Mme la présidente. La parole est à Mme Maryse Carrère, pour explication de vote.
Mme Maryse Carrère. Comme beaucoup dans cet hémicycle, nous souscrivons au constat du manque d’efficacité du cadre juridique répressif qui est aujourd’hui en place.
Nous sommes d’accord sur la nécessité d’octroyer aux agents les moyens nécessaires à la sécurisation des transports en commun et de combler les lacunes de la législation pénale en vigueur.
Cela dit, il est difficile à notre groupe de négliger l’équilibre entre la sécurité et les libertés publiques. Certains dispositifs nous ont alertés, ainsi que Véronique Guillotin l’a souligné lors de la discussion générale.
Nous avons salué les travaux de la commission, qui avaient gommé une partie des défauts sécuritaires du texte initial, notamment en supprimant les articles 10 et 11. L’article 1er avait également été réécrit, sur l’initiative de notre rapporteure, dans une rédaction acceptable et mesurée.
En revenant en partie à la rédaction initiale du texte, notre assemblée a donc pris la décision de rompre l’équilibre qu’elle avait su pourtant créer.
Bien entendu, nous continuons de considérer qu’une partie des dispositions que nous avons votées ce soir sont nécessaires et attendues. Je pense, par exemple, à l’élargissement du périmètre d’intervention des agents de sécurité des transports aux abords immédiats des gares.
Malgré tout, si nous étions majoritairement favorables à cette proposition de loi lors de la discussion générale, ce n’est, hélas, plus le cas à l’issue de l’examen des amendements.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Fernique, pour explication de vote.
M. Jacques Fernique. Je veux en effet assurer à Philippe Tabarot, auteur du texte et rapporteur pour avis, que, à défaut d’un vote commun sur sa proposition de loi, telle qu’elle a été modifiée, nous partageons la volonté que nos transports ferroviaires et nos réseaux de transport urbain soient des espaces où règne le bien vivre ensemble, dont la sûreté et la sécurité contribuent à l’attractivité et où les violences sexuelles et sexistes, particulièrement, reculent impérativement.
Si nous divergeons, ce n’est pas parce que nous serions aveuglés par un angélisme ou par une idéologie d’un autre temps, pour reprendre des appréciations expéditives qui ont été proférées à notre encontre en début de soirée.
Si nous divergeons, c’est sur notre appréciation différente des mesures proposées, de leur efficacité et de leur impact – certaines ont un caractère problématique, voire sont carrément inapplicables.
Après la proposition de loi Savary de 2016, après la proposition de loi Sécurité globale, l’ouvrage est revenu sur le métier.
La sécurité publique nécessite, pour agir en cohérence, la prise en compte du triptyque « prévention, dissuasion et répression ». Du fait qu’il s’agit d’une proposition de loi, les articles du texte ne tiennent pas cet équilibre.
Quelques-uns de ces articles reprennent des dispositions de sécurité globale qui ont été soumises à des réserves d’interprétation par le Conseil constitutionnel. En quoi les rédactions nouvelles présentes dans la proposition de loi sur ces sujets vont-elles davantage dans le sens des réserves que le Conseil constitutionnel a tenu à soulever, plutôt que de censurer purement et simplement ?
Ainsi, alors que le Conseil a tenu à rappeler l’obligation de définir les crimes et délits en termes suffisamment clairs et précis pour exclure l’arbitraire, j’ai bien peur que le délit d’incivilité d’habitude ne soit juridiquement confus et ne devienne une accumulation hétéroclite, mettant au même niveau des comportements d’incivilité et des atteintes manifestes à la sécurité.
Un certain nombre d’articles proposent des ajustements pour répondre aux insuffisances de textes en vigueur. Nous les avons votés – je pense aux articles 2, 4, 5, 8 ter, 15 et 17.
Voyez, cher Philippe Tabarot, que notre aveuglement ne nous empêche pas de faire preuve d’un certain discernement ! (M. Philippe Tabarot sourit.)
Pour le reste, les mesures du texte sont parfois problématiques, pas toujours convaincantes et, pour certaines, inapplicables.
Voilà pourquoi le groupe écologiste votera contre ce texte.
Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Chaillou, pour explication de vote.
M. Christophe Chaillou. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, en ouverture de l’examen de ce texte, j’ai rappelé que nous étions tous attachés à assurer la sécurité dans les transports. J’ai même précisé que, dans ce domaine, aucune forme d’angélisme ou d’idéologie n’était de mise.
Nous avons ainsi abordé la discussion de cette proposition de loi avec beaucoup de pragmatisme, en saluant les avancées permises par le travail de la commission des lois, notamment sur proposition de Mme la rapporteure, que je remercie de nouveau de son engagement.
Malheureusement, l’équilibre qui avait été plus ou moins rétabli dans le texte a disparu à l’issue de nos travaux en séance publique. Je regrette d’ailleurs que notre discussion ait donné lieu à une forme de caricature des positions des uns et des autres. Reste que nombre des dispositions retenues semblent fragiles au regard de la Constitution ; elles seront donc complètement inapplicables, qui plus est inefficaces.
Or les textes ayant trait à la sécurité ont précisément cet enjeu : s’il est important de réussir à les voter, il convient de s’assurer que les mesures qu’ils contiennent puissent être appliquées.
Enfin, un certain nombre des dispositions adoptées nous paraissent contraires à plusieurs grands principes relatifs aux libertés publiques.
C’est la raison pour laquelle, lors de la discussion générale, j’ai indiqué que le groupe SER réserverait son vote jusqu’à la fin de l’examen de ce texte. Le fragile équilibre auquel était parvenue la commission ayant disparu, c’est avec regret que nous voterons contre cette proposition de loi.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Longeot, pour explication de vote.
M. Jean-François Longeot. Pour lutter contre les émissions de gaz à effet de serre, il faut inciter nos concitoyens à utiliser les transports en commun. Pour cela, encore faut-il que les Français se sentent en sécurité dans les gares, le métro, les trains ou les bus.
C’est l’objectif de cette proposition de loi : démontrer que nous pouvons en toute sécurité emprunter les transports en commun. Ainsi, nous lutterons contre les émissions de gaz à effet de serre.
Je tiens à remercier sincèrement l’auteur de cette proposition de loi, Philippe Tabarot, de cette initiative importante. Les responsables de la SNCF et de la RATP que la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a auditionnés se sont dits satisfaits du texte proposé.
Je remercie également la commission des lois du travail important qu’elle a mené et de sa coopération avec la commission saisie pour avis. Certes, certains points de divergence ont parfois émergé, mais il me semble que le propre de la démocratie, c’est de pouvoir exprimer des points de vue différents, ce qui permet d’enrichir le débat.
Le groupe Union Centriste votera cette proposition de loi.
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. Je ne reviendrai pas sur les arguments déjà avancés par Christophe Chaillou et Jacques Fernique.
Nous sommes pragmatiques : en tant qu’écologistes, nous sommes des défenseurs de longue date des transports en commun, en particulier ferroviaires.
Aussi, il nous importe que la sécurité dans ces transports soit assurée. En la garantissant, nous permettons à un plus grand nombre de personnes de les emprunter.
Cependant, mes chers collègues, vous avez ce soir réintroduit dans ce texte un certain nombre de mesures que la commission des lois avait supprimées – on ne peut toutefois certainement pas accuser cette dernière d’avoir agi par dogmatisme ! À mes yeux, ce n’est que de la poudre de perlimpinpin : un fantasme, une idée, une promesse, qui ne sera pas tenue !
Les solutions sont ailleurs. En voici un exemple : dans mon territoire, la communauté d’agglomération du pays d’Aubagne et de l’Étoile a instauré la gratuité des transports en commun depuis très longtemps. Depuis lors, le nombre de contrôles a fortement diminué, la fréquentation a progressé et les incivilités sont en baisse. Tous les maires, quelle que soit leur appartenance politique, vous le confirmeront.
Monsieur Tabarot, ce que veulent les gens, ce sont non pas des mesures contre la mendicité dans les gares, mais un investissement encore plus important dans les transports, y compris de la part du Gouvernement. Je salue d’ailleurs le travail de l’ancien ministre Clément Beaune – et celui, à venir, du nouveau ministre –, car nous devons désormais tenir le cap et fixer des objectifs de développement des transports ferroviaires.
Il faut aller encore plus loin et plus vite que ce que nous faisons aujourd’hui pour lutter efficacement contre les gaz à effet de serre.
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Bitz, pour explication de vote.
M. Olivier Bitz. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme je l’ai souligné lors de la discussion générale, les objectifs de cette proposition de loi sont louables.
D’une part, garantir la sécurité dans les transports en commun est une condition pour s’assurer de leur fréquentation par la population. Aussi, tout ce qui peut concourir à l’accroissement de leur sûreté va dans le bon sens.
D’autre part, cette proposition de loi est probablement le dernier véhicule législatif susceptible d’aboutir avant les jeux Olympiques.
Ce soir, nous avons donc le choix de voir le verre à moitié vide ou à moitié plein. En effet, un certain nombre de dispositions qui viennent d’être adoptées en séance ont été repoussées en commission. Cela me laisse d’ailleurs songeur : au regard du travail avec un très grand sérieux par la rapporteure et par la commission des lois dans son ensemble, je suis un peu gêné de voir la majorité sénatoriale le rejeter de cette manière…
Néanmoins, le groupe RDPI choisit de voir le verre à moitié plein et votera le texte issu de nos travaux. Espérons toutefois que la navette parlementaire permettra de revenir sur un certain nombre de dispositions qui semblent excessives.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Jean Rochette, pour explication de vote.
M. Pierre Jean Rochette. Nous voici parvenus au terme d’un débat riche et animé, reflet de convictions et de réalités territoriales différentes. Cela me paraît à la fois sain et naturel, car c’est précisément le rôle de cet hémicycle.
Certes, le faible succès de nos amendements nous chagrine quelque peu, mais cela n’enlève rien à l’excellent travail mené par Philippe Tabarot et la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.
Bien entendu, nous souhaitons l’adoption de cette proposition de loi. Nous sommes d’ailleurs pressés d’en voir les résultats se concrétiser sur le terrain.
Ne serait-ce que parce qu’elle permettra à la Suge d’intervenir dans les gares routières – je pense notamment à celles de Lyon-Part-Dieu ou de Saint-Étienne-Châteaucreux, chères à tous mes collègues ligériens –, cette proposition de loi est une réussite. Le groupe Les Indépendants la votera avec une grande fierté.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Patrice Vergriete, ministre délégué. Le Gouvernement se réjouit du travail qui a été accompli par le sénateur Tabarot et par la commission des lois. La sûreté dans les transports est en effet un sujet qui nous tient à cœur et sur lequel nous souhaitons tous avancer.
Je précise, à l’attention du sénateur Tabarot qui semble l’avoir oublié dans ses mots de conclusion, que le Gouvernement vient d’engager la procédure accélérée sur ce texte. Aussi devrions-nous pouvoir faire appliquer les mesures qu’il contient le plus rapidement possible. (Marques d’approbation sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 120 :
Nombre de votants | 339 |
Nombre de suffrages exprimés | 336 |
Pour l’adoption | 227 |
Contre | 109 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDPI et INDEP.)
10
Ordre du jour
Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 14 février 2024 :
À quinze heures :
Questions d’actualité au Gouvernement.
De seize heures trente à vingt heures trente :
(Ordre du jour réservé au groupe Les Indépendants)
Proposition de loi visant à garantir la confidentialité des consultations juridiques des juristes d’entreprise, présentée par M. Louis Vogel et plusieurs de ses collègues (texte de la commission n° 321, 2023-2024) ;
Proposition de loi créant une dérogation à la participation minimale pour la maîtrise d’ouvrage pour les communes rurales, présentée par M. Dany Wattebled, Mme Marie-Claude Lermytte et plusieurs de leurs collègues (texte de la commission n° 325, 2023-2024).
Le soir :
Proposition de loi visant à conforter la filière cinématographique en France, présentée par Mmes Céline Boulay-Espéronnier, Sonia de La Provôté et M. Jérémy Bacchi (texte de la commission n° 323, 2023-2024).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le mercredi 14 février 2024, à zéro heure cinq.)
Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,
le Chef de publication
FRANÇOIS WICKER