M. le président. La parole est à M. Jean Hingray. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Jean Hingray. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, notre collègue Pierre Jean Rochette vient d’évoquer les Stéphanois, j’évoquerai pour ma part mon département des Vosges.
Il en est question dans un reportage qui fait référence aux violences dans le football et qui sera diffusé – j’en fais la promotion, on n’est jamais mieux servi que par soi-même – le 3 février prochain, à dix-huit heures, sur Public Sénat, puis sur France 3 et Canal+.
Vous y découvrirez notamment les clubs de Moriville, Nomexy, Épinal, Mirecourt ou Vincey et entendrez le président du district, mon ami Bruno Herbst, poser des questions simples.
Ignorant, madame la ministre, si vous avez répondu à ces questions à l’occasion de ce reportage, je me permets de vous les poser ce soir.
Dans la mesure où les violences dans le football ont des répercussions sur l’attribution des droits télévisuels, que comptez-vous faire pour sauvegarder ces derniers, dont dépendent directement les finances de nos clubs amateurs ?
Quelles mesures envisagez-vous par ailleurs en matière de formation des dirigeants et des bénévoles ? À l’exception des clubs évoluant dans les divisions les plus élevées, en Régional 1 par exemple, nos clubs amateurs en sont quasi dépourvus.
Comptez-vous rendre obligatoire la signature de chartes éthiques prônant par exemple la laïcité ?
Projetez-vous, comme cela fut le cas en 2014 contre le racisme, de diffuser un spot publicitaire contre les violences dans le football, qui ferait intervenir des joueurs professionnels ?
J’espère que ces questions trouveront un écho ce soir. En tout état de cause, nous nous retrouverons lors des assises du football. Nous comptons bien, en effet, continuer à prendre part à ce débat.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse, des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques. Monsieur le sénateur Hingray, je vous remercie tout d’abord pour votre précieuse implication sur cette thématique, dans un contexte récent marqué par l’exacerbation des violences.
Je partage vos propos. La valeur de notre championnat dépend en effet des valeurs de ceux qui l’entourent, notamment de ses supporters.
J’ai évoqué les pistes sur lesquelles nous avançons à grands pas. L’une d’entre elles me paraît cruciale, il s’agit de la manière dont nous préparons les rencontres de football en préfecture, avec les directeurs de la sûreté et de la sécurité des clubs, les référents supporters et les policiers référents supporters visiteurs.
On le voit : chaque fois que le dialogue se noue dans ces instances avec suffisamment d’anticipation, nous trouvons quasi systématiquement les solutions pour éviter les interdictions de déplacement de supporters et mettre au point, au contraire, leur encadrement.
Cet encadrement est beaucoup plus constructif, partagé et attendu par les acteurs.
Nous y travaillons avec l’autorité préfectorale, en nous appuyant également, pour l’analyse des matchs considérés comme « à risque », sur la division nationale de lutte contre le hooliganisme (DNLH), dont le chef, Thibaut Delaunay, est présent à nos côtés.
Soyez assurés que ces risques, parfois aggravés par la consommation de stupéfiants, sont pris en compte dans notre réflexion globale.
Enfin, je souhaite mentionner la formation des stadiers, qui est parfois insuffisante pour gérer les débordements en tribunes lors des matchs de football. Il s’agit d’un point capital sur lequel nous travaillons avec la Ligue de football professionnel.
M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus.
M. Thomas Dossus. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je remercie le groupe Union Centriste pour l’organisation de ce débat.
Le début de la saison de Ligue 1 a été émaillé de nombreux incidents d’une extrême gravité, depuis le caillassage du bus lyonnais à Marseille, qui a mis en danger les joueurs et blessé l’entraîneur, jusqu’au drame qui a coûté la vie à un supporter nantais, le 2 décembre dernier lors d’une rixe, en passant par les actes racistes de la part des supporters lyonnais.
Huit épisodes d’une extrême violence ont ainsi mis en danger la vie de plusieurs personnes. Nul ne peut aujourd’hui minimiser la gravité de la situation.
Cela a été dit : il n’y a pas de football populaire sans supporters dans les stades.
Chaque week-end, le football surmobilise néanmoins nos forces de sécurité. Si l’approche sécuritaire est nécessaire, elle ne peut manifestement prévenir, à elle seule, la récurrence des flambées de violence à l’intérieur et à l’extérieur des stades.
Les interdictions préfectorales de déplacement, qui sanctionnent collectivement des supporters par le biais d’arrêtés pris parfois à la veille des matchs, sur la base de motifs abscons qui entraînent une multiplication des contentieux, sont souvent tout autant sources de désordre et porteuses de risques pour les supporters eux-mêmes.
Si l’on veut sortir de cette impasse, la solution à moyen terme ne peut résider que dans le renforcement du dialogue entre les clubs, les supporters et les autorités publiques. Développer la confiance renforcera la responsabilité de chacun.
Le 18 décembre dernier, madame la ministre, vous avez réuni l’Instance nationale du supportérisme afin de la réactiver. Cette structure est utile : elle mériterait d’avoir un fonctionnement plus régulier.
Toutefois, puisque nous sommes ici au Sénat, dans la chambre des territoires, nous pensons qu’il pourrait être judicieux de décliner ce type d’instance de dialogue au niveau local.
Envisagez-vous, madame la ministre, dans le plan d’action dont vous nous avez donné les très grands traits de renforcer les espaces de dialogue locaux, qui associent les préfets, les collectivités, les clubs et les associations de supporters pour anticiper et préparer, en amont de la saison, les matchs à risques, au plus près des territoires concernés.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse, des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques. Monsieur le sénateur Dossus, l’idéal serait en effet que les déplacements de supporters puissent avoir lieu le plus souvent possible et que nous n’ayons plus besoin d’avoir recours à des mesures d’interdiction : celles-ci sont, au fond, la défaite du supportérisme et du sport. Elles ne doivent être utilisées qu’en dernière hypothèse, mais elles sont parfois indispensables.
En lien avec la DNLH, sous son autorité, nous travaillons ainsi à identifier les rencontres qui nécessitent ces mesures d’interdiction, parfois pour des causes structurelles – l’existence de rivalités particulièrement fortes, de conflits ancrés et enkystés entre des groupes, ou la présence identifiée d’individus particulièrement violents –, parfois pour des raisons plus conjoncturelles, liées au contexte à un moment donné, qui sont plus complexes parfois à anticiper.
En Ligue 1, la moitié des rencontres ont été classées à risques par la DNLH depuis le début de la saison, et on observe, comme je l’indiquais dans mon propos liminaire, une hausse des violences, en dépit souvent des mesures d’encadrement qui avaient été prises, de préférence aux interdictions.
Comme vous, monsieur le sénateur, j’appelle de mes vœux la mise en place d’une démarche d’anticipation collective, collégiale. Celle-ci a pour lieu naturel les préfectures. Il faut que nous anticipions. Ce dialogue est très attendu par les référents supporters et par les associations de supporters. Il est important que la période de moratoire que nous avons connue en décembre ne nous empêche pas de reprendre vite la voie du dialogue, de la coconstruction. Nous devons veiller avec la plus grande fermeté et la plus grande exigence au respect des mesures d’encadrement, lorsque ce sont ces dernières, et non des mesures d’interdiction, qui ont été édictées.
M. le président. La parole est à M. Gérard Lahellec.
M. Gérard Lahellec. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, bien subtil est l’exercice qui consiste à concilier l’attractivité populaire du football et le besoin légitime de sécurité.
Des violences s’exercent, comme cela a été dit, à la fois dans les stades et dans leurs alentours, dans le football professionnel comme dans le football amateur.
Face à ces violences, nous pourrions être tentés de légiférer de nouveau, pour renforcer une énième fois les sanctions à l’égard des clubs. Mais si nous alourdissons les contraintes, nous prenons le risque d’altérer la discipline. Nous devons au contraire permettre aux clubs d’exercer pleinement leurs missions.
Nous pourrions aussi être tentés par le modèle anglo-saxon, dont on connaît les travers : celui-ci consiste à faire évoluer la sociologie des supporters, en jouant, par exemple, sur le prix des places. Or le football doit demeurer populaire.
Ayant moi-même le privilège de côtoyer le Kop rouge des supporters de l’En Avant de Guingamp, je puis vous assurer que cette association populaire n’est pas étrangère à la qualité réputée du public, qui fait que nous disposons d’un stade de plus de 17 000 places dans une ville de 7 800 habitants ! Il s’agit d’un petit club, me direz-vous, mais il a tout de même remporté deux fois la Coupe de France ! Le Kop rouge est « l’âme du stade » ; il entretient une relation fusionnelle avec l’équipe… Il convient donc, à mes yeux, d’encourager cette culture.
C’est pourquoi nous souhaitons favoriser l’ouverture des fédérations sportives aux associations de supporters, lesquelles jouent un rôle stabilisateur fondamental, y compris du point de vue de la sérénité et de la sécurité.
Madame la ministre, pouvez-vous nous assurer que les dispositions visant à lutter contre les violences seront mises en œuvre avec le souci de préserver le caractère populaire du football français ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse, des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques. Monsieur le sénateur, Lahellec, je suis, comme vous, attachée à un football populaire, car c’est cette dimension qui constitue sa force fédératrice, capable de rassembler une ville, un territoire, voire tout un pays derrière une équipe, autour des valeurs de solidarité et de respect.
Le football doit être un exemple pour tous, notamment pour notre jeunesse, pour les 2,2 millions de licenciés qui pratiquent le football dans notre pays, dans 13 000 clubs amateurs, ou pour les dizaines de milliers de spectateurs qui animent chaque semaine les tribunes.
C’est pourquoi je suis optimiste : je pense résolument qu’il y a un chemin pour conjuguer une ambiance totale dans nos stades et un public nombreux, jeune, familial, populaire, avec des enfants. Notre but est qu’un papa ou une maman n’ait plus de réticence, parfois de peur, à emmener son enfant au stade, où qu’il se trouve dans notre beau pays.
M. le président. La parole est à M. Ahmed Laouedj.
M. Ahmed Laouedj. Madame la ministre, la violence dans le sport est présente à tous les niveaux et peut entraîner des conséquences dévastatrices pour les personnes qui en sont victimes.
Elle peut prendre différentes formes : des insultes et des menaces verbales aux agressions physiques, en passant par le harcèlement et l’intimidation.
Elle peut venir des spectateurs, des coéquipiers, des entraîneurs, des officiels. Elle peut se produire sur le terrain, dans les vestiaires ou en dehors du stade.
Chaque jour, le sport est dénaturé par la violence. Le milieu du football est particulièrement touché par ce phénomène.
Le 29 octobre dernier, les joueurs lyonnais subissaient une violente attaque des supporters marseillais. Un groupe de supporters lyonnais a répondu par des actes racistes à l’encontre des joueurs marseillais : imitations de singes et saluts nazis ont ainsi été aperçus dans les gradins.
Cette réaction est révélatrice d’un autre phénomène qui semble s’intensifier dans les stades ces dernières années : la montée du racisme. En avril dernier, le club des Girondins de Bordeaux dénonçait des attaques à caractère raciste contre son défenseur Malcom Bokele lors d’une rencontre contre le Sporting Club de Bastia.
Ces actes ne sont pas réservés au milieu du football. L’importante médiatisation de ce sport place ces agissements au cœur de l’actualité, mais ils ne sont pas propres à ce milieu.
Madame la ministre, plusieurs mesures ont été prises ces dernières années pour lutter contre les violences dans le sport et endiguer le racisme dans les stades, mais elles restent insuffisantes. Certains experts considèrent qu’il ne faut pas sous-estimer ces comportements et que des sanctions plus fortes doivent être prises. Que comptez-vous faire concrètement pour accentuer la lutte contre les violences dans le milieu sportif ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse, des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques. Monsieur le sénateur Laouedj, vous avez totalement raison, il n’y a aucune place dans le sport, comme d’ailleurs dans le reste de notre société, pour la violence, le racisme, la haine ou les discriminations !
Dans le football comme dans les autres disciplines, cela doit être la tolérance zéro !
Face au racisme, notre plan d’action est ferme.
Il faut d’abord agir dans le champ de la prévention, par la formation de tous les acteurs, à commencer par celle des éducateurs sportifs, qu’ils soient professionnels ou bénévoles. C’est pour cette raison que j’ai souhaité que 100 % d’entre eux soient spécifiquement formés sur le sujet de la lutte contre les discriminations et le racisme, et nous avons commencé dès la fin de l’année 2023 à mettre en œuvre les premiers modules de formation obligatoire.
Il convient aussi que les sanctions individuelles soient fermes, qu’elles soient disciplinaires, sous l’égide de la Ligue de football professionnel et de la Fédération française de football – ces dernières sont, je le sais, investies sur ces sujets –, ou pénales : l’implication des clubs doit être totale pour identifier chaque auteur de tels propos et engager les poursuites nécessaires.
J’ai d’ailleurs souhaité inscrire dans la loi du 19 mai 2023 le caractère obligatoire de la peine complémentaire d’interdiction judiciaire de stade (IJS) pour tous les agissements racistes, discriminatoires ou homophobes. Cela fut fait grâce à vous, mesdames, messieurs les sénateurs.
En ce qui concerne les saluts nazis et les cris racistes du 29 octobre dernier, le parquet de Marseille a requis trois mois de prison ferme et trois ans d’interdiction de stade à l’encontre des deux prétendus supporters de l’Olympique lyonnais. Les auteurs de tels actes doivent être durablement éloignés de nos stades.
Soyez sûr, monsieur le sénateur, que le garde des sceaux et moi-même sommes totalement mobilisés pour apporter une réponse pénale ferme, et pour procéder, en amont, à une démarche, indispensable, de sensibilisation, aux côtés des instances sportives, afin de mettre fin au racisme, à l’antisémitisme, mais aussi aux actes anti-LGBT+, dans tous nos stades.
M. le président. La parole est à M. Didier Rambaud.
M. Didier Rambaud. Madame la ministre, si le sport permet de transmettre des valeurs, reconnaissons que, en matière de respect, il reste encore fort à faire dans le football. Depuis plusieurs mois, nous constatons en France, comme chez nos voisins européens, une multiplication et une aggravation des actes violents lors de rencontres, dans les stades ou à leurs abords.
À l’ère des réseaux sociaux, on pourrait se dire que la violence dans le football est plus facilement visible de tous. Celle-ci n’est pas nouvelle, certes. Toutefois, les données dont nous disposons montrent qu’elle connaît une recrudescence.
La division nationale de la lutte contre le hooliganisme observe ce phénomène et produit régulièrement des rapports sur les débordements et les interpellations lors des rencontres de Ligue 1 et de Ligue 2.
Ses dernières études montrent que la tendance est alarmante. Lors de l’exercice 2022-2023, le nombre d’interpellations a ainsi augmenté globalement de 15 %, toutes infractions et toutes compétitions confondues. Certaines interpellations sont liées à des faits de pyrotechnie, mais il convient d’évoquer aussi des épisodes de violences particulièrement graves : je pense notamment à l’attaque du bus de l’Olympique lyonnais ou encore à la mort récente d’un supporter nantais, qui ont déjà été évoquées.
Ces violences constituent une véritable gangrène pour le sport professionnel. Malheureusement, elles touchent aussi le football amateur, y compris dans les zones rurales et dans les petits clubs. Là encore, les exemples récents sont nombreux : agression d’un éducateur d’enfants de la catégorie U9 du club de Linas-Montlhéry, cris de singe pendant un match à Vierzon, agression de jeunes du club de Montrésor et dégradation de leur minibus, etc.
Si les causes de ces violences peuvent être d’ordre sociologique ou organisationnel, toujours est-il que nous devons agir collectivement pour que le football de demain soit synonyme de respect de l’adversaire et de l’autre en général.
Le 18 décembre dernier, vous avez présidé, madame la ministre, la douzième séance plénière de l’Instance nationale du supportérisme – une instance que vous avez relancée en 2022, en lui donnant un nouveau souffle. Quelles sont les perspectives de travail de cette instance dans la lutte contre les violences associées au football ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse, des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques. Je vous remercie, monsieur le sénateur Rambaud, pour votre ambition en la matière.
Comme je l’ai indiqué rapidement dans mon propos liminaire, l’INS avait été créée par la loi Larrivé du 10 mai 2016. Elle s’était par la suite un petit peu repliée, voire délitée, fonctionnant au ralenti. Nous l’avons relancée, vous l’avez dit, en menant un certain nombre de travaux ; je pense notamment à l’encadrement de la pyrotechnie à titre expérimental, à la mise en place de policiers référents auprès des supporters visiteurs, ou encore à l’expérimentation des tribunes debout.
Le 18 décembre dernier, nous avons préparé l’initiative globale, collective, que j’évoquais précédemment, et que nous annoncerons dans les toutes prochaines semaines : nous voulons améliorer la préparation des déplacements de supporters, progresser dans l’individualisation des sanctions, en utilisant notamment l’arsenal de mesures que nous fournit la loi du 19 mai 2023 en matière de systématisation des IJS. Il s’agit par exemple de travailler sur la durée effective de ces interdictions. La loi nous permet aujourd’hui de prononcer des interdictions pour une durée pouvant aller jusqu’à cinq ans, mais fréquemment nous n’allons que jusqu’à deux ou trois années, alors qu’il est possible d’aller jusqu’à huit ans en Allemagne, et jusqu’à dix ans au Royaume-Uni.
Parallèlement, nous souhaitons continuer à faire le meilleur usage possible des interdictions administratives de stade, qui ont l’avantage de pouvoir être prises rapidement, mais dont nous avons aussi voulu, dans un esprit de justice, d’efficacité et d’équilibre, améliorer certaines modalités, notamment en matière de pointage et d’articulation avec les IJS.
Il nous reste quelques axes de travail. Ils concernent notamment le rôle du policier référent auprès des supporters visiteurs, dont la création semble très prometteuse, ou la manière de faire pleinement usage des possibilités que nous offrent les textes existants.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Lozach.
M. Jean-Jacques Lozach. Les exactions commises ces dernières années, dans le football professionnel comme amateur, qu’elles soient spontanées ou préméditées – actes de vandalisme, affrontements entre supporters rivaux, outrages aux forces de l’ordre, injures à caractère raciste, propos discriminatoires, banderoles outrancières, jets de projectiles… – ne constituent en rien des moyens d’action et d’expression acceptables.
Ces actes, dont le nombre est en recrudescence, doivent être fermement combattus, afin de laisser place à un environnement footballistique serein et à des tribunes pacifiées.
La doctrine qui est prônée depuis près de quarante ans n’est que partiellement dissuasive. Celle-ci est fondée essentiellement sur la répression et la restriction des libertés pour répondre aux comportements les plus graves ; elle est articulée autour du « principe de précaution », de la « tolérance zéro » et de l’« éradication de la violence ». Nos politiques publiques et sportives doivent évoluer.
L’approche partenariale, le dialogue collaboratif et constructif engagés depuis 2016 au sein de l’Instance nationale du supportérisme doivent s’intensifier. Il faut rompre avec la logique des mobilisations ponctuelles en réaction à des incidents graves et offrir un cadre propice à un travail de fond plus régulier.
Les supporters deviennent des interlocuteurs et des acteurs incontournables du football. Il faut que leur engagement dans la vie des clubs soit mieux reconnu, que leur rôle soit institutionnalisé, et qu’une place plus grande leur soit accordée dans la gouvernance de ces structures.
Pourquoi, par exemple, ne pas revaloriser le statut des référents supporters ? Ces derniers pourraient siéger au conseil d’administration des clubs. En contrepartie, la puissance publique est en droit d’exiger de certains mouvements ultras qu’ils se dépouillent de leur radicalité et cessent d’assumer certaines formes de violences.
Madame la ministre, les actions de prévention sociale et pédagogique, combinées avec le volet répressif, sont-elles suffisamment mises en œuvre ?
Notre corpus législatif relatif à la sécurité des manifestations sportives doit-il être assoupli ?
En ce qui concerne les supporters déviants, les mesures éducatives et individuelles de réparation ou les travaux d’intérêt collectif constituent-ils des peines de substitution efficaces à l’interdiction administrative de stade ou aux sanctions pénales ?
Enfin, dans quelle mesure pourrions-nous clarifier le rôle des associations de supporters, ainsi que leurs relations avec les clubs, les instances du football et les collectivités territoriales ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse, des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques. Monsieur le sénateur Lozach, je crois que vous avez apporté toutes les réponses dans votre question ! (Sourires.)
Vous exprimez exactement l’esprit du plan d’action, de l’initiative globale que nous sommes en train de formaliser. Il s’agit au fond de faire émerger une sorte de réponse à la française pour éradiquer ces violences. Celle-ci ne sera pas celle des Grecs, ni celle des Turcs, ni celle des Anglais, même si nous avons beaucoup à apprendre d’eux – nous nous rendrons d’ailleurs en Grande-Bretagne, comme le garde des sceaux l’avait proposé, pour y puiser un certain nombre d’enseignements, comme c’est souvent utile en ce qui concerne le sport.
En tout cas, monsieur le sénateur, je vous remercie pour tous les éléments que vous avez bien ordonnés, et je fais mien le plan d’action que vous proposez.
M. le président. La parole est à M. François Bonhomme.
M. François Bonhomme. Madame la ministre, la DNLH, qui est placée sous la tutelle du ministère de l’intérieur, a constaté que le nombre d’interpellations avait augmenté de 15 % durant la saison 2022-2023 des championnats de Ligue 1 et de Ligue 2. On assiste donc à une multiplication des actes violents, aussi bien dans les stades qu’à l’extérieur de ceux-ci.
Les pouvoirs publics et les organisateurs rencontrent des difficultés à répondre à ces violences protéiformes : affrontements à l’extérieur des enceintes sportives, avant ou après des matchs, slogans racistes ou homophobes, attaques de bus, etc.
Parmi les infractions ayant donné lieu au plus grand nombre d’interpellations figure l’utilisation de matériels pyrotechniques, tels que les pétards, les mortiers et les fumigènes, à laquelle sont confrontées nos forces de l’ordre lors des violences urbaines. Ces engins, qui sont pourtant interdits, constituent un réel danger pour l’ensemble du public présent dans les stades et à l’extérieur. Des joueurs ont aussi été visés durant certains matchs.
Certes, les sanctions peuvent être importantes pour le club organisateur – matchs à rejouer à huis clos, pertes immédiates ou avec sursis de points –, mais ne serait-il pas opportun de renforcer les sanctions contre les individus qui se livrent à de tels actes ?
En outre, il est effarant de constater que des pétards de stade peuvent être commandés sur internet en quelques clics, alors qu’il est précisé sur ces mêmes sites que leur usage est interdit dans les stades et sur la voie publique !
Madame la ministre, ne faudrait-il pas interdire la commercialisation de tels engins sur le Net ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse, des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques. Monsieur le sénateur, vous abordez un sujet qui est pour moi très important.
Nous avons en effet veillé, dans les décrets que nous avons pris en application de la loi du 2 mars 2022 visant à démocratiser le sport en France, à créer un régime expérimental d’autorisation, sous certaines conditions et selon certaines modalités, de l’utilisation de la pyrotechnie.
Or, et je m’en suis un peu offusquée auprès des acteurs concernés lors de nos discussions à l’INS, on se rend compte que ces dispositifs légaux ne sont en réalité souvent pas utilisés et qu’ils sont même contournés. On observe en effet une légère augmentation de l’usage illégal de la pyrotechnie.
J’ai donc interpellé les membres de l’INS à ce sujet : à quoi bon travailler ensemble, en effet, si, alors que mon ministère se bat pour faire évoluer les textes dans le sens de leur vision du supportérisme, afin de permettre l’usage de la pyrotechnie, les nouvelles possibilités qu’ils offrent sont contournées par des pratiques illégales ! Je leur ai donc demandé d’avancer avec nous.
M. le président. La parole est à M. François Bonhomme, pour la réplique.
M. François Bonhomme. Je ne suis pas sûr que leur demander simplement « d’avancer avec vous » suffise à les convaincre de le faire !
En outre, madame la ministre, combien y a-t-il eu de condamnations pour violences dans les stades et à proximité de ces derniers ? Il est légitime de se poser la question. La Belgique, par exemple, qui a été confrontée au même problème, a pris des mesures très fortes pour alourdir son arsenal législatif contre les supporters artificiers.
On ne peut pas non plus se contenter de simples lamentations ou, parfois, de pleurnicheries. Il faut prendre des mesures un peu plus coercitives pour mettre un terme à ces dérives qui se reproduisent tous les week-ends dans les stades de France.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre. Les interpellations pour usage illicite d’engins pyrotechniques ont augmenté de 15 %, monsieur le sénateur.
Le nombre d’interdictions administratives de stade est passé de 63 à 148. Le nombre d’interdictions judiciaires de stade s’est légèrement réduit, passant de 226 à 215.
Mais la statistique importante, que je ne peux pas vous donner aujourd’hui, est celle des interdictions commerciales de stade. J’espère qu’elles se développeront : ce serait le signe que les clubs eux-mêmes prennent toute la mesure de la nécessité d’éloigner de nos terrains les supporters qui ne respectent pas les règles.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Antoine Levi.