Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures cinq, est reprise à quatorze heures trente-cinq, sous la présidence de Mme Sylvie Robert.)
PRÉSIDENCE DE Mme Sylvie Robert
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
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Candidatures à une commission d’enquête
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la désignation des dix-neuf membres de la commission d’enquête portant sur les moyens mobilisés et mobilisables par l’État pour assurer la prise en compte et le respect par le groupe TotalEnergies des obligations climatiques et des orientations de la politique étrangère de la France.
En application de l’article 8 ter, alinéa 5, de notre règlement, les listes des candidats présentés par les groupes ont été publiées.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence ne reçoit pas d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.
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Comment le Gouvernement compte-t-il appliquer au plus vite les mesures du comité interministériel des outre-mer ?
Suite d’un débat organisé à la demande du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants
Mme la présidente. Nous reprenons le débat, organisé à la demande du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, sur le thème : « Comment le Gouvernement compte-t-il appliquer au plus vite les mesures du comité interministériel des outre-mer ? »
Dans la suite du débat, la parole est à M. Stéphane Fouassin. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Viviane Malet applaudit également.)
M. Stéphane Fouassin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la principale initiative du comité interministériel des outre-mer (Ciom) porte sur la refonte de l’octroi de mer.
Bien que nous saluions les objectifs de cette réforme, à savoir une baisse des tarifs des biens de consommation courante, il est important de préserver la production locale.
En effet, cette démarche doit déboucher sur un progrès général et préserver les allocations dynamiques des collectivités, notamment les communes, à qui une diminution des revenus de l’octroi de mer serait préjudiciable.
La réforme de l’octroi de mer doit s’accompagner d’une révision fiscale permettant d’accorder aux collectivités départementales de nouveaux moyens, particulièrement sur le volet social : lutte contre les violences conjugales, dépendance aux produits nocifs, lutte contre le diabète ou encore accompagnement des seniors.
En matière d’économie, il est nécessaire, pour la collectivité régionale, de conserver le dynamisme du fonds régional de développement économique (FRDE).
Il y a quelque temps, le Gouvernement a évoqué la possibilité d’imposer des taxes spécifiques sur l’alcool et le tabac pour alimenter les budgets des départements d’outre-mer et soutenir les politiques susmentionnées. À cet égard, une mission conjointe entre Bercy et le ministère des outre-mer a été évoquée.
De plus, la mesure 14 s’inscrit dans le soutien des stratégies de souveraineté alimentaire des territoires, démarche à laquelle La Réunion adhère pleinement via le plan AgriPéi 2030, qui vise à atteindre l’autosuffisance alimentaire d’ici à 2030.
Il est impératif de persévérer, afin de faire de La Réunion un modèle à suivre, notamment en assurant une gestion exemplaire des ressources. À cet égard, le projet Mobilisation des ressources en eau des microrégions Est et Nord (Meren), soutenu par le département de La Réunion, vise à répondre aux besoins en eau des régions Nord et Est, grâce à un investissement d’environ 500 millions d’euros sur dix ans.
La mesure 66 est importante pour nous. Elle a pour objectif de simplifier l’implantation d’infrastructures d’intérêt général dans les communes soumises à la loi du 3 janvier 1986 relative à l’aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral, dite Littoral.
À La Réunion, île montagneuse, cette loi s’étend du battant des lames au sommet des montagnes, générant parfois des situations juridiques inadaptées à nos besoins d’aménagement sur une île non extensible.
Nous devons aller au-delà et réviser les dispositions législatives en vigueur afin de prendre en considération nos particularités, surtout dans le domaine du tourisme.
Il est crucial que nos spécificités soient intégrées et que l’on favorise le développement de notre territoire tout en continuant à le préserver.
Depuis sa création en 2012, le bouclier qualité prix a été le levier le plus efficace pour soutenir les populations les plus vulnérables, en offrant l’accès à une gamme de produits alimentaires et d’hygiène à des tarifs abordables. Contribuant ainsi de manière significative à la lutte contre la vie chère, il devait inclure d’autres biens de première nécessité et des services devenus indispensables aujourd’hui, tels que la téléphonie ou internet.
Ce dispositif a été progressivement étendu par le Gouvernement l’année dernière, bien que de façon inégale selon les régions.
Ma question est directe, monsieur le ministre : quel est l’état d’avancement de ces projets ?
Je vous remercie personnellement de votre investissement sur ce dossier. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Petrus. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Annick Girardin applaudit également.)
Mme Annick Petrus. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je remercie d’abord le groupe RDPI de ce temps de discussion, ainsi que M. le ministre de sa disponibilité.
Nous le savons tous, Saint-Martin a l’obligation économique, à court ou moyen termes, de valoriser son potentiel touristique.
Entre 2017 et 2021, le tourisme a été entravé par deux phénomènes majeurs.
Après avoir atteint un niveau historiquement bas, la fréquentation touristique connaît une reprise depuis 2022.
Si l’implantation du casino – une mesure arrêtée par le Ciom dont je ne peux que me réjouir – redynamisera le tourisme, elle ne sera malheureusement pas suffisante.
La renaissance du tourisme est confrontée à un défi majeur : le manque de structures d’accueil de qualité, dont certaines ont été détruites en 2017.
L’investissement dans la modernisation et le renforcement des infrastructures touristiques constitue donc une condition indispensable pour assurer une croissance durable au territoire de Saint-Martin.
En effet, les besoins sont très importants en matière de rénovation et de réhabilitation hôtelières et la collectivité a, plus que jamais, besoin de la solidarité nationale et d’incitations fortes pour attirer les investisseurs privés.
Il n’est pas juste que Saint-Martin ne bénéficie pas d’un taux de réduction d’impôt équivalent à ceux de la Guadeloupe, de la Martinique, de La Réunion ou de la Guyane pour les investissements en faveur de la rénovation et de la réhabilitation des hôtels et résidences de tourisme.
Contrairement aux territoires précités, Saint-Martin ne peut pas compter sur la clientèle française, quasi captive, qui assure pour l’essentiel l’activité touristique de ces territoires.
La clientèle de Saint-Martin, majoritairement américaine, est extrêmement volatile. Si la concurrence est rude dans la Caraïbe, le premier et le plus redoutable concurrent de Saint-Martin est Sint Maarten.
La partie néerlandaise présente les mêmes atouts que la partie française – certains, comme les casinos ou les infrastructures portuaires et aéroportuaires sont même meilleurs –, jouit de la même image aux yeux de la clientèle et bénéficie d’un avantage comparatif très significatif en matière de coûts salariaux.
Monsieur le ministre, quelles mesures comptez-vous prendre pour aider le territoire de Saint-Martin à poursuivre le développement de son activité touristique, mais aussi sa nécessaire montée en gamme ?
L’alignement du taux de réduction d’impôt auquel j’ai fait allusion précédemment pourrait constituer une compensation partielle, comme celle qui a été évoquée le 6 novembre dernier à l’Assemblée nationale, ainsi qu’un début de réponse.
J’en viens à la question du logement.
Vendredi dernier, nous avons adopté un amendement au projet de loi de finances pour 2024, qui permettra à Action Logement d’intervenir à Saint-Martin selon des modalités à préciser dans une convention à conclure entre la collectivité concernée, l’État et Action Logement Groupe.
Reste une interrogation, que nous partageons avec Saint-Pierre-et-Miquelon : devrons-nous modifier notre loi organique pour bénéficier de la collecte à l’échelon national ?
Enfin, j’évoquerai l’extension outre-mer du crédit d’impôt de rénovation des logements sociaux hors des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), en vue d’accélérer la rénovation des logements sociaux outre-mer.
Je me réjouis de cette décision du Gouvernement. En effet, le crédit d’impôt était jusqu’à présent réservé au parc social neuf. C’est donc une mesure positive, qui permettra de dynamiser la rénovation du parc social à Saint-Martin.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous assurer que ce dispositif sera bien applicable aux collectivités d’outre-mer ? (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Philippe Vigier, ministre délégué auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer. Mesdames, messieurs les sénateurs, je le répète, c’est une belle initiative que de prendre le temps de parler des territoires ultramarins.
Au-delà des rencontres que nous avons pu faire avec la délégation sénatoriale aux outre-mer sous la houlette de sa présidente Micheline Jacques, ce débat est l’occasion, après les présentations budgétaires, d’aller un peu plus au fond des dossiers et, pour moi, de vous apporter des éléments complémentaires.
Je remercie Stéphane Fouassin de son discours et de la tonalité qu’il a employée. Il a pu voir quel était mon engagement.
Ensemble, nous avons bâti une nouvelle stratégie, notamment pour la réforme de l’octroi de mer, dont j’ai précisé les contours.
J’entends votre appel en faveur d’une garantie des financements des collectivités locales. Étant toujours élu local, j’aurais mauvaise grâce à ne pas le faire et je sais à quel point – et depuis longtemps – les recettes propres sont indispensables.
Vivre uniquement sous la goulotte ou la houlette de financements d’État en dotation n’est pas le bon chemin, me semble-t-il. Nous avancerons donc ensemble.
Vous avez parlé de la fiscalité sur les alcools, qui revient directement aux départements. L’octroi de mer est une taxe additionnelle.
Je suis prêt à en discuter dans le cadre du Ciom, qui, je le rappelle, ne traite pas de l’ensemble de la politique ultramarine. D’autres champs peuvent être explorés et, en la matière, mon ouverture d’esprit est totale : la feuille de route que nous avons établie grâce aux soixante-douze mesures peut être élargie à tout moment.
Vous avez parlé du projet Meren, que l’État financera cette année à hauteur de 30 millions d’euros. Je n’imagine pas une seule seconde que la Première ministre ne tienne pas l’engagement qu’elle a pris devant le président du département, Cyrille Melchior.
Enfin, je répète que le bouclier qualité prix comprend 153 produits et qu’un mandat a été donné aux préfets jusqu’au 1er avril 2024 pour l’appliquer.
Si besoin, je leur donnerai la possibilité d’aller plus loin. C’est de cette façon que nous parviendrons à endiguer la vie chère. (MM. François Patriat et Stéphane Fouassin applaudissent.)
M. François Patriat. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme Viviane Malet. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Viviane Malet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens à mon tour à saluer le groupe RDPI à l’origine de ce débat, qui favorisera la coconstruction entre l’État, les collectivités locales et les forces vives de l’outre-mer dans la mise en œuvre des mesures du Ciom.
Lors du dernier congrès des maires, le président Larcher a exprimé le souhait que soit organisé un débat annuel sur une loi d’adaptation des outre-mer. Je soutiens pleinement cette initiative : elle rejoint ma réflexion sur l’échéancier de certaines mesures du Ciom.
Monsieur le ministre, pourriez-vous d’ores et déjà nous indiquer dans quel projet ou proposition de loi les mesures du Ciom nécessitant une modification législative seront débattues ?
Je pense tout particulièrement à la réforme de l’octroi de mer, qui doit se faire en concertation étroite avec les élus locaux. Est-ce prévu dans la prochaine loi de finances pour 2025 ou dans un projet de loi spécifique touchant les financements des collectivités locales d’outre-mer ?
Cette question est cruciale pour La Réunion, qui vous a fait des propositions précises concernant certaines taxes et la réforme des concours de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA).
Je souhaite tout particulièrement vous interroger sur la mise en œuvre de deux réformes importantes.
En ce qui concerne tout d’abord la création d’une zone franche portuaire, le document gouvernemental indique qu’en combinant les zones franches d’activité nouvelle génération (Zfang) avec des dispositifs douaniers existants il pourra être envisagé de créer des zones favorables à la création et au développement d’activités manufacturières destinées à l’exportation, notamment en lien avec l’activité portuaire.
Durant la phase d’étude du Ciom, le conseil départemental de La Réunion a fait deux propositions en ce sens.
Il a proposé, d’une part, la création d’un statut spécifique, fiscal et social, pour les entreprises « vertes » liées à la transition écologique et pour les entreprises « bleues » liées à l’activité maritime, d’autre part, la création de zones franches portuaires tournées vers l’exportation et dédiées à ces deux types d’entreprises.
Monsieur le ministre, vous avez répondu de manière favorable au second volet sur la zone franche, ce dont nous vous remercions, et de manière partielle au premier, en majorant les abattements pour les entreprises de réparation navale.
Jointes dans un même élan, ces mesures me semblent très importantes pour le développement économique des départements d’outre-mer (DOM).
Monsieur le ministre, les élus et les collectivités se tiennent prêts à discuter avec les services de l’État de la création d’une zone franche à La Réunion.
En ce qui concerne le volet des aides fiscales et sociales, nous considérons que le Ciom a fait un premier pas, mais qu’il est nécessaire de mettre en place un véritable statut de l’entreprise tournée vers l’or bleu.
Ce statut pourra être perçu comme un label qui bénéficiera aux DOM afin d’attirer des investisseurs extérieurs.
Êtes-vous prêt à engager une démarche avec les collectivités et les milieux économiques pour favoriser ce secteur ?
L’autre mesure que je souhaite aborder est la mesure 10 « Faciliter les importations régionales de matériaux de construction grâce à un marquage “régions ultrapériphériques” (RUP) en substitution du marquage “conformité européenne” (CE) ».
De nombreux rapports parlementaires d’information, notamment celui de la délégation sénatoriale aux outre-mer sur la politique du logement dans les outre-mer, ont souligné l’inadéquation, voire la nocivité économique, de certaines normes avec le milieu tropical, notamment dans le secteur des bâtiments et travaux publics (BTP) ainsi que dans l’agriculture, quand nos concurrents n’y sont pas soumis.
Nous saluons l’initiative du Gouvernement pour une adaptation nécessaire des normes techniques.
La Réunion a proposé la création d’une structure locale de normalisation BTP pour identifier les normes inadaptées, proposer des amendements et participer à l’élaboration de nouvelles normes, en collaboration étroite avec le Gouvernement et la Commission européenne.
Monsieur le ministre, pouvons-nous compter sur votre collaboration pour avancer dans cette direction, en établissant une convention entre l’État, les collectivités et les professionnels du secteur ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et RDPI.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Philippe Vigier, ministre délégué auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer. Madame la sénatrice Petrus, vous avez appelé à soutenir les activités touristiques à Saint-Martin.
En la matière, le dispositif d’abattement de charges sociales, qui est un outil puissant, reste en place jusqu’en 2028.
Un second dispositif permet des défiscalisations pour un certain nombre d’investissements, notamment dans le domaine du tourisme. Certes, une réforme de cette politique est en cours, mais elle ne concerne que trois types d’investissements. J’ai assisté aux discussions et je peux vous assurer que nous serons au rendez-vous pour tous les équipements de tourisme, qu’il s’agisse des villages vacances, des hôtels ou encore des chambres d’hôtes.
Nous avons même prévu quelques réserves budgétaires qui nous permettront, dans le cadre d’une discussion avec la filière, de protéger l’activité en cas de besoin. Il le faut, quand on sait par exemple que le tourisme représente 18 % du PIB de la Polynésie, soit bien plus que dans l’Hexagone.
Madame la sénatrice Malet, vous appelez mon attention sur la vie chère.
Les normes RUP, pour régions ultrapériphériques, attendues depuis si longtemps, entreront en vigueur au printemps prochain. Reste que nous devons avancer sur d’autres normes. La Première ministre nous y a d’ailleurs invités.
Lorsque l’on est à La Réunion, on travaille notamment avec l’île Maurice ou Madagascar, ainsi que d’autres territoires de l’océan Indien, qui sont à proximité.
Aussi, nous nous appuierons volontiers sur les travaux du Sénat ou de l’Assemblée nationale afin de réfléchir à la mise en place de conditions d’une concurrence équitable et loyale avec les territoires environnants, car, oui, la concurrence est souvent déloyale.
J’ai parfaitement en tête ces enjeux et je suis convaincu que nous avancerons grâce à un travail collectif continu.
Enfin, je vous remercie d’avoir rappelé que les zones franches étaient une belle avancée de ce budget 2024. Elles permettront, pour les nouvelles activités, de bénéficier d’un taux de réduction d’impôt de 50 % en année n+1 sur les nouveaux bénéfices. Toute la production culturelle, vidéo ou numérique sera éligible.
Voilà une belle avancée. Prenez-la à bras-le-corps. Il y a à La Réunion un beau potentiel. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Viviane Malet applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Girardin. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Mme Annick Girardin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous achevons aujourd’hui une intense séquence outre-mer par ce débat, pour l’organisation duquel je remercie le groupe RDPI et dont l’intitulé témoigne de la véritable urgence dans laquelle se trouvent nos territoires.
Le mois écoulé avait tout d’une course : lancement de la délégation sénatoriale aux outre-mer suivi de ses réunions et auditions, journée, voire semaine des maires ultramarins dans le cadre du congrès des maires, multiples entretiens de suivi des décisions du comité interministériel des outre-mer du 18 juillet 2023 que vous avez conduits, monsieur le ministre, territoire par territoire, sujets relatifs à l’outre-mer du projet de loi de financement de la sécurité sociale ou encore mission « Outre-mer » du projet de loi de finances.
Ce rythme de reprise intense n’est pas neutre : il est révélateur d’une conviction pour répondre aux attentes de nos territoires et de leur population.
Cependant, ne confondons pas vitesse et précipitation. J’irai même plus loin : permettons-nous de digérer les réponses du Gouvernement lors de ces séquences successives et mettons-nous à l’action dans les territoires.
Je ne suis pas certaine que cette concentration de rendez-vous ait été suffisamment visible et compréhensible par nos concitoyens. Nous avons sans doute, en la matière, un travail local de pédagogie à mener, avec votre aide, monsieur le ministre.
Sous la pression, nous avons même, mes chers collègues, réussi à oublier l’union indispensable sur les sujets essentiels qui concernent nos territoires. N’oublions pas que c’est dans la coordination que nous tirerons le meilleur de notre travail et de nos efforts.
Nous avons à présent besoin de temps, d’échanges, d’actions sur le terrain, de coconstructions et de solutions nouvelles pour relever nos grands défis communs, même si beaucoup a été fait et même si des moyens importants ont été mobilisés.
Le premier défi est le défi climatique et énergétique. Il nous faut construire des territoires « bas carbone », résilients face au changement climatique et aux risques naturels, construire des sociétés économes préservant les ressources et protégeant les populations face aux pollutions et aux substances chimiques.
Le deuxième défi est social. Nous voulons des sociétés inclusives, luttant contre toutes les formes d’exclusion et répondant aux besoins de logement et de ressources pour les Ultramarins.
Le troisième défi est celui du développement économique et solidaire et de la lutte contre la vie chère.
Enfin, le quatrième et dernier défi est celui de la démographie. Certains territoires – les Antilles, Saint-Pierre-et-Miquelon – subissent une baisse constante de leur population, quand d’autres – Mayotte, la Guyane – sont confrontés à une surpopulation irrégulière.
En parallèle, nous devons ouvrir deux grands chantiers. Vous les avez rappelés, monsieur le ministre, ou du moins vous nous avez proposé une méthode de travail.
Je veux évoquer la question institutionnelle. Après l’appel de Fort-de-France du 17 mai 2022, lancé à l’issue du second tour l’élection présidentielle, il nous faut travailler sur les réponses que nous voulons y apporter.
Après les articles 73 et 74 de la Constitution, faut-il des articles bis ? Faut-il une réponse unique, une base commune ? Faut-il prendre en compte les spécificités des territoires ? J’ignore quelles seront les réponses, mais je suis convaincue que, pour les trouver, nous devons apprendre à sortir du cadre.
Sortir du cadre, pour Saint-Martin, ne serait-ce pas, à la veille des élections européennes, la possibilité de travailler davantage avec Sint Maarten ou peut-être, pour l’Union européenne, de prévoir un statut pour ces deux territoires partageant une même île ?
Sortir du cadre, pour Mayotte, ne serait-ce pas travailler à un hôpital extraterritorial ?
Cette solution a souvent été rejetée. Elle permettrait pourtant un double état civil dans un même établissement. Nous pourrions jouer ainsi notre rôle d’assistance dans la région, tout en répondant au problème de la surpopulation à Mayotte.
En matière de défiscalisation, il nous faut là aussi évaluer les outils existants et reconnaître les abus. De toute évidence, un renforcement des contrôles est nécessaire, à tous les niveaux, mais il faut aussi que nous développions de nouveaux outils.
Vous avez cité les voies de développement économique nouvelles, monsieur le ministre. Construisons ce monde plus juste, plus équitable et plus durable grâce à cet outil de défiscalisation. Je souhaite que nous puissions, tous ensemble, y travailler.
Prenons le temps de coévaluer pour mieux coconstruire, comme l’a voulu, me semble-t-il, le Président de la République depuis sa première élection.
Certes, cette remarque est facile à formuler depuis notre place que depuis la vôtre – nous disposons d’un peu plus de temps et de recul que vous pour réfléchir à ces questions, monsieur le ministre –, mais retournons-nous sur les Assises des outre-mer et sur leur Livre bleu, sur le plan pour l’avenir de Mayotte, sur la démarche du « Oudinot du pouvoir d’achat » ou encore sur les mesures du Ciom.
Regardons ce qui a été concrétisé, mais surtout, interrogeons-nous sur ce qui a été abandonné et sur les raisons qui nous ont poussés à le faire. Souvent, celles-ci sont d’ordre territorial ou financier.
Ce travail de transparence est important, si nous voulons ensuite construire ensemble. Moi aussi, je revendique l’intelligence collective qui nous caractérise depuis quelques années déjà.
Mme la présidente. Il faut conclure, ma chère collègue !
Mme Annick Girardin. Monsieur le ministre, je n’ai pas de question spécifique concernant Saint-Pierre-et-Miquelon. Vous en revenez et vous connaissez mes priorités.
Nous continuerons à travailler ensemble. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et RDPI. – Mmes Viviane Malet et Annick Petrus applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Philippe Vigier, ministre délégué auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je ne pourrai pas répondre, en cinq minutes, à l’ensemble des questions et vous m’en voyez frustré, mais nous aurons encore de nombreux rendez-vous pour les approfondir.
Je salue la qualité de ce débat.
Madame Annick Girardin, je vous entends. Certes, il faut de la méthode et prendre le temps du recul, mais vous constaterez avec moi que tant de retards ont été accumulés qu’il nous faut justement accélérer.
L’une des premières questions qui m’ont été posées à mon arrivée a été celle-ci : pensez-vous que les Ultramarins sont traités de la même façon que les Hexagonaux ?
Je suis fier de défendre un budget dont les crédits progressent de 7 %. L’enveloppe consacrée aux fameux contrats de convergence et de transformation augmente de 400 millions ; l’État mobilise presque 3 milliards d’euros pour l’investissement, alors que ce montant n’était que de 2 milliards d’euros en 2016. En ce qui concerne les niches fiscales, nous serons au rendez-vous jusqu’en 2028 et nous les évaluerons pour voir celles qui fonctionnent. Il faut mettre fin aux abus, que vous connaissez parfaitement, mais il faut aussi reconnaître que nous avons été capables de trouver de nouveaux leviers.
M. Patient a appelé mon attention sur la vie chère et les monopoles dans les territoires ultramarins. Voilà longtemps que l’on en parle ! Le Gouvernement s’est doté d’un outil efficace. Une mission lancée par Bruno Le Maire, Gérald Darmanin et moi-même étudiera la construction des prix, la responsabilité des uns et des autres, puis définira des pistes d’amélioration. Nous irons jusqu’au bout de la démarche : celle-ci n’est pas simple – j’ai essuyé d’ailleurs quelques retours de flamme (Sourires.) –, mais nous sommes déterminés.
Madame Audrey Bélim, j’ai apprécié, une fois de plus, la tonalité de votre intervention. Nous ne sommes pas d’accord sur tout, en effet, mais, comme l’a dit la présidente de votre collectivité, nous sommes avant tout des républicains et nous voulons faire en sorte d’avancer. Je tiens à saluer la qualité du dialogue que j’ai pu avoir avec le territoire de La Réunion à chaque fois que je m’y suis rendu.
Je tiens à préciser que MaPrimeRénov’ s’applique dans les départements et régions d’outre-mer (Drom) depuis 2022. Le dispositif est fonctionnel. La Réunion n’est pas oubliée.
Je regrette que vous ayez oublié de dire que la ministre de la culture avait annoncé, lorsque nous sommes allés sur l’île il y a quelques jours, la création de la vingt et unième école nationale supérieure d’architecture : celle-ci sera indépendante de celle de Montpellier, dont elle était jusqu’à présent une antenne. C’est un signe fort que nous envoyons à La Réunion.
J’ai conscience qu’il existe d’autres sujets à traiter, comme l’a rappelé la sénatrice Malet : je pense notamment au projet Meren, qu’a évoqué le sénateur Fouassin.
Reconnaissez que nous avons porté à 292 millions d’euros les crédits de la ligne budgétaire unique (LBU). Ils avaient beaucoup baissé. Il faudra veiller à leur consommation.
J’ai obtenu l’insertion, au dernier moment, d’un petit volet sur l’outre-mer dans le futur projet de loi Logement, que défendra Patrice Vergriete, pour avancer rapidement sur la précarité énergétique sans attendre une grande loi-cadre. Nous ne pouvions pas passer à côté de ce véhicule législatif. Ce sujet doit être traité.
En ce qui concerne le régime spécifique d’approvisionnement (RSA), Marc Fesneau a répondu favorablement à un cofinancement par l’État de certains investissements des collectivités. La Réunion s’est montrée volontaire, comme d’ailleurs deux départements français situés en Amérique.
Madame Micheline Jacques, vous avez évoqué le parc institutionnel. Le Président de la République a reçu l’ensemble des acteurs ; vous y étiez, vous qui êtes par ailleurs présidente de la délégation sénatoriale aux outre-mer. Deux personnalités qualifiées seront désignées. Il n’appartient ni au Président de la République, ni au Gouvernement, ni à la Première ministre de décider, depuis Paris, des évolutions institutionnelles. Tout dépendra de l’accord politique dans chacun des territoires sur ce sujet. Prenons le temps du débat. Celui-ci aura lieu. Ensuite, nous pourrons avancer ensemble, sur le modèle de ce qui s’est passé en Nouvelle-Calédonie.
En Nouvelle-Calédonie, justement, de nouvelles discussions ont été ouvertes, sur le corps électoral, mais aussi sur d’autres évolutions, sur lesquelles il n’y a pas d’accord pour l’instant, comme vous le savez, monsieur le sénateur Xowie, puisque la démarche n’a pas pu aller jusqu’à son terme. Le Conseil d’État est en cours de consultation sur la question du corps électoral. Gérald Darmanin travaille depuis des mois à une solution. J’espère qu’elle aboutira et qu’elle permettra de vous aider et de mieux accompagner votre territoire.
Madame Girardin, je reviens de Saint-Pierre-et-Miquelon ; j’ai compris ses problématiques. La question de l’attractivité et de la démographie concerne de nombreux territoires ultramarins : Saint-Pierre-et-Miquelon, la Martinique, la Guadeloupe. Il faut faire en sorte qu’ils deviennent attractifs pour les jeunes de l’Hexagone, mais aussi œuvrer au retour des jeunes originaires de ces territoires ultramarins, qui sont partis se former en métropole. C’est le sens du dispositif Cadres d’avenir que venons de mettre en place et qui est puissant. Je suis persuadé qu’il sera un succès. Il est bien financé et il permettra de renforcer l’attractivité des territoires ultramarins.
Les territoires d’outre-mer méritent d’être soutenus, davantage qu’ils ne l’ont été jusqu’à présent. Croyez bien que je serai à la tâche pour les aider. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mmes Annick Girardin et Viviane Malet applaudissent également.)
Conclusion du débat