M. le président. L’amendement n° 11, présenté par MM. Savoldelli, Bocquet et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Cet amendement vise à la suppression de l’article 1er qui, selon nous, n’a pas de portée juridique, fait se succéder les déclarations d’intentions plus ou moins étayées et présente des données du projet de loi de programmation des finances publiques.
Ce document est un autosatisfecit, monsieur le ministre. Vous vous félicitez des politiques conduites par le Gouvernement, jusqu’à celles qui sont menées contre nos concitoyens – je fais référence ici au recul de l’âge de la retraite.
Voici un florilège de vos formules : « Après avoir résisté aux crises, l’économie française retrouverait de l’élan » ; « À partir de 2023, la croissance potentielle s’établirait à 1,35 %, la capacité productive de l’économie étant soutenue par les réformes du Gouvernement. » – j’aimerais d’ailleurs que vous nous disiez à quel moment la France a respecté la croissance potentielle fixée dans les précédentes lois de programmation … – ; « Le budget 2024 permettra également de financer les mesures du projet de loi relatif à l’industrie verte, qui a pour ambition de faire de la France son chef de file en Europe. », etc. Je vous fais grâce de l’exégèse du rapport annexé…
Cet article est en fait le premier moment de vérité de la rentrée budgétaire, que la majorité sénatoriale ne peut balayer d’un revers de main.
Ne pas voter sa suppression, c’est signifier son accord avec les prévisions macroéconomiques qu’il contient. Ne pas voter sa suppression, c’est soutenir son contenu. Ne pas voter sa suppression, c’est approuver le programme de réformes passées et à venir du Gouvernement. Enfin, ne pas voter sa suppression, c’est finalement affirmer – je devrais dire « réaffirmer » – l’union sacrée entre la majorité sénatoriale et la majorité présidentielle dans la constitution d’un grand bloc libéral.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur. Je ne céderai évidemment pas au raccourci opéré par mon collègue Éric Bocquet dans la défense de son amendement au sujet de la position de la majorité sénatoriale.
Comme plusieurs de nos voix l’ont affirmé, nous ne partageons pas l’optimisme des prévisions du Gouvernement. J’ai bien compris qu’il en allait de même pour vous, mon cher collègue.
Cependant, votre contre-proposition est fort modeste. Pour notre part, dès lors que nous avons choisi de proposer un projet alternatif sans remettre en cause toutes les hypothèses – je répète que nous aurons l’occasion, sur d’autres amendements, de dénoncer le flou artistique du projet, ainsi que je l’ai fait dans ma déclaration liminaire –, nous considérons qu’il faut bien travailler sur ces hypothèses.
Nous prenons acte de celles que le Gouvernement a données, qui nous semblent trop optimistes. Nous relèverons les compteurs un peu plus tard et nous verrons bien alors qui était le plus proche de la réalité.
Pour l’heure, nous émettons un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Monsieur le sénateur, en supprimant cet article, vous rendez de facto ce projet de loi de programmation inconstitutionnel, la loi organique prévoyant précisément la rédaction de ce rapport annexé.
Pour cette raison, j’émets un avis défavorable.
M. le président. L’amendement n° 12, présenté par MM. Savoldelli, Bocquet et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Alinéa 4, quatrième phrase
Supprimer les mots :
, un niveau historiquement bas
La parole est à Mme Marianne Margaté.
Mme Marianne Margaté. Cet amendement a pour objet de supprimer l’alinéa 4.
Nous parlions d’autosatisfecit ; en voici un autre : « Le marché de l’emploi reste également bien orienté, avec un taux de chômage à 7,2 % au deuxième trimestre 2023, un niveau historiquement bas. »
Monsieur le ministre, nous vous demandons de supprimer cette mention trompeuse.
Doit-on vous rappeler que le taux de chômage, au sens du Bureau international du travail (BIT), est, selon l’Insee, au niveau du premier trimestre 2008 ?
Il y avait alors, avant que la crise financière des subprimes et les effets du traité de Lisbonne ne s’abattent sur notre économie, 94 000 chômeurs de moins.
Plus encore, il faut se rappeler, lorsque l’on invoque un niveau historiquement bas, que le chômage a plafonné à 2 % de l’après-guerre à 1967, et en deçà de 5 % jusqu’en 1978.
Pour aborder sérieusement ce qui vous amène à revendiquer ces chiffres du chômage, tout comme votre discours sur la fable du plein emploi, il faut s’intéresser à la structure et à la nature de l’offre de travail.
Quelle est la valeur ajoutée économique de ces emplois ? En Île-de-France, le chiffre d’affaires trimestriel moyen des autoentrepreneurs au troisième trimestre 2020 atteignait péniblement 3 298 euros, soit 1 099 euros par mois de chiffre d’affaires hors impôt.
Surtout, quelle est la valeur ajoutée sociale de ces emplois dans les conditions matérielles d’existence de ces travailleuses et travailleurs, et quelle est leur utilité sociale ?
Nous n’obtenons pas le plein emploi à marche forcée en précarisant, en subventionnant le mal emploi et en créant la fiction du travail. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K. – Mme Antoinette Guhl applaudit également.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur. Si l’on se situe dans l’histoire longue, madame la sénatrice, votre observation est justifiée.
Toutefois, quel que soit le mode de calcul – il faut tenir compte des nombreuses formations professionnelles –, la situation actuelle est la plus favorable depuis quinze ans, soit depuis 2008, ce qui nous rappelle de bons moments, puisque le Gouvernement était alors issu de la majorité qui soutenait le président Sarkozy.
La commission sollicite donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Nous tenons à la mention que l’amendement tend à supprimer.
Ce n’est pas nous qui calculons le taux de chômage au sens du BIT : c’est l’Insee.
Ce taux atteint 7,2 %. Nous avons pu observer ponctuellement un tel niveau en 2008, mais il faut remonter à 1982 pour observer de manière plus durable une baisse du taux de chômage d’une ampleur comparable.
Nous maintenons donc notre affirmation et émettons un avis défavorable sur l’amendement.
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Monsieur le rapporteur, vous avez fait allusion au président Sarkozy, mais vous auriez dû y associer son ministre Hervé Novelli, qui avait inventé un beau principe avec le statut d’auto-entrepreneur. Le Président de la République proposait alors à tous les Français de devenir patrons !
Ce que vient de dire Marianne Margaté sur les revenus est explicite. Elle a évoqué l’Île-de-France, mais on pourrait citer toutes les régions de France.
Il faut tout de même raison garder dans l’argumentation que l’on utilise, par égard pour les femmes et les hommes qui ont une vie de labeur et qui n’ont pas les revenus qu’ils devraient avoir.
M. le président. L’amendement n° 13, présenté par MM. Savoldelli, Bocquet et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Alinéa 7, deuxième phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 7, qui concerne l’inflation, et qui est ainsi rédigé : « La normalisation de l’inflation reposerait largement sur le ralentissement des prix alimentaires et manufacturés, déjà entamé à l’été 2023. »
J’invite le Sénat à voter unanimement cette suppression, parce que nous savons tous que cette affirmation est fausse. Nous ne sommes pas là dans le débat idéologique ou la confrontation des analyses : toutes les Françaises et tous les Français le savent.
Au mois de mars 2023, les prix de produits de grande consommation vendus dans la grande distribution ont augmenté de 15 % sur un an, et l’inflation des prêts à la consommation augmentait pour le seizième mois consécutif. Il faudrait, dans ces conditions, se réjouir ici d’un ralentissement à l’été ? Mais de quel ralentissement parle-t-on ?
L’association de protection des consommateurs UFC-Que Choisir a calculé que l’envolée des produits alimentaires a dépassé 19 % et que celle des produits d’hygiène s’est établie à 9 % sur un mois.
Le ralentissement déjà entamé à l’été n’a pas été perçu par le quotidien Le Monde, dont un article avait pour titre : « Les prix alimentaires restent au plus haut en août en France. » Et pour cause, les prix alimentaires ont bondi de 21,3 % sur l’année : un record ! Un de ceux que l’on aurait aimé ne pas battre…
Nous le disons avec sérieux et solennité : il faut enlever ce paragraphe de l’annexe, que, du reste, personne ne lira. Il est le signe d’une déconnexion flagrante, en sus d’être un mensonge éhonté.
Le peuple est pris à la gorge. Alors que 42 % des plus précaires affirment, dans une étude réalisée par l’Institut français d’opinion publique (IFOP), se priver d’un repas chaque jour, nous, les parlementaires, nous regardons ailleurs, comme si nous étions au-dessus de tout cela !
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Pascal Savoldelli. J’appelle la commission à émettre un avis favorable sur notre amendement : supprimer cette phrase serait digne politiquement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur. Il faut resituer le texte dans le temps.
Ce qui est vrai – du moins lorsque l’on s’en remet aux données de l’Insee –, c’est que l’inflation a été assez forte et qu’elle est actuellement en phase de ralentissement.
En tout état de cause, elle est davantage contenue, que ce soit pour la moyenne des prix alimentaires analysés ou pour les produits manufacturés : avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Monsieur le sénateur, je confirme que le pic de l’inflation alimentaire date de mars 2023, à +15,9 %.
On peut convenir aujourd’hui que l’inflation alimentaire est encore trop élevée, mais elle n’a cessé de ralentir. En septembre, elle s’établissait à +9,7 %. On est donc bel et bien dans une phase de ralentissement.
Je suis d’accord avec vous sur le fait que l’inflation est toujours élevée, mais, factuellement, la phrase que vous voulez supprimer est juste, puisque le pic est derrière nous.
Par conséquent, avis défavorable également.
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Monsieur le ministre, je pense qu’à défaut d’émettre un avis de sagesse sur notre amendement vous auriez au moins dû faire preuve de sagesse dans vos propos.
Vous rendez-vous compte que parler d’un ralentissement de l’inflation, qui serait passée de 15 % à 9,6 %, cela ne passe pas auprès des plus précaires et des plus modestes de nos concitoyens ? Vous avez pourtant entendu ce que j’ai dit sur les produits d’hygiène !
À votre place, monsieur le ministre, j’en aurais au moins appelé à la sagesse du Sénat.
M. le président. L’amendement n° 14, présenté par MM. Savoldelli, Bocquet et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Alinéa 14
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Ainsi que plusieurs intervenants l’ont souligné en discussion générale, le texte est inchangé par rapport à celui dont nous avions discuté l’an dernier.
Monsieur le ministre, vous aviez une année pour rectifier les prévisions de « croissance potentielle », la plus haute de toutes les institutions économiques, expression un peu technique permettant d’estimer la croissance sans écart de production dans une situation optimale.
Vos réformes conduiraient, en 2027, à un écart de production nul. Autrement dit, tous les facteurs permettraient d’atteindre le niveau de croissance optimal.
Or le Haut Conseil des finances publiques est clair, qui réitère qu’une croissance potentielle inchangée à 1,35 % en moyenne annuelle sur la période, supérieure aux autres prévisions disponibles, suppose notamment de prêter aux réformes du marché du travail des effets trop importants et rapides à ses yeux.
En vérité, c’est sur la contribution du capital que vous misez, alors même que les conditions de financement se durcissent. Les subventions au capital via le plan de relance et le plan d’investissement France 2030 ne suffiront pas.
Les baisses du taux de l’impôt sur les sociétés ne sont que proportionnelles à l’accroissement des dividendes. Contrairement à ce que vous affirmez, la suppression de la CVAE – à supposer qu’elle ait une quelconque incidence sur l’investissement des entreprises – ne produira pas d’effets avant 2027.
Le « facteur travail » – pour reprendre le jargon que l’on emploie aujourd’hui – n’est pas plus à la fête, car les prévisions du Gouvernement se fondent sur 150 000 emplois créés à moyen terme grâce à la réforme de l’assurance chômage, autrement dit à la restriction de l’accès aux droits des allocataires eux-mêmes cotisants. Privés de droits, des chômeurs ne créent pas d’emploi.
Dans le même temps est créée la nécessité vitale d’accepter un emploi à n’importe quelles conditions.
Le Haut Conseil explique que « l’impact de la réforme de l’assurance chômage sur la croissance potentielle est surestimé ».
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur. J’ai déjà eu l’occasion de dire que les prévisions macroéconomiques retenues par le Gouvernement me semblaient trop optimistes, mais de là à les supprimer… Sans aller jusqu’au bénéfice du doute, car nous ne doutons pas vraiment, il faut bien que le texte comporte les données qui doivent y figurer.
Pour cette raison, je sollicite le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Monsieur le sénateur, je vous renvoie aux estimations de l’OFCE et du FMI, qui évaluent notre croissance potentielle à 1,3 %.
Pour ce faire, tous deux intègrent les effets de nos réformes structurelles, qui vont continuer : la réforme du revenu de solidarité active (RSA), la réforme de France Travail, celle du lycée professionnel, celle de l’apprentissage…
Ce sont donc deux instituts très différents qui confirment les hypothèses retenues par le Gouvernement.
M. le président. L’amendement n° 33, présenté par MM. Savoldelli, Bocquet et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Alinéa 38 et 39
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. Les principales mesures en matière de prélèvements obligatoires pour 2023 représentent une diminution des recettes fiscales et sociales d’un montant de 13,6 milliards d’euros.
Ce solde est d’autant plus substantiel lorsqu’on le rapporte aux 16 milliards d’euros d’économies escomptées par le ministre Bruno Le Maire dans le budget de l’année prochaine.
Pour signifier notre opposition à l’affaiblissement des recettes fiscales, nous aurions pu demander la suppression de ce tableau, mais ce qui nous dérange dans la présentation de ces données tient d’abord à leur sincérité.
Monsieur le ministre, expliquez-nous comment la baisse du taux de l’impôt sur les sociétés de 8 points, de 33 % à 25 %, n’aurait coûté aux finances publiques que 400 millions d’euros ? Je vous avoue que nous avons du mal à comprendre ce montant. Votre éclairage nous permettra sans doute de recueillir les informations nécessaires.
Ce n’est pas l’écart entre les recettes exécutées réellement perçues en 2022 et les estimations pour 2023 qui l’explique. Ce n’est pas non plus la baisse des recettes liée à la baisse des bénéfices, qui explosent de 15 % sur un an pour le seul CAC 40.
Pour s’en convaincre, dans une société qui n’aurait pas de possibilité de contourner l’impôt, les 81 milliards d’euros engrangés pour le seul premier semestre 2023 généreraient une imposition de 20,25 milliards d’euros au taux de 25 %. Avec un taux de 33 %, on aurait bien 6,5 milliards d’euros de plus sur un semestre pour financer les besoins des administrations.
En appliquant le même raisonnement – à vos yeux peut-être un peu simpliste, mais qui a le mérite de poser les ordres de grandeur – aux 61,3 milliards d’euros de l’impôt sur les sociétés en 2023, la baisse d’un quart du taux d’imposition des bénéfices de 33 % à 25 % représenterait une perte de recettes de 20 milliards d’euros.
Peut-on avoir une explication de ce décalage entre deux dizaines de milliards d’euros et 400 millions d’euros ? Il doit y avoir une erreur…
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur. Cher collègue, j’entends que vous souhaitez que les données concernant les prélèvements obligatoires soient rectifiées. Or l’amendement que vous proposez consiste à les supprimer purement et simplement. Si tel était le cas, nous manquerions de données et il nous serait difficile de construire une trajectoire.
Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Nous avons aussi besoin de ce tableau par souci de transparence.
La baisse du taux de l’impôt sur les sociétés a eu pour effet d’augmenter les recettes collectées. (Marques de scepticisme sur les travées du groupe CRCE-K.) C’est l’effet de la politique de l’offre : en baissant l’impôt sur les sociétés des entreprises, on encourage la création d’activités et le développement des entreprises, donc on perçoit plus de recettes.
Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 34, présenté par MM. Savoldelli, Bocquet et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Alinéa 42, troisième phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. Vous connaissez ma personnalité : si je suis toujours respectueux, je suis parfois un peu taquin, voire insolent.
Le taux passe de 33 % à 25 %. À écouter le raisonnement du ministre, avec un taux à 0 %, la flambée économique serait assurée, il n’y aurait plus de problèmes, tout le monde se sentirait utile, aurait du travail et serait heureux.
M. Pascal Savoldelli. Je reviens à cette mesure fiscale de 2023. Le signal que vous donnez nous semble dangereux : plus le taux facial serait haut, plus l’évitement de l’impôt serait légitime.
Monsieur le ministre, nous sommes ici pour faire la loi, l’écrire et en débattre. Nous ne sommes pas en train de distribuer des tracts.
Cependant, nous voulons vous poser une question : que ferez-vous des économies que vous inscrivez dans le projet de loi jusqu’en 2027 ? Il serait bon que nous le sachions : cela nous aiderait à préparer le projet de loi de finances, compte tenu de la trajectoire que vous définissez ici.
Pouvons-nous collégialement avoir un certain nombre d’informations sur les économies que vous envisagez de faire d’ici à 2027, au-delà du seul projet de loi de finances pour 2024 ? Autant que nous y voyions clair sur le cap vers lequel vous vous dirigez !
Vous nous expliquez que la charge des intérêts de la dette va augmenter, passant à 74 milliards d’euros d’ici à 2027, soit 21,5 milliards d’euros de plus que vos projections pour 2024. Cela devrait inquiéter tout le monde !
Pourrions-nous avoir des éléments sur le coût de la dette ? Celui-ci va dépasser le budget de l’éducation nationale, ce qui est tout de même assez extraordinaire. Il n’y a pas de quoi en tirer gloriole.
C’est la raison pour laquelle nous demandons la suppression de cette phrase, qui figurait certes dans les documents et les programmes électoraux, mais qui relève plus de la propagande que de la réalité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur. Monsieur le ministre, votre phrase magique vaut le détour. Elle est le copier-coller de mauvais aloi d’une réponse que vous avez faite à une question que j’avais moi-même posée.
Je vous le dis tout de suite : je partage, à son sujet, l’avis du sénateur Pascal Savoldelli et des membres de son groupe.
Cette phrase vaut son pesant de cacahuètes : « Cette maîtrise de la dépense publique reposera notamment sur des mesures de transformation structurelle et une évaluation renforcée de la qualité des dépenses, qui permettront de dégager des marges de manœuvre pour mettre en œuvre les engagements du Président de la République et les priorités fixées par le Gouvernement en termes de politique publique. »
Formidable ! Vous avez quatre heures… (Sourires.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Je vous répondrai en mois de quatre heures. (Nouveaux sourires.)
Que veut dire cette phrase ? Que nous avons besoin de poursuivre les réformes structurelles pour améliorer la situation des finances publiques. Si nous disposons de marges de manœuvre aujourd’hui, c’est parce que nous avons engagé la réforme des retraites, engagé et réalisé la réforme de l’assurance chômage.
Pour redresser les finances publiques, nous devons poursuivre les réformes structurelles, grâce à la revue des missions.
D’ailleurs, nous souhaitons associer les parlementaires à cet exercice.
M. Jean-François Husson, rapporteur. Un jour, peut-être…
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. J’accueillerai très favorablement les propositions concrètes de tous les parlementaires.
Trouvant notre phrase très claire, j’émets un avis défavorable sur l’amendement de M. Savoldelli.
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Excusez-moi, monsieur le ministre, je vais relire la phrase que nous voulons supprimer, même si je vois que cela vous fait sourire.
M. Pascal Savoldelli. Vous aurez pourtant constaté comme moi que notre position à son sujet est partagée.
« Cette maîtrise de la dépense publique reposera notamment sur des mesures de transformation structurelle et une évaluation renforcée de la qualité des dépenses, qui permettront de dégager des marges de manœuvre pour mettre en œuvre les engagements du Président de la République et les priorités fixées par le Gouvernement en termes de politique publique. »
Je ne vous demande pas de faire un long discours – la loi de programmation couvre la période qui va jusqu’en 2027 ; la date est sûrement choisie au hasard… – ni de modifier la phrase que je viens de citer et dont vous venez de justifier la rédaction. Je vous demande simplement de nous répondre. Quelles sont les marges de manœuvre d’ici à 2027 ? En quoi les dépenses vont-elles être de meilleure qualité ?
Or, et c’est ce qui a motivé le dépôt de notre motion tendant à opposer la question préalable, nous n’avons pas obtenu de réponse. Et nous savons que ce que vous indiquez ne sera pas appliqué. Il y a un vrai problème de sincérité.
M. le président. L’amendement n° 15, présenté par MM. Savoldelli, Bocquet et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Alinéas 111 à 115
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. Tout d’abord, mes chers collègues, je vous remercie pour le vote précédent : il y a une petite lueur d’espoir. Je m’en réjouis. (Sourires.)
Tout le monde le sait ici, le groupe CRCE-Kanaky s’oppose aux mesures de contrition des dépenses ou des recettes des collectivités.
Dans le rapport annexé – et le texte du Gouvernement n’est pas modifié par la droite sur ce point –, il est indiqué que « les collectivités territoriales contribueront à l’effort de réduction du déficit public et de maîtrise de la dépense publique ». Traduction : l’État va faire payer sa politique aux collectivités territoriales ! Voilà qui a le mérite d’être clair !
Les dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales ont été multipliées par dix depuis 1981 ; vous pourriez tout de même le dire ! Il faut bien trouver les moyens alloués à la décentralisation. Celle-ci est tellement inaboutie qu’en 2020, la part des dépenses locales dans les dépenses publiques représente en France 17,9 % du PIB, contre 33 % dans l’Union européenne. Ceux qui prétendent que nous serions les « mauvais élèves » de l’Europe manquent quelque peu de rigueur.
Un tel acharnement du Gouvernement est à nos yeux disproportionné, monsieur le ministre. À la fin 2022, en effet, la dette des administrations publiques locales plafonnait à 245 milliards d’euros, soit 8,7 % de la dette publique totale : même pas 10 % !
Nous ne réduirons pas l’endettement en rognant sur les collectivités. Elles dégagent d’ailleurs, tant bien que mal, une capacité de financement qui oscille en 0,1 et 0,2 point de PIB. La méthode n’est donc pas bonne, et la cible est mauvaise.
Nous nous sommes penchés sur l’alinéa 114 du rapport annexé, au ton quelque peu professoral. Les élus qui nous écoutent doivent y être attentifs, car cela vaut le coup ! C’est un appel à la modération.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Pascal Savoldelli. Le ministre y écrit que les objectifs relatifs aux dépenses réelles de fonctionnement des collectivités « aideront les élus et les gestionnaires de collectivités à se positionner en apportant des éléments d’objectivation et de comparaison sur l’évolution de leurs dépenses de fonctionnement ».