Mme Isabelle Briquet. Nous allons, à notre tour, vous proposer des mesures pour trouver de nouvelles recettes.

Le présent amendement du groupe SER vise à rétablir une imposition de solidarité sur la fortune pour financer la transition environnementale et le verdissement de notre industrie. Je tiens à souligner qu’il répond aux aspirations des Français, qui sont favorables à plus de 75 % à une telle évolution fiscale.

La suppression de l’ISF, qui fut l’un des marqueurs forts du premier quinquennat d’Emmanuel Macron, n’a pas eu les effets comportementaux escomptés. En revanche, elle a privé l’État de 5 milliards d’euros de recettes chaque année.

Il convient de revenir sur cette mesure, car il est nécessaire de se doter de recettes renforcées, sans pour autant se placer dans une logique de hausse généralisée du taux de prélèvements obligatoires ou dans une perspective confiscatoire. Nous proposons donc un rééquilibrage de notre fiscalité à deux niveaux, en renforçant le poids de la fiscalité sur le patrimoine et en mettant davantage à contribution les plus aisés de nos compatriotes.

Cette mesure ne parviendra pas, à elle seule, à rééquilibrer un système fiscal devenu au fil des ans de plus en plus injuste, mais elle y contribuera et devrait permettre de dégager 5 milliards d’euros de recettes pour financer une réelle transition environnementale.

En effet, comme nous l’a rappelé le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), nous ne disposons plus que de trois années. L’heure est donc à l’action. Et pour agir, il faut se doter de recettes importantes ; la mobilisation de l’épargne privée ne suffira bien évidemment pas.

Mme la présidente. L’amendement n° 15, présenté par MM. Breuiller, Salmon, Fernique, Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Gontard, Labbé et Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel, est ainsi libellé :

Avant l’article 15

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au titre du premier exercice ouvert à compter du 1er janvier 2023 et jusqu’au 31 décembre 2030, les articles du code général des impôts modifiés par l’article 31 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 sont rétablis dans leur rédaction antérieure à la publication de la même loi, à l’exception des articles 885 A, 885 H, 885 I, 885 I bis, 885 S, 885 U, et 885 V bis du même code, rétablis dans leur rédaction antérieure à ladite loi et ainsi modifiés :

1° Le premier alinéa de l’article 885 A, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 précitée, est remplacé par un alinéa ainsi rédigé :

« Sont soumises à l’impôt annuel sur la grande fortune, lorsque la valeur de leurs biens est supérieure à 800 000 €. » ;

2° Le quatrième alinéa de l’article 885 H, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 précitée, est supprimé ;

3° L’article 885 I, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 précitée, est ainsi rédigé :

« Art. 885 I. – Les objets d’antiquité, d’art ou de collection, dont la valeur est inférieure à 250 000 euros, ne sont pas compris dans les bases d’imposition à l’impôt de solidarité sur la fortune.

« Les droits de la propriété littéraire et artistique, dont la valeur est inférieure à 250 000 euros, ne sont pas compris dans la base d’imposition à l’impôt de solidarité sur la fortune de leur auteur. Cette exonération s’applique également aux droits des artistes-interprètes, des producteurs de phonogrammes et des producteurs de vidéogrammes. » ;

4° L’article 885 I bis, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 précitée, est ainsi rédigé :

« Les biens professionnels, définis aux articles 885 N à 885er dans leur version antérieure à la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018, sont pris en compte pour l’assiette de l’impôt institués par le présent article, après un abattement fiscal de 2 000 000 €. » ;

5° À la première phrase du deuxième alinéa de l’article 885 S, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 précitée, les mots : « de 30 % » sont remplacés par les mots : « de 500 000 € » ;

6° L’article 885 U, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 précitée, est ainsi rédigé :

« Art. 885 U. – Le tarif de l’impôt est fixé par la somme :

« a) D’un tarif applicable à une fraction de la valeur nette taxable tel que disposé dans le tableau suivant :

« 

Fraction de la valeur nette taxable du patrimoine

Taux applicable

< 800 000 €

0 %

800 000 – 1 300 000 €

0.5 %

1 300 000 – 2 570 000 €

0.7 %

2 570 000 – 5 000 000 €

1 %

5 000 000 – 10 000 000 €

1.4 %

10 000 000 – 20 000 000 €

2 %

20 000 000 – 35 000 000 €

2.5 %

> 35 000 000 €

3 %

« b) De tarifs de référence applicables à la valeur nette taxable des placements financiers. Le tarif de référence applicable aux placements financiers répondant à l’un des six objectifs environnementaux (atténuation du changement climatique : l’impact d’une organisation sur l’environnement ; adaptation au changement climatique : l’impact de l’environnement sur une organisation ; utilisation durable et protection de l’eau et des ressources marines ; transition vers une économie circulaire, prévention et recyclage des déchets ; prévention et réduction de la pollution ; protection des écosystèmes sains), sans en dégrader aucun autre, est de 0,75. Le tarif de référence applicable aux placements financiers ne répondant à aucun des six objectifs environnementaux mentionnés est de 1,3. » ;

7° L’article 885 V bis, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 précitée, est abrogé.

La parole est à M. Daniel Breuiller.

M. Daniel Breuiller. Il est rare que le Gouvernement suive, sur les sujets financiers, les propositions des écologistes. Ce n’est pas sa tendance naturelle…

Toutefois, rarement ne veut pas dire jamais. Nous avons donc pensé qu’il serait sage de présenter un amendement de repli qui soit une réécriture de la proposition de Selma Mahfouz et de Jean Pisani-Ferry. Leur propos est assez clair : selon eux, si l’endettement est inutile et très dangereux, l’endettement climatique est en revanche tout à fait nécessaire.

La réindustrialisation que vous prônez fait partie des investissements indispensables si nous voulons mettre fin à la crise climatique. Cela suppose de trouver une trajectoire de croissance qui soutienne uniquement la croissance utile à la préservation de la biodiversité et de la durabilité et qui, à l’inverse, lutte contre la croissance liée aux dépenses « brunes » et aux systèmes capitalisant sur le pétrole.

Le patrimoine financier des 10 % les plus riches de nos concitoyens pourrait ainsi être taxé à hauteur de 5 milliards d’euros par an pour financer la transition écologique.

Comme le dit Jean Pisani-Ferry, il faut faire en dix ans ce que l’on n’a pas été capable de faire en trente ans.

M. le ministre Béchu m’avait répondu, ici même il y a une semaine, que, aux dires mêmes de Mme Mahfouz et de M. Pisani-Ferry, les mesurettes et les symboles n’étaient pas à la hauteur de la marche à gravir. Monsieur le ministre, il ne s’agit ici ni de mesurettes ni de symboles ! Dégager 5 milliards pour les projets de réindustrialisation serait bienvenu, et nous vous invitons à le faire.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des finances ?

Mme Christine Lavarde, rapporteur pour avis. Sans surprise, cet avis sera défavorable !

Je salue cependant l’important travail du groupe SER, lequel dépose, au fil des textes qui nous donnent l’occasion d’évoquer le rétablissement de l’ISF, un amendement dont les dispositions s’affinent. Pour autant, je ne changerai pas d’avis.

Mes chers collègues, peut-être avez-vous lu, hier, l’interview très intéressante du gouverneur de la Banque de France, certes accordée dans Les Échos. Selon lui, notre problème n’est pas lié au financement de l’industrie verte. Nous avons en effet l’argent disponible pour la financer, c’est celui de l’épargne privée. L’objet du présent texte est d’ailleurs de l’attirer vers cette industrie. En réalité, notre problème est lié au manque de projets éligibles à ce financement, qui dort et attend.

Je ne suis pas certaine que le rétablissement de l’ISF, qu’il soit climatique ou non, soit un bon signal envoyé à l’investisseur qui sommeille en chaque épargnant disposant titulaire d’un compte ou d’un livret.

Monsieur Breuiller, si vous souhaitez améliorer à l’avenir les amendements de votre groupe, je tiens à vous signaler que différencier les taux selon la compatibilité des placements soulève quelques questions de contrôle… Il faudrait y penser !

Pour ce qui concerne votre amendement de repli – j’aurai sans doute l’occasion de le répéter cette après-midi –, des exemples récents montrent que des prélèvements institués de façon temporaire sont devenus durables. Je citerai ainsi la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS).

La commission émet donc un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roland Lescure, ministre délégué. Ma réponse sera un peu longue, car de nombreux amendements vont dans le même sens ; je serai donc plus bref par la suite.

En effet, madame le rapporteur pour avis, Les Échos sont un excellent journal. Je me souviens d’ailleurs avoir entendu Fabien Roussel dire que c’était le titre qu’il lisait juste après LHumanité. Je ne doute pas que ce soit aussi le cas du sénateur Gay… (Sourires.)

M. Fabien Gay. Il vaut mieux commencer par LHumanité !

M. Roland Lescure, ministre délégué. Chacun ses lectures, monsieur le sénateur !

Je ne fais pas partie des gens qui pensent que l’impôt est un gros mot, une malédiction ou une mesure à proscrire de notre arsenal de politique économique.

Je considère que l’impôt est la condition du financement de notre modèle social, des infrastructures publiques, de la solidarité nationale et tout simplement du vivre-ensemble.

Le Gouvernement estime cependant que nous finançons d’ores et déjà ce vivre-ensemble à un niveau considérable. Vous le savez, notre pays est à la deuxième place mondiale pour le niveau d’imposition, la taxation et l’organisation de la contribution nationale, juste après le Danemark. Plus de 45 % de notre revenu national sont ainsi consacrés à l’impôt, aux cotisations sociales et aux cotisations de retraite. C’est beaucoup !

Trop d’impôt tue l’impôt : cette maxime, nous la connaissons tous. Mais, parfois, moins d’impôt crée de l’impôt.

Vous me demandiez, monsieur le sénateur Gay, quel était le bilan du Gouvernement en termes de baisses d’impôts durant le premier quinquennat. Nous avons diminué le taux d’impôt sur les sociétés de 33 % à 25 %. Résultat : on n’a jamais autant collecté d’impôt sur les sociétés en France ! Car, oui, nous attirons davantage de capital et de projets d’investissement.

On collecte aujourd’hui environ 55 milliards d’euros d’impôt sur les sociétés par an, contre 35 milliards d’euros il y a cinq ans, je le répète, alors que le taux était plus élevé de 30 %.

Nous avons déjà des taux de prélèvements obligatoires extrêmement importants et une capacité de redistribution unique au monde : la France est de tous les pays occidentaux celui qui redistribue le plus et le mieux.

Par ailleurs, Mme le rapporteur pour avis l’a dit, nous avons une large épargne privée mobilisable. Dans ce titre III, nous vous proposons d’aller chercher l’épargne là où elle est et de la mobiliser pour l’investissement vert, en visant notamment l’assurance vie, qui est aujourd’hui parmi les produits d’épargne favoris des Français.

Nous préférons agir ainsi plutôt que d’inventer un nouvel impôt qui accroîtra de nouveau, certes de manière marginale – 5 milliards d’euros, ce n’est pas beaucoup –, les contributions des Françaises et des Français, alors que nous privilégions la stabilité des prélèvements obligatoires, voire, si tout va bien, la poursuite de leur baisse.

Nous voulons mettre la France dans la concurrence internationale – je pense que c’est important –, tout en étant dans la moyenne largement supérieure en ce qui concerne le modèle social, car le nôtre est extrêmement favorable.

Nous sommes donc évidemment défavorables à ces amendements, comme nous le serons pour tous les amendements qui tendent à augmenter les impôts des Françaises et des Français.

Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Briquet, pour explication de vote.

Mme Isabelle Briquet. J’ai bien entendu les explications qui nous ont été apportées, mais, comme cela a été rappelé, l’ambition de ce texte est de dégager 5 milliards d’euros de financement, soit à peu près ce que rapporterait un ISF climatique.

Dès lors, pourquoi se priver de cette autre source de financement, qui permettrait de doubler la mise, mais aussi et surtout de parvenir à une meilleure acceptabilité sociale ?

Le rapport Pisani-Ferry a suscité de nombreux commentaires. S’il y a bien des constats que nous pouvons tous faire, ce sont les deux suivants : d’une part, des montants colossaux devront être consacrés à la transition écologique, et, d’autre part, cette transition n’est pas uniquement une question de ressources : il s’agit de convaincre les Français que la charge est équitablement répartie. Cet impôt y concourrait largement.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Breuiller, pour explication de vote.

M. Daniel Breuiller. Monsieur le ministre, j’entends bien votre remarque, mais elle ne résiste pas aux faits. Vous dites qu’il y a déjà trop d’impôts,…

M. Roland Lescure, ministre délégué. Non !

M. Daniel Breuiller. … ou plutôt que les Français payent beaucoup d’impôts.

M. Roland Lescure, ministre délégué. C’est cela.

M. Daniel Breuiller. Toutefois, vous avez certainement lu comme moi que les plus aisés d’entre nous sont aussi ceux qui payent le moins d’impôts. (M. le ministre délégué le conteste.) Il s’agit donc d’un sujet tant de justice sociale que d’efficacité. Cette question majeure renvoie à celle que vient d’évoquer Isabelle Briquet à propos de l’acceptabilité sociale des prélèvements.

Par ailleurs, les plus aisés d’entre nous, ce ne sont pas les classes moyennes, n’en déplaise à Bruno Le Maire ! Les 1 % des Français les plus riches sont ceux qui, de très loin, payent le moins d’impôts. Et si l’on prend les 10 % les plus riches, dont font sans aucun doute partie les sénateurs, ils ne connaissent pas non plus des fins de mois difficiles.

Il ne paraît donc pas scandaleux de leur demander de concourir aux objectifs de réduction de la dette climatique. En ce qui me concerne, je trouve même cela tout à fait enthousiasmant, parce que la dette climatique, elle, ne se rembourse jamais et que son coût sur les finances publiques, sur les industries, sur l’agriculture et sur nos modes de vie ne cesse de s’accroître. Il faut donc aller chercher de nouvelles ressources.

Nous parlerons tout à l’heure de la mobilisation de l’épargne des citoyens français. En tout cas, il me paraît vraiment dommage de se priver de ressources lorsqu’elles existent et qu’elles ont un rôle non seulement social, mais aussi écologique.

Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.

M. Fabien Gay. Monsieur le ministre, je ne vous ai pas interrogé sur la stratégie des baisses d’impôts. Je vous ai posé une question simple sur l’ISF. En effet, on nous avait annoncé que les 3,5 ou 3,8 milliards d’euros de cet impôt seraient réinvestis dans l’appareil productif. C’est ainsi qu’on nous a vendu sa suppression !

Je veux vous citer un rapport, que j’ai trouvé non pas dans Les Échos ou dans LHumanité, mais sur le site de votre ministère. Selon ce document, il n’est pas possible de dire si la suppression de l’ISF a permis une réorientation de l’épargne des contribuables vers le financement des entreprises : « On mesure un impact nul […] de la réforme sur l’investissement des entreprises. S’agissant de l’impact de la réforme sur les comportements des entreprises en termes d’emploi et de masse salariale, on observe une tendance négative avant réforme, qui ne semble pas changer à partir de 2018. »

Voilà la réalité ! Les 3,5 à 3,8 milliards d’euros de l’ISF n’ont jamais été réinvestis dans l’appareil productif : ils sont partis dans l’épargne ou ont été distribués. (M. le ministre délégué le conteste.)

Nous avions une question à laquelle vous venez, ainsi que Mme le rapporteur pour avis, de répondre. Doit-on prévoir un financement par l’impôt, en mobilisant notamment les plus hauts revenus – pour une question de justice sociale – sur un enjeu planétaire et de bien commun, notamment pour décarboner ? Ou fait-on un autre choix, que vous venez de nous expliquer, celui de mobiliser l’épargne privée ?

Or il s’agit de l’épargne non pas de tous les Français, mais de moins de 5 % d’entre eux, car les 6 000 milliards d’euros qui dorment dans les banques n’appartiennent pas à tout le monde de façon équitable !

Vous allez rémunérer les 10 % les plus riches à des taux extrêmement élevés pour un enjeu de décarbonation. On est très loin de la justice sociale, contrairement à ce que nous proposons au travers de nos amendements.

Mme la présidente. La parole est à M. Franck Montaugé, pour explication de vote.

M. Franck Montaugé. Je voudrais profiter de ces premiers amendements sur la question financière pour demander à M. le ministre ses chiffres, par rapport à ceux qui ont été annoncés par M. Jean Pisani-Ferry. Ce dernier a par ailleurs été, on le sait, le conseiller du président Macron, notamment pendant le mandat précédent, et il est un économiste que j’ai toujours lu avec intérêt.

M. Pisani-Ferry parle de 66 milliards d’euros par an jusqu’en 2030, dont 25 à 35 milliards relèveraient de l’investissement public. Il propose un endettement spécifique à cette fin, ainsi que des prélèvements temporaires, notamment sur les 10 % les plus aisés de la population française, qui pourraient rapporter 150 milliards d’euros, soit 5 % des besoins, ce qui n’est déjà pas mal. Il insiste sur la dimension de justice sociale et d’équité de l’effort financier qu’il est nécessaire de produire.

Je le redis, monsieur le ministre, les chiffres de M. Pisani-Ferry que je viens d’évoquer vont au-delà de la stricte problématique de la transition énergétique et de la décarbonation : ils prennent en compte l’ensemble de la problématique des transitions. Car c’est tout de même le contexte dans lequel nous nous trouvons, avec par ailleurs 3 000 milliards de dette à la fin de 2022 !

Pouvez-vous nous dire quelle est votre approche de cette épure, car il s’agit tout de même du cadre de notre discussion ?

Mme la présidente. La parole est à M. Yan Chantrel, pour explication de vote.

M. Yan Chantrel. Nous sommes vraiment au cœur de notre vision de la société, qui diffère sur les travées de la gauche et au banc du Gouvernement.

Les chiffres montrent que ceux qui polluent le plus sont ceux qui possèdent le plus. Nous partons donc d’un principe simple : la personne qui pollue le plus doit être celle qui paye le plus dans le cadre de la transition écologique. Celle-ci ne doit pas peser sur les plus bas revenus. On l’a notamment vu avec le mouvement des « gilets jaunes » : votre politique touchait toujours les plus démunis et ceux qui ont le moins, au bénéfice de ceux qui possèdent le plus.

Pourquoi y a-t-il eu une révolte sociale, qui n’est pas éteinte dans ce pays ? Tout simplement parce que vos politiques frappent toujours les plus démunis, alors que, dans le même temps, vous avez supprimé l’impôt sur la fortune, ce qui a coûté au budget de l’État 3,5 milliards d’euros par an. Cela représente, sur six ans, exactement la somme que devait produire la fameuse réforme des retraites, dont on a d’ailleurs récemment appris qu’elle ne vous permettrait finalement pas de faire les économies espérées, bien au contraire !

On vous demande simplement de faire des choses justes ! M. Gabriel Zucman – un chercheur français installé aux États-Unis que vous devez connaître – a montré quelque chose de très intéressant : en France, plus vous possédez et plus votre pourcentage d’imposition est bas, jusqu’à atteindre même 2 % seulement pour les plus hauts revenus payant l’impôt dans notre pays, alors que la moyenne des Français contribue, comme vous l’avez dit, à hauteur de 50 %. Voilà la véritable injustice !

Ce que nous préconisons sur les travées de la gauche depuis le début de la discussion, c’est de réaliser une transition juste, ce qui nécessite 25 à 35 milliards d’euros, comme l’indique le rapport Pisani-Ferry. Les personnes qui ont le plus doivent y contribuer le plus, d’autant qu’elles ne sont pas soumises à l’impôt au même titre que les autres, ce qui est profondément injuste.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 280 rectifié.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 315 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 343
Pour l’adoption 92
Contre 251

Le Sénat n’a pas adopté.

Je mets aux voix l’amendement n° 14.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

Article additionnel avant l'article 15 - Amendements n° 280 rectifié, n° 14, n° 30 et n° 15
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'industrie verte
Article additionnel avant l'article 15 - Amendement n° 33

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 316 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 343
Pour l’adoption 92
Contre 251

Le Sénat n’a pas adopté.

Mes chers collègues, j’ai été saisie également de demandes de scrutins publics sur les deux amendements suivants.

Si vous en êtes d’accord, nous pourrions considérer ces votes comme identiques à ceux des deux scrutins publics précédents ? (Assentiment.)

En conséquence, les amendements nos 15 et 30 ne sont pas adoptés.

L’amendement n° 286, présenté par MM. Gay, Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Avant l’article 15

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Il est institué pour 2023 un prélèvement exceptionnel pour financer la transition écologique et notamment la décarbonation et la comptabilité environnementale du secteur industriel. Sont assujettis à ce prélèvement les biens ou les actifs dont les revenus sont assujettis à la cotisation sociale généralisée conformément aux sections 2 et 3 du chapitre VI du titre III du livre I du code de la sécurité sociale.

II. – Le taux du prélèvement est fixé à 10 % de la valeur totale du montant du patrimoine des foyers redevables.

III. – Seuls les foyers fiscaux dont la somme cumulée du patrimoine entendu comme le cumul des biens et actifs mentionnés au I excèdent 1 366 300 euros à date de la prochaine déclaration de revenus seront redevables du prélèvement mentionné au II.

La parole est à M. Fabien Gay.

M. Fabien Gay. Dans le rapport Pisani-Ferry que nous évoquons toutes et tous figure une idée assez intéressante : taxer 10 % de l’épargne des 10 % les plus riches. Vous n’avez certainement pas eu le temps, monsieur le ministre, de déposer un amendement en ce sens, alors le groupe communiste l’a fait pour vous. (Sourires.)

Cette mesure rapporterait 5 milliards d’euros chaque année, soit 36,5 milliards d’euros à l’horizon de 2030. Nous sommes toujours à la recherche de financements. Vous venez de refuser les 5 milliards d’euros de l’ISF vert. Soit. Nous vous proposons donc 5 autres milliards d’euros, toujours dans la perspective de décarboner notre industrie.

Nous vous proposons d’adopter cette idée de bon sens qui figure dans le rapport.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des finances ?

Mme Christine Lavarde, rapporteur pour avis. L’avis sera défavorable, parce que la proposition est encore pire que la précédente.

Le taux n’est pas négligeable : 10 % sur les revenus du patrimoine, qui viennent s’ajouter à ce qui est déjà payé au titre de l’impôt sur le revenu et des contributions sociales. À un moment, il n’y aura plus assez de liquidités chez les gens que vous taxez pour qu’ils s’acquittent du montant à payer !

M. Fabien Gay. Horrible ! (Sourires sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)

Mme Christine Lavarde, rapporteur pour avis. La commission émet donc un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roland Lescure, ministre délégué. Aujourd’hui, les écarts de rémunération après redistribution en France sont parmi les plus faibles d’Europe. Soyons fiers de notre modèle : il est extraordinaire.

M. Fabien Gay. Mais non !

M. Roland Lescure, ministre délégué. Je ne suis pas d’accord avec vous, monsieur Gay. Il n’y a jamais eu aussi peu d’inégalités en France qu’aujourd’hui.

Des études parues récemment ont estimé que les très hauts niveaux de patrimoine ne seraient pas suffisamment taxés en France. Examinez les choses en détail : il s’agit de 75 personnes, pour lesquelles on considère que l’on devrait taxer de la même manière des revenus effectivement touchés – émanant du travail et du capital – et des revenus latents, c’est-à-dire qui ne donnent lieu à aucune perception réelle.

Évidemment, s’ils vendent leurs actions et gagnent les plus-values, ils payent l’impôt comme tout le monde. En revanche, sur les plus-values ou les moins-values latentes, ils ne payent pas d’impôts, ce que je considère pour ma part comme plutôt bienvenu.

Mon avis est donc défavorable sur cet amendement, que je n’aurai pas déposé si vous ne l’aviez pas fait, monsieur Gay… (Sourires.)