compte rendu intégral
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
M. Jean-Michel Arnaud,
Mme Catherine Conconne.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire
M. le président. Madame la Première ministre, mesdames, messieurs les ministres, j’ai le plaisir de saluer, dans notre tribune d’honneur, une délégation de cinq sénateurs conduite par M. Pierre Ngolo, président du Sénat de la République du Congo. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mme la Première ministre et les membres du Gouvernement, se lèvent.)
La délégation est accompagnée de nos collègues Guillaume Chevrollier, président du groupe d’amitié France-Afrique centrale, et Stéphane Demilly, président délégué pour le Congo-Brazzaville au sein de ce groupe, ainsi que de Son Excellence M. Rodolphe Adada, ambassadeur de la République du Congo en France.
Je viens d’avoir un entretien particulièrement dense avec le président Ngolo et les membres de sa délégation sur nos relations bilatérales, mais aussi sur les récentes évolutions en Afrique.
Nous avons signé un protocole de coopération parlementaire, qui contribuera à enrichir les liens entre nos assemblées dans les prochaines années, en particulier sur le volet de la décentralisation et sur les relations de l’État avec les collectivités locales qui intéressent spécialement nos partenaires congolais.
Le Sénat français entretient de longue date d’excellentes relations avec le Sénat de la République du Congo. Ces rapports de confiance et d’amitié sont à l’image du partenariat étroit qui unit nos deux pays.
Permettez-moi, mes chers collègues, de souhaiter en votre nom à tous à nos homologues du Sénat congolais la plus cordiale bienvenue, ainsi qu’un excellent et fructueux séjour. (Applaudissements prolongés.)
3
Questions d’actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
La séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
Chacun sera attentif, au cours de nos échanges, au respect des uns et des autres, ainsi qu’au respect du temps de parole.
crise des institutions
M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées du groupe RDPI.)
Mme Maryse Carrère. Ma question s’adresse à Mme la Première ministre.
À qui profite le crime ? Une coalition d’oppositions que tout oppose a rejeté le projet de loi Immigration. Quelles que soient nos convictions, doit-on se réjouir de la multiplication de tels blocages institutionnels ? Usage à répétition du 49.3, adoption d’une motion de rejet préalable, sommes-nous face à une crise politique uniquement conjoncturelle ? Oui, en partie !
Nous atteignons sans doute les limites du « en même temps » promu par l’exécutif, car certains groupes parlementaires, nous le voyons bien, rejettent la culture du compromis et préfèrent les coups politiques aux débats. (Oh ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
Toutefois, sur le fond, le groupe RDSE souhaite que l’on s’interroge davantage sur nos institutions, qui semblent marquer le pas et traverser une crise assez profonde, à tel point que, ici, au Sénat, nous avons presque l’impression de vivre dans un système monocaméral. À défaut de se construire au Palais-Bourbon, le dialogue se tente au Palais du Luxembourg.
Bien entendu, en tant que sénateurs, nous ne pouvons que nous réjouir que le Sénat soit mis en lumière pour ses qualités de chambre de modération – à condition toutefois que le compromis y trouve aussi sa place, tout comme l’ouverture et la sincérité, lorsqu’il s’agit de sujets fondamentaux pour nos concitoyens.
La commission mixte paritaire sur le projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration pourrait ainsi avoir valeur de test.
Toutefois, profondément attaché au bicamérisme et à la démocratie représentative, qui est le socle de notre République, le groupe RDSE souhaite, au plus vite, voir émerger une gouvernance plus apaisée.
Madame la Première ministre, dans cette perspective, envisagez-vous la tenue de réflexions sur le fonctionnement des institutions, y compris sur la décentralisation, et tout cela dans l’intérêt des Français ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées des groupes RDPI et INDEP.)
M. le président. La parole est à Mme la Première ministre.
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, madame la présidente Maryse Carrère, lundi dernier, à l’Assemblée nationale, la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes) et l’extrême droite se sont alliées pour empêcher le débat de se tenir sur le projet de loi Immigration. (Vives protestations sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)
M. Rachid Temal. Et les députés Les Républicains ?
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Comme j’ai déjà eu l’occasion de le souligner, cette alliance baroque est irresponsable.
M. Mickaël Vallet. C’est votre gouvernement qui est baroque !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Elle s’est faite au mépris du travail parlementaire et des attentes des Français.
M. Hussein Bourgi. Et la réforme des retraites, ce n’était pas du mépris pour les Français ?
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Madame la présidente Maryse Carrère, je connais l’attitude constructive dont votre groupe a fait preuve tout au long de l’examen du texte au Sénat.
Le groupe RDSE est le plus ancien groupe parlementaire de notre République. Je sais son attachement au débat et au pluralisme, comme la volonté de ses membres de trouver des solutions concrètes et efficaces pour les Français, notamment face aux défis migratoires.
Cette volonté, c’est aussi la mienne. C’est celle du ministre de l’intérieur et des outre-mer, Gérald Darmanin, et de l’ensemble de mon gouvernement.
Nos concitoyens attendent des solutions et des réponses. Nos forces de l’ordre nous demandent des moyens d’action plus efficaces.
M. Max Brisson. Cela fait six ans !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Nous devons éloigner plus facilement les personnes en situation irrégulière et mieux intégrer celles que nous accueillons.
C’est l’objectif de mon gouvernement.
C’est, je n’en doute pas, l’état d’esprit qui guidera les travaux de la commission mixte paritaire qui se réunira lundi prochain.
C’est la condition pour qu’un texte puisse être adopté au Sénat comme à l’Assemblée nationale et pour que soient apportées les réponses attendues par nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées du groupe RDSE. – Marques d’ironie sur les travées du groupe SER.)
suite donnée au projet de loi sur l’immigration (i)
M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du groupe GEST.)
M. Patrick Kanner. Madame la Première ministre, c’est un fiasco ! Depuis 2022, le Président de la République subit une crise institutionnelle. Vous venez d’y ajouter une crise politique majeure et inédite.
M. Max Brisson. Oui !
M. Patrick Kanner. En jouant sur les peurs, le Président de la République attise les braises d’un pays déjà incandescent. Oui, c’est irresponsable !
Votre ministre, aux déclarations à géométrie variable, a pris sur lui l’entière charge du projet de loi Immigration. Il a échoué ! Au travers de son échec, c’est vous qui avez échoué. Et au travers de votre échec, c’est le Président de la République qui a échoué.
À vouloir tromper tout le monde, vous n’avez convaincu personne. Vous avez provoqué cette situation : c’est à vous de nous en sortir désormais.
Puisque vous écartez un nouveau recours à l’article 49.3, quelle sera l’ampleur de la capitulation de la majorité présidentielle au sein de la commission mixte paritaire ? Quel sera le prix du renoncement aux valeurs républicaines ?
La suppression de l’aide médicale de l’État ? (Oui ! sur les travées du groupe Les Républicains.) La fin de la régularisation des travailleurs dans les métiers en tension ? (Oui ! sur les travées du groupe Les Républicains.) L’instauration d’une préférence nationale ? (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Madame la Première ministre, il est encore temps. Suivez l’exemple du président Retailleau : retirez votre projet de loi. (Vifs applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
M. le président. La parole est à Mme la Première ministre.
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Monsieur le président Patrick Kanner, lundi dernier, à l’Assemblée nationale, vos collègues députés socialistes ont pris une lourde décision. Ils ont choisi de mêler leurs voix à celles de l’extrême droite pour empêcher la poursuite des débats au Parlement. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP. – Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
Ils ont choisi de refuser d’exercer leur mission de parlementaire : discuter et voter la loi.
M. Mickaël Vallet. On vous a fait élire au second tour de la présidentielle !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Je me souviens d’un temps où le parti socialiste portait des combats et des valeurs, d’un temps où il défendait avec force le Parlement. Le parti socialiste était un parti de gouvernement. (Protestations sur les travées du groupe SER.)
M. Emmanuel Capus. C’était avant !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Or, à l’Assemblée nationale, il s’enferme de plus en plus dans l’obstruction.
Monsieur le président Kanner, je connais la sincérité de vos convictions et votre attachement à la démocratie parlementaire.
Aussi, je vous le demande, avec vos collègues sénateurs socialistes, allez-vous laisser le parti socialiste se dissoudre au sein de la Nupes ? (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP. – Exclamations ironiques sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
Allez-vous, sans rien dire, le laisser devenir un satellite de La France insoumise et laisser ses représentants voter avec le Rassemblement national ? Ou comptez-vous sauver l’honneur du parti socialiste et défendre ce qui fait son histoire et ses valeurs ? En attendant, avec mon gouvernement, je ne laisserai jamais les manœuvres politiciennes l’emporter ! (Huées sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
Les Français attendent des solutions. Ils demandent des mesures fortes face à l’immigration illégale. Ils souhaitent que nous travaillions à une meilleure intégration de ceux que nous accueillons. Avec le ministre de l’intérieur et des outre-mer, je suis déterminée à le faire.
Une commission mixte paritaire se réunira lundi prochain. Nous sommes résolus à apporter des réponses à nos concitoyens. Avec mon gouvernement, je choisirai toujours la voie de la responsabilité et le chemin de l’action. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées du groupe INDEP.)
M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour la réplique.
M. Patrick Kanner. Madame la Première ministre, je vous ai posé une question de fond, et vous me répondez de manière politicienne. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes GEST et Les Républicains.)
Vous connaissez la locution d’origine latine, chère aux juristes : « Nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude. »
Pardonnez-moi de vous le rappeler, mais le 14 novembre dernier, ici même, les sénateurs de votre groupe majoritaire, à quelques exceptions, ont voté la version du projet de loi Immigration de la droite sénatoriale,…
M. Bruno Retailleau. Ils ont bien fait !
M. Patrick Kanner. … avec toutes les suppressions que j’ai évoquées tout à l’heure ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Aussi n’ai-je pas de leçon à recevoir au nom de mon groupe ! Ne laissez pas vos députés du groupe Renaissance se dissoudre parmi ceux du groupe Les Républicains, qui, eux-mêmes, se dissolvent parmi les représentants du groupe Rassemblement national. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Stéphane Ravier et Aymeric Durox sourient.)
Voilà la réalité, madame la Première ministre. Retirez votre texte ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
retrait du projet de loi sur l’immigration
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
Mme Cécile Cukierman. Madame la Première ministre, mes chers collègues, l’adoption de la motion de rejet préalable déposée sur votre projet de loi Immigration, lundi dernier à l’Assemblée nationale, est un échec cuisant.
Vous osez dénoncer l’empêchement du débat, alors que vous avez vous-même coupé court, à vingt reprises, aux discussions des députés lors de l’examen de la réforme des retraites et des budgets, par des 49.3 successifs.
Aujourd’hui, en l’absence d’un tel débat à l’Assemblée nationale, vous allez faire en sorte qu’un projet de loi plus dur, celui qui est issu des travaux du Sénat, devienne la base de travail commune aux deux chambres.
Or la confusion, madame la Première ministre, c’est vous qui l’avez entretenue, en accompagnant le projet de loi de la droite sénatoriale. Vos soutiens, ici, au Sénat, ont voté le projet de loi issu de ses travaux, que votre groupe à l’Assemblée nationale a ensuite profondément travaillé.
M. Michel Savin. En même temps ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Cécile Cukierman. Cette incohérence, vous la payez.
Votre réponse à cet échec et à cette grande confusion, c’est la convocation, en urgence, d’une commission mixte paritaire, pour tenter de petits arrangements.
Nous n’acceptons pas ce coup de force contre la démocratie, cette mise en cause profonde du Parlement.
Madame la Première ministre, allez-vous renoncer à la convocation de la commission mixte paritaire ? (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)
M. le président. La parole est à Mme la Première ministre.
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, madame la présidente Cécile Cukierman, lundi dernier, à l’Assemblée nationale,… (Exclamations ironiques sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
M. Hussein Bourgi. Vous avez déjà lu cette fiche, changez-la !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. … ceux qui prétendent donner des leçons de démocratie au Gouvernement ont choisi d’empêcher le débat parlementaire.
M. Mickaël Vallet. Vous l’avez déjà dit !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Je réponds à la même question, monsieur le sénateur !
Ce choix, effectué de concert avec l’extrême droite (M. Fabien Gay proteste.), n’a pas entamé notre volonté d’apporter des réponses aux attentes de nos concitoyens.
Madame la présidente Cécile Cukierman, les Français soutiennent notre texte. (Exclamations sur les travées des groupes SER et Les Républicains.)
Ils demandent que nous puissions expulser plus facilement les étrangers délinquants et ceux qui ne respectent pas les principes républicains.
Ils demandent que nous donnions plus de capacités d’action à nos forces de l’ordre, pour lutter contre l’immigration irrégulière.
Ils demandent que nous renforcions les sanctions contre les passeurs et les marchands de sommeil.
Ils demandent que nous intégrions mieux ceux que nous choisissons d’accueillir.
Ces objectifs sont ceux de notre projet de loi. Nous voulons apporter à nos concitoyens les solutions qu’ils attendent. Rien ne nous fera dévier de cette ligne. Une commission mixte paritaire a été convoquée. Le débat parlementaire continue, et nous souhaitons parvenir à un accord.
La détermination de mon gouvernement, comme celle du ministre de l’intérieur et des outre-mer, Gérald Darmanin, est totale. (M. François Patriat applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour la réplique.
Mme Cécile Cukierman. Madame la Première ministre, les mêmes Français que vous appelez aujourd’hui à la rescousse rejetaient, pour près de 70 % d’entre eux, la réforme des retraites. Or vous ne les avez pas écoutés ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)
Les Français ne peuvent être invoqués, « en même temps », dans un cas et dans un autre, lorsque cela vous arrange.
Les Français, ce sont les citoyens de notre pays qui forment la République.
M. Laurent Duplomb. Ici aussi, c’est la République !
Mme Cécile Cukierman. Aujourd’hui, vous faites le choix de piétiner le débat parlementaire (Protestations sur les travées du groupe RDPI. – Mme la Première ministre proteste également.), en convoquant une commission mixte paritaire, alors qu’aucun texte n’a été voté à l’Assemblée nationale.
Madame la Première ministre, tenons un discours de sincérité. À l’Assemblée nationale, lundi dernier, des groupes de gauche et de droite ont voté la motion de rejet préalable. Et je vous rappelle que les cinq voix qui vous ont manqué ne sont pas uniquement le fait de la gauche, mais de l’arc républicain présent ici, au Sénat.
C’est à cela que vous devez travailler, pour répondre à l’urgence du bien-vivre des Françaises et des Français. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)
trimestres de retraite des sapeurs-pompiers volontaires
M. le président. La parole est à M. Pascal Martin, pour le groupe Union Centriste. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Pascal Martin. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
Monsieur le ministre, hier, l’une de nos collègues députées vous a interrogé sur la publication imminente d’un décret très attendu par les 200 000 sapeurs-pompiers volontaires, en cette période de fête de la Sainte-Barbe.
Ce décret met en œuvre l’article 24 de la loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 du 14 avril dernier. Cet article accorde, au titre de la solidarité nationale, le droit à des trimestres de retraite supplémentaires aux assurés ayant accompli au moins dix années de service, continues ou non, en qualité de sapeurs-pompiers volontaires.
Or, dans sa rédaction actuelle, le projet de décret d’application limiterait le bénéfice de cette disposition législative aux seuls sapeurs-pompiers volontaires ayant eu une carrière hachée, c’est-à-dire ne disposant pas de l’ensemble des trimestres de cotisations de retraite sur leur carrière.
Cette décision serait en totale contradiction avec l’esprit du législateur et viderait le dispositif de son contenu, car seuls 10 % des bénéficiaires potentiels seraient alors concernés.
Monsieur le ministre, la réponse que vous avez faite hier à notre collègue députée ne nous a pas complètement rassurés.
Certes, vous avez affirmé que le décret appliquerait strictement la loi, et nous vous en remercions. Mais, en même temps, vous n’avez pas nié que le décret en préparation restreindrait considérablement le dispositif.
Dans ces conditions, monsieur le ministre, je vous le demande très solennellement : vous engagez-vous aujourd’hui à ne pas limiter l’avantage accordé par la loi du 14 avril dernier aux seuls sapeurs-pompiers ne bénéficiant pas de l’ensemble des trimestres de cotisation de retraite sur l’ensemble de leur carrière ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains, INDEP et RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer. Monsieur le sénateur, vous avez parfaitement raison, un décret est aujourd’hui soumis au Conseil d’État.
Il vise à appliquer les très nombreuses mesures décidées collectivement, tout d’abord, dans le cadre de la loi dite Matras, elle-même issue d’une proposition du député du même nom, membre de la majorité de l’Assemblée nationale ; puis, dans le cadre de la loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023, qui réformait les retraites.
Dans ce texte, pour la première fois, des trimestres supplémentaires ont été accordés à nos sapeurs-pompiers volontaires, afin de reconnaître leur engagement.
En tant que ministre chargé des sapeurs-pompiers, une responsabilité que je partage avec les services départementaux d’incendie et de secours (Sdis) que vous connaissez bien, je suis tout à fait favorable non seulement à la loi, mais aussi à son esprit, tel que vous l’avez présenté.
Oui, je le répète devant votre assemblée, si ces décrets sont soumis au Conseil d’État, ils ne sont pas publiés.
En outre, une discussion est en cours avec la direction de la sécurité sociale, placée sous l’autorité du ministre délégué chargé des comptes publics et de la ministre des solidarités et des familles.
Enfin, l’arbitrage de la Première ministre va évidemment dans le sens du respect de l’intégralité du texte de la loi, que vous avez votée, et de son esprit. (Mme la Première ministre approuve.)
Le président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France, M. Bosland, qui m’avait saisi, semble avoir été rassuré par ma réponse. Je suis navré qu’il n’en soit pas de même pour vous et j’espère avoir complété ma réponse adressée hier à une députée à l’Assemblée nationale.
Après l’avis du Conseil d’État, nous discuterons avec la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France : mes collègues du Gouvernement et moi-même, sous l’autorité de la Première ministre, nous y engageons.
Toutefois, je le répète, des trimestres supplémentaires seront accordés aux sapeurs-pompiers volontaires, parce qu’ils donnent du temps et offrent parfois leur vie à la société, mais aussi parce que leur famille est affectée par leur engagement, qui fait honneur à leur uniforme et à la République.
En tant que ministre, j’y veillerai, sous l’autorité de Mme la Première ministre. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et RDSE, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. Pascal Martin, pour la réplique.
M. Pascal Martin. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse.
La doctrine opérationnelle française repose sur la complémentarité entre les sapeurs-pompiers professionnels, les militaires et les sapeurs-pompiers volontaires. Ces derniers sont touchés par une grave crise des vocations. Ainsi manque-t-il aujourd’hui 50 000 sapeurs-pompiers volontaires en France.
La réponse à cette légitime demande, formulée depuis quarante ans par des femmes et des hommes qui font preuve de cet engagement civique remarquable, est attendue par tous les sapeurs-pompiers volontaires, et pour tous.
Monsieur le ministre, vous l’aurez compris, les sapeurs-pompiers volontaires comptent sur vous pour que ce projet de décret soit publié dans les meilleurs délais et soit conforme à l’esprit qui a prévalu au Sénat voilà quelques mois. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes Les Républicains, INDEP et RDSE.)
suite donnée au projet de loi sur l’immigration (ii)
M. le président. La parole est à Mme Mélanie Vogel, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme Mélanie Vogel. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
Monsieur le ministre, vous avez essuyé lundi dernier un échec cuisant.
Cet échec politique, mais surtout moral, est celui d’une stratégie folle, celle d’un Gouvernement qui a rêvé d’associer quelques miettes d’humanité aux idées rances, aux fantasmes morbides, aux obsessions xénophobes et aux imaginaires racistes… (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Huées sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-François Husson. Rien que ça !
Mme Mélanie Vogel. … de toutes celles et de tous ceux qui ont fait de la haine des étrangers la valeur cardinale de leur projet politique, ainsi que leur seul et unique fonds de commerce électoral. (Mêmes mouvements.)
Aussi, depuis lundi dernier, vous pleurnichez et accusez la Terre entière. Une alliance contre-nature se serait formée contre vous : vous l’avez d’ores et déjà dit trois fois, nous avons compris !
Toutefois, c’est exactement le contraire qui s’est passé. C’est vous qui avez un jour imaginé, dans le confusionnisme total qui vous caractérise, qu’il était possible de trouver un équilibre entre la haine et les valeurs de la République, entre l’égalité et les discriminations, entre l’indignité et l’État de droit, entre la raison et le mensonge. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Or cet équilibre n’existe pas !
Vous allez devoir choisir.
Aussi, qu’allez-vous choisir ? Sceller une alliance avec la droite extrême et l’extrême droite, comme vous l’avez fait au Sénat ? (Vives exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Conduire toujours davantage la France au bord du gouffre au point de l’y jeter, par une communication indigne ou une compromission avec celles et ceux qui abîment chaque jour la République, ou bien opérer un retour vers la raison et la responsabilité et suivre le cap de la dignité et du respect des valeurs républicaines ?
Retirez ce texte : il n’a aucun avenir digne ! Préférez l’inconfort d’un instant au déshonneur de toujours.
Retirez ce texte : acceptez de construire avec celles et ceux qui portent encore les valeurs de la République (Marques d’ironie sur les travées du groupe Les Républicains.), avec celles et ceux qui regardent le monde tel qu’il est, sans haine, sans hypocrisie et sans cynisme, un texte digne, rationnel, humaniste, à la hauteur de la promesse républicaine, un texte qui traite l’immigration pour ce qu’elle est,…
M. le président. Il faut conclure !
Mme Mélanie Vogel. … c’est-à-dire ni une menace, ni un problème, mais un phénomène humain ! (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE-K. – Huées sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer. Madame la sénatrice, vous êtes bien mal placée pour faire une leçon de morale, alors que la motion de rejet préalable sur le projet de loi Immigration, déposée par le groupe écologiste de l’Assemblée nationale, a été votée par le Rassemblement national, avec des clins d’œil si grands qu’ils ont été vus dans toutes les circonscriptions Nupes de France. (Protestations sur les travées du groupe GEST.)
Mme Françoise Gatel. Très bien !
M. Gérald Darmanin, ministre. Madame la sénatrice, vos leçons de morale ne sont pas à la hauteur du débat que nous avons.
Voilà quelques heures, à l’Assemblée nationale, la Nupes, dont votre groupe fait partie, a rejeté – vous le saviez fort bien –, non pas le texte, mais le débat. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et UC. – M. Bruno Sido applaudit également.) Vous saviez pertinemment que la version du projet de loi votée par le Sénat serait ensuite retenue.
Vous avez ainsi poussé le cynisme politique, sans doute pour obtenir quelques articles favorables dans la presse, jusqu’à rejeter, par principe, l’interdiction de placement des mineurs en centres de rétention administrative – tout ce que la gauche n’a jamais fait en soixante ans, tout ce que le Président de la République fera. (M. Martin Lévrier applaudit. – Protestations sur les travées du groupe GEST.)
À la différence de ce qui s’est passé au Sénat, où la majorité, l’opposition et le Gouvernement ont su adopter des amendements issus des groupes communiste et socialiste, ainsi que de votre groupe, même si vous n’avez pas voté ensuite l’ensemble du projet de loi, les 150 députés de la Nupes ont refusé le débat et noué une alliance contre-nature avec Mme Le Pen. (Protestations sur les travées des groupes GEST, CRCE-K et SER.)