compte rendu intégral
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
Mme Corinne Imbert,
M. Dominique Théophile.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Questions d’actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Madame la Première ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
J’appelle chacun de vous à veiller au respect des uns et des autres, ainsi qu’à celui du temps de parole.
protection des élus et démission du maire de saint-brevin-les-pins
M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Patrick Kanner. Madame la Première ministre, en préambule à ma question, je rappelle un principe intangible : la violence ne peut en aucun cas être une réponse à un mécontentement social ou politique. Aussi, au nom de mon groupe, je condamne l’agression dont a été victime Jean-Baptiste Trogneux et lui apporte notre total soutien.
J’exprime le même soutien à Yannick Morez, maire de Saint-Brevin-les-Pins, qui a subi intimidations, harcèlement et agressions, autant d’actes inqualifiables envers un élu de la République qui ne faisait qu’exercer son mandat. Il mérite également, mes chers collègues, le respect et le soutien indéfectibles du Sénat. (Applaudissements prolongés.)
Oui, un vent mauvais souffle sur notre pays. Un maire de France a dû céder devant la menace, la violence. La haine l’a emporté sur la bienveillance. La force l’a emporté sur le droit.
La multiplication des pressions et des agressions envers les élus est quantifiable et documentée. Les élus locaux, et plus particulièrement les maires, sont les fondations de la République. Quand une de ces fondations cède, comme c’est le cas avec la démission de Yannick Morez, c’est tout l’édifice qui est fragilisé.
Ce matin, l’audition émouvante de ce maire par la commission des lois du Sénat s’est transformée en réquisitoire contre les services de l’État, tant ont été révélées de graves défaillances.
Madame la Première ministre, c’est un échec, pour ne pas dire un désastre, dont il faut tirer toutes les conséquences dès aujourd’hui.
Saint-Brevin-les-Pins est aussi le signe d’une résurgence des violences d’extrême droite. Depuis plusieurs semaines, ces actes de terrorisme intellectuel et physique se sont multipliés pour empêcher les maires qui le souhaitent de prendre part à l’accueil des demandeurs d’asile.
Madame la Première ministre, on ne peut pas mettre sur un pied d’égalité l’extrême droite et d’autres formes de contestation. L’extrême droite, que ce soit au sein de nos institutions ou dans le cadre d’actions clandestines, est l’ennemie mortelle de notre démocratie ! L’État ne peut rester l’arme au pied face à ces menaces. Allez-vous engager le combat pour défendre les élus de la République ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER, sur des travées des groupes GEST et CRCE, ainsi que sur quelques travées du RDSE, du RDPI et des groupes INDEP et UC. – Mmes Laurence Garnier et Marie Mercier applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme la Première ministre.
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Monsieur le président Patrick Kanner, pendant des semaines, Yannick Morez, le maire de Saint-Brevin-les-Pins, a été la victime d’une campagne insupportable de harcèlement en lien avec le projet d’implantation d’un centre d’accueil pour demandeurs d’asile (Cada) dans sa commune. Fin mars, son domicile a été incendié.
Oui, ces actes sont inadmissibles. Derrière chaque élu agressé, c’est la République qui est visée.
Sans aucun esprit polémique, je tiens à dire que je partage votre choc et votre indignation face à une telle situation comme face à chaque acte de violence contre un élu.
En présentant sa démission, Yannick Morez a pris une décision difficile, en son âme et conscience. Nous ne pouvons que regretter qu’il ait été conduit à faire ce choix que, naturellement, nous respectons.
Je le recevrai tout à l’heure avec des représentants de l’Association des maires de Loire-Atlantique et de l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF). À cette occasion, je l’écouterai et lui exprimerai le soutien de mon gouvernement.
Les maires sont en première ligne sur le terrain : ils sont les premiers témoins de la montée de la défiance dans notre société. Nous devons les protéger, tout comme nous devons protéger l’ensemble des élus.
Pour y parvenir, le Gouvernement s’engage.
Le ministre de l’intérieur, les préfets et les forces de l’ordre sont mobilisés. Le droit pénal a été renforcé pour permettre aux associations d’élus et aux collectivités de se constituer partie civile. À plusieurs reprises, le ministre de la justice a demandé aux procureurs d’apporter des réponses fermes, rapides et visibles contre les atteintes aux élus.
Nous sommes prêts à travailler avec le Sénat, comme avec l’Assemblée nationale, pour alourdir les sanctions pénales condamnant les auteurs de violences envers les élus.
Nous voulons aller plus loin. Depuis des mois, nous préparons de nouvelles mesures que la ministre chargée des collectivités territoriales, Dominique Faure, présentera tout à l’heure. Il s’agit de renforcer le lien entre les maires et la justice, de mieux prévenir les violences et d’accompagner encore davantage les élus.
C’est un sujet auquel je tiens particulièrement et que j’ai eu l’occasion d’évoquer avec l’ensemble des associations d’élus le 12 avril dernier.
Mesdames, messieurs les sénateurs, il n’y a pas de démocratie sans respect des élus ni sécurité pour eux.
Avec vous tous, avec le Gouvernement, nous continuerons à agir. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Rémi Féraud. Et l’extrême droite ?
M. Hussein Bourgi. Rien sur la défaillance de vos services en Loire-Atlantique ?
M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour la réplique.
M. Patrick Kanner. Madame la Première ministre, les élus de la République demandent non pas de la compassion, mais de l’action. Ils veulent surtout pouvoir agir eux-mêmes.
Quand Mme Dominique Faure évoque la création d’un centre d’analyse pour comprendre ce qui se passe dans le pays, permettez-moi de vous dire que nous le savons depuis bien longtemps, car tout est quantifié et quantifiable.
Nous demandons simplement que la réflexion qui est conduite, notamment par le Sénat, puisse aboutir à des actes permettant de protéger les élus de la République. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du groupe CRCE. – MM. Hervé Marseille et Loïc Hervé, Mme Christine Herzog et M. Albéric de Montgolfier applaudissent également.)
fusillade de villerupt
M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Mme Véronique Guillotin. Madame la ministre, avec mes collègues Jean-François Husson et Véronique Del Fabro, je vous interpelle sur les faits qui se sont déroulés samedi dernier à Villerupt.
En plein centre-ville, à deux pas d’un parc pour enfants, une fusillade a eu lieu sur fond de trafic de drogue. Le bilan humain et cette violence ont profondément choqué et bouleversé les habitants : cinq blessés, dont trois dans un état grave, tous âgés de 17 ans à 30 ans.
Mes pensées vont naturellement aux victimes, à leurs familles, à toutes les Villeruptiennes et tous les Villeruptiens, à qui nous devons des réponses.
Tout le monde est choqué, mais personne ne semble surpris : le point de deal avait pignon sur rue depuis des mois ; les tarifs des stupéfiants sont encore inscrits sur les murs, à côté d’une fresque d’enfant.
Ce drame met en lumière le débat récurrent sur le sous-effectif chronique dans la circonscription de police de Longwy-Villerupt. Il manque au moins quinze policiers à ce jour.
Vendredi dernier, le ministre de l’intérieur a annoncé la création de onze postes. Si cette nouvelle part d’une bonne intention, il y a peu de chance que ces postes soient pourvus, en raison du manque d’attractivité du territoire.
Madame la ministre, ce qui s’est passé est grave. À la suite des échanges que nous avons eus ces derniers jours avec votre cabinet, je salue l’arrivée d’un escadron de gendarmes mobiles à Villerupt dès cet après-midi. Pour autant, envisagez-vous à moyen terme, afin d’augmenter les effectifs, de nous affecter des policiers à la sortie des écoles ?
Enfin, j’exprimerai un dernier regret : la Villeruptienne que je suis n’a jusqu’à présent pas réussi à convaincre les élus locaux de la nécessité de se saisir de tous les outils disponibles, que ce soit les contrats locaux de sécurité, la police municipale ou la vidéoprotection.
C’est tous ensemble, en laissant tomber les idéologies et en n’opposant pas les uns aux autres, que nous ferons reculer la délinquance. La mise en place en urgence d’une réunion de concertation locale s’impose. Il y va de la sécurité et de la tranquillité des habitants.
Je compte sur le ministre car, j’en suis convaincue, il est encore temps d’enrayer cette spirale infernale. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées des groupes INDEP et UC. – MM. Jean-François Husson et Yves Bouloux applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la sénatrice Guillotin, oui, ce qui s’est passé est très grave.
Vous l’avez rappelé, dans la soirée de samedi dernier, la police est intervenue à la suite de plusieurs coups de feu tirés dans le centre-ville de Villerupt, en Meurthe-et-Moselle.
Sur place, les policiers ont découvert cinq blessés par balles, dont trois sont en urgence absolue. D’après les premiers éléments de l’enquête, cette tentative d’homicide serait en lien avec le trafic de stupéfiants, dans le contexte d’une recrudescence de la violence entre bandes rivales pour le contrôle de ce trafic.
Quelques heures après les faits, l’auteur présumé de la fusillade a été interpellé par la police judiciaire de Metz, assistée par la brigade de recherche et d’intervention (BRI). Je tiens ici à remercier tous les policiers pour leur mobilisation et leur action rapide et efficace.
Sur instruction de Gérald Darmanin, un escadron de gendarmerie mobile a été envoyé sur place dès hier. Ces soixante-dix gendarmes seront en place au moins jusqu’à la fin de la semaine.
Pour la circonscription de police dont dépend Villerupt, le ministre de l’intérieur a annoncé – vous l’avez mentionné – l’ouverture de onze postes. Par ailleurs, quarante-quatre nouveaux postes seront créés pour l’ensemble du département de la Meurthe-et-Moselle.
Nous constatons que le trafic de drogue touche aujourd’hui des villes de taille moyenne comme la vôtre, madame la sénatrice. C’est pourquoi nous devons lutter contre ce trafic à tous les niveaux. Je pense à l’excellent travail réalisé par les policiers des Yvelines qui ont effectué il y a seulement quelques jours une saisie record de 2,5 tonnes de cannabis pour une valeur marchande de 20 millions d’euros.
Je sais que tous les élus concernés, notamment les sénateurs Husson, Jacquin, Del Fabro et vous-même, sont particulièrement mobilisés. C’est la raison pour laquelle, ainsi que vous l’avez demandé, le préfet réunira l’ensemble des élus dans les plus brefs délais. Cette réunion est d’ores et déjà programmée. (MM. François Patriat et Alain Richard applaudissent.)
M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour la réplique.
Mme Véronique Guillotin. Dès lors que, face à un tel drame, on entend dire dans la rue que cela n’étonne quasiment personne, je crois qu’il y a de vraies leçons à tirer : l’État doit assumer ses responsabilités et ne pas défaillir. C’est main dans la main, État et élus locaux ensemble, que nous devons travailler et faire reculer la délinquance. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées des groupes INDEP et UC.)
démission du maire de saint-brevin-les-pins et lutte contre l’extrême droite
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Ronan Dantec. Monsieur le ministre, Yannick Morez a démissionné et il ne reviendra pas sur sa décision.
Le maire de Saint-Brevin-les-Pins est ainsi devenu, depuis quelques jours, le symbole des difficultés que rencontrent les élus locaux pour exercer leur mandat, à portée non plus seulement d’engueulade, mais de calomnies, d’agressions et, dans le cas d’espèce, d’un attentat criminel qui aurait pu tuer un élu, ainsi que sa femme.
Yannick Morez n’a pas démissionné par peur ou par lassitude, mais parce que l’État ne l’a pas protégé. Depuis l’incendie de sa maison le 22 mars dernier, il était devenu un symbole du courage de l’élu républicain, celui qui assume sans faiblir la tâche que l’État lui a confiée, en l’occurrence le déménagement d’un centre d’accueil pour demandeurs d’asile (Cada) déjà installé – sans que cela pose problème – dans la commune depuis 2016.
Yannick Morez est présent en tribune et si nous lui rendons hommage, c’est d’abord parce qu’il tenait bon face à la haine de l’extrême droite et des sbires d’Éric Zemmour ! (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mmes et MM. les membres du Gouvernement, se lèvent et applaudissent longuement en direction de la tribune d’honneur.)
Monsieur le ministre, évitons les faux débats. Tous ici, nous condamnons toutes les violences politiques. Nous ressentons le même dégoût face aux violences que Yannick Morez a subies que face à l’ignoble passage à tabac, avant-hier, du neveu de Mme Brigitte Macron.
M. Philippe Pemezec. Vous n’y êtes pas pour rien !
M. Ronan Dantec. C’est aussi un acte inqualifiable, et la justice doit être ferme dans un cas comme dans l’autre ! (Applaudissements.)
Je vous demande de répondre précisément aux interrogations de Yannick Morez, car nous lui devons cette clarté.
Première question : pourquoi, depuis le mois de mars dernier, n’a-t-il pas fait l’objet d’une protection rapprochée de l’État ?
Deuxième question : pourquoi avoir autorisé la manifestation anti-Cada du 29 avril – un mois après l’incendie –, véritable désaveu du maire, qui avait pourtant demandé son interdiction le 14 avril ? (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
Après Callac et Saint-Brevin-les-Pins, et avant d’autres drames, allez-vous enfin interdire ce type de manifestations, qui sont d’évidents appels à la haine de la part de l’extrême droite ? (Applaudissements nourris sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur Dantec, d’abord, permettez-moi, tout en saluant Yannick Morez, de me réjouir de l’image donnée par le Sénat, dont aucun membre n’est resté assis au moment de l’hommage que nous venons de lui rendre (Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.), alors que nous avons assisté hier à l’Assemblée nationale à une scène au cours de laquelle une partie de l’hémicycle ne s’est pas levée. (Mêmes mouvements.)
Mme Cécile Cukierman, M. Didier Marie et Mme Marie-Pierre de La Gontrie. L’extrême droite !
Mme Laurence Rossignol. L’extrême droite : ce n’est pas difficile à dire !
M. Christophe Béchu, ministre. Prétendre défendre la liberté d’expression en empêchant quelqu’un de s’exprimer m’a toujours paru bizarre. (Marques de désapprobation sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
Je salue le fait que toutes et tous, ici, vous êtes levés, alors qu’hier les élus du Rassemblement national (Mêmes mouvements.) ont refusé de se joindre à l’hommage, et vous prenez prétexte de la façon dont j’ai formulé ma phrase pour dénoncer une gêne qui n’a pas lieu d’être.
C’est un début de récupération que de laisser penser que la manière de décrire les choses pourrait être à géométrie variable.
Je veux saluer les propos de Ronan Dantec qui, sans la moindre hésitation et avec la conscience républicaine qu’on lui connaît, en a profité pour rappeler les faits inacceptables qu’a également subis le petit-neveu du Président de la République dans un continuum de violence que nous constatons tous.
M. David Assouline. Patrick Kanner l’a fait aussi !
M. Christophe Béchu, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez reçu Yannick Morez ce matin dans le cadre d’une mission d’information plus large sur l’avenir de la commune et du maire, dont le sénateur Darnaud est le rapporteur.
Cet après-midi, trois, quatre, cinq questions portent sur le même sujet : ce sont autant d’occasions pour moi de vous répondre dans les minutes qui viennent.
Je me réjouis que le Sénat, au travers de cet exemple de courage face à des actes d’intimidation et un niveau de violence qui a franchi de nouvelles limites et atteint un palier inacceptable, essaie de faire la lumière sur ce qui s’est passé.
Je souhaiterais que, dans le même temps, vous en profitiez pour demander aux forces de l’ordre qui travaillent en Loire-Atlantique leur version des faits et que vous les interrogiez sur les retours qu’elles ont eus.
En effet, d’après les éléments qui nous ont été communiqués – je vous dis ce que je sais –, des patrouilles de police sont passées plusieurs nuits consécutives, dans la foulée du 22 mars. Je sais aussi que l’on a proposé à Yannick Morez de bénéficier d’un accompagnement, et que la préfecture ou la sous-préfecture a tenté de prendre contact avec lui.
M. le président. Il faut penser à conclure !
M. Christophe Béchu, ministre. Après avoir pris connaissance de l’audition de ce matin, j’entends qu’il existe, sur l’absence de réunions publiques et sur la tenue d’un certain nombre de manifestations, des zones d’ombre qu’il convient d’éclaircir.
Une mission d’information aussi importante que celle-là, sur un sujet aussi sensible, implique sans doute que vous y consacriez un peu plus de temps que ce que vous envisagiez initialement. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Emmanuel Capus applaudit également.)
M. Loïc Hervé. Chiche !
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour la réplique.
M. Ronan Dantec. Monsieur le ministre, il n’y aurait aucune honte à reconnaître que, dans cette affaire, l’État n’a pas été à la hauteur. Cela faciliterait même les choses ! (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE, ainsi que sur des travées du groupe UC. – M. Stéphane Piednoir applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Joël Guerriau. Monsieur le ministre, en novembre 2022, le Sénat, sur l’initiative de notre collègue Nathalie Delattre, a voté une loi, entrée en vigueur en janvier dernier, qui permet aux associations d’élus de se constituer partie civile pour soutenir les élus ou leurs proches victimes d’agressions.
Ce texte ouvre aujourd’hui la possibilité à Yannick Morez, maire de Saint-Brevin-les-Pins, d’être défendu par l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité.
J’ai invité Yannick Morez à assister à cette séance de questions d’actualité au Gouvernement depuis les tribunes, et je me réjouis de l’hommage que vous venez de lui rendre. (Applaudissements sur de nombreuses travées.)
En avril dernier, j’ai animé une réunion, en sa présence, avec plus de cinquante élus de Loire-Atlantique. Tous ont témoigné des incivilités et des agressions dont ils font l’objet. Il en est ressorti un profond mal-être et de la colère, parce que, si les élus portent plainte, bien souvent rien ne change. Trop de plaintes sont classées sans suite et, trop fréquemment, les auteurs des faits recommencent de plus belle.
À titre d’exemple, le maire de Saint-Père-en-Retz, commune voisine de Saint-Brevin-les-Pins, est victime du même individu depuis plus de trois ans.
Hier, Jean-Baptiste Trogneux a été victime d’une agression odieuse, uniquement parce qu’il est le petit-neveu du Président de la République.
Ces agressions prennent aujourd’hui des formes multiples. Certains se cachent derrière l’anonymat des réseaux sociaux pour harceler, menacer, insulter les représentants de l’autorité publique et leurs familles. D’autres se rendent coupables de violences physiques.
Tout cela est favorisé par les discours haineux de certains responsables politiques. On ne peut pas appeler à la violence et s’en laver les mains.
M. Philippe Pemezec. Enfermez Mélenchon !
M. Joël Guerriau. Il faut que la justice passe avec fermeté. Il s’agit avant tout de dissuader, en sanctionnant les coupables par des mesures plus coercitives.
Monsieur le ministre, comment garantir à nos élus et à leurs familles que la Nation et l’État se tiennent à leurs côtés et que ces actes ne restent pas impunis ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – M. Pierre Louault applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je n’aurai aucune difficulté, après que nous aurons fait toute la lumière sur les événements de Saint-Brevin-les-Pins, à partager avec vous le constat qui sera dressé et à reconnaître les dysfonctionnements, s’il y en a eu.
Je tiens à vous dire, monsieur Morez (M. le ministre se tourne vers la tribune d’honneur.), que votre exemple nous oblige à maints égards, parce qu’il suppose que nous mesurions qu’il existe à la fois des actes mettant en cause les élus pour des décisions qu’ils ont prises, et des actes commis pour s’opposer à des décisions résultant du partage d’une responsabilité nationale.
Il y a un an, j’étais encore maire, comme beaucoup d’entre vous ici. Tout comme vous, je connais donc les intimidations, les invectives, les insultes, les commentaires haineux sur les réseaux sociaux, les affiches et les tracts anonymes.
M. David Assouline. Nous aussi, au moment du mariage pour tous ! (Mme Laurence Rossignol abonde.)
M. Christophe Béchu, ministre. L’année dernière, nous avons recensé 2 265 atteintes envers des élus, soit une hausse de 32 % par rapport à 2021. En réaction, grâce au durcissement des textes, 945 sanctions pénales ont été prononcées, chaque fois que l’on a été capable de retrouver les auteurs de ces violences.
L’enjeu est de parvenir à franchir deux nouveaux paliers, monsieur le sénateur Guerriau.
Tout d’abord, sachez qu’il s’agit pour nous non pas seulement d’analyser la situation, comme le disait le président Kanner, mais de mettre en place un centre de coordination de la lutte contre les atteintes aux élus.
Comment la justice, la gendarmerie et la police pourraient-elles mieux partager les informations sur les menaces visant les élus ? Comment faire en sorte d’y répondre, notamment par la systématisation du suivi, de la protection et de l’accompagnement des élus ?
Ensuite, vous, parlementaires, avez considéré à une très large majorité que s’attaquer à une personne portant l’uniforme constituait une circonstance aggravante. Quand on s’en prend à un pompier, à un gendarme ou à un policier, c’est aux valeurs de la République que l’on s’attaque.
L’écharpe tricolore n’est-elle pas, à bien des égards, une sorte d’uniforme républicain qui mériterait la même reconnaissance d’une circonstance aggravante ? (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et UC.)
Ne pourrait-on pas considérer que ce n’est pas seulement le maire en tant qu’individu qui est visé, mais sa fonction et, à travers elle, ceux qui lui ont confié un mandat, c’est-à-dire la République et la démocratie ? (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP.)
M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau, pour la réplique.
M. Joël Guerriau. Dans le cas de Yannick Morez, c’est l’accumulation de faits avant qu’une réaction ne se produise qui pose problème. Il aurait fallu réagir très rapidement.
Aujourd’hui, c’est avant tout notre démocratie qu’il s’agit de protéger et, pour ce faire, il faut absolument que les coupables aient peur de notre justice. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Belrhiti, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Catherine Belrhiti. Ma question s’adresse à M. le garde des sceaux.
La démission de Yannick Morez, maire de Saint-Brevin-les-Pins, le 9 mai dernier a provoqué une indignation générale et un tollé médiatique sans précédent.
Intimidé depuis des mois, abandonné par un appareil étatique resté sourd à ses avertissements, celui-ci a finalement rendu son écharpe à la suite de l’incendie criminel de son logement familial dans la nuit du 22 mars dernier.
Ce drame républicain est malheureusement loin d’être isolé. En effet, depuis le décès tragique du maire de Signes en 2019, les agressions envers les élus de la République se sont multipliées – vous le disiez, monsieur le ministre, 2 265 plaintes et signalements ont été enregistrés en 2022, soit une hausse de 32 % en un an.
Pire encore, selon le président de l’AMF, David Lisnard, le seuil fatidique des 1 000 maires démissionnaires depuis les élections municipales de 2020 a été franchi : on compte aujourd’hui 1 293 démissions !
J’avais déjà eu l’occasion d’alerter le Gouvernement sur la recrudescence des agressions envers les élus le 13 avril dernier. Mme la ministre Faure m’avait alors annoncé la création prochaine d’un centre d’analyse et de lutte contre les atteintes aux élus.
Mais nous savons tous ce qui se passe sur le terrain : un mois plus tard, aucune réponse pénale adaptée ne semble à l’ordre du jour, et une certaine impunité règne pour les auteurs de ces agressions.
Sur l’initiative du Sénat, la loi du 24 janvier 2023 permet désormais aux associations d’élus de se constituer partie civile pour soutenir au pénal un élu victime d’agressions.
Cependant, les sanctions ne sont pas à la hauteur.
Monsieur le ministre, combien de démissions supplémentaires faudra-t-il pour intensifier la répression envers les auteurs de ces attaques et préserver ainsi le pacte républicain ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)