnons des projets très concrets avec des subventions massives de plusieurs millions d’euros pour aménager aujourd’hui la montagne et faire en sorte que celles qui seront moins enneigées puissent proposer d’autres activités.
Je tiens à rappeler que les clients répondent présent, puisqu’il faut saluer le taux d’occupation des stations – je n’y suis pour rien, raison de plus pour m’en féliciter ! Plus de 50 % d’occupation en plein mois de juin dans les Alpes, 60 % dans les Alpes du Nord l’été et jusqu’à la mi-septembre, et 58 % dans les Alpes du Sud : c’est bien la démonstration que, s’il y a la montagne du ski, il y a aussi la montagne de l’avant-ski, et celle de l’après-ski. Le Gouvernement est attentif à accompagner les mutations de cette montagne sans avoir une vision parisienne – comme vous pouvez le dénoncer, parfois à juste titre en évoquant le ski –, mais en étant très lucide, car les acteurs de la montagne le sont. Vous avez écrit très récemment, le 6 février dernier, à Bruno Le Maire : le courrier de réponse devrait prochainement vous être envoyé, j’y veille personnellement.
Les difficultés conjoncturelles sont importantes, et les enjeux structurels, massifs. À l’aune du rapport Giraud, 2030 est le bon horizon. Nous serons aux côtés des collectivités qui, elles aussi, s’engagent – car je ne voudrais pas oublier leur investissement. Des centaines de millions d’euros sont déployés pour accompagner la montagne face à ses difficultés actuelles, mais surtout pour l’accompagner dans ses succès futurs. La montagne, ça nous gagne, mais, surtout, elle gagne des touristes, et pas seulement en hiver, mais pendant les quatre saisons. À nous d’être à la hauteur et de l’accompagner ! (MM. François Patriat et Dominique Théophile applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud, pour la réplique.
M. Jean-Michel Arnaud. Je vous remercie de l’attention que vous portez à la montagne.
En pratique, je souhaite qu’une clarification soit apportée en ce qui concerne le travail des experts de la Cour des comptes, qui est complètement à côté de la plaque si l’on regarde la manière dont les choses ont été évaluées. Il faut que cela soit dénoncé clairement par le Gouvernement.
Par ailleurs, nous attendons une nouvelle version du plan d’aménagement de la montagne, qui doit prévoir non seulement une diversification des activités, mais aussi une consolidation de l’existant. Je pense en particulier à des aménagements pour lesquels des autorisations ont été données, et qui n’ont pas fait l’objet de recours juridique : il faut les terminer, car c’est de cette manière que l’on respectera les acteurs de la montagne. Je pense en particulier à ce qui se passe sur la montagne de la Meije, à La Grave, dans le département des Hautes-Alpes. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
coupes budgétaires pour l’éducation nationale
M. le président. La parole est à M. Jacques Grosperrin, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jacques Grosperrin. Madame Belloubet, vous avez été récemment nommée ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse à la suite de vos prédécesseurs qui se sont succédé à un rythme soutenu, voire trop soutenu, ce qui témoigne de l’absence de politique éducative du Président de la République. Quel point commun entre Jean-Michel Blanquer et Pap Ndiaye ? Nous avons vite compris que le second avait à cœur de remettre en cause l’action du premier…
Vous succédez à Gabriel Attal qui avait, en son temps, fait des annonces. Allez-vous à votre tour remettre en question ces engagements ? J’ai quelques interrogations : êtes-vous favorable, comme lui, au redoublement et à l’aménagement du collège unique, avec la mise en place de groupes de niveau et non de groupes flexibles ? Êtes-vous pour la généralisation de la tenue scolaire, de l’interdiction de l’abaya et pour le respect de la laïcité lors des sorties scolaires ? Êtes-vous pour la restauration de l’autorité à l’école, ou s’agit-il toujours de « fariboles », pour reprendre vos anciens propos ?
Enfin, madame la ministre, alors que votre prédécesseur a toujours indiqué que l’éducation nationale était la mère des batailles, comment pouvez-vous justifier la baisse de près de 700 millions d’euros des crédits de l’enseignement scolaire ? Éclairez-nous sur le projet que vous voulez mettre en œuvre pour enrayer la baisse de niveau des petits Français ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
Mme Nicole Belloubet, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le sénateur Grosperrin, le Président de la République et le Premier ministre ont fixé ce qu’étaient nos priorités pour l’école.
D’une part, clairement, améliorer nos résultats scolaires et donc l’efficacité de notre système éducatif, un objectif qui me semble partagé par les uns et les autres ici.
D’autre part, assurer le bien-être de nos élèves et de nos enseignants dans l’école. Il me semble qu’un climat de sérénité scolaire est indispensable pour la réussite éducative.
M. Max Brisson. Ce n’est pas la question !
Mme Nicole Belloubet, ministre. Pour le reste, vous me posez une série de questions, dont certaines m’étonnent.
Vous me demandez si je suis favorable à la laïcité. Quelle autre réponse pourrais-je vous apporter qu’une réponse positive ? La laïcité est indissolublement liée à la République. Je ne vois pas comment nous pourrions ne pas exiger le respect dans l’école de l’ensemble des règles communes qui nous lient. Je suis d’une fermeté totale sur ce point.
Vous me demandez si je suis favorable à l’autorité, mais à mon tour de vous demander s’il est possible de vivre ensemble s’il n’y a pas de règles et si ces règles ne sont pas partagées et respectées par tous ?
Vous me demandez si je poursuivrai les orientations qui ont été fixées par mon anté-prédécesseur, M. le Premier ministre, autour du choc des savoirs. Évidemment, je vais le faire, car cela constitue une série de mesures qui sont indispensables pour la réussite de nos élèves. Je veillerai, dans le cadre d’un dialogue avec les représentants des personnels, des parents, de l’ensemble de la communauté éducative, à rendre ces mesures parfaitement applicables dès la rentrée prochaine. C’est mon ambition.
Enfin, un dernier mot sur le budget de l’éducation nationale, qui représente à peu près 64 milliards d’euros, pensions non comprises. Les annulations de crédits que nous devons supporter – nous le faisons parce que c’est un effort collectif nécessaire à la stabilité financière de notre pays – représentent à peine 1 % de l’ensemble des annulations budgétaires, soit 683 millions d’euros.
Nous ne supprimerons aucun poste. Nous resterons fidèles aux choix que nous avons faits pour la rentrée prochaine. C’est mon ambition ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Grosperrin, pour la réplique.
M. Jacques Grosperrin. On dit souvent qu’il n’y a pas d’amour, mais qu’il n’y a que des preuves d’amour… Vous n’avez pas fait la preuve, par le passé, des grandes convictions que vous affichez aujourd’hui. J’ai le sentiment que c’est la succession de titulaires au poste de ministre de l’éducation nationale qui vous a fait changer d’avis…
J’aurais souhaité que ce soit le Premier ministre qui me réponde parce qu’il aurait parlé plus vrai. Je suis saisi d’un grand doute, madame la ministre. Car, à ce moment de la vie politique, les Français, les équipes enseignantes et les parents se demandent ce qui va se passer à l’école. Au-delà des mots, il y a des faits établis. Lorsque vous parlez de laïcité, nous savons tous ici, sur l’ensemble des travées, que vous en êtes bien loin. Même s’il s’agit d’un principe important, on voit que la situation est différente sur le terrain et que vous ne le mettrez pas en application. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
économies budgétaires (ii)
M. le président. La parole est à M. Thierry Cozic, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Thierry Cozic. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, qui brille une nouvelle fois par son absence.
Un dimanche soir de la semaine dernière, vous annonciez, l’air faussement grave, la nécessité de réaliser 10 milliards d’euros d’économies sur le budget pour 2024. Cette annonce inédite, départie de toute onction démocratique, et dont je viens de rappeler le montant colossal, a opportunément permis, une fois de plus, de se détourner du Parlement.
M. Jean-François Husson. C’est vrai !
M. Thierry Cozic. Sur toutes les travées de cet hémicycle, nous vous avions pourtant prévenu, tout comme le Haut Conseil des finances publiques et la Banque de France. Mais vous n’avez écouté que vous-même. Votre prévision de 1,4 % était irréaliste, tout comme celle retenue de 1 %. On frôle l’insincérité budgétaire !
Monsieur le ministre, l’austérité n’est pas une fatalité : c’est un choix politique. En refusant d’augmenter les impôts des plus aisés, vous faites le choix d’une punition collective à l’égard des classes moyennes que vous prétendez pourtant servir. Alors que le quinquennat du Président de la République « sera écologique ou ne sera pas », il est stupéfiant de constater que, avec plus de 2 milliards d’euros de coupes sèches, le budget le plus impacté reste celui de l’écologie. Sans parler des 400 millions d’euros de dotation du fonds vert que vous supprimez pour nos collectivités territoriales !
Loin des discours vertueux qui ne convainquent plus personne, une fois de plus, c’est l’écologie qui fera office de variable d’ajustement. Alors que l’effet récessif de cette suppression de crédits est établi, pensez-vous qu’un tel coup de rabot budgétaire soit de nature à réarmer l’économie que vous prétendez défendre ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des comptes publics.
M. Thomas Cazenave, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics. Monsieur le sénateur, est-ce qu’on se détourne du Parlement en prenant un décret d’annulation ? (M. Mickaël Vallet ironise.) J’ai déjà répondu à cette question. C’est la loi organique sur les lois de finances qui nous permet de prendre des mesures d’urgence, des décrets d’annulation. Cela nous est arrivé par le passé.
L’annulation est importante – c’est vrai –, mais c’est parce que le ralentissement économique est lui-même considérable, et elle est plus précoce dans l’année, parce que le ralentissement a justement eu lieu à la fin de 2023. Encore une fois, avec Bruno Le Maire, je me tiens à la disposition de la commission des finances. Nous serons auditionnés dès la semaine prochaine pour expliquer dans le détail le décret d’annulation.
En revanche, vous nous accusez d’insincérité budgétaire. Permettez-moi de revenir sur les prévisions économiques. Le dépôt du projet de loi de finances a eu lieu le 27 septembre dernier. À cette époque, l’OCDE, le Fonds monétaire international (FMI) et la Commission européenne prévoyaient une croissance pour notre pays de 1,2 %, 1,3 % ou 1,4 %.
À l’époque, notre prévision économique était de 1,4 %. En novembre dernier, la Commission européenne prévoyait encore une croissance de 1,2 %. Votre accusation d’insincérité serait valable si nous étions seuls à revoir notre prévision de croissance durant ce mois de février. Or, je vous l’ai dit, la Commission européenne, l’Allemagne et nous-mêmes avons tenu compte des effets du ralentissement de la conjoncture économique.
En ce qui concerne les prévisions de la Banque de France, je rappelle que prévoir est un exercice difficile. À la fin de 2022, elle prévoyait une croissance de 0,3 % en 2023, alors que celle-ci a été finalement de 0,9 %. C’est la raison pour laquelle je maintiens que nos prévisions ont été rigoureuses. Il était de notre responsabilité de nous adapter immédiatement à la nouvelle donne économique. (M. François Patriat applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Thierry Cozic, pour la réplique.
M. Thierry Cozic. Monsieur le ministre, vous cherchez à vous dédouaner de votre impéritie, mais les crises ne datent pas d’hier. C’est précisément à l’aune de ces dernières que nous vous avions mis en garde dès l’automne dernier.
M. le président. Il faut conclure.
M. Thierry Cozic. Mais en supprimant 8 000 postes dans l’enseignement scolaire, 7 500 dans la recherche, 300 dans la justice, c’est l’avenir de notre pays que vous sacrifiez sur l’autel des marchés financiers que vous entendez contenter. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
finances des départements et inflation normative
M. le président. La parole est à Mme Pauline Martin, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Pauline Martin. Monsieur le ministre, chefs de file en matière de solidarité, les conseils départementaux, plutôt bons élèves jusqu’à présent, sont en droit de s’interroger sur le modèle qui leur est imposé.
À l’heure où les droits de mutation à titre onéreux (DMTO) sont en chute libre, où les leviers fiscaux ont été anéantis, où les dépenses sociales et de ressources humaines n’ont de cesse d’augmenter, où les compensations se réduisent à peau de chagrin et surtout où les sacro-saintes normes deviennent légion à la moindre esquisse de projet, il est grand temps de s’inquiéter sur la capacité à maintenir le cap.
Peut-on se questionner sur le rapport qualité-prix de nos politiques publiques – et ce n’est plus un gros mot ? Selon l’OCDE, le coût annuel français d’un élève dans le secondaire est de plus de 13 000 dollars pour une moyenne de 11 000 dollars dans le reste des pays membres de l’organisation internationale. Un coût en constante augmentation pour une évolution inversement proportionnelle dans le classement Pisa…
Par ailleurs, le Premier ministre vient d’annoncer la suppression de l’allocation de solidarité spécifique (ASS) pour 2024 : les bénéficiaires auront donc accès au revenu de solidarité active (RSA). À toutes fins utiles, je vous indique que l’ASS était financée par l’État et que le RSA l’est par les conseils départementaux. Serait-ce une nouvelle délégation sans moyens associés ?
Enfin, que dire d’un projet de circulation douce au-dessus d’un étroit cours d’eau qui est arrêté par la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal) parce que le petit pont de bois fait de l’ombre aux crapauds ?
Cette situation d’inflation normative, de transferts secs et de complexification contribue au découragement, voire au ras-le-bol, qui rend les collectivités solidaires de notre ferme France, laquelle gronde et s’enflamme, et cela n’a rien à voir avec l’année olympique !
Ma question est donc la suivante : allons-nous vers une asphyxie programmée des départements, monsieur le ministre ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)