M. François Bonhomme. Cela a commencé !
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. En effet.
Face à l’urgence de la situation et pour pallier l’inaction du Gouvernement, François-Noël Buffet, Françoise Gatel, Mathieu Darnaud, Bruno Retailleau, Hervé Marseille et Maryse Carrère ont déposé au mois de mai une proposition de loi, cosignée par plus de 200 de nos collègues. Elle contient de quatorze mesures concrètes et opérationnelles pour améliorer la protection des élus locaux.
En dépit de multiples travaux sénatoriaux conduits depuis 2019, notamment par la commission des lois, concluant à la nécessité d’un renforcement de la protection des élus locaux, nous ne pouvons que déplorer que le Gouvernement ait tardé à prendre toute la mesure d’un phénomène dont l’ampleur croît pourtant chaque année et, par conséquent, à agir afin de l’enrayer.
Je salue donc le travail de fond que nous, sénateurs, avons continué de mener et me réjouis qu’aujourd’hui nous puissions, ensemble, faire œuvre utile en la matière.
Sur le fond, la commission des lois ne pouvait qu’accueillir favorablement ce texte, qui répond à un constat qu’elle a elle-même dressé depuis 2019 avec le Plan d’action pour une plus grande sécurité des maires réalisé par Philippe Bas, à la suite du tragique décès du maire de Signes et, plus récemment encore, avec le cycle d’auditions lancées par François-Noël Buffet à la suite de la démission du maire de Saint-Brevin-les-Pins.
Ce texte vient combler des vides existants en matière de protection des élus locaux, mais également des candidats à un mandat électif public, dénoncés unanimement par les associations représentatives d’élus que j’ai auditionnées.
C’est pourquoi la commission a approuvé, sur leur principe, l’ensemble des quatorze mesures du texte, qui visent à renforcer l’arsenal répressif en cas de violences commises sur des élus ou des candidats, à améliorer la protection dont ils disposent ou à renforcer les liens entre les maires et les procureurs. Elles ont également été unanimement saluées par les associations d’élus locaux auditionnées au cours de mes travaux.
Ces mesures apportent une première réponse aux difficultés que rencontrent les élus locaux, singulièrement les maires, dans l’exercice quotidien de leur mandat pour assurer leur sécurité et leur intégrité. La commission a ainsi adopté huit des quatorze articles du texte sans modification.
S’agissant des mesures restantes, les membres de la commission des lois se sont attachés à améliorer le texte dans quatre directions.
En premier lieu, il est apparu nécessaire d’étendre le bénéfice de plusieurs des dispositifs proposés à de nouvelles catégories d’élus ou aux candidats aux élections locales, le champ d’application initial de certaines mesures semblant inutilement restrictif.
À ce titre, nous avons souhaité permettre aux candidats déclarés aux élections locales de saisir le bureau central de tarification pour assurer les lieux dans lesquels ils organisent des réunions électorales et d’étendre les modifications apportées aux réunions des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD) aux conseils intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CISPD), lorsque les élus les ont constitués.
Par ailleurs, nous avons rendu automatique le bénéfice de la protection fonctionnelle pour l’ensemble des élus, à savoir les maires, les adjoints au maire et les conseillers municipaux ayant reçu délégation, ainsi que les exécutifs régionaux et départementaux.
En deuxième lieu, nous avons été particulièrement vigilants à l’opérationnalité des mesures proposées, tant les élus attendent des réponses efficaces et simples à leurs difficultés quotidiennes. C’est pourquoi nous avons précisé les dispositions visant à élargir le bénéfice de la protection fonctionnelle aux candidats pour qu’elles ne s’appliquent qu’à une période de six mois avant le scrutin et aux seuls élus dont la menace sur leur sécurité est établie.
En complément, nous avons confié la responsabilité de l’instruction desdites demandes de remboursement à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP).
Enfin, compte tenu des délais de déploiement des mesures prévues par cet article, il nous a semblé nécessaire de reporter l’entrée en vigueur de celles-ci à un an après la promulgation de la loi, comme nous l’ont suggéré les services du ministère de l’intérieur.
Dans le même état d’esprit, tout en maintenant le principe d’un dépaysement automatique des affaires mettant en cause, comme auteur, tout élu, nous avons, rétabli la faculté offerte au procureur de la République de dépayser les affaires dans lesquelles un élu serait victime.
En troisième lieu, certains dispositifs nous ont semblé devoir être mieux encadrés pour ne pas grever de manière disproportionnée les budgets communaux.
C’est pourquoi nous avons restreint le principe du « reste à charge zéro » aux seuls dépassements d’honoraires médicaux et psychologiques.
M. François Bonhomme. Très bien !
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Enfin, il nous est apparu utile de renforcer la proposition de loi sur deux points, en introduisant deux mesures complémentaires que les élus locaux appelaient de leurs vœux.
Nous avons – et c’était une volonté partagée par nos collègues du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain – allongé les délais de prescription de trois mois à un an pour les délits d’injure et de diffamation publiques lorsque ces délits sont commis sur les personnes dépositaires de l’autorité publique, et singulièrement sur des élus locaux.
Les élus locaux sont encore trop souvent confrontés à l’inadaptation de ces délais aux évolutions technologiques qui non seulement permettent la persistance de la diffusion de tels contenus dans l’espace public, mais surtout en facilitent l’accessibilité.
Nous avons également introduit une nouvelle circonstance aggravante en cas d’atteinte à la vie privée et familiale d’un candidat à un mandat électif public pendant la durée de la campagne électorale, afin de prendre en compte la crise des vocations électorales et l’aggravation des violences commises à l’encontre des élus locaux.
Ce travail d’amélioration rédactionnelle et d’enrichissement du texte demande à être précisé sur deux points aujourd’hui ; c’est pourquoi je vous proposerai deux amendements de clarification rédactionnelle.
Cette proposition de loi ne permettra pas, à elle seule, de répondre à l’ensemble des difficultés et des violences auxquelles font face les élus locaux, et singulièrement les maires, mais elle constitue une étape importante dans l’amélioration de la protection des élus locaux.
Il nous faudra encore réfléchir à la question du statut de l’élu ainsi qu’au phénomène aujourd’hui répandu des recours abusifs, qui permettent à une minorité de miner les actions d’équipes municipales tout entières. Un autre grand chantier nous attend, mais il requiert une réforme spécifique et d’ampleur, tant il aura des conséquences sur le quotidien des élus : je veux parler des conflits d’intérêts et de la prise illégale d’intérêts, sujet soulevé par la commission des lois.
Mes chers collègues, je conclurai ce propos en remerciant les auteurs de la proposition de loi pour leur travail, qui pourra, je le crois, nous réunir par-delà nos divergences politiques pour améliorer la protection des élus locaux.
En effet, face aux grands défis de la démocratie locale, à commencer par la protection des élus locaux, le Sénat a toujours fait preuve de responsabilité et de pragmatisme. Dès 2019, à la suite du décès du maire de Signes, il a pris l’initiative de plusieurs évolutions législatives qui ont permis de renforcer considérablement la protection des élus locaux, sans pour autant bénéficier d’un plein soutien du Gouvernement.
Si celui-ci semble aujourd’hui soutenir cette initiative et si toutes ces mesures vont dans le bon sens, les évolutions législatives ne sauraient suffire en la matière. J’appelle donc le Gouvernement, madame la ministre, à assurer la pleine et juste application de celles-ci et à engager un changement profond de culture des acteurs judiciaires et étatiques, qui ne peuvent plus rester passifs face à ces phénomènes. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Françoise Gatel ainsi que MM. Pierre Jean Rochette et Daniel Chasseing applaudissent également.)
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, cher François-Noël Buffet, madame la rapporteure, chère Catherine Di Folco, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais tout d’abord remercier très sincèrement et très solennellement le Sénat pour le travail fourni sur le sujet crucial de la lutte contre la violence faite aux élus locaux.
Nous avons échangé ensemble à de multiples reprises, mais je tiens d’emblée à rompre tout suspense : non seulement le Gouvernement est très favorable à la grande majorité des mesures portées par cette proposition de loi, mais, surtout, il considère cette proposition de loi comme une pierre angulaire de la lutte contre les violences faites aux élus, au même titre que le plan national de prévention et de lutte contre les violences faites aux élus, que j’ai eu l’honneur d’annoncer au début de juillet 2023.
Le phénomène des violences contre les élus est un véritable fléau dans notre société moderne. S’en prendre à un élu, c’est s’en prendre à la République, et il était important que nous arrivions à un consensus transpartisan sur cette question. L’état d’esprit dans lequel nous abordons l’examen de cette proposition de loi nous montre que c’est le cas, et nous ne pouvons que nous en féliciter collectivement.
Votre proposition de loi comporte des avancées législatives majeures, qui viendront compléter les mesures que nous avons déjà prises.
À la suite des événements de Saint-Brevin-les-Pins, sous l’autorité de la Première ministre et du ministre de l’intérieur et des outre-mer, en lien également avec le garde des sceaux, j’ai annoncé le 17 mai dernier différentes mesures pour mieux protéger les élus.
Le dispositif repose notamment sur la mise en œuvre d’un « pack sécurité » s’appuyant sur la création d’un réseau de plus de 3 400 référents « atteintes aux élus » dans toutes les brigades de gendarmerie et les commissariats, afin que les élus aient un point de contact privilégié pour parler des menaces, cybermenaces, violences et cyberviolences dont ils font l’objet, que leur situation soit connue et que nous puissions agir.
Le renforcement du dispositif « alarme élu », qui permet aux élus qui se sentent menacés de se manifester auprès de leur commissariat ou de leur gendarmerie, a permis à plus de 3 500 maires de se signaler depuis le 17 mai.
Le développement de nouvelles sessions de sensibilisation à la gestion des incivilités et à la désescalade de la violence, dispensées par le groupe d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN) et le Raid, à l’attention des élus, en lien étroit avec l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF), donne également satisfaction.
La mobilisation de la plateforme d’harmonisation, d’analyse, de recoupement et d’orientation des signalements (Pharos), pour mieux détecter et judiciariser les violences en ligne, nous a par exemple permis de retirer des contenus postés sur la plateforme YouTube par le militant identitaire Papacito.
Nous avons aussi amplifié la démarche « d’aller-vers » des forces de l’ordre, pour permettre aux élus locaux de déposer une plainte quand ils le souhaitent et où ils le souhaitent.
J’ai également tenu à ce que soit mis en œuvre le principe « une menace, une évaluation », pour que les forces de sécurité intérieure évaluent finement la menace et que les préfets puissent décider, le cas échéant, de mesures de protection.
Ces mesures sont mises en œuvre par les policiers et les gendarmes, mais, au niveau national, j’ai souhaité que puisse être créé un centre d’analyse et de lutte contre les atteintes aux élus, qui fonctionne grâce à un tandem constitué d’un sous-préfet et d’un gendarme, se consacrant à temps plein à la coordination des milliers de policiers et gendarmes œuvrant pour la sécurité de nos élus.
Ce centre a notamment pour objectif de mieux comprendre le phénomène et à examiner les situations individuelles sensibles afin de vérifier la mise en place, au niveau déconcentré, des mesures adaptées pour protéger les élus. Je veux que nous ne passions à côté d’aucune situation problématique, et nous devons prendre en charge chacune de ces situations avec humanité.
Nous devons surtout aller plus loin en matière de réponse pénale et judiciaire. Là encore, votre proposition de loi, en alourdissant les sanctions, permet une avancée que nous appelions très clairement de nos vœux.
Elle viendra compléter les mesures que nous avons prises récemment pour mobiliser les parquets. Dans une circulaire conjointe signée par le ministre de l’intérieur et des outre-mer, le garde des sceaux et moi-même, diffusée avant l’été, qui s’adresse en même temps aux parquets et aux préfets, nous demandons aux procureurs de mettre en place un traitement priorisé des procédures concernant les atteintes sur les élus et nous demandons une réponse pénale systématique, ferme et rapide.
Cette circulaire demande plus précisément que la voie du défèrement soit privilégiée, au regard de la nature des faits et de la personnalité du mis en cause, afin de permettre le prononcé d’une mesure de sûreté destinée notamment à prévenir toute réitération à l’encontre de la victime.
On observe déjà une amélioration de la réponse pénale au premier semestre 2023 par rapport à l’année dernière : la part des mis en cause remis en liberté est passée de 52 % en 2022 à 46 % en 2023.
Plus largement, le plan national de prévention et de lutte contre les violences aux élus, que j’ai annoncé au début de juillet, trouve une partie de sa matérialisation dans votre proposition de loi.
Ce plan cherche en effet à agir sur quatre axes : la protection juridique et fonctionnelle ; la sécurité physique des élus et l’accompagnement psychologique ; la réponse judiciaire ; et les relations entre les maires et les parquets.
De très nombreux points nécessitaient toutefois de modifier la loi, pour renforcer la protection fonctionnelle, améliorer sa prise en charge financière, et pour alourdir les sanctions pénales. Sur tous ces points, je le redis, votre travail a été absolument décisif.
Le Gouvernement est favorable, dans leur principe, à l’ensemble des mesures portées par cette proposition de loi en matière pénale, y compris celles que vous avez adoptées en commission. Il est également favorable à la très grande majorité des mesures visant à accompagner les élus victimes, ou à renforcer la prise en compte des réalités des mandats électifs locaux par les acteurs judiciaires et étatiques.
Sur tous ces enjeux essentiels, je ne puis que me féliciter du fait que nous arrivions à travailler de façon apaisée et consensuelle.
Je ne vous proposerai que deux amendements d’ordre technique, l’un visant à assurer l’effectivité du nouveau mécanisme de protection fonctionnelle que vous prévoyez, l’autre supprimant une disposition déjà prévue par le projet de loi finances pour 2024.
En tout cas, je vous félicite de cette démarche, qui est un exemple de coopération entre le Sénat et le Gouvernement, dont nous pouvons tous nous réjouir ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP, RDSE, UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel.
Mme Françoise Gatel. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le 5 août 2019, Jean-Mathieu Michel, maire de Signes, mourait dans l’exercice de son mandat à cause d’un dépôt sauvage de gravats. Le 17 mai 2023, Yannick Morez, maire de Saint-Brevin-les-Pins, démissionnait à la suite de la tentative d’incendie de sa maison. Le 2 juillet 2023, Vincent Jeanbrun, maire de L’Haÿ-les-Roses, voyait sa maison, où dormait sa famille, attaquée par une voiture bélier incendiaire.
À ces agressions extrêmes, chacun de nous ici peut ajouter les noms et les visages des élus de nos départements qui ont été, eux aussi, meurtris dans leur chair et leur cœur, si blessés et déstabilisés qu’ils jettent l’éponge.
À tous ces élus engagés pour servir, à leurs familles solidaires de leur engagement, je dis mes pensées les plus fraternelles. Le Sénat, comme l’ont rappelé François-Noël Buffet et Catherine Di Folco, n’a cessé, depuis 2019, avec conviction, constance et détermination, de rappeler l’urgence qu’il y a à sécuriser les élus dans leur engagement. Je pense à l’initiative de Philippe Bas en 2019, aux rapports sur la loi relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique, au travail de Marc-Philippe Daubresse sur la loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027, à la proposition de loi de Nathalie Delattre ou à la mission conduite par Maryse Carrère et Mathieu Darnaud.
Je salue à présent la proposition de loi déposée par François-Noël Buffet et ses collègues et le travail de très grande qualité de la rapporteure Catherine Di Folco.
Mes chers collègues, les violences constituent une grave menace, qui plane sur notre démocratie comme un vautour. Elles alimentent une vague impressionnante de démissions et provoquent une érosion des vocations.
Rappelons quelques chiffres : aux élections municipales de 2014, 80 communes n’avaient pas de candidat ; en 2021, ces communes étaient 106. Depuis 2020, plus de 13 000 élus ont jeté l’éponge en démissionnant, et 63 % des élus municipaux déclarent avoir été victimes d’incivilités ou d’agressions.
Nous ne pouvons simplement continuer, madame la ministre, à encenser les élus locaux, à dire qu’ils sont les essentiels de la République et de la démocratie. L’honneur, le devoir, la survie de la République et de la démocratie nous obligent – et vous obligent, madame la ministre – à agir.
Je réjouis donc de cette proposition sénatoriale, qui s’articule autour de trois axes, de manière pragmatique et très opérationnelle.
Le premier axe consiste à renforcer l’arsenal répressif en consacrant la fonction de dépositaire de l’autorité publique ; le deuxième, à améliorer, y compris financièrement, la prise en charge des élus victimes de violences dans le cadre de leur mandat ou d’une campagne électorale ; et le troisième prend en compte la réalité des mandats électifs locaux par les acteurs judiciaires et étatiques, qui sont encore, pour certains, trop distants, éloignés et, parfois encore, disons-le, méfiants. La justice ne peut rester passive face à ce phénomène d’ampleur à haut risque pour notre démocratie et la cohésion sociale.
C’est pourquoi, madame la ministre, les initiatives nouvelles d’organisation de rencontres entre les procureurs et les élus, la formation des élus par des gendarmes du GIGN à la gestion des conflits sont d’excellentes choses. Je rappelle – à tout seigneur, tout honneur ! – que ce sont des propositions sénatoriales. Nous sommes ravis qu’elles soient mises en œuvre.
Soyons clairs : ce texte vise à traiter la fièvre de l’irrespect et de la violence. Mais n’oublions pas que la fatigue, l’épuisement, le découragement des élus trouvent aussi leurs causes dans la boulimie normative qui atrophie et paralyse l’action publique, tout comme dans leur solitude des élus face à cette complexité.
Le Sénat et le Gouvernement se sont engagés au printemps, madame la ministre, pour une meilleure fabrique de la loi, avec un peu plus de simplification. Nous serons extrêmement attentifs à la mise en œuvre de ces engagements, essentielle pour garantir le pouvoir d’agir des élus.
Nous le savons, notre démocratie s’enorgueillit – avec raison – de l’engagement de centaines de milliers de citoyens dans des mandats locaux. Nous ne sauverons cet engagement que si nous le facilitons véritablement par une évolution du statut de l’élu.
Madame la ministre, je salue l’accueil de ce texte par le Gouvernement, qui est une sorte d’hommage au Sénat – à condition qu’on aille au bout de cette affaire. Pour sauver ce qu’en biodiversité on appellerait une espèce menacée, il vous appartient, madame la ministre, de confirmer ici sans faiblesse votre détermination, en levant le gage de l’article 40 de la Constitution sur l’élargissement de la protection fonctionnelle à l’ensemble des élus municipaux, car, même sans délégation, ils incarnent aussi dans la plus grande des proximités, l’autorité.
Prenons garde de décourager ceux qui s’engagent pour être conseillers municipaux, car ces élus se sentent parfois à deux vitesses, et je pense que nous risquons d’aboutir à un décalage extrêmement préoccupant.
Les élus municipaux sont, chaque jour, d’une manière très discrète, les ouvriers de la première et de la dernière heure. Au quotidien, ils participent à la préservation du lien social et à la mise en œuvre de politiques publiques. Ils sont, dans l’ombre, les artisans des valeurs de la République. Nous l’avons vu tout à l’heure encore en parlant du logement.
Je forme un vœu que, je suis sûre, nous partageons tous : puisse cette proposition de loi prospérer et contribuer à ce que, demain, des hommes et des femmes continuent à avoir envie de s’engager. C’est la conviction du groupe Union Centriste qui, vous l’avez deviné, votera ce texte sans réserve. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDPI, INDEP et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous nous retrouvons, en ce début de mandat – à tout le moins, pour certains d’entre vous – pour exercer un rôle essentiel de notre assemblée : la représentation des territoires.
De nombreux travaux de notre assemblée montrent le besoin d’un renouveau de la démocratie locale, le besoin de redonner aux élus locaux leur pouvoir d’agir dans de bonnes conditions, le besoin de conforter leur rôle essentiel de proximité auprès de nos concitoyens, et la nécessité de revitaliser l’engagement citoyen.
À ce titre, notre groupe a toujours activement soutenu les réflexions sur le sujet, et a aussi proposé des solutions permettant de désamorcer les tensions existant entre élus et citoyens qui, parfois, entraînent des dérives violentes inacceptables.
Notre groupe soutient l’action des élus locaux et s’associe à l’ensemble des propositions qui pourraient octroyer à ceux-ci une plus grande protection et un meilleur accompagnement dans leur engagement.
Ils sont souvent non indemnisés, ou peu indemnisés, et la nécessité de concilier leur mandat avec leur vie professionnelle et personnelle peut réduire le temps qu’ils peuvent consacrer à leur implication envers leur territoire.
Nous nous associons à la demande d’un réel statut de l’élu, plus protecteur, tout comme nous demandons le développement de moyens concrets d’accompagnement pour améliorer, par exemple, la parité et la diversité des profils : jeunes, femmes, parents, actifs, etc. La crise de confiance et la crise de l’engagement sont profondément liées.
La présente proposition de loi ne résoudra pas ces crises, mais nous l’accueillons avec grand intérêt, car elle a pour but de développer la protection fonctionnelle des élus. Nous sommes plus circonspects sur l’aggravation des peines encourues, qui ne saurait être une solution directe.
Vous le savez, les budgets de nos collectivités sont en souffrance : inflation, non-compensation, lisibilité pluriannuelle limitée, etc. C’est pourquoi nous saluons la volonté de permettre à l’État de compenser les coûts de couverture assurantielle liés à la protection fonctionnelle.
Les périodes de campagne électorale sont propices au déclenchement de violences. Il est donc bienvenu que ce texte permette aux candidats déclarés d’être couverts par le mécanisme de protection fonctionnelle.
Enfin, nous ne pouvons que soutenir les dispositifs liés à la facilitation des relations avec les acteurs judiciaires, et un équilibre nécessaire a été trouvé avec le dépaysement d’office des affaires dont l’élu serait le mis en cause.
Notre groupe proposera plusieurs améliorations à ce texte afin d’inclure les collaborateurs d’élus, souvent exposés aux mêmes agressions que ces derniers. Nous sommes attentifs à l’ensemble des territoires, et notre collègue Paulu Santu Parigi proposera d’adapter ces dispositions aux élus territoriaux de Corse – y compris au président du conseil exécutif de Corse et au président de l’Assemblée de Corse.
Nous saluons et soutenons de manière générale les mesures inscrites dans cette proposition de loi, d’autant qu’elles ont été améliorées en commission, grâce au travail de la rapporteure.
Pour autant, nous sommes très attentifs à ce que ce renforcement de la protection des élus ne puisse être perçu comme une mesure inéquitable, accroissant le fossé entre élus et citoyens.
Il est essentiel d’encourager et accompagner les dépôts de plainte pour violences envers les élus, car il est essentiel d’encourager et d’accompagner les dépôts de plainte pour l’ensemble des violences, qu’il s’agisse de violences au travail, de violences sexistes, sexuelles ou autres.
Nous devons continuer à nous interroger et à lutter contre le sentiment d’être perdu face au parcours du combattant qu’impose la judiciarisation des actes subis par les victimes.
Nous sommes très attentifs à ce qu’en aucun cas il ne paraisse y avoir une justice à deux vitesses, et continuerons, notamment lors des discussions budgétaires, à prôner un réel renforcement du service public qu’est la justice et une meilleure utilisation des moyens en ce sens.
Je tiens de nouveau à saluer l’action des élus locaux, si souvent « à portée de baffes », comme l’a dit François-Noël Buffet, et qui tentent d’agir au quotidien.
Mais nous ne sommes pas dupes : ces violences contre les élus, aussi inacceptables et injustifiables soient-elles, s’inscrivent dans la perception d’un fossé entre la politique et le citoyen, la fin de la croyance d’une gouvernance pour l’intérêt commun, le sentiment accru d’une déconnexion entre la volonté citoyenne et l’action du politique, entre la vie au quotidien et notre capacité à la modifier.
La montée des violences trouvera aussi une réponse au travers d’un développement plus important de la démocratie locale. Attelons-nous ensemble à imaginer et initier des référendums citoyens, des budgets citoyens, des implications citoyennes bien en amont des décisions.
Alors que s’ouvrira sous peu la discussion sur le projet de loi Immigration, comment ne pas évoquer les intimidations, menaces et violences subies par les élus de Callac et de Saint-Brevin-les-Pins à propos de l’accueil des réfugiés ?
L’arrivée de plus en plus d’élus issus du mouvement écologiste montre que ces derniers ne sont pas moins la cible de menaces et de violences que d’autres. Ainsi, un communiqué officiel d’une chambre d’agriculture comportait la phrase « Ne venez pas chez nous, ça va mal se passer », adressée à la secrétaire générale du parti Europe Écologie – Les Verts, Marine Tondelier.
Pour toutes ces raisons, et conscient des risques et limites de cette proposition de loi, notre groupe, espérant pouvoir améliorer encore plus un texte nécessaire, la votera.