Mme la présidente. La parole est à M. Christian Bilhac, pour présenter l’amendement n° 12 rectifié.
M. Christian Bilhac. Je souhaite dire quelques mots, même si cet amendement est identique à celui qui vient d’être défendu par mon collègue Victorin Lurel.
On entend dire qu’il est très difficile d’évaluer le juste prix de souscription des titres d’EDF. Pourtant, quand le montant de 12 euros a été retenu pour indemniser les actionnaires salariés au moment de l’offre publique d’achat, aucune étude n’avait été réalisée en amont ! Aussi proposons-nous de nous en tenir à ce prix de 12 euros, qui correspond à celui auquel les salariés ont perdu leurs actions.
Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 2 rectifié ter est présenté par MM. Lurel, Cozic, Montaugé, Kanner et Raynal, Mmes Blatrix Contat et Briquet, M. Éblé, Mme Espagnac, MM. Féraud et Jeansannetas, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 11 rectifié est présenté par M. Bilhac, Mme M. Carrère, MM. Daubet et Cabanel, Mme N. Delattre, M. Fialaire, Mme Girardin, MM. Gold, Grosvalet et Guérini, Mme Guillotin, MM. Guiol, Laouedj et Masset, Mme Pantel et M. Roux.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Un arrêté du ministre chargé de l’économie fixe les modalités de l’opération d’actionnariat salarié permettant de mettre en place cette détention minoritaire. Une première opération d’actionnariat salarié est initiée dans les quatre mois suivant la publication de la loi n° … du … visant à protéger le groupe Électricité de France d’un démembrement à un prix de souscription maximal de 12 euros.
La parole est à M. Victorin Lurel, pour présenter l’amendement n° 2 rectifié ter.
M. Victorin Lurel. Il s’agit d’un amendement de repli, qui vise à aboutir à un consensus sur toutes les travées de notre hémicycle. Il tend à prévoir que les modalités du retour des salariés au capital d’EDF seront fixées par arrêté ministériel.
Cela étant, ledit arrêté fixera bel et bien le prix de rachat des titres à 12 euros pour éviter, selon le point de vue que l’on adopte, toute moins-value ou plus-value, bref pour aboutir à un certain équilibre.
Cet amendement permet, à notre sens, de répondre à certaines des objections qui ont été formulées de l’autre côté de l’hémicycle.
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Bilhac, pour présenter l’amendement n° 11 rectifié.
M. Christian Bilhac. Il est défendu.
Mme la présidente. L’amendement n° 9 rectifié ter, présenté par M. Canévet, Mmes N. Goulet et Guidez, MM. Longeot et Folliot, Mmes Jacquemet, Florennes et Carrère-Gée, MM. Bleunven, J.M. Arnaud et Cazabonne, Mme Havet, M. Duffourg, Mmes O. Richard et de La Provôté et M. Hingray, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 6
Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :
« Une opération d’actionnariat salarié par le biais d’une offre réservée aux salariés d’EDF ou de ses filiales et aux anciens salariés justifiant d’un contrat ou d’une activité rémunérée d’une durée accomplie d’au moins cinq ans avec EDF ou ses filiales est mise en œuvre dans le délai de trois mois à compter de la publication de la loi n° … du … visant à protéger le groupe Électricité de France d’un démembrement et, en tout état de cause, avant le 1er octobre 2024. Au moins 2 % du capital d’EDF sera proposé aux salariés et anciens salariés éligibles.
« Le prix de souscription hors rabais ne peut dépasser 12 euros.
« Un rabais est octroyé aux salariés et anciens salariés éligibles si les titres acquis ne peuvent être cédés avant une période de cinq ans.
« Un arrêté du ministre chargé de l’économie précise le nombre de titres proposés aux personnes éligibles et le prix de souscription ainsi que, le cas échéant, la durée de l’offre, les modalités d’ajustement de l’offre si la demande est supérieure à l’offre, le rabais, les mécanismes assurant la liquidité des titres et la partie des coûts pris en charge par l’État.
La parole est à M. Michel Canévet.
M. Michel Canévet. Mon amendement, de même nature que ceux qui viennent d’être présentés, est essentiel, car, comme je l’ai dit tout à l’heure dans mon propos liminaire, il est indispensable d’associer l’ensemble des salariés d’EDF à la bonne marche de l’entreprise.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christine Lavarde, rapporteur. Je m’étonne que les trois amendements suivants n’aient pas été joints à cette discussion commune, dans la mesure où ils traitent peu ou prou du même sujet, même s’ils ne sont pas incompatibles les uns avec les autres. De fait, l’adoption de l’un ou de l’autre des amendements qui viennent d’être défendus aura nécessairement une influence sur la suite de nos débats.
Dès lors que nous discutons des modalités d’ouverture du capital d’EDF à ses salariés, mon raisonnement vaut donc aussi bien pour ces cinq amendements en discussion commune que pour les trois amendements suivants, à savoir les amendements nos 14, 8 rectifié quater et 5.
Comme je l’ai déjà expliqué, la commission est favorable à une ouverture du capital d’EDF ; en revanche, elle se dit parfaitement incompétente pour définir le moment le plus opportun pour engager une telle opération, à la fois pour les futurs actionnaires et la stratégie de l’entreprise, qui, je le rappelle, est un actif national qui doit contribuer, demain, à fournir une énergie décarbonée à bas prix aux consommateurs, particuliers et industriels. Nous devons garder cet objectif en tête au moment de discuter de ce sujet.
La commission s’estime également totalement incompétente pour valoriser correctement une société non cotée comme EDF. Je ne sais pas vous dire aujourd’hui si le juste prix de souscription est de 12, 13 ou 14 euros. Il s’agit d’un exercice compliqué, qui nécessite un peu de travail – je vous ferai grâce de plus amples explications.
Pour toutes ces raisons, la commission est défavorable aux amendements identiques nos 1 rectifié ter et 12 rectifié, ainsi que, pour les mêmes raisons, aux amendements identiques nos 2 rectifié ter et 11 rectifié.
S’agissant de l’amendement n° 9 rectifié ter, défendu par notre collègue Michel Canévet, j’opposerai les mêmes arguments : avis défavorable.
À ce stade, l’essentiel, me semble-t-il, est d’entendre l’avis du Gouvernement sur cette opération d’actionnariat salarié.
Soit il considère que la rédaction issue du texte de la commission est satisfaisante, c’est-à-dire qu’il fait sienne l’idée qu’un jour – j’ignore si ce sera demain, dans six mois ou dans un an – le capital d’EDF pourra être ouvert aux salariés, ainsi qu’aux anciens salariés de l’entreprise – il est en effet important d’offrir la possibilité à ceux qui détenaient des actions, acquises en 2005 et vendues en 2023, de les racheter –, et, dans ce cas, un certain nombre des amendements, qui ont pour objet de « cranter » cette disposition « dans le dur » de la loi, en somme d’aller plus loin que le texte de la commission, n’ont plus lieu d’être ; soit l’exécutif réaffirme qu’il est opposé à cette rédaction et, dans ce cas, je suis obligée de vous dire que ces amendements ne me semblent pas techniquement satisfaisants. En les adoptant, on légiférerait en effet un peu les yeux fermés sur des critères qui, de mon point de vue, relèvent non pas de la loi, mais du domaine réglementaire, lequel offre beaucoup plus de souplesse.
Sur ce sujet, je vous demande donc, monsieur le ministre, de bien vouloir nous éclairer.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Le Gouvernement émet le même avis défavorable que la commission sur ces cinq amendements en discussion commune.
Cela dit, je pense que le fait de passer un peu de temps sur la question de l’ouverture du capital d’EDF aux salariés est une bonne chose.
Je suis en effet l’un des grands défenseurs de l’actionnariat salarié. C’est mon côté gaulliste, un gaullisme que je partage d’ailleurs avec Mme la rapporteure. (M. Christian Bilhac s’exclame.)
M. Jean-François Husson. Cette tendance est tout de même plus prononcée chez Christine Lavarde ! (Sourires.)
M. Mickaël Vallet. Que celui qui n’est pas gaulliste lève la main ! (Mêmes mouvements.)
M. Bruno Le Maire, ministre. Dont acte.
Je rappelle à ce titre que nous avons considérablement renforcé les dispositions sur l’intéressement, la participation, l’actionnariat salarié au cours des sept dernières années.
Désormais, trois options se présentent à nous.
Première option, nous pourrions prévoir qu’EDF ouvre plus largement son capital aux salariés, tout en laissant l’entière liberté de décision sur la date, le montant et les modalités de l’opération à la direction de l’entreprise. Cette option minimale, la plus souple, est celle que propose le Gouvernement…
Mme Christine Lavarde, rapporteur. C’est aussi celle que défendra la commission !
M. Bruno Le Maire, ministre. … - et la commission… - au travers de son amendement n° 14, qui sera examiné dans quelques instants.
La deuxième option consiste à dire que cette ouverture de capital est, non plus une faculté, comme le Gouvernement le préconise, mais une obligation – c’est la position que défend la commission, qui va donc un peu plus loin que nous. Nous préférons, de notre côté, laisser la faculté à EDF de mettre en œuvre l’ouverture de son capital aux salariés, sans fixer de date ou de prix, quand votre commission des finances, madame la rapporteure, considère que cette opération doit être une obligation pour EDF, à charge pour l’entreprise de l’engager lorsqu’elle le décidera et suivant des modalités qu’elle fixera elle-même.
Enfin, la troisième option, celle que défend M. Canévet dans son amendement, va trop loin, car elle consiste à fixer une fraction minimale de capital à proposer aux salariés et anciens salariés d’EDF. En l’espèce, il s’agit de consacrer 2 % de ce capital à l’opération, là où nous étions à 1,3 % avant le lancement de l’offre publique, ce qui correspond, au cours actuel de l’action EDF, à un montant de 1 milliard d’euros. C’est une grosse somme ! Il faudra ensuite trouver suffisamment de souscripteurs…
D’une certaine manière, on crée là une obligation – plutôt qu’une faculté - de souscription pour les salariés d’EDF à hauteur de 1 milliard d’euros, ce qui, je le répète, représente un montant très élevé. C’est pourquoi j’estime que cette troisième option va trop loin et que je suis défavorable à l’amendement n° 9 rectifié ter.
En résumé, l’option du Gouvernement est celle d’une faculté laissée à EDF, suivant des modalités et un calendrier qu’elle définira, de mener cette opération d’actionnariat, quand l’option défendue par la commission est celle d’une obligation faite à EDF, tandis que la dernière, celle de M. Canévet, crée de facto une obligation chiffrée s’imposant aux salariés.
Peut-être parviendrons-nous à trouver un consensus ou à parvenir à un compromis autour de la deuxième option, l’option intermédiaire. En disant cela, j’offre quelques perspectives pour la suite sur ce sujet important.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marion Canalès, pour explication de vote.
Mme Marion Canalès. Ce texte a pour objet d’offrir à la France un service public de l’énergie auquel elle n’aurait jamais dû renoncer. Les deux amendements nos 1 rectifié ter et 2 rectifié ter du groupe socialiste visent à permettre aux salariés d’EDF d’en devenir actionnaires à un prix d’achat du même montant que l’indemnité qu’ils ont perçue au moment de leur expropriation.
La nationalisation ne doit pas se réduire à une étatisation technocratique. L’actionnariat salarié garantit aux travailleurs de bénéficier du fruit de leur travail et d’être associés aux décisions. Tout ce qui tend à démocratiser nos entreprises doit être renforcé et prolongé : c’est la raison pour laquelle nous avons déposé ces amendements.
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Bilhac, pour explication de vote.
M. Christian Bilhac. Madame la rapporteure, je vous ai écoutée attentivement en commission, ce matin, de même qu’en séance publique, cet après-midi, et – peut-être est-ce lié à mon grand âge – je n’ai toujours pas compris vos arguments.
Je vais vous poser, à vous et à M. le ministre, une question très simple : si vous aviez été salariés d’EDF et que l’on vous avait racheté vos actions contre 12 euros, trouveriez-vous normal d’avoir à sortir 15, 16 ou – pourquoi pas - 17 euros quelques mois après ? À leur place, trouveriez-vous cette situation normale ?
Pour ma part, je partage le point de vue des salariés, et je trouve qu’il est normal qu’ils rachètent leurs actions au prix où on les leur a achetées, autrement dit pas à un prix inférieur, car cela occasionnerait une perte pour la société, ni à un prix supérieur, parce qu’ils y perdraient.
La logique et la justice nous commandent, me semble-t-il, d’accepter ce prix de 12 euros, qui est le prix auquel les anciens actionnaires salariés ont dû vendre leurs actions.
Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Christine Lavarde, rapporteur. J’ai cru entendre dans les propos du ministre une forme d’ouverture ou un éclaircissement bienvenu de la position qui pourrait être la sienne dans la suite de notre discussion, à savoir l’abandon de ce que défendait le Gouvernement en première lecture, autrement dit l’ouverture optionnelle du capital d’EDF.
Il me semble que j’ai entendu le ministre nous dire que la principale difficulté résidait dans les problèmes que nous rencontrons pour définir avec exactitude la bonne date de l’opération et le juste prix de souscription des titres dans un contexte plein d’incertitudes.
Comme je l’ai souligné au cours de la discussion générale, le fonctionnement du marché de l’énergie, tant européen que national, est en pleine redéfinition. Certes, un accord est intervenu au sein du Conseil sur le marché européen de l’électricité à la fin du troisième trimestre 2023, mais les négociations se poursuivent, et le trilogue n’a pas encore eu lieu. On ne peut donc pas savoir précisément ce qui ressortira de la réforme du marché européen de l’électricité.
À l’échelon national, nous aurons prochainement à discuter d’un projet de loi sur la souveraineté énergétique, mais le ministre lui-même vient de nous dire que son examen serait reporté, pour partie, à une autre date.
J’avoue que je ne comprends pas très bien, mes chers collègues, les raisons pour lesquelles vous avez adopté cette position, alors même que vous prétendez défendre les salariés. Cela étant, je suis d’accord avec vous sur ce point : je suis prête à les défendre moi aussi. La preuve en est que j’ai soutenu, avec le rapporteur général, l’actionnariat salarié au cours de l’examen de la loi Pacte.
Pour autant, il ne me semble pas qu’il soit contradictoire de ne pas vouloir inscrire en dur dans la loi les modalités de cette ouverture du capital et d’affirmer que l’on est favorable à une telle ouverture. C’est exactement ce que nous faisons grâce au texte de la commission.
Je le redis ici, le fait d’employer le présent de l’indicatif et non pas le conditionnel a un sens : cela prouve que l’on tient à cette disposition ; en revanche, nous ne voulons que cette mesure soit mise en œuvre n’importe comment.
J’espère vous avoir convaincus qu’il me semble raisonnable de voter contre tous ces amendements et de poursuivre l’examen de l’article 2.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Bruno Le Maire, ministre. J’ai exactement le même avis que Mme la rapporteure.
Par ailleurs, le fait d’imposer une obligation de souscription aux salariés, pour un montant de 1 milliard d’euros, me pose un vrai problème de principe. Je rappelle qu’une telle opération obligerait chaque salarié à débourser 2 500 euros – c’est une somme considérable !
On peut certes considérer que le texte du Gouvernement ne va pas suffisamment loin – nous allons en discuter, d’autant que je pense que le texte de la commission est raisonnable et permet d’aboutir à un meilleur équilibre, en faisant obligation à EDF d’ouvrir davantage son capital –, mais n’empiétons pas pour autant sur la liberté des salariés de l’entreprise. Ce n’est pas le rôle des parlementaires de décider à la place des salariés où ils doivent investir leur argent – car c’est ce que vous faites à travers ces amendements.
Mme la présidente. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.
M. Victorin Lurel. Selon vous, monsieur le ministre, le Gouvernement offre une faculté, quand nous proposons une obligation. Permettez-moi de préciser que cette obligation vise l’ouverture du capital d’EDF – nous rendons obligatoire l’opération de cession – et aucunement la souscription des salariés : c’est l’arrêté ministériel qui fixera, en fonction de la demande, les modalités de cette opération de cession. Si un salarié ne veut pas acheter ou racheter les titres de l’entreprise, il n’y sera évidemment pas contraint.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 1 rectifié ter et 12 rectifié.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 112 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 341 |
Pour l’adoption | 173 |
Contre | 168 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
En conséquence, les amendements nos 2 rectifié ter, 11 rectifié et 9 rectifié ter n’ont plus d’objet.
Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 14, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Remplacer les mots :
minorée, dans des proportions inférieures à une limite fixée par décret, par le capital détenu par les salariés et les anciens salariés de l’entreprise
par les mots :
le cas échéant, minorée, dans des proportions inférieures à une limite fixée par décret, par le capital détenu par les salariés de l’entreprise et par les anciens salariés adhérents du plan d’épargne groupe de l’entreprise
La parole est à M. le ministre.
M. Bruno Le Maire, ministre. Je veux redire à quel point il me paraît préférable que l’ouverture du capital d’EDF soit fixée par l’entreprise selon des modalités décidées par la gouvernance de celle-ci. Je ne suis pas favorable à ce que la loi oblige à ouvrir le capital de l’entreprise aux salariés pour un montant déterminé à l’avance.
Je reste convaincu qu’en imposant par la loi le montant, la date et la nature exacte de l’opération d’ouverture du capital d’EDF, nous nous éloignons notablement de la manière dont devraient fonctionner le marché de l’électricité et l’entreprise EDF elle-même. Pour moi, ce n’est pas le rôle du législateur de prendre une telle décision : il empiète ainsi sur la bonne gouvernance de l’entreprise.
On peut certes en discuter – tout le monde n’aura pas le même avis sur le sujet –, mais je persiste et je signe : avec cet amendement, le Gouvernement offre la faculté à EDF d’ouvrir son capital.
En revanche, la volonté des parlementaires de gérer les entreprises publiques à la place des entreprises elles-mêmes…
M. Mickaël Vallet. Ce ne sera pas pire !
M. Bruno Le Maire, ministre. … constitue, d’après moi, un geste de défiance vis-à-vis de la direction et du corps social de ces entreprises – en l’espèce d’EDF. Je le dis avec beaucoup de fermeté et de conviction : c’est une erreur !
À mon sens, l’amendement du Gouvernement est mieux calibré, plus équilibré que le texte du Sénat, tout simplement parce qu’il respecte l’indépendance et la gouvernance de l’entreprise, et qu’il respecte davantage, dans le fond, le corps social et la négociation syndicale et sociale au sein d’EDF.
Mme la présidente. L’amendement n° 8 rectifié quater, présenté par M. Canévet, Mmes N. Goulet et Guidez, MM. Longeot, Folliot et Kern, Mmes Jacquemet et Florennes, MM. Bleunven, J.M. Arnaud et Cazabonne, Mme Havet, M. Duffourg, Mmes O. Richard, de La Provôté et Carrère-Gée et M. Hingray, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Remplacer les mots :
dans des proportions inférieures à une limite fixée par décret
par les mots :
jusqu’à 10 % du capital social de l’entreprise
La parole est à M. Michel Canévet.
M. Michel Canévet. Il est défendu.
Mme la présidente. L’amendement n° 5, présenté par MM. Szczurek, Hochart et Durox, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Remplacer les mots :
des proportions inférieures à une limite fixée par décret
par les mots :
la limite de 10 % du capital
La parole est à M. Christopher Szczurek.
M. Christopher Szczurek. Il est défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christine Lavarde, rapporteur. À la suite de l’adoption des amendements identiques nos 1 rectifié ter et 12 rectifié, la philosophie qui sous-tend l’article 2 a quelque peu évolué.
Avant ce vote, la commission avait une position claire : elle était très défavorable à l’amendement du Gouvernement, qui tendait à revenir sur les principes que nous avions réaffirmés dans le texte adopté ce matin.
Dès lors que notre assemblée a décidé qu’il fallait définir très précisément, par arrêté, les modalités d’organisation de cette opération, j’ai du mal à comprendre comment celle-ci pourrait devenir optionnelle. À mon sens, l’amendement du Gouvernement est désormais incompatible avec la version de l’article 2, telle qu’elle résulte du vote qui vient d’avoir lieu.
Pour autant, au regard de tout ce que j’ai pu dire, il pourrait être judicieux d’engager cette opération d’ouverture du capital si les critères que l’on a fixés en dur dans la loi se révélaient efficaces – ou de ne pas la lancer s’ils ne l’étaient pas – ou, en tout cas, cohérents avec le contexte économique.
La commission est favorable à l’amendement n° 8 rectifié quater, car il tend à fixer un objectif, qui figure déjà dans la loi Pacte, à savoir un pourcentage maximum de capital social de l’entreprise qui pourrait être ouvert aux salariés. S’il était adopté, il contribuerait à mettre en cohérence cette proposition de loi avec le cadre législatif en vigueur.
Enfin, nous demandons le retrait de l’amendement n° 5 au profit de l’amendement n° 8 rectifié quater, dont le dispositif est mieux rédigé.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Je suis défavorable aux amendements nos 8 rectifié quater et 5, car ils ne sont pas compatibles avec la position que j’ai défendue.
Je le répète, nous touchons là à une vraie question de principe : une entreprise publique se gère-t-elle elle-même, y compris lorsqu’il est question d’ouvrir son capital, ou est-ce à la loi qu’il revient de décider de sa gestion ? Il n’est vraiment pas de bonne politique de voter une loi définissant la gestion d’une entreprise publique. En règle générale, cela ne finit pas très bien…
Mme la présidente. Monsieur Szczurek, l’amendement n° 5 est-il maintenu ?
M. Christopher Szczurek. Oui, je le maintiens, madame la présidente, car je considère qu’il s’agit là d’un prétexte pour ne pas avoir à le voter.
Pour autant, je voterai évidemment l’amendement n° 8 rectifié quater de M. Canévet.
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.
M. Éric Kerrouche. Monsieur le ministre, vous ne cessez de nous expliquer votre position quant au vote qui vient d’avoir lieu. Je vous rappelle simplement que, si vous avez parfaitement le droit d’exprimer votre opinion – c’est la vôtre –, vous êtes néanmoins tenu de respecter ce vote, qui plus est quand il s’agit d’un vote du Parlement, et ce nonobstant vos options personnelles. Du reste, c’est ce que, de temps en temps, nous sommes nous aussi amenés à faire.
Mme la présidente. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.
M. Victorin Lurel. Monsieur le ministre, vous insistez lourdement sur le fait qu’il s’agirait d’une immixtion dans la gestion interne, le management, de la société. Dans votre philosophie, le Gouvernement et le Parlement ne pourraient pas fixer un cadre général, ce qui est le cas en l’espèce, et laisser les dirigeants de la société fixer les modalités d’application, après avoir organisé le dialogue social. Vouloir diriger à la place des dirigeants, ce n’est pas notre vision des choses ; en revanche, pourquoi le Parlement ne pourrait-il pas signifier à la technostructure – ce terme n’est pas péjoratif dans ma bouche – qu’un cadre a été fixé ?
Je demande au Sénat de respecter l’avis défavorable de la commission sur l’amendement du Gouvernement, et de rester en harmonie et en congruence avec ce que nous venons de voter tous ensemble ici.
Notre groupe ne votera pas l’amendement n° 14 et soutiendra l’amendement n° 8 rectifié quater de M. Canévet : nous sommes d’accord pour fixer un taux de 10 % du capital des entreprises à atteindre par l’actionnariat salarié, ce qui correspond d’ailleurs au texte et à l’esprit de la loi Pacte.
Mme la présidente. En conséquence, l’amendement n° 5 n’a plus d’objet.
L’amendement n° 3 rectifié ter, présenté par MM. Lurel, Cozic, Montaugé, Kanner et Raynal, Mmes Blatrix Contat et Briquet, M. Éblé, Mme Espagnac, MM. Féraud et Jeansannetas, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Remplacer les mots :
est détenu
par les mots :
du code de l’énergie et le capital des sociétés gestionnaires des réseaux de transport d’électricité sont détenus
La parole est à M. Franck Montaugé.