compte rendu intégral
Présidence de Mme Nathalie Delattre
vice-présidente
Secrétaires :
Mme Martine Filleul,
M. Jacques Grosperrin.
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Procès-verbal
Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
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Modification de l’ordre du jour
Mme la présidente. Par lettre en date de ce jour, le Gouvernement demande l’inscription à l’ordre du jour du mardi 9 mai des conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi portant amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé, après l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires.
Acte est donné de cette demande.
Le délai limite pour les inscriptions de parole sera fixé au vendredi 5 mai, à 15 heures.
Y a-t-il des observations ?…
Il en est ainsi décidé.
3
Avenir de la ressource en eau : comment en améliorer la gestion ?
Débat organisé à la demande de la délégation sénatoriale à la prospective
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande de la délégation sénatoriale à la prospective, sur le thème : « L’avenir de la ressource en eau : comment en améliorer la gestion ? »
Je vous rappelle que, dans ce débat, le Gouvernement aura la faculté, s’il le juge nécessaire, de prendre la parole immédiatement après chaque orateur pour une durée de deux minutes ; l’orateur disposera alors à son tour d’un droit de répartie, pour une minute.
Madame la secrétaire d’État, vous pourrez donc, si vous le souhaitez, répondre après chaque orateur, une fois que celui-ci aura regagné sa place dans l’hémicycle.
Le temps de réponse du Gouvernement à l’issue du débat est limité à cinq minutes.
Dans le débat, la parole est à M. Jean Sol, au nom de la délégation qui a demandé ce débat.
M. Jean Sol, au nom de la délégation sénatoriale à la prospective. « Qui dit eau dit santé, assainissement, hygiène et prévention des maladies ; dit paix ; dit développement durable, lutte contre la pauvreté, soutien aux systèmes alimentaires et création d’emplois et prospérité. […] C’est pourquoi l’eau doit être au centre de l’agenda politique mondial. » Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, c’est par ces mots qu’António Guterres, secrétaire général des Nations unies, concluait la Conférence des Nations unies sur l’eau, le 24 mars dernier.
En France aussi, l’eau est au cœur du développement de nos territoires, de notre agriculture, de notre système énergétique, puisqu’il faut beaucoup d’eau pour refroidir les centrales thermiques.
L’eau est également essentielle à l’équilibre des écosystèmes et, quand elle vient à se dégrader, à manquer ou, à l’inverse, à être en trop, les conséquences sont dramatiques.
Plus trivialement, l’eau est au cœur de notre vie quotidienne. Nous ne faisons même plus attention à la prouesse que constitue le fait d’avoir tout le temps à notre disposition une eau de qualité, simplement en ouvrant le robinet, et pour un coût relativement modeste, de 4,30 euros en moyenne pour 1 000 litres, assainissement compris.
Cela sera-t-il toujours le cas ?
L’année dernière, plus de 2 000 communes ont connu des difficultés d’approvisionnement en eau potable.
La sécheresse s’installe comme une situation non plus exceptionnelle, mais habituelle et récurrente. Dans un pays tempéré comme le nôtre, c’est un choc culturel.
Dans l’Hexagone, nous recevons chaque année plus de 500 milliards de mètres cubes de précipitations, dont un bon tiers s’infiltre dans le sol ou va dans nos rivières. C’est ce que l’on appelle les « pluies utiles », qui représentent 200 milliards de mètres cubes.
En toute logique, nous ne devrions pas avoir de difficulté, puisque nous utilisons de l’ordre de 30 à 32 milliards de mètres cubes par an : 15 pour le refroidissement de nos centrales, 5 pour l’alimentation des canaux, 5 pour l’eau potable, 3 pour l’agriculture et un peu moins de 3 pour l’industrie.
Bien sûr, il faut laisser une partie de cette eau dans les nappes, dans les rivières et, plus largement, dans les milieux, mais nous devrions pouvoir répondre à tous nos besoins.
Malheureusement, le réchauffement climatique change la donne. L’étude Explore 2070 indique que le débit de nos rivières va baisser de 10 % à 40 %. D’une année sur l’autre, nous pouvons connaître des variations importantes de précipitations.
La sécheresse extrêmement forte que nous avons connue en 2022, qui vient après d’autres étés secs, a fait prendre conscience que nous n’allions pas échapper à une remise en cause de nos modèles.
Au 1er mars de cette année, 80 % des nappes phréatiques sont encore à un niveau considéré comme bas par le Bureau de recherches géologiques et minières.
Aucune région n’échappe au phénomène : l’année dernière, c’est la quasi-totalité des départements qui a été touchée par des arrêtés sécheresse.
Pour l’eau, l’été, entre juin et août, devient de plus en plus critique et, à l’heure où nous parlons, les perspectives estivales 2023 sont particulièrement sombres.
La délégation sénatoriale à la prospective a déjà tiré le signal d’alarme en 2016, avec l’excellent rapport d’information Eau : urgence déclarée de nos collègues Jean-Jacques Lozach et Henri Tandonnet.
Début 2022, nous avons lancé de nouveaux travaux pour actualiser nos données, affiner notre analyse, avec pas moins de quatre rapporteurs – Catherine Belrhiti, Cécile Cukierman, Alain Richard et moi-même –, au nom desquels je parle aujourd’hui.
Notre rapport d’information, articulé autour de huit axes, s’intitule Éviter la panne sèche – Huit questions sur l’avenir de l’eau. De fait, sans être alarmistes, il nous faut être lucides : nous pouvons gérer l’eau dans la nouvelle période qui s’ouvre, mais il va falloir nous en donner les moyens.
Ces moyens existent.
Depuis 1964, nous avons une gouvernance de l’eau par grand bassin hydrologique reposant sur les agences de l’eau, une planification pluriannuelle, à travers les schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux (Sdage), des moyens financiers, mobilisés grâce aux redevances – plus de 2 milliards d’euros par an.
Nous avons des collectivités territoriales impliquées dans le petit comme le grand cycle de l’eau, qui se sont parfois regroupées dans des établissements publics de bassin, pour gérer en commun les ressources et les milieux avec, comme philosophie, la démocratie de l’eau.
Bref, nous sommes armés pour faire face aux défis de l’avenir de l’eau, mais nous sommes aussi en difficulté pour définir ce que nous voulons pour mieux gérer notre eau.
D’un point de vue qualitatif, nous continuons à poursuivre un objectif d’excellence, fixé d’ailleurs par les textes européens, comme la directive-cadre sur l’eau. Malheureusement, le bon état des masses d’eau souterraines et de surface ne sera pas atteint à l’échéance retenue par la directive, qui a pourtant déjà été reportée à 2027. Cela ne veut pas dire que nous ne devons pas continuer nos efforts. Lutter contre les pollutions organiques, les nitrates, les résidus de pesticides, les résidus médicamenteux, les pollutions plastiques ou les substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées (PFAS) est un enjeu de santé publique non négociable.
D’un point de vue quantitatif, l’équation se corse. La priorité doit être la sobriété. C’est en tout cas ce qu’a déclaré le Président de la République en présentant, le 30 mars dernier, le plan Eau du Gouvernement, qui comporte 53 mesures. Nous le disons aussi dans notre rapport d’information.
Toutefois, cela ne doit pas se faire en partant d’un dogme d’interdiction de toute nouvelle retenue d’eau. Gérer l’eau est consubstantiel à la civilisation. Refuser par principe de le faire, c’est se condamner à des difficultés futures pour tous, à commencer par les agriculteurs.
La première recommandation de notre rapport d’information est de permettre de nouvelles retenues, dès lors que le service environnemental et économique rendu est positif.
La deuxième est de mettre en œuvre les solutions de gestion de l’eau fondées sur la nature.
Nous proposons aussi d’accélérer la transformation des pratiques agricoles pour faire face aux tensions hydriques. Disons-le tout net : faire de l’agriculture sans eau est impossible, mais améliorer les systèmes d’irrigation, les pratiques culturales, mieux gérer la ressource, c’est possible, à condition d’accompagner les agriculteurs.
La recherche et l’innovation peuvent aussi être mobilisées pour avancer, par exemple en encourageant la réutilisation des eaux usées traitées, particulièrement utile dans les zones côtières, en bout de bassin. Cette proposition de notre rapport d’information figure dans le plan Eau du Gouvernement.
La question des moyens financiers ne peut être éludée, madame la secrétaire d’État. Notre rapport d’information juge notamment indispensable de rehausser les moyens des agences de l’eau, point sur lequel le plan Eau apporte aussi une réponse.
Notre rapport d’information préconise également de davantage décentraliser la décision publique sur l’eau et de repolitiser les instances de l’eau, qui ne doit pas être l’affaire des seuls techniciens.
Enfin, nous préconisons de faire davantage de pédagogie auprès du grand public pour faire connaître les enjeux de l’eau et faire prendre conscience des efforts que nous allons tous devoir consentir.
Je conclus en insistant sur le fait que les principes de la politique de l’eau ne doivent pas nous faire perdre notre bon sens. J’évoquerai à cette fin nos vieux canaux d’irrigation des Pyrénées-Orientales. Au nom des « débits réservés », on empêche l’eau d’y circuler ; or ils contribuent à recharger la nappe, à ralentir l’écoulement de notre fleuve, la Têt, vers la Méditerranée, et font vivre un maraîchage local vertueux – vous en conviendrez !
Tuer nos agriculteurs ne résoudra pas nos soucis d’eau.
Dès lors, je formule un vœu : que l’on trouve des solutions raisonnables, comme le faisaient nos anciens, car, si l’eau est plus rare, elle n’a pas disparu, et la France ne sera jamais le Sahara. Notre intelligence collective doit nous permettre d’éviter la panne sèche. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Daniel Breuiller applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Couillard, secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de l’écologie. Monsieur le sénateur Sol, je vous remercie de vos propos introductifs.
Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, trois mois nous séparent du précédent débat sur l’eau au Sénat. En effet, le 10 janvier dernier, nous nous réunissions, dans cet hémicycle, autour de l’enjeu d’une gestion résiliente et concertée de la ressource en eau dans les territoires. À ce moment précis, j’avais déjà pris connaissance avec beaucoup d’attention du rapport d’information de la délégation sénatoriale à la prospective. Je tiens à saluer de nouveau la qualité du travail fourni.
J’ai plaisir à revenir aujourd’hui sur ce sujet, quelques jours après la présentation du plan Eau par le Président de la République. Il s’agit d’un plan très complet, prévoyant 53 mesures et des moyens inédits, qui, je crois, apportent des réponses concrètes à vos préoccupations et à celles des collectivités.
La politique de l’eau est structurée. Elle est bien outillée, mais, le Président de la République l’a confirmé, nous devons aller plus loin pour être à la hauteur des enjeux environnementaux. Nous avons donc travaillé pour définir un plan d’action collectif, à partir d’une concertation notamment avec les comités de bassin, le Comité national de l’eau ainsi que des représentants des collectivités.
Nous avons désormais la méthode, le chemin pour respecter les engagements pris lors des assises de l’eau et dans le cadre du Varenne agricole de l’eau. L’ambition est bien de garantir à long terme un accès à l’eau pour tous, une eau de qualité et des écosystèmes préservés.
Le thème de votre débat s’inscrit dans l’avenir. Je m’en félicite, car je souhaite que nous soyons très concrets dans notre réflexion sur les solutions à apporter pour nous adapter aux bouleversements climatiques. Il y va également de notre avenir.
Mesdames, messieurs les sénateurs, les questions que vous soulèverez lors de ce débat me donneront l’occasion d’entrer plus dans le détail du plan Eau, ce dont je vous remercie. Je me tiens évidemment à votre disposition pour répondre à toutes vos interrogations.
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Salutations à un conseil municipal en tribune
Mme la présidente. Mes chers collègues, je salue la présence, dans nos tribunes, de Mme le maire de Sainte-Terre et du conseil municipal des jeunes de cette commune.
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Avenir de la ressource en eau : comment en améliorer la gestion ?
Suite d’un débat organisé à la demande de la délégation sénatoriale à la prospective
Mme la présidente. Dans la suite du débat, la parole est à M. Alain Joyandet.
M. Alain Joyandet. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, c’est sur la longue histoire de la gouvernance de la gestion de l’eau en milieu rural que je concentrerai mon propos.
Une majorité de communes rurales veulent conserver la gestion de l’eau, ce qui est sans doute conforme à l’intérêt général. Reste que le parcours du combattant qui leur est imposé les épuise. Ici, nous sommes leurs porte-voix, mais pas seulement, puisque nous défendons aussi des textes. J’espère que, étape après étape, nous finirons par obtenir satisfaction – mais à quel prix ? Quel temps perdu !
Je rappelle ce parcours. Il commence en 2015, avec la fameuse loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite NOTRe, qui oblige au transfert des compétences eau et assainissement des communes vers les communautés de communes. Ce parcours est émaillé de propositions de loi. J’en ai notamment déposé une, avec un certain nombre de collègues, en 2017. En 2017 toujours, la proposition de loi Retailleau a été adoptée, qui fait de nouveau de l’eau une compétence optionnelle. En 2018, une nouvelle loi a permis de repousser le transfert de 2020 à 2026, ce qui démontre bien l’existence d’un problème, le Gouvernement ayant accepté ce report.
Je mentionnerai d’autres étapes, comme la proposition de loi que j’ai déposée en 2020, avec un certain nombre de collègues. En 2022, une nouvelle loi a permis le maintien des syndicats infracommunautaires : on est donc passé de trois communautés de communes, à deux, puis une, nouvelle preuve qu’il existe véritablement un problème.
Mathieu Darnaud a déposé de nouveau une proposition de loi le 22 juin 2022. Puis, en 2023, une proposition de loi visant à permettre une gestion différenciée des compétences eau et assainissement, qui fait passer les compétences eau et assainissement dans la catégorie des compétences optionnelles, est adoptée : 329 suffrages exprimés, 259 voix pour, 70 voix contre.
Voyez, madame la secrétaire d’État, que c’est sur toutes les travées de cet hémicycle que l’on considère qu’il y a un problème et qu’il faut y apporter une solution !
Enfin, neuvième étape, voilà quelques jours, votre ministre de tutelle a déclaré, ici même, lors de la séance de questions d’actualité au Gouvernement – j’espère le citer fidèlement – que ce n’est pas « nécessairement » l’intercommunalité – contrairement, je le rappelle, à ce que prévoit le texte actuel –, en précisant aussitôt que ce n’est pas non plus les « communes isolées ».
Madame la ministre, qu’est-ce que cela signifie ? Des milliers de communes attendent de savoir ce qu’elles doivent faire d’ici à 2026. Celles qui ont anticipé le transfert, pensant qu’il allait arriver de toute façon, constatent que, pour un grand nombre d’intercommunalités en milieu rural, la situation est absolument ingouvernable ! On embauche des dizaines de fonctionnaires territoriaux supplémentaires, ce qui a pour conséquence l’augmentation des prix. Dans mon département, il y a même une intercommunalité qui ne peut pas envoyer les factures d’eau à ses concitoyens depuis un an et demi…
Je ne dis pas qu’il ne faut pas faire le transfert ; je fais simplement partie de ceux qui estiment qu’il faut refaire de l’eau une compétence optionnelle et, surtout, laisser les élus décider. Nos collègues élus locaux ont du bon sens et du sérieux. Ils sont, bien sûr, attachés à la quantité et à la qualité de l’eau !
Il est intolérable que des mesures venues d’en haut s’imposent à tout le monde, avec pour conséquence une multiplication par trois du prix de l’eau dans des communes rurales, sans que l’eau ait changé en quoi que ce soit. Que le tarif de l’eau augmente, parce que l’on a fait des travaux pour améliorer les réseaux, la filtration ou la qualité, est normal. Si le service public coûte plus cher, cela doit correspondre à une amélioration !
Madame la secrétaire d’État, un certain nombre d’entre nous se battent pour défendre l’intérêt de nos concitoyens. Quand on a déjà tellement d’inconvénients au quotidien en zone rurale – vous le savez –, doit-on dire aux gens qu’il faut augmenter le prix de l’eau parce que c’est la mode, parce que l’eau est notre avenir ?
Une représentante du Gouvernement dans mon département m’a même dit que c’étaient la qualité de l’eau et la santé de nos enfants qui étaient en jeu. Pourquoi casser ce qui marche bien chez nous, dans une petite commune où tout va bien, où l’eau est bonne, suffisante, où le fontainier, souvent bénévole, fait un travail extraordinaire depuis vingt-cinq ans, au prétexte qu’il faudrait que tout soit exactement pareil, quels que soient les territoires et l’importance des collectivités ?
Madame la secrétaire d’État, je vous supplie de faire l’exégèse des propos du ministre et de nous transmettre un texte le plus vite possible, de manière que des milliers de communes sachent ce qu’elles doivent faire…
Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Alain Joyandet. … ou ne pas faire avant 2026.
D’avance, je vous remercie de vos réponses ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Couillard, secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de l’écologie. Monsieur le sénateur Joyandet, je tiens à rappeler que, pour 88 % des communes, c’est déjà l’intercommunalité qui assume la compétence eau et assainissement. La mutualisation sous la forme de l’intercommunalité est donc largement enclenchée pour ces communes. Les communes qui assument seules la compétence sont concentrées dans certains départements. C’est par exemple le cas des Hautes-Alpes, où le Président de la République a annoncé le plan Eau.
À cette occasion, le chef de l’État a rappelé l’importance de la mutualisation dans la capacité d’ingénierie, la capacité d’investissement, ainsi que la capacité d’innovation. Je crois que c’est essentiel pour garantir un service public efficace et, surtout, un niveau de service que méritent nos usagers.
Monsieur le sénateur, vous avez cité des exemples de communes où cela fonctionne bien. Bien sûr, il en existe, mais il y a aussi 2 000 communes qui ont connu des tensions dans l’approvisionnement en eau potable. Une large majorité d’entre elles étaient des communes isolées. Des travaux de sécurisation sont nécessaires pour améliorer leur résilience. Les 170 communes dont le rendement est de 50 % seulement sont des communes isolées. Il existe donc bel et bien un lien entre l’isolement des communes et la baisse de rendement.
Des moyens financiers sont apportés pour soutenir les collectivités en difficulté. L’État a engagé 100 millions d’euros complémentaires aux agences de l’eau en 2022 et 100 autres millions d’euros en 2023. Cela ne suffira pas : il faut que les collectivités agissent et aient la capacité d’ingénierie nécessaire.
C’est pourquoi le Gouvernement ne souhaite pas revenir sur le transfert des compétences eau et assainissement à l’échelon communal. Mes propos seront identiques à ceux que Christophe Béchu a tenus ici même – je m’en souviens très bien, puisque j’étais présente.
M. Jean-François Husson. C’est rassurant !
Mme Bérangère Couillard, secrétaire d’État. S’il peut y avoir une remise en cause de l’intercommunalité, il n’en est aucunement de même pour la mutualisation. L’échelon communal ne semble donc pas correspondre aux besoins, surtout pour les communes qui sont aujourd’hui en manque d’eau, particulièrement durant les périodes estivales.
Il a notamment été annoncé qu’une mission parlementaire allait être prochainement lancée pour examiner les solutions aux situations où l’intercommunalité ne répondait pas aux besoins du territoire, et uniquement pour ce cas.
Il est évidemment possible de revoir l’intercommunalité, mais pas la mutualisation. C’est l’esprit même de ce que le ministre a défendu, et que je réitère ici.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Joyandet, pour la réplique.
M. François Bonhomme. En effet !
M. Alain Joyandet. … puisque vous n’arbitrez pas. Je n’en suis d’ailleurs pas surpris.
Vous savez tout de même qu’aujourd’hui une intercommunalité a la possibilité de prendre la compétence puis de décider, dans la demi-heure qui suit, de la redéléguer aux communes ! Faisons donc ainsi : demandons aux intercommunalités de délibérer, de prendre la compétence et de la redéléguer aux communes dans la demi-heure qui suit.
Madame la secrétaire d’État, le texte est ainsi ! Pourquoi ne pas clarifier les choses ?
M. François Bonhomme. Oui !
M. Alain Joyandet. Pour ma part, je ne demande d’obligation ni dans un sens ni dans l’autre. Je demande simplement de redonner aux élus locaux le pouvoir de décider.
Bien sûr qu’il faut agir dans les communes où il n’y a plus d’eau ! De fait, elles le font, elles ne nous ont pas attendus. Dans mon département, depuis trente ans, il existe des syndicats qui regroupent dix-sept ou dix-huit communes.
Faisons donc confiance à nos élus locaux, madame la secrétaire d’État. Pourquoi vouloir encore faire un truc alambiqué ? « Pas l’intercommunalité, mais pas la commune » : qu’est-ce que cela signifie ? Faut-il refaire une mission parlementaire, alors qu’il serait tellement facile de dire que, dans les communes de moins de 20 000 habitants par exemple, on remet l’eau dans les compétences optionnelles ? Un peu de simplification et de bon sens ! (M. Alain Chatillon acquiesce.)
Je vous invite à venir faire un petit séjour en Haute-Saône. Vous y serez reçue cordialement ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Amel Gacquerre applaudit également.)
M. François Bonhomme. Pas que là !
M. Laurent Duplomb. Non, pas que là !
Mme la présidente. La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin.
Mme Vanina Paoli-Gagin. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, lors de son dernier discours devant le Parlement néo-zélandais, Jacinda Ardern, ancienne Première ministre de Nouvelle-Zélande, a déclaré que le changement climatique définissait notre génération de politiciens. Je partage cette affirmation.
Sur toutes les travées de cet hémicycle et sur tous les bancs de celui de la rue de l’Université, malgré des sensibilités différentes, nous essayons de lutter contre le dérèglement climatique et ses effets. Nos visions pour y parvenir ne sont à l’évidence pas les mêmes.
Pourtant, les conséquences sont déjà là. Nous les subissons et essayons de nous adapter. C’est en cela que, quoi que nous pensions et même si nous avons beau ne pas nous occuper du changement climatique, on peut dire que celui-ci s’occupe de nous.
L’avenir de la ressource en eau en est l’exemple parfait. Je ne pense pas me tromper : nous souhaitons tous une gestion améliorée de cette ressource vitale.
L’eau régule l’ensemble du cycle de vie et notre environnement : nos mers et océans abritent une biodiversité essentielle à la vie et absorbent une part importante de notre pollution en CO2. L’accès à l’eau, à travers le monde, est l’un des principaux enjeux pour nombre de populations et, bien souvent, malheureusement, la source de conflits meurtriers. Face à cette rareté, les solutions impliquent de travailler à l’échelle mondiale, à la chaîne d’approvisionnement globale en eau, à commencer par les glaciers.
La qualité de l’eau est évidemment tout aussi importante. Les récentes détections dans notre eau potable d’un pesticide interdit depuis des années relancent ce sujet. Madame la secrétaire d’État, quelles sont les pistes envisagées en matière de gestion pour juguler des risques de ce type ? Comment s’attaquer aux causes de ces pollutions ? Surtout, comment accélérer – je vous sais sensible à ce sujet – les homologations de nouveaux produits, comme les biocontrôles, en substitution aux pesticides chimiques, sachant que l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) et ses homologues européens sont sursaturés ?
Le stress hydrique que nous subissons depuis l’été dernier, par périodes répétées et toujours plus fréquentes, participe à nos questionnements sur l’état de cette ressource. Si nous faisons le point sur la qualité de l’eau, son manque, sur certains de nos territoires, ainsi que sur les hausses de sa consommation, nous devons inévitablement parler gestion.
C’est là que la vision libérale de l’écologie que défend le groupe Les Indépendants – République et Territoires prend tout son sens. Il est impossible de revenir en arrière, avec les méthodes d’autres siècles, pour gérer une ressource confrontée à de nouvelles problématiques. Nous sommes simplement trop avancés dans le changement climatique ; les solutions qui comptent viendront de l’innovation et de la recherche. Nous ne pouvons nous adapter qu’en regardant devant, avec un devoir d’anticiper et de prévenir.
Il faut réaliser les investissements nécessaires dans nos réseaux, dans un pilotage optimisé et une gestion intelligente de l’eau. Le système a besoin de clarifications quant aux responsabilités qui incombent à chacun, notamment au sein des collectivités.
Je salue le plan sobriété que vous avez lancé, madame la secrétaire d’État, avec certains de vos collègues. Nombre de ses propositions rejoignent ce en quoi nous croyons et ce sur quoi nous axons notre travail.
J’évoquais à l’instant la recherche et l’innovation : il est pertinent d’actualiser nos projections hydrologiques et d’évaluer les perspectives. Nous serons plus réactifs dans une gestion que je conçois comme flexible, pour une adaptation rapide. Je suis, à cet égard, particulièrement sensible aux outils qui nous permettront de prendre en compte l’aménagement de nos territoires, dans leurs spécificités. En effet, la ressource en eau n’est pas la même en Aveyron, dans l’Aube ou en Corse. Nous devons partager nos bonnes pratiques et trouver les solutions et les meilleurs instruments en fonction de nos besoins propres, qui dépendent des territoires dans lesquels nous sommes.
Vous le savez, je crois aussi beaucoup en la sensibilisation et la formation, madame la secrétaire d’État. Nous avons besoin de gens formés dans la gestion de l’eau et de sa préservation. Qu’envisagez-vous concernant la formation, notamment d’ingénieurs, en ce domaine ?
Sur le volet financement, votre plan met en lumière une nouvelle génération d’Aqua Prêts à taux bonifié. Pouvez-vous nous expliquer les évolutions que vous prévoyez ? Quid du crédit d’impôt sur les récupérateurs d’eau dans les zones en tension ? Nous avons également besoin de vos éclairages sur ce sujet.
Enfin, je ne saurais conclure sans évoquer le sujet de la tarification progressive de l’eau, sur laquelle le Conseil économique, social et environnemental (Cese) sera saisi. Je forme le vœu que le plus d’acteurs possible, notamment des praticiens, soient associés à la réflexion.
La gestion de notre ressource en eau sera de plus en plus complexifiée par le changement climatique. Une bonne gestion impliquera un pilotage fin, qui devra allier flexibilité et adaptabilité, pour répondre à tous les enjeux de nos territoires. La recherche et l’innovation devront nous y aider.