M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Hervé Reynaud, rapporteur pour avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi relative au renforcement de la sûreté dans les transports vise à compléter l’arsenal législatif existant et à renforcer, notamment, la loi Savary-Le Roux de mars 2016, dont Gilles Savary lui-même dressait en mars 2020, dans La Gazette des communes, un bilan mitigé, compte tenu des difficultés rencontrées pour faire appliquer son article relatif à la fiabilisation de l’identité des fraudeurs.
Je tiens à remercier, avant toute chose, l’auteur du texte, qui en est aussi rapporteur pour avis, Philippe Tabarot, pour sa force de conviction et pour sa volonté d’avancer sur le sujet en levant plusieurs blocages opérationnels qui conduisent, sur le terrain, à des situations pour le moins aberrantes dans un contexte d’augmentation de certains types de violences dans les transports en commun, notamment les violences sexistes et sexuelles. On comptabilise ainsi 2 407 victimes à ce titre en 2023, dont 62 % en Île-de-France.
Parallèlement, ainsi que le relève la SNCF sur son réseau, on observe une croissance exponentielle des cas de transport d’objets dangereux : 1 342 personnes ont été signalées pour port et transport illégal d’armes.
Les auditions de Jean Castex et de Jean-Pierre Farandou, PDG respectivement de la RATP et de la SNCF, ont été à cet égard particulièrement instructives. Selon eux, « l’utilité de cette loi ne fait aucun doute ».
La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, au nom de laquelle je m’exprime devant vous aujourd’hui, a émis un avis favorable sur l’adoption de cette proposition de loi, sous réserve de l’adoption des amendements de son rapporteur pour avis.
Nos débats en commission ont été particulièrement riches. À l’aune de ces échanges, il me semble que nous devons garder une chose en tête : la plus grande des restrictions de liberté, c’est lorsque nos concitoyens renoncent à utiliser les transports en commun à certaines plages horaires ou sur certaines lignes. Comme l’a souligné Philippe Tabarot, en Île-de-France, plus d’une femme sur deux – précisément 51,5 % – redoute d’être agressée ou volée dans les transports en commun.
Laisser s’installer l’idée que les transports en commun figurent en tête des espaces les plus criminogènes, c’est renoncer aux évolutions nécessaires pour améliorer l’attractivité des transports collectifs et pour accentuer le report modal vers le système de transport le plus décarboné.
Ainsi, il ne me semble pas particulièrement saugrenu de permettre aux agents de la Suge et du GPSR, sous certaines conditions, d’interdire à un individu d’entrer en gare. À l’heure actuelle, ceux-ci ne disposent que d’un pouvoir d’éviction : s’ils peuvent enjoindre à une personne ayant commis une infraction de sortir de la gare, ils sont contraints, si cette personne souhaite rentrer de nouveau dans la gare, d’attendre qu’elle commette une nouvelle infraction pour lui enjoindre de nouveau d’en sortir…
Mme Sophie Primas. Eh oui !
M. Hervé Reynaud, rapporteur pour avis. Il est nécessaire d’adapter nos moyens juridiques de répression, qui ne sont plus adaptés aux évolutions des modes opératoires des contrevenants.
Ce texte, inspiré par ces situations très concrètes et quotidiennes, a été élaboré en lien étroit avec les acteurs de terrain. Il apporte les évolutions strictement nécessaires à la sécurisation de nos réseaux de transport selon trois volets prioritaires.
Premièrement, protéger davantage ceux qui se trouvent en première ligne – durant la pandémie de covid-19, il a été beaucoup question d’eux –, c’est-à-dire les agents des entreprises de transport, notamment par l’élargissement du recours à des caméras-piétons.
Deuxièmement, améliorer l’efficacité du continuum de sécurité en veillant plus spécifiquement à ne pas multiplier les plateformes de signalement de sûreté par les voyageurs, quelle que soit, à l’heure de l’ouverture à la concurrence, l’entreprise de transport concernée.
Troisièmement, veiller à réprimer plus efficacement les délits relatifs aux transports, notamment le train surfing ou bus surfing, mais aussi les oublis de bagages : ces derniers ont, comme nous l’ont montré nos auditions, des conséquences désastreuses pour les voyageurs et les entreprises de transport.
Ce texte répond, j’en suis convaincu, à une demande forte de nos concitoyens, de nos opérateurs de transport et de ceux qui y travaillent au quotidien.
Son ambition dépasse bien entendu l’émotion réelle provoquée par les dernières attaques. Elle va également au-delà des jeux Olympiques et Paralympiques. En définitive, ainsi que l’a résumé Jean-Pierre Farandou lors de son audition, cette proposition de loi contribue à apporter un « supplément d’efficacité dans l’action ». (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Patrice Vergriete, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports. Monsieur le président, monsieur le président de la commission, mesdames, messieurs les sénateurs, je salue l’initiative de cette proposition de loi, dont je remercie l’auteur, Philippe Tabarot. L’objectif est de renforcer la sécurité des usagers et des personnels des transports publics face aux incivilités, aux actes de malveillance et aux menaces terroristes.
L’actualité vient malheureusement nous rappeler que ces dispositions sont nécessaires pour permettre à nos concitoyens de voyager en sécurité dans nos transports publics. C’est l’une des conditions pour accentuer le report modal vers les transports publics décarbonés, raison pour laquelle le Gouvernement est très attentif à cette question.
Le récent attentat survenu à la gare de Lyon nous rappelle, si besoin était, que nos trains et nos gares ne sont pas à l’abri des tentatives les plus désespérées et les plus violentes. Il nous invite à rechercher en permanence les mesures juridiques et opérationnelles susceptibles de garantir un maximum de sécurité aux usagers et aux personnels des entreprises publiques de transport, notamment en ce qui concerne les moyens des agents des services de sécurité internes de nos opérateurs de transport, SNCF et RATP, afin de leur permettre d’intervenir le plus rapidement possible, en étroite coopération avec les forces de l’ordre et dans le respect des libertés publiques.
Le nombre de victimes de vols ou de violences dans les transports en commun enregistré par les services de police et de gendarmerie diminue globalement : il baisse de 10 % par rapport à 2022 et de 15 % par rapport à 2016. Les décisions prises ces dernières années pour améliorer la sécurité dans les transports ne sont sans doute pas étrangères à cette amélioration de la tendance. Cela doit nous conduire à poursuivre ce travail de consolidation de notre dispositif de sûreté.
Cette proposition de loi s’inscrit ainsi dans la continuité des mesures déjà prises par les gouvernements depuis 2017, notamment au travers de la loi d’orientation des mobilités, de la loi pour une sécurité globale préservant les libertés de 2021 ou encore de la loi relative aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024.
Je rappellerai, pour mémoire, quelques mesures emblématiques, concrètes et efficaces : la généralisation des arrêts à la demande pour les bus nocturnes, l’obligation d’étiquetage des bagages présents à bord des cars express, l’expérimentation du port de caméras individuelles par les agents assermentés des entreprises de transport ou encore la possibilité pour les agents des services de sécurité de la SNCF et de la RATP de visionner des images de vidéoprotection transmises en temps réel lorsque lorsqu’ils sont affectés au centre de commandement de la préfecture de police.
La présente proposition de loi a le mérite de rappeler de manière très claire les grands enjeux de la sûreté dans les transports publics. Son architecture générale permet de rendre intelligibles les différentes mesures proposées, dans le souci d’être au plus proche du besoin opérationnel.
Elle vise ainsi à accroître les pouvoirs des agents des services internes de sécurité des opérateurs, à renforcer le continuum de sécurité pour une meilleure sécurisation des transports, à utiliser les nouvelles technologies, notamment en matière de vidéoprotection – le Gouvernement souhaitera d’ailleurs introduire une mesure en matière de cybersécurité pour le Grand Paris Express –, à introduire de nouveaux dispositifs pénaux pour réprimer les délits relatifs aux transports et à accentuer le dispositif antifraude.
Le Gouvernement tient à saluer le travail réalisé en commission, qui a permis d’enrichir le texte et d’améliorer la rédaction de certains articles.
Cette proposition de loi a toute son importance pour améliorer la sécurité de nos concitoyens, qui utilisent chaque jour les transports publics pour leur travail ou leurs loisirs. Elle est d’autant plus nécessaire que nous allons accueillir, dans quelques mois, les jeux Olympiques et Paralympiques à Paris – un événement exceptionnel qui nécessite une mobilisation et une coordination sans précédent de tous les acteurs qui concourent à la sécurité de chacune et de chacun.
Certaines dispositions de ce texte visent directement à nous aider à faire face aux enjeux propres à l’organisation d’un tel événement. Je pense notamment à la possibilité donnée à de nouvelles catégories d’agents d’Île-de-France Mobilités de visionner les images de vidéoprotection au centre de commandement de la préfecture de police pour améliorer notre capacité à répondre très rapidement aux événements mettant en jeu la sécurité. Je pense également aux dispositions qui nous permettront de disposer du plus grand nombre possible d’équipes cynophiles opérationnelles durant la période des Jeux.
C’est pour ces raisons que le Gouvernement a décidé de compléter ces dispositions en déposant des amendements et d’engager la procédure accélérée pour que les effets attendus de ce texte puissent se manifester concrètement au moment des jeux Olympiques.
Mme Isabelle Florennes. Très bien !
M. Patrice Vergriete, ministre délégué. Le Gouvernement a par ailleurs travaillé, en lien avec les opérateurs, à l’élaboration de mesures réglementaires pour que les Jeux se déroulent bien.
Je compte sur le débat parlementaire pour enrichir encore cette proposition de loi, dont l’objet – l’amélioration de la protection de nos concitoyens – mérite toute notre attention. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Jean Rochette.
M. Pierre Jean Rochette. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nos concitoyens sont toujours plus nombreux à emprunter les transports en commun. Ils participent ainsi activement à la lutte contre le dérèglement climatique.
Toutefois, les retards et les capacités insuffisantes, notamment dans les transports du quotidien, freinent encore cette dynamique ; il nous appartient de la soutenir.
Nos collectivités, en lien avec l’État, travaillent à rendre les Français plus mobiles. Le développement de ces transports ne dépend pas seulement de la construction de nouvelles infrastructures ou de l’offre.
En effet, près de la moitié de nos concitoyens disent ne pas se sentir en sécurité dans les transports. Nous ne pouvons et ne devons pas nous satisfaire de cette situation.
La tenue des jeux Olympiques et Paralympiques constitue une formidable opportunité pour notre pays. Ces Jeux seront également une véritable épreuve, tant pour nos opérateurs de transport que pour nos services de sécurité. Nous devons leur donner les moyens de relever le défi.
Plus de 15 millions de touristes sont attendus dans la capitale à cette occasion. Outre l’enjeu logistique qu’il représente, cet événement médiatique renforce le risque d’attaque terroriste qui reste, hélas, omniprésent dans notre pays.
Beaucoup a déjà été fait ces dernières années pour renforcer la sécurité, mais c’est loin d’être suffisant.
Le présent texte vise à aggraver les peines applicables aux infractions commises dans les transports. Il est le fruit de l’excellent travail de son auteur, notre collègue Philippe Tabarot. Ses propositions sont précises et correspondent aux attentes du terrain – croyez-moi, j’en sais quelque chose !
Nous considérons que ce message de fermeté est essentiel. Nous ne devons pas accepter que les transports publics soient dégradés par les actes de quelques-uns.
Les auteurs de fraudes et d’incivilités doivent être sanctionnés rapidement et efficacement. Les usagers doivent pouvoir constater que les règles sont les mêmes pour tous. Ce n’est pas le cas actuellement, alors que le sentiment d’impunité peut parfois régner.
Le texte renforce les peines à l’encontre de ceux qui troublent régulièrement la tranquillité des voyageurs. Ces actes, comme le fait de fumer, d’être en état d’ivresse ou encore de tirer sans motif légitime le signal d’alarme, constituent déjà des infractions. Les récidivistes doivent être plus sévèrement punis. C’est ce que prévoit le texte, tout comme certains amendements que nous aurons le plaisir de vous soumettre.
À cet égard, je tiens à souligner la création de la peine complémentaire d’interdiction de paraître dans les transports en commun. Ce nouveau dispositif nous semble pertinent pour sécuriser les transports. Il nous apparaît particulièrement adapté et nécessaire pour lutter plus efficacement contre les agressions sexuelles.
Il suffit de prendre les transports en commun après vingt-deux heures pour constater le peu de femmes seules ou avec enfants. N’auraient-elles pas besoin de mobilité ? Absolument pas, c’est simplement par crainte, par peur de faire de mauvaises rencontres…
Il est de notre responsabilité de protéger nos concitoyens et nos concitoyennes contre les auteurs de ces actes et de rendre aux femmes et aux familles leur liberté de déplacement.
La commission a fait le choix de supprimer deux articles du texte : l’un portait sur le traitement de données personnelles sensibles ; l’autre, sur la captation du son dans les transports collectifs. Ces dispositions avaient pour objectif d’améliorer la sécurité. Nous suivrons l’avis de la commission. Toutefois, ces éléments, notamment ceux qui proviennent de captations de sons, peuvent être importants en cas d’enquête. Peut-être faudra-t-il reparler de ces sujets, qui me semblent importants.
Le texte aborde également la question des difficultés posées par les bagages ou les effets personnels des voyageurs. La disposition visant à pénaliser plus sévèrement l’oubli de bagages dans les transports est lourde, mais il est vrai que celui-ci provoque des troubles coûteux et importants pour nos réseaux de transport. Nous allons certainement débattre plus en détail de cette mesure : il faut réellement distinguer l’abandon volontaire du simple oubli. Nous soutenons le renforcement des peines encourues en cas d’abandon volontaire de bagages ou de matériaux qui entravent la circulation des trains. Il faut punir sévèrement ces actes qui ne sont rien d’autre que du sabotage.
Les transports en commun sont l’un des meilleurs moyens de lutter contre le dérèglement climatique. Ils sont également essentiels au développement de nos territoires et au dynamisme économique de notre pays. Il nous revient de les rendre plus sûrs et de recréer des espaces qui correspondent aux besoins de déplacement de nos concitoyens.
Cette proposition de loi vise à les protéger plus efficacement. Le groupe Les Indépendants – République et Territoires soutiendra donc pleinement son adoption. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Florennes. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Isabelle Florennes. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, face à la multiplication des actes violents et des incivilités quotidiennes dans les transports en commun et, de façon plus large, dans notre société, faut-il faire preuve d’angélisme en pensant que ce phénomène va baisser naturellement ou faut-il ajuster le cadre juridique actuel qui régit la sécurité dans les transports publics, afin de réprimer l’ensemble des comportements qui remettent en cause la sécurité et le bien-être des usagers ?
Nous devons être conscients, d’une part, que la réponse à la multiplication de ces actes, et notamment des attaques au couteau dans les gares, passe par une évolution des mesures susceptibles d’être prises par les services de sécurité et, d’autre part, que ces nouvelles mesures doivent être encadrées. Comme pour chaque débat sur la sécurité, tout est question de proportionnalité et d’équilibre entre mesures de sécurité et respect des libertés publiques.
C’est dans l’encadrement des mesures de sécurité que se situe la frontière entre ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas.
Nous pouvons compter sur le contrôle opéré par le Conseil constitutionnel et par le Conseil d’État, qui veillent au respect de nos libertés, comme le démontre la jurisprudence de ces deux institutions – d’ailleurs, respecter leurs décisions devrait aller de soi.
Outre ces institutions, les autorités administratives indépendantes comme la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) veillent également au respect de nos libertés.
Notre ancien collègue Robert Badinter, dont je salue ici la mémoire ainsi que les combats pour un monde plus juste, a évoqué ce dilemme entre exigence de sécurité et demande de liberté en 2007 dans un long entretien à la revue Le Débat. Fidèle à lui-même, il développa son propos de manière particulièrement argumentée. Pour synthétiser son raisonnement, il employa une anecdote bien choisie, comme il aimait à le faire. Il évoqua ainsi l’attitude de Felix Frankfurter, juge à la Cour suprême des États-Unis de 1939 à 1962. Celui-ci avait été souvent confronté aux responsables du FBI, qui réclamaient sans cesse de nouveaux pouvoirs. À chaque fois, il leur répondait de regarder si les textes existants ne permettaient pas déjà d’obtenir les résultats recherchés.
Je ne doute pas que notre collègue Philippe Tabarot ait entrepris cette démarche avant de déposer la présente proposition de loi, le 28 décembre dernier. Je ne doute pas non plus que la rédaction de ce texte veille à répondre à ce nécessaire équilibre entre liberté et sécurité.
N’est-il pas mentionné que les modalités d’application des nouvelles mesures proposées seront précisées dans un décret en Conseil d’État ou après avis de la Cnil ?
Ce texte s’inscrit dans le prolongement de la loi Savary-Le Roux de 2016, qui a établi un socle juridique en matière de prévention de l’insécurité dans les transports, et de la loi Sécurité globale de 2021. Il ne bouleverse pas donc un ordre juridique établi ; il s’inscrit plutôt dans la continuité.
En dix-neuf articles, le texte de notre collègue, soutenu par nombre d’entre nous, vise à répondre tant à différentes lacunes de la loi en matière de sécurité dans les transports qu’à de nouvelles formes de délinquance et d’incivisme.
Ainsi, combien de fois par jour les lignes de métro parisiennes sont-elles bloquées par des oublis de bagages ? Voilà quelques années, ce phénomène était rarissime. Aujourd’hui, il est quotidien, qu’il résulte d’actes intentionnels ou non.
Le code des transports, qui a été édicté en 2010 pour rassembler, dans un souci de simplification, plus de 2 000 textes législatifs, ne mentionne nullement le bus surfing, le train surfing ou encore le metro surfing. Ces pratiques, nées en Indonésie et en Russie, n’avaient pas encore cours en France ou en Europe. Or ces défis, qui consistent à se mettre en scène en montant sur le toit d’un train ou d’un métro en marche, ce qui peut conduire à la mort du ou des jeunes qui les pratiquent et qui mettent en danger les autres usagers, se développent sous l’effet des réseaux sociaux.
En ce qui concerne la mise en place et l’usage de fichiers, il est proposé que le dispositif soit encadré par un contrôle de la Cnil, que je considère comme un garant majeur de nos libertés.
Pour relativiser les conséquences des évolutions soumises à notre approbation, je me permets de vous rappeler qu’en Chine l’accès aux transports en commun se fait via la reconnaissance faciale. Ce système a été mis en place prétendument afin de fluidifier les entrées dans les transports. En réalité, il s’agit bien entendu de contrôler les déplacements des usagers et non de penser à leur bien-être ou à leur sécurité physique.
Je n’entrerai pas dans la bataille des chiffres sur la hausse ou la baisse de la délinquance dans les transports en commun. Il faut être réaliste : celle-ci progresse tant en raison de l’augmentation du nombre d’usagers que de l’apparition de nouvelles formes de violences et d’actes d’incivilité, à l’image de ceux que je viens de décrire. Les chiffres continueront d’augmenter si aucune mesure n’est prise dès à présent.
Enfin, je salue l’engagement de la procédure accélérée que vient d’annoncer le ministre : c’est une excellente chose, notamment en prévision des jeux Olympiques.
Vous l’avez compris, mes chers collègues, le groupe Union Centriste votera en faveur de cet excellent texte. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Guy Benarroche. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’exposé des motifs du présent texte rappelle que « le report modal a un rôle clé à jouer dans la transition écologique de notre pays ».
Si je constate avec un plaisir non feint l’engagement de notre hémicycle en faveur du bon développement des transports collectifs, sujet essentiel pour le groupe écologiste, je dois néanmoins souligner que cette proposition de loi présente certains écueils. (On feint la déception sur les travées du groupe Les Républicains.)
Le choix d’une proposition de loi permet d’apporter une réponse rapide et précise aux problématiques soulevées sur le terrain. Cependant, si je salue les travaux et la plupart des constats et des diagnostics de l’auteur de ce texte, je note qu’il ne s’appuie sur aucune évaluation des mesures existantes ni sur aucune étude d’impact, comme l’a rappelé mon collègue Jacques Fernique lors des travaux de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. (Mme Sophie Primas proteste.)
Vous connaissez notre réticence au désengagement progressif de l’État en matière de sécurité publique, compétence éminemment régalienne. Ce transfert, cette délégation de compétences, ce que vous appelez le « continuum de sécurité », devient trop souvent un « continuum sécuritaire ». Mon collègue Thomas Dossus avait déjà défendu cette position lors de l’examen de la loi Sécurité globale. Il avait alerté sur cette tendance à la confusion des genres.
La temporalité de ce texte est également problématique. Nous avons toujours souhaité que les débats puissent se dérouler de manière apaisée. Contextualiser les lois est une chose, mais la frontière est ténue entre opportunité et opportunisme.
Certes, les attaques récentes que notre pays a connues doivent nous faire réfléchir à de possibles améliorations du cadre législatif. L’organisation prochaine de grands événements comme les jeux Olympiques alimente le questionnement sur les enjeux de sécurité de notre pays. Toutefois, cela ne doit pas servir de justification à des mesures dont la plupart ont déjà fait l’objet de réserves d’interprétation de la part du Conseil constitutionnel, ce si dangereux garant, aux yeux de certains d’entre vous, mes chers collègues, du respect des droits et des libertés de notre texte fondamental.
Sur le fond, cette proposition de loi a été largement modifiée par les travaux des rapporteurs, qui ont tenté, à juste titre, de limiter les risques de censure en procédant à un toilettage juridique des mesures les plus problématiques.
Les auteurs de ce texte ambitionnent de renforcer les prérogatives des forces de sécurité dans les transports en commun, les gares et leurs abords. Cette proposition de loi crée de nouveaux délits et renforce de manière massive les dispositifs de surveillance dans l’espace public.
Ces éléments reviennent à intervalles réguliers. Ils constituent un marronnier sécuritaire qui néglige les aspects de prévention et de dissuasion et qui dilue l’autorité régalienne auprès de forces de sécurité hors de son contrôle, alors qu’il conviendrait plutôt de recruter plus d’agents des forces de l’ordre, de mieux les former et de bien les rémunérer.
On nous oppose toujours le pragmatisme ; mais le pragmatisme, c’est mettre les moyens là où ils sont utiles. Le pragmatisme ne doit pas se faire au prix d’une course vers la société de surveillance, de l’emploi de technologies d’enregistrement sans contrôle, de la multiplication des fichiers, etc.
Je m’attarderai sur la question des fouilles et des palpations, ainsi que sur celle des saisies.
Notre commission, dans sa grande sagesse, a su rectifier le tir concernant l’article 1er sur les saisies, dont le dispositif était juridiquement bien trop bancal. Désormais, les autorisations de palpations sont placées sous le régime d’autorisation du préfet, ce qui est déjà mieux, mais pas tout à fait satisfaisant non plus.
La question des fouilles est présente dans plusieurs articles. Nous proposerons des mesures de bon sens, comme les aime cette assemblée : par exemple, le fait d’enjoindre aux agents de rappeler aux personnes ciblées que la fouille ne peut s’effectuer sans leur consentement.
Que dire aussi de l’article 12 et de son catalogue à la Prévert de nouvelles incriminations allant du transport d’une arme à feu à la détention d’un mauvais titre de transport, en passant par le fait de troubler la tranquillité d’autrui par des bruits ou des tapages dans les espaces et véhicules affectés au transport public de voyageurs ou de marchandises, sans parler de l’alinéa criminalisant la mendicité !
Un ronfleur, un passager ayant un clavier trop bruyant et une personne transportant une arme à feu risqueront désormais les mêmes peines : six mois d’emprisonnement et 7 500 euros d’amende – moi qui oublie souvent ma casquette…
Nous voyons bien l’absurdité de cet article que nous tenterons de modifier. Au-delà, nous n’avons pas été convaincus sur la question de la perception de l’intentionnalité dans ces incriminations. Qu’est-ce qui sera considéré comme intentionnel ? Selon quels critères objectifs ? Le risque d’arbitraire nous paraît bien trop important.
Cet article ne répond même pas à l’objet de la proposition de loi : la sûreté dans les transports.
Mes collègues Dossus et Fernique auront l’occasion de défendre des modifications nécessaires sur l’utilisation des algorithmes ou des caméras et sur bien d’autres aspects problématiques de ce texte.
Mes chers collègues, les gares ferroviaires, les stations de métro et de bus, les réseaux ferrés ainsi que les véhicules de transport sont, par nature, comme le rappelait la rapporteure, vulnérables à différentes menaces existantes et identifiées.
Pour autant, ce texte, quoique amélioré par les travaux de la commission, ne permettrait de prévenir délits ou attaques que très partiellement. Nous tenterons encore, au travers de différents amendements, de le rééquilibrer ; si ces derniers n’étaient pas adoptés, nous serions contraints de nous opposer à cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)