M. le président. La parole est à Mme Brigitte Devésa. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Brigitte Devésa. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais avant toute chose remercier Mme Conway-Mouret de s’être saisie du sujet du bien-être des femmes au travail et de l’effet des menstruations sur lui. Il s’agit d’un sujet important, mais trop souvent ignoré et, malheureusement, encore tabou.
Je tiens également à saluer le travail de Laurence Rossignol, qui, en tant que rapporteure, a participé à l’enrichissement de cette proposition de loi.
Le texte que nous examinons aujourd’hui vise à adapter notre assurance maladie à la problématique des dysménorrhées, c’est-à-dire des douleurs menstruelles. Celles-ci concernent près de la moitié des femmes en âge de menstruer, selon un sondage de l’Ifop réalisé en mai 2021.
Ces douleurs peuvent être handicapantes dans le cadre du parcours professionnel des femmes : ainsi, 44 % d’entre elles ont déjà manqué le travail ou connaissent une amie qui a déjà manqué le travail en raison de telles douleurs.
Les douleurs menstruelles peuvent être vues comme un angle mort de notre système d’assurance maladie. En effet, l’existence d’un jour de carence empêche une prise en charge efficace des dysménorrhées, qui ne durent que quelques jours chaque mois. De plus, leur répétition mensuelle fait qu’il serait très coûteux pour l’assurance maladie d’imposer la délivrance d’un certificat médical à chaque fois qu’elles surviennent.
Pour y remédier, il nous est proposé dans ce texte un dispositif qui, s’il est innovant, nous semble mal adapté.
En effet, la proposition de loi prévoit la mise en place d’un nouveau type d’arrêt de travail. Une fois délivré par le médecin traitant de la personne concernée, il permettrait à celle-ci de prendre jusqu’à deux jours d’arrêt de travail par mois, pendant une année, en raison de douleurs menstruelles. Ces deux jours d’arrêt de travail ne seraient pas amputés d’un jour de carence. Enfin, pour des raisons d’efficacité, ce nouveau type d’arrêt de travail pourrait être prescrit par un médecin ou par une sage-femme.
Ainsi, cette proposition de loi vise à remédier aux deux principaux obstacles de la prise en charge des dysménorrhées par l’assurance maladie : leur courte durée et leur répétition mensuelle.
Néanmoins, ce dispositif nous semble mal adapté, car il présente un certain nombre d’incohérences.
Tout d’abord, les douleurs menstruelles, si elles sont récurrentes, ne se répètent pas forcément chaque mois. Il semble donc peu pertinent de délivrer, par avance, un arrêt de travail de deux jours par mois pendant un an, alors que les dysménorrhées peuvent ne pas se manifester certains mois.
Mme Émilienne Poumirol. Rien n’oblige à le faire !
Mme Brigitte Devésa. De plus, ces douleurs ne peuvent être mesurées par un médecin, ce qui exclut, pour l’assurance maladie, toute possibilité de contrôle médical de la personne bénéficiant d’un tel arrêt de travail.
Le dispositif proposé suscite un autre problème : celui du respect du secret médical et de la vie privée de l’assurée.
Les femmes bénéficiant d’un tel arrêt de travail devraient, de facto, informer leur employeur du moment où elles ont leurs règles et révéler qu’elles subissent des douleurs menstruelles.
Or ce sujet – nous le déplorons – reste un tabou dans notre société : dans une étude de l’Ifop d’octobre 2022, quelque 21 % des femmes interrogées disaient avoir déjà subi des moqueries ou des remarques désagréables liées à leurs menstruations.
En outre, cette proposition de loi nous semble créer une inégalité entre les femmes en fonction de leur profession : tout d’abord, entre les femmes salariées et celles qui ne le sont pas, car ni les professions libérales ni les entrepreneuses ne bénéficieraient de cette mesure ; ensuite, entre les femmes qui peuvent télétravailler et celles qui ne le peuvent pas. En effet, ce texte permet d’ouvrir, par une négociation collective, la possibilité pour les femmes subissant des douleurs menstruelles de télétravailler au lieu de bénéficier d’un arrêt.
Cette mesure ne concernerait, par définition, que les femmes qui peuvent télétravailler. Les autres – souvent celles qui exercent les métiers les plus pénibles – n’auraient que la possibilité de venir travailler ou de se mettre en arrêt maladie. Elles risqueraient donc de subir des pressions de leur employeur pour ne pas prendre leur arrêt de travail mensuel.
En plus de ces incohérences, cette proposition de loi nous semble impossible à financer.
Aucun chiffrage fiable du coût d’une telle mesure n’a été réalisé. Cependant, la simple suppression du jour de carence pour les arrêts de travail menstruels liés à l’endométriose coûterait environ 100 millions d’euros par an à la Sécurité sociale.
M. Laurent Burgoa. Rien que cela !
Mme Brigitte Devésa. Un congé menstruel de deux jours par mois, accordé à toutes les femmes souffrant de dysménorrhées, se chiffrerait donc en milliards d’euros. C’est malheureusement inenvisageable, au vu de l’état actuel de nos finances sociales.
De plus, il faut ajouter à ce coût pour l’assurance maladie celui de la perte de productivité pour nos entreprises, qui se verraient privées d’un quart de leur masse salariale, deux jours par mois.
Ce serait, enfin, accentuer les problèmes d’effectifs dans certains métiers en tension où les femmes sont très présentes, comme les professions de santé.
Aussi, plutôt que de stigmatiser les femmes et leurs « règles incapacitantes », il conviendrait vraiment de prendre en charge les dysménorrhées de façon médicale. Ce n’est pas une « histoire de femmes » : c’est un vrai enjeu de santé publique !
Mme Audrey Linkenheld. Interdisons les règles, alors !
Mme Brigitte Devésa. Mes chers collègues, malgré la bonne volonté dont elle témoigne, cette proposition de loi nous semble présenter trop de failles et être trop coûteuse pour notre système de sécurité sociale.
Pour ces raisons, une partie des membres du groupe Union Centriste ne votera pas cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Laurent Burgoa. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Ghislaine Senée. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER.)
Mme Ghislaine Senée. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis ravie que nous examinions aujourd’hui un texte sur la santé des femmes au travail et sur l’adaptation du milieu professionnel aux douleurs incapacitantes consécutives aux menstruations.
Les règles ont trop longtemps été perçues comme une fatalité. La moitié de l’humanité a longtemps dû apprendre à gérer et à cacher son mal pendant ces périodes, ce qui ajoutait à la douleur l’incommunicabilité des maux.
Les statistiques montrent que près d’une femme sur deux souffre de règles douloureuses. Il est acquis aujourd’hui que ces douleurs peuvent être incapacitantes, à plus forte raison pour les plus de 10 % de femmes atteintes d’endométriose, d’un fibrome utérin ou d’une autre pathologie menstruelle.
Fatigue, souffrance, perte d’attention et de concentration, risque accru d’accidents du travail et problèmes de sécurité : il est temps de lever le tabou qui existe sur les règles et d’alléger la charge qu’elles font porter sur les personnes menstruées.
Par ailleurs, dans un contexte économique et social de plus en plus difficile, l’état de santé des femmes ne cesse de se dégrader.
Ainsi, 26 % des jeunes femmes ont connu un épisode dépressif en 2023, et le nombre de femmes s’estimant en bonne santé physique a baissé de 10 % ces dernières années. Le nombre d’accidents au travail a augmenté de 41,6 % au cours des deux dernières décennies, avec une progression des maladies deux fois plus rapide, ce qui témoigne d’une fatigue importante, notamment due à la pénibilité des secteurs à la main-d’œuvre majoritairement féminine.
Il convient donc aujourd’hui de prendre la mesure de la situation et d’agir en conséquence, pour ne pas ajouter de difficultés à la vie active des femmes.
Il est enfin temps de prendre en compte l’importante hausse du taux d’activité des femmes depuis soixante ans, depuis une époque où, je le rappelle, les femmes devaient encore demander l’autorisation de leur mari pour travailler.
Il ne fait d’ailleurs aucun doute que, si les douleurs menstruelles étaient subies par des hommes, le monde du travail aurait déjà mis en œuvre les adaptations nécessaires.
Plusieurs collectivités où nos amis politiques, chère Hélène Conway-Mouret, sont ensemble aux responsabilités, par exemple la métropole de Lyon ou la commune de Saint-Ouen-sur-Seine, ont mis en place un tel arrêt menstruel, qui a désormais besoin d’un cadre légal consolidé. Ces expérimentations ont montré que de tels dispositifs, lorsqu’ils sont possibles, apportent une bonne solution sans aboutir à une multiplication des absences.
Cette autorisation d’absence ne pourra être apportée – cela a déjà été rappelé – que sur prescription médicale par un professionnel de santé, dans le cas de dysménorrhées incapacitantes.
Quant au risque de discriminations de genre, soulevé par certains de nos collègues de la majorité, il est clair que le manager ne doit pas avoir à connaître le motif de l’absence ; seul le service des ressources humaines gérera le dispositif, en toute confidentialité.
L’histoire montre que les femmes ont conquis leurs droits de manière progressive et, toujours, avec difficulté. La libération de la parole, défendue par la jeune génération, a permis de lever les tabous sur des problèmes occultés trop longtemps.
La reconnaissance de l’arrêt menstruel par les institutions publiques est une évolution naturelle de notre société, qui se fera immanquablement.
Dans un contexte européen où les conservatismes ressurgissent et où les menaces pesant sur les droits acquis par les femmes se multiplient, la France ne doit pas être à la traîne, mais bien rester dans le camp du progrès.
Aujourd’hui, le Sénat s’honorerait véritablement à voter en faveur de ce texte : il se ferait ainsi précurseur en la matière dans notre pays.
Vous l’aurez compris, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE-K. – Mme la rapporteure applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Silvana Silvani.
Mme Silvana Silvani. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 27 juin 2023, la délégation aux droits des femmes du Sénat adoptait un rapport d’information intitulé Santé des femmes au travail : des maux invisibles, dans lequel elle soulignait notamment le déficit persistant d’approches genrées en matière de santé au travail, qui entraîne une forme d’invisibilisation de la pénibilité du travail des femmes.
Pourtant, 60 % des personnes atteintes de troubles musculo-squelettiques (TMS) sont des femmes.
Le rapport mettait également en évidence les difficultés spécifiques aux femmes, comme les pathologies menstruelles incapacitantes, la grossesse, l’infertilité, la ménopause et l’endométriose.
La proposition de loi déposée par nos collègues socialistes se limite à la création d’un arrêt menstruel pour les femmes souffrant de dysménorrhée. Nous regrettons qu’elle n’embrasse pas l’ensemble du périmètre traité par le rapport sénatorial, qui mérite, selon nous, une plus grande attention.
Néanmoins, ce texte a le mérite de lever un tabou sur l’impact du cycle menstruel des femmes au travail.
Plusieurs de nos collègues ont déjà cité un certain nombre de chiffres. Je rappellerai simplement que 65 % des femmes ont déjà rencontré des difficultés liées à leurs règles dans le cadre de leur activité professionnelle. Il importe donc de prendre en compte cette réalité et d’améliorer l’organisation du travail.
Je souhaite lever immédiatement un malentendu : cette proposition de loi crée non pas un congé, mais un arrêt menstruel : il offre la possibilité aux médecins de prescrire une nouvelle forme d’arrêt de travail, sans délai de carence, pour deux jours par mois au maximum, aux femmes souffrant de dysménorrhée, et cela pour une durée d’un an.
Le congé menstruel relève de la décision unilatérale des employeurs, qui en assurent le financement. Ainsi, certaines entreprises et certaines collectivités ont fait le choix de l’instaurer pour leurs salariées ; pour notre part, nous n’y sommes pas favorables.
Un tel congé est une fausse bonne idée, qui pourrait entraîner des discriminations à l’embauche à l’encontre des femmes et une remise en cause du secret médical. Les employeurs n’ont pas à connaître la raison pour laquelle leurs employées sont absentes deux jours par mois.
En revanche, et c’est la raison pour laquelle nous voterons ce texte, nous sommes favorables à la mise en place d’un arrêt médical en cas de menstruations incapacitantes.
Contrairement à un congé, un arrêt conduit à une indemnisation par la sécurité sociale et concerne toutes les femmes souffrant de douleurs menstruelles, pas uniquement celles qui souffrent d’endométriose.
Il est probable, hélas, que le conservatisme moral qui prévaut en ce lieu… (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Laurent Burgoa. Et voilà !
Mme Silvana Silvani. … rende difficile le franchissement de cette étape dans le processus de prise en compte du corps des femmes.
Ce texte constitue un petit pas, certes, mais un pas tout de même vers une meilleure prise en considération de la santé des femmes au travail.
Pour cette raison, notre groupe votera en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et SER.)
M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère.
Mme Maryse Carrère. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens avant tout à saluer l’initiative de notre collègue Hélène Conway-Mouret.
Le désir d’améliorer les conditions de travail des femmes et de reconnaître les difficultés spécifiques qu’elles peuvent rencontrer en raison de leur cycle menstruel est tout à fait louable.
Ce texte nous permet de débattre d’un sujet qui touche, chaque mois, des millions de femmes souffrant de dysménorrhée ou d’endométriose.
Comme cela a été rappelé, cette réalité est trop souvent négligée. Pourtant, les menstruations peuvent provoquer des douleurs physiques qui affectent considérablement la vie quotidienne, notamment professionnelle, de certaines femmes.
La présente proposition de loi nous permet aussi de briser le tabou actuel autour des menstruations, une préoccupation dont la représentation nationale s’est emparée depuis quelques années.
Particulièrement sensibles à ce sujet, nous avions déposé, il y a quelques années déjà, sur l’initiative de notre collègue Nathalie Delattre, une proposition de résolution visant à assurer la gratuité des produits de protection hygiénique féminine et à garantir leur sécurité sanitaire.
Si nous comprenons mieux le problème et si les diagnostics sont plus fréquents et précoces, le traitement de l’endométriose reste un défi tout aussi crucial. Dans le monde du travail, il faut que la compréhension et l’appréhension de cette maladie soient à la hauteur des douleurs supportées par les femmes qui en sont atteintes.
J’entends bien qu’il existe un véritable besoin, dans la mesure où, chaque mois, certaines femmes perdent une partie de leur salaire parce qu’elles sont obligées de poser des jours de congé ou qu’elles se voient imposer des jours de carence.
Plusieurs pays ont d’ailleurs mis en place un congé menstruel, mais il s’agit, dans la plupart des cas, d’un jour de congé accordé et rémunéré par l’employeur.
Au sein de notre groupe, nous sommes majoritairement favorables à la mise en lumière de ces problèmes et à cette proposition de loi. Malgré tout, quelques-uns de mes collègues ont exprimé certaines inquiétudes à l’égard de ce texte.
Tout d’abord, l’instauration d’un arrêt menstruel ne risque-t-elle pas d’être contre-productive ? Alors que nous travaillons sans relâche pour réduire les inégalités entre les femmes et les hommes, une telle mesure pourrait renforcer la discrimination à l’embauche ou accentuer les différences d’évolution des carrières.
Il faut y prendre garde, car la situation des femmes sur le marché de l’emploi reste, encore aujourd’hui, fragile : pénalisées par leurs éventuels congés de maternité, elles sont moins bien payées que les hommes et se heurtent souvent au fameux « plafond de verre ».
Nous devons par ailleurs être attentifs à ce qu’un tel dispositif ne relègue pas les menstruations et la douleur au foyer : il ne doit pas contribuer à les invisibiliser.
Se pose également au sein des entreprises la question du secret médical, qui se trouverait quelque peu éventé.
Enfin, la mise en place d’un arrêt menstruel pourrait représenter un défi logistique et organisationnel pour les entreprises, en particulier les plus petites d’entre elles.
Nous vous avons bien écoutée, madame la rapporteure, et nous notons avec intérêt les amendements déposés par notre collègue Annick Billon : ils sont pertinents et, surtout, leur adoption permettra – s’ils sont votés, comme je l’espère – de poursuivre la réflexion autour de la proposition de loi d’Hélène Conway-Mouret.
Je pense plus particulièrement à l’idée d’appliquer ce dispositif sous la forme d’une expérimentation, dont un bilan serait dressé au bout de trois ans. En Europe, l’Espagne étant le seul pays à avoir mis en place un arrêt menstruel, nous manquons en effet de recul.
Limiter la validité du certificat médical à six mois me semble par ailleurs plus prudent, car cela permettrait d’assurer un meilleur suivi de l’évolution des pathologies des femmes souffrant de dysménorrhée.
Mes chers collègues, vous l’aurez compris, le groupe RDSE votera majoritairement en faveur de ce texte. Nous estimons qu’un compromis est préférable à un non catégorique à l’issue des débats.
Nous sommes par ailleurs favorables à la poursuite d’une réflexion plus vaste sur les conditions de travail, au sujet desquelles les études en sciences sociales tirent la sonnette d’alarme. (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)
M. le président. La discussion générale est close.
La commission n’ayant pas élaboré de texte, nous passons à la discussion des articles de la proposition de loi initiale.
proposition de loi visant à améliorer et garantir la santé et le bien-être des femmes au travail
Avant l’article 1er
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 6 rectifié bis, présenté par Mme Billon, MM. Kern, Courtial, Canévet, Delcros, Folliot, J.-M. Arnaud, Capo-Canellas, Vanlerenberghe et Cambier, Mme Tetuanui, MM. Fargeot, Lafon, Levi et Hingray, Mmes O. Richard, Romagny et Loisier, MM. Delahaye et Chauvet et Mme Saint-Pé, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – La présente loi s’applique, à titre expérimental, pour une durée de trois ans à compter de sa promulgation.
II. – Au plus tard six mois avant la fin de l’expérimentation, le Gouvernement remet au Parlement un rapport en faisant le bilan et proposant des pistes d’évolution.
La parole est à Mme Annick Billon.
Mme Annick Billon. Pour aller dans le sens de notre collègue Maryse Carrère, je précise que ma démarche consiste justement à chercher un compromis sur ce texte, afin que nous puissions avancer sur le sujet.
Le dispositif du congé menstruel n’est proposé en France que par une poignée de structures, collectivités ou entreprises, et uniquement sur leur initiative.
Une mesure similaire au dispositif proposé par notre collègue Hélène Conway-Mouret a été votée il y a un an en Espagne, mais elle n’existe pas pour l’instant dans d’autres pays européens.
Aussi, nous ne disposons que de très peu de recul sur ces deux types de dispositifs, et il n’est pas évident d’anticiper les conséquences socioéconomiques d’une telle proposition de loi.
Les dispositifs visant à améliorer la santé et le bien-être des femmes au travail, dont font partie l’arrêt et le congé menstruel, peuvent se concevoir de multiples façons.
Par exemple, la Catalogne a introduit de la souplesse dans le temps de travail des employées du secteur public lorsque les menstruations de ces dernières affectent leur santé et leur bien-être. Ainsi, en cas de dysménorrhée, les employées concernées peuvent s’absenter pour une durée maximum de huit heures par mois. Le recours à cette flexibilité horaire doit faire l’objet d’un rattrapage au cours des quatre mois suivants, par fractions de trente minutes minimum.
Cet exemple montre qu’il existe plusieurs voies pour régler un même problème.
Les travaux de la délégation aux droits des femmes du Sénat ont mis en avant la nécessité d’agir dès maintenant pour améliorer la santé des femmes au travail.
Notre priorité est d’établir un dialogue avec les employés et un climat de bienveillance. Un certain nombre d’outils sont déjà à la disposition des collectivités, administrations et entreprises.
Au regard de ces considérations, le présent amendement vise à transformer le dispositif proposé en une expérimentation : il faut mettre des mots sur des maux et rendre visible l’invisible !
M. le président. L’amendement n° 14 rectifié bis, présenté par Mme Billon, MM. Kern, Courtial, Canévet, Delcros, Folliot, J.-M. Arnaud, Capo-Canellas, Vanlerenberghe et Cambier, Mme Tetuanui, MM. Fargeot, Lafon, Levi et Hingray, Mmes O. Richard, Romagny et Loisier, MM. Delahaye et Chauvet et Mme Saint-Pé, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – La présente loi s’applique à titre expérimental aux entreprises candidates qui emploient au moins mille salariés, pour une durée de trois ans à compter de sa promulgation.
II. – Au plus tard six mois avant la fin de l’expérimentation, le Gouvernement remet au Parlement un rapport en faisant le bilan et proposant des pistes d’évolution.
La parole est à Mme Annick Billon.
Mme Annick Billon. Cet amendement de repli a pour objet de circonscrire l’expérimentation aux seules entreprises employant plus de 1 000 personnes, un seuil en cohérence avec l’article L. 1142-11 du code du travail créé par la loi visant à accélérer l’égalité économique et professionnelle.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laurence Rossignol, rapporteure. La commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements.
Cependant, à titre personnel, j’aurais rêvé que le Gouvernement propose une telle expérimentation : l’amendement n° 6 rectifié bis est véritablement le type de disposition que l’exécutif est en mesure de déposer. On expérimenterait et, au terme de trois ans, on dresserait le bilan : si le dispositif fonctionnait, on le généraliserait ; dans le cas contraire, on y mettrait fin. Bref, j’y suis personnellement assez favorable.
Quant à l’amendement n° 14 rectifié bis, je le juge pour ce qu’il est : c’est un simple amendement de repli…
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Hélène Conway-Mouret. Il va reprendre l’amendement à son compte ! (Sourires.)
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué. Afin que l’on aille directement à l’essentiel et que l’on entame au plus vite l’examen des amendements, je ne me suis pas exprimé à l’issue de la discussion générale, même si j’ai pris beaucoup de notes. Je saisis donc cette occasion pour remercier les orateurs de la qualité de leurs prises de parole.
S’agissant de ces deux amendements, je suis assez réservé à l’idée d’une expérimentation, qui impliquerait le versement d’indemnités journalières par la sécurité sociale. Quels seraient les critères retenus ? Comment sélectionner les personnes qui bénéficieraient de l’expérimentation ? Ces procédures sont toujours bien plus complexes à mettre en œuvre qu’elles en ont l’air : elles sont séduisantes à l’écoute, mais évidemment bien moins simples qu’il y paraît.
Par ailleurs, comme l’ont souligné certains orateurs, un tel dispositif aurait des incidences significatives sur le code du travail : on ouvrirait une brèche.
Comme je l’ai dit lors de la discussion générale, tout cela me conduit à penser que, si le sujet est important, le dispositif proposé est mal ajusté. Je suis par conséquent défavorable à l’idée de l’expérimenter.
Je suis également défavorable à l’amendement n° 14 rectifié bis, dont l’adoption entraînerait une rupture d’égalité, car cette mesure ne profiterait qu’à certaines entreprises ou certaines salariées de ces entreprises. Un tel dispositif me semble poser plus de problèmes encore que le précédent.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.
Mme Annick Billon. Je maintiens ces amendements, dans la mesure où, bien souvent dans cet hémicycle, on nous vend l’expérimentation comme la solution – l’alpha et l’oméga de toute politique.
Monsieur le ministre, vous venez de m’expliquer que ce que je propose est trop complexe. Pardonnez-moi, mais cela me fait immédiatement penser au récent lancement de l’expérimentation sur l’uniforme à l’école. Je n’ai pas l’impression que l’on ait une idée bien précise de la forme que celui-ci prendra ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Maryse Carrère applaudit également.) S’agira-t-il d’une blouse, d’un sweat-shirt, d’un tee-shirt, d’un short, d’un pantalon ?…
Évidemment, ce n’est pas tout à fait la même chose, mais, dans les faits, certains collèges et lycées s’engageront très prochainement dans une phase de test sans vraiment savoir de quoi il retourne.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 6 rectifié bis.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 127 :
Nombre de votants | 339 |
Nombre de suffrages exprimés | 336 |
Pour l’adoption | 135 |
Contre | 201 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Je mets aux voix l’amendement n° 14 rectifié bis.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains. (Protestations sur les travées du groupe SER.)
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)