compte rendu intégral

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

Mme Marie Mercier,

M. Jean-Claude Tissot.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Hommage à un huissier

M. le président. Mes chers collègues, permettez-moi en cet instant de saluer M. Jean-Marc Auert, huissier, qui a servi le Sénat pendant trente-quatre années. (Mmes et MM. les sénateurs applaudissent longuement. – Mmes et MM. les ministres applaudissent également.)

Cela me donne l’occasion de saluer, en votre nom à tous, le travail qu’accomplissent les huissiers du Sénat au service de la séance, du protocole et de notre institution en général. (Applaudissements.)

3

Questions d’actualité au Gouvernement

M. le président. Madame la Première ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, l’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement. Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Au nom du Bureau du Sénat, j’invite chacun à observer au cours de nos échanges l’une des valeurs essentielles du Sénat : le respect, qu’il s’agisse du respect des uns et des autres ou de celui du temps de parole.

Salutations à un sénateur

M. le président. Avant de lui passer la parole, je veux saluer notre collègue Pierre Laurent, qui a décidé de ne pas renouveler son mandat – je ne crois pas trahir là de secret.

Devenu sénateur de Paris en 2012, son engagement l’a conduit dernièrement à assurer les fonctions de vice-président de la commission des affaires étrangères et, depuis trois ans, celles de vice-président du Sénat, chargé de l’ensemble de la vie culturelle du palais du Luxembourg. Ce que nous pouvons voir aux alentours de ce palais, au musée du Luxembourg et à l’Orangerie est en grande partie son œuvre.

Je voudrais le remercier aussi pour la conduite sereine – même s’il a dû parfois bouillir intérieurement – de nos travaux dans cet hémicycle. Il s’est attaché à préserver cette sérénité en toutes circonstances. (Applaudissements.)

drame intervenu à nanterre

M. le président. Je lui donne à présent la parole, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

M. Pierre Laurent. Madame la Première ministre, après le drame survenu hier à Nanterre, l’émotion est très vive dans le pays. « J’ai mal à ma France » a twitté Kylian Mbappé, disant avec ses mots ce que ressentent des millions de jeunes et de parents, choqués par la vidéo du drame.

On y voit un policier braquer son arme à bout portant par la portière du véhicule et tirer mortellement sur le conducteur, un jeune de 17 ans.

Je pense que cette émotion est également présente dans les commissariats de France, où les fonctionnaires sont nombreux, ce matin, à avoir mal à leur métier.

Je veux associer tout mon groupe à cette émotion devant la douleur de la famille. On ne peut pas mourir à 17 ans pour un refus d’obtempérer. Je dis ma solidarité à la famille du jeune Nahel.

Je dis également mon soutien entier au maire de Nanterre, Patrick Jarry, et aux élus de cette grande ville populaire, qui veulent la vérité.

La vidéo du contrôle et du tir est glaçante. Le policier a été placé en garde de vue et mis en examen pour homicide volontaire par personne dépositaire de l’autorité publique. C’est dire la gravité des faits soumis désormais à enquête.

Madame la Première ministre, la lumière doit être faite dans les meilleurs délais, car ce que nous avons vu est parfaitement révoltant. L’inspection générale de la police nationale (IGPN) doit à la famille la plus grande transparence et la vérité. Les Nanterriens n’accepteront pas que l’on enterre une fois encore ce drame.

Au-delà de cette enquête, qui doit suivre son cours rapidement, est-il envisagé, madame la Première ministre, afin de réagir à la mesure des faits incriminés, de prononcer une suspension à titre conservatoire de l’agent concerné ?

J’ajoute que la mort de ce jeune homme n’est malheureusement pas un cas isolé. Le nombre de décès intervenus dans de telles circonstances a doublé depuis 2017. Ne serait-il pas temps d’engager la révision de la doctrine d’intervention en cas de refus d’obtempérer, qui a conduit à la brutale accélération de ces drames mortels ?

Madame la Première ministre, un pays dans lequel la police et la jeunesse ne peuvent se croiser sans inquiétude et angoisse est un pays malade de sa démocratie. Il relève de votre responsabilité de changer au plus vite ce climat. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)

M. le président. La parole est à Mme la Première ministre.

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Monsieur le sénateur Pierre Laurent, hier, à Nanterre, lors d’un contrôle routier, un jeune homme de 17 ans a été tué. C’est un terrible drame.

Je veux commencer par dire ma profonde émotion et par adresser mes condoléances à sa famille, à ses proches et à ceux de son quartier. Le Président de la République a eu l’occasion de le rappeler ce matin : c’est la Nation tout entière qui est touchée par ce drame.

Je me suis entretenue avec le maire de Nanterre, Patrick Jarry. Je lui ai dit mon soutien et celui de mon gouvernement. Je lui ai fait part de notre détermination à ce que toute la vérité soit faite.

Aujourd’hui, il y a un choc, un deuil et une colère. C’est à la justice d’y répondre.

Je connais l’engagement de nos policiers et de nos gendarmes, au quotidien, sur le terrain. Ils savent que porter l’uniforme, c’est répondre à un devoir, celui de l’exemplarité. Les images choquantes diffusées hier montrent une intervention qui ne semble manifestement pas conforme aux règles d’engagement de nos forces de l’ordre. La justice devra établir les faits. Elle a été saisie et a commencé son travail : un policier est en garde à vue.

Je souhaite comme chacun que la vérité soit faite le plus rapidement possible et que des réponses soient apportées. La justice passera, personne ne doit en douter. Seule la justice permettra de faire toute la lumière sur ce drame. Seule la justice apportera des réponses face à la douleur d’une famille et à la peine d’une nation. Seule la justice garantira notre unité.

Alors que des violences ont éclaté cette nuit dans certains quartiers, tout particulièrement dans les Hauts-de-Seine, j’appelle à l’apaisement.

Monsieur le sénateur Pierre Laurent, nous voulons la justice pour Nahel et nous l’obtiendrons, mais celle-ci doit être rendue de manière pacifique. Voilà ce qu’a dit en substance le maire de Nanterre, Patrick Jarry. Je veux saluer ce message et je m’y associe, aujourd’hui, avec vous. (Applaudissements sur les travées du RDPI, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et INDEP. – Mme Laurence Rossignol applaudit également.)

télétravail des frontaliers français exerçant en suisse

M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme Patricia Schillinger. Ma question s’adresse à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion.

Monsieur le ministre, permettez-moi d’associer à cette question mon collègue Ludovic Haye.

Dans deux jours seulement, les dérogations permettant aux travailleurs frontaliers qui exercent en Suisse de télétravailler expireront.

En réaction à la crise sanitaire, la France et la Suisse avaient en effet levé les restrictions fiscales et sociales qui freinaient jusqu’alors le recours au télétravail par les travailleurs concernés. Cette organisation a largement contribué à l’amélioration de la qualité de vie de ces travailleurs et prend tout son sens au moment où l’urgence climatique nous contraint à limiter notre consommation d’énergies fossiles.

J’ai donc, à de nombreuses reprises, attiré l’attention du Gouvernement sur ce sujet et j’ai milité pour une solution pérenne et favorable au télétravail des frontaliers.

Aujourd’hui, ces derniers sont inquiets et craignent que, au-delà du 30 juin prochain, la possibilité de télétravailler soit de nouveau limitée.

En décembre dernier, un accord fiscal a été conclu, leur permettant de télétravailler jusqu’à 40 % de leur temps de travail, sans modification des règles d’imposition sur le revenu. Je note cependant qu’une incertitude demeure quant au cas des missions temporaires effectuées hors de Suisse.

Un nouvel accord multilatéral sur la sécurité sociale des frontaliers en télétravail est en discussion, qui permettrait de déroger à la limite maximale des 25 % du temps de travail, pour la porter jusqu’à 49 % de ce temps effectué en télétravail.

C’est un signal prometteur pour des milliers de frontaliers. Pour autant, la France n’a toujours pas fait part de ses intentions quant à la signature de cet accord.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire quelles sont les intentions de la France vis-à-vis de cet accord ? De manière plus générale, pourriez-vous rassurer nos concitoyens sur l’évolution des règles de télétravail applicables à partir du 30 juin 2023 ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion.

M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de linsertion. Madame la sénatrice Schillinger, je connais votre implication en faveur des travailleurs frontaliers. Vous savez donc que, avant la crise covid, en application du règlement 883/2004 relatif à la coordination des systèmes de sécurité sociale des pays de l’Union européenne et de la Suisse, le télétravail était limité à un jour par semaine pour les travailleurs frontaliers ; ceux qui dépassaient cette limite basculaient dans le régime social de leur État de résidence, plutôt que d’être maintenus dans celui de leur État employeur.

Au moment de la crise covid, des souplesses ont bien évidemment été introduites en matière fiscale et sociale, et nous avons prolongé ces accords dérogatoires jusqu’au 30 juin 2022.

En 2022, le groupe de travail mis en place pour rédiger un accord multilatéral avait recommandé que la période de souplesse soit prolongée jusqu’au 30 juin 2023, soit d’ici à quelques jours seulement.

Un accord multilatéral relatif au télétravail des frontaliers a en effet été rédigé. La France l’examine avec attention, mais regrette que les règles en matière d’assurance chômage n’y aient pas été intégrées.

Ce regret fait écho à d’autres points qui restent en discussion puisque le règlement 883/2004 sur la coordination des systèmes de sécurité sociale au niveau européen fait l’objet d’une révision. Parmi les chapitres de cet accord, celui qui est consacré à l’assurance chômage, notamment à l’exportation des droits en matière d’assurance chômage pour les travailleurs frontaliers, est toujours en débat.

Nous restons attentifs à l’évolution des discussions et nous veillons à faire valoir les intérêts de la France et de notre système de protection sociale. Avec Mme la Première ministre, nous avons bien compris que les travailleurs frontaliers avaient besoin de sécurisation et d’accompagnement vers de nouvelles modalités de travail. En effet, comme tous les salariés, ils ont développé la pratique du télétravail à un degré qui n’a jusqu’alors jamais été atteint.

D’ici au 30 juin prochain, c’est-à-dire dans quelques heures maintenant, les décisions seront rendues publiques. Elles viseront un double objectif, celui d’accompagner les frontaliers et de faire valoir les intérêts de notre pays.

événements de nanterre (I)

M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Patrick Kanner. Madame la Première ministre, hier matin, à Nanterre, Nahel, 17 ans, a été tué à bout portant par un membre des forces de l’ordre. Nous ne connaissons pas encore les circonstances exactes de ce drame, mais les images sont terribles. La lumière doit être faite, car un refus d’obtempérer ne peut pas et ne doit pas se terminer par la mort d’un jeune.

Nos premiers mots vont naturellement à la famille de la victime et à sa maman. Toute mort est tragique, mais quand la victime a 17 ans et que les circonstances sont celles que l’on connaît, on peine à imaginer la souffrance des proches. Le temps du deuil doit être respecté.

Aussi, les violences et dégradations que l’on a pu constater hier soir, à Nanterre et dans d’autres villes françaises, doivent être condamnées Elles ne seront jamais la solution. Nous joignons nos voix à celle du maire de Nanterre, Patrick Jarry : nous voulons comprendre et nous invitons à la retenue. Les enquêtes administratives et judiciaires doivent aboutir rapidement à la manifestation de la vérité, condition du retour au calme, mais cela ne sera pas suffisant.

Dans de telles circonstances, chacun doit être à la hauteur de ses responsabilités. Je dénonce les tweets incendiaires de certains syndicats de policiers, minoritaires certes, mais néanmoins intolérables.

Vous n’entendrez jamais de surenchère dans nos paroles. (Exclamations ironiques sur des travées du groupe Les Républicains.)

Madame la Première ministre, nous croyons à la police de la République, mais lorsqu’un drame comme celui d’hier se produit, c’est l’exemplarité de l’État de droit qui est remise en question et c’est aussi son autorité qui est potentiellement fragilisée.

En conséquence, il faut objectivement évaluer l’application de l’article L. 435-1 du code de la sécurité intérieure sur l’usage des armes et en tirer les conséquences. Il faut également reconsidérer la formation des policiers, et les moyens qui y sont alloués, tout au long de leur carrière.

Face à cette tragédie, au-delà des paroles, vos réponses et vos actes doivent participer à l’apaisement que le pays attend.

Madame la Première ministre, il y a urgence. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes CRCE et GEST.)

M. le président. La parole est à Mme la Première ministre.

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Monsieur le président Patrick Kanner, comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, la mort d’un adolescent de 17 ans est un drame épouvantable.

Le Président de la République a dit, ce matin, la peine et l’émotion de la Nation. À mon tour, de nouveau, avec tout mon gouvernement, je veux adresser mes condoléances à la famille et aux proches de Nahel et les assurer de toute ma solidarité.

La justice est saisie, elle avance ; l’auteur du coup de feu est en garde à vue. Je souhaite comme chacun que la vérité puisse être faite au plus vite.

Vous m’interrogez spécifiquement sur nos règles et sur la formation de nos forces de l’ordre. Vous connaissez tout comme moi, monsieur le président Kanner, leur engagement au quotidien. Policiers et gendarmes ont conscience de leur devoir d’exemplarité. Comme nous l’avons toujours dit, quand il y a une faute, les fonctionnaires ont à en répondre aussi bien dans le champ administratif que judiciaire.

Des images particulièrement choquantes du contrôle de Nahel donnent à penser que le cadre d’intervention légal n’a pas été respecté. Mais seule la justice le dira et nous en tirerons, bien évidemment, toutes les conséquences.

Dans l’immédiat, le ministre de l’intérieur prendra les décisions qui s’imposent à l’issue de la garde à vue. Monsieur le président Kanner, l’heure est au deuil, à l’enquête et à l’apaisement. Nous avons une exigence absolue de vérité. C’est elle qui nous permettra de surmonter les colères et de donner les réponses qu’attendent légitimement la famille de Nahel, les élus et les Français. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour la réplique.

M. Patrick Kanner. Madame la Première ministre, nous sommes des élus nationaux, mais nombreux sont ceux qui, parmi nous, ont exercé des responsabilités locales. J’ai moi-même été ministre chargé de la politique de la ville. Nous savons donc que la vérité et la justice sont les meilleurs outils pour ramener l’apaisement dans nos quartiers.

Nous vous remercions pour votre mobilisation, mais nous attendons beaucoup de vos actes en la matière. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

pouvoir d’achat

M. le président. La parole est à M. Christian Bilhac, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Christian Bilhac. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

L’inflation s’est installée durablement en France et le pouvoir d’achat des Français en subit les conséquences. Même si elle recule, le retour à un niveau de prix d’avant la guerre en Ukraine est illusoire. Nos compatriotes sont confrontés à une forte hausse des prix dans des secteurs de première nécessité. La précarité alimentaire s’installe, comme en témoignent les associations d’aide d’urgence qui ont accueilli 22 % de bénéficiaires supplémentaires depuis un an.

Parallèlement, à l’heure de la réindustrialisation de la France, toutes les entreprises ont des difficultés pour recruter. Il en est de même dans le secteur public. Dans l’éducation nationale, dans la justice, dans les hôpitaux, dans l’armée, dans la police ou la gendarmerie, et dans les collectivités territoriales, les candidatures ne sont pas assez nombreuses et les postes ouverts aux concours ne sont pas pourvus.

En réponse, le Gouvernement a privilégié la politique du chèque et de la prime, ou encore celle du bouclier tarifaire. Les salariés ne veulent pas de chèques distribués comme une aumône ou comme la pièce que me donnait ma grand-mère le samedi, quand j’étais enfant. Ils veulent tout simplement un salaire leur permettant de vivre correctement.

La politique des primes et autres chèques pouvait se comprendre durant la crise sanitaire, mais cette réponse est désormais inadaptée. Si elle a permis de donner un coup de pouce momentané au pouvoir d’achat, elle risque, faute d’assujettissement aux cotisations sociales, de faire des travailleurs pauvres d’aujourd’hui les retraités très pauvres de demain.

Envisagez-vous d’indexer les salaires sur la hausse des prix, afin que la perte de pouvoir d’achat des salariés et des retraités cesse de s’aggraver ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et du tourisme.

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de lartisanat et du tourisme. Monsieur le sénateur Bilhac, le Gouvernement depuis maintenant deux ans est aux côtés de nos concitoyens et les soutient, non pas uniquement avec des chèques, pour reprendre très précisément votre question, mais aussi avec des mesures importantes comme le bouclier tarifaire, que vous avez mentionné.

En outre, depuis six mois, avec Bruno Le Maire et Roland Lescure, nous incitons – sans faire de chèque – les acteurs de la grande distribution et ceux de l’industrie agroalimentaire à renégocier les prix à la baisse.

En réalité, les prix baissent et, pour la première fois depuis septembre 2021, l’inflation alimentaire sur un an a diminué, passant de 15,8 % en avril dernier à 14,9 % en mai.

Les prix des produits de première nécessité sont en cours de renégociation : avec Bruno Le Maire, nous l’avions demandé aux soixante-quinze plus gros industriels de l’agroalimentaire.

Dès le 1er juillet prochain, vous pourrez constater très concrètement dans les rayons des grandes surfaces que le prix d’un certain nombre de produits aura baissé de manière significative, qu’il s’agisse de l’huile de tournesol, des pâtes, de la viande de volaille, des produits de snacking, du vinaigre ou du thé. Nul besoin de toute une logorrhée, les prix sont en train de baisser.

Toutefois, il est vrai que le prix de certains produits continue d’augmenter. Il faut être lucide : le cours de certaines matières premières reste élevé et cela se répercute sur les prix du sucre, de la viande de porc ou de la charcuterie, par exemple, qui ne baisseront pas immédiatement.

Pour ce qui est de votre suggestion d’indexer les salaires sur l’inflation, la Belgique l’a fait. Dans ce pays voisin, le taux d’inflation est très élevé et les salariés peinent à payer leurs courses après s’être battus tout l’hiver pour régler leur facture d’électricité. L’indexation des salaires sur l’inflation n’est pas la solution.

M. le président. Il faut conclure.

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée. Ce n’est pas celle que nous avons choisie. À notre sens, elle n’est pas le moyen le plus efficace de protéger nos concitoyens. (M. François Patriat applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Christian Bilhac, pour la réplique.

M. Christian Bilhac. Madame la ministre, j’ai entendu votre réponse et je suis heureux d’apprendre que les prix n’augmentent plus. Toutefois, ce n’est pas ce que disent les gens que je rencontre ni ce que je constate quand je vais faire mes courses.

Il faudrait arrêter de montrer du doigt les salariés et tous ceux qui se lèvent le matin pour aller travailler. Ils ont pris deux ans de travail en plus avant de pouvoir partir à la retraite et, pas plus tard qu’hier, on les a encore montrés du doigt au sujet du trop grand nombre d’arrêts de travail. Mais quel mal ont donc bien pu faire ces gens qui se lèvent le matin pour aller travailler ? Je me le demande. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et sur des travées des groupes SER et CRCE.)

Mme Laurence Rossignol. Bravo !

événements de nanterre (II)

M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Thomas Dossus. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.

Monsieur le ministre, un jeune homme de 17 ans est mort hier. (Marques dagacement sur des travées du groupe Les Républicains.) Nahel a été abattu par un agent de police, à bout portant.

Aujourd’hui, au nom du groupe écologiste, j’adresse pensées et condoléances à sa mère, à sa famille et à ses amis.

Aujourd’hui, après une nuit de colère dans certaines villes d’Île-de-France, notre rôle doit être d’appeler au calme, au nom du respect pour le temps du recueillement à la mémoire de Nahel et au nom du respect de la justice et de la vérité.

Ce matin, face aux images, le Président de la République a parlé d’un acte inexcusable et inexplicable. Inexcusable ? Sans aucun doute. Inexplicable ? Certainement pas. Oui, il y a des raisons qui ont conduit à ce drame.

Nous nous rappelons les efforts que vous avez déployés, monsieur le ministre, pour combattre dans cet hémicycle toutes les propositions visant à améliorer les rapports entre la police et la population, vous montrant ainsi fidèle à votre doctrine 100 % répressive.

Nous nous rappelons votre acharnement à vouloir interdire de filmer l’action de la police

Et nous voyons comment, depuis des années, drame après drame, avec détermination, vous défendez la honteuse loi Cazeneuve, qui permet à la police d’ouvrir le feu sur les chauffeurs d’une voiture selon des conditions manifestement trop floues.

Depuis que cette loi est en vigueur, on constate que les tirs sur des véhicules ont augmenté de 40 % par rapport aux cinq années précédentes. (Protestations sur des travées du groupe RDPI.)

L’an dernier, treize décès ont été enregistrés après des refus d’obtempérer lors de contrôles routiers. C’est un triste record. (Nouvelles marques dagacement sur les travées du groupe Les Républicains.)

Cette loi, manifestement trop laxiste, a certainement contribué à développer le sentiment d’impunité qui a conduit au drame d’hier.

Monsieur le ministre, si vous voulez que le calme revienne – ce que nous appelons de nos vœux –, il est temps de revenir sur cette loi. Combien de morts supplémentaires faudra-t-il pour que vous en preniez conscience ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.

M. Gérald Darmanin, ministre de lintérieur et des outre-mer. Monsieur le sénateur, comme Mme la Première ministre vient de le faire à l’instant et comme l’a fait le Président de la République, je veux dire à mon tour la peine que nous inspire le drame qui s’est déroulé hier, à Nanterre. La justice devra apporter des réponses très rapidement et des sanctions seront prises contre un policier qui, manifestement, ne s’est pas conformé à la législation, à la déontologie ni à la formation de la police nationale, d’après les images extrêmement choquantes que nous avons vues et d’après les premiers éléments de l’enquête que la presse a relayés.

Toutefois, monsieur le sénateur, je crois que, en toute chose et en tout temps, il faut avoir de la dignité. Je crois qu’il ne peut y avoir de récupération politique au moment où une famille pleure son enfant, au moment où des écoles viennent d’être attaquées, au moment où vingt-quatre policiers ont été blessés, au moment où partout en France s’exprime une légitime émotion et se manifeste un énervement dont on ne peut tolérer qu’il enfreigne les règles de la République.

Vous avez établi, monsieur le sénateur, un drôle de parallèle, en exprimant votre volonté que nous légiférions sous le coup de l’émotion. Vous avez – et c’est affreux – profité de ce terrible drame pour rappeler votre opposition à la loi mise en place sous le président Hollande et le Premier ministre Cazeneuve, en des temps qui étaient ceux des attentats terroristes.

L’article de cette loi, que vous mentionnez, prévoit non pas que des policiers ou des gendarmes puissent tirer sur une voiture – c’est totalement faux et c’est fou de le dire, dans cet hémicycle, devant tous les Français, monsieur le sénateur –, mais qu’ils puissent, dans certaines circonstances, lorsqu’ils sont eux-mêmes en danger de mort, utiliser leur arme.

Le policier qui a utilisé son arme était-il en danger de mort ? C’est ce que montrera l’enquête judiciaire. A priori, les images que nous avons tous vues sont choquantes, parce qu’elles montrent une conduite qui ne correspond pas à ce que prévoit la loi de 2017. Je ne suis pas l’auteur de cette loi et il ne s’agit pas pour moi de la défendre devant vous.

Je veux surtout rappeler que le temps est au deuil, au recueillement et à la dignité républicaine, et non pas à la récupération politique. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, UC et Les Républicains. – Mme Sylvie robert et MM. Jean-Michel Houllegatte et Thierry Cozic applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus, pour la réplique.

M. Thomas Dossus. Monsieur le ministre, il n’y aura pas de paix ni de justice sans vérité. (Exclamations sur les travées des groupes Les Républicains, UC et RDPI.) Et la vérité, c’est que vous continuez de soutenir cette loi, alors qu’elle a conduit à ce drame. La vérité, c’est que cette loi provoquera d’autres drames. (Mêmes mouvements.)

M. Marc-Philippe Daubresse. Vous n’êtes pas digne de l’écharpe que vous portez !

hijab dans le sport (I)

M. le président. La parole est à M. Dany Wattebled, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)