Sommaire
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
Mme Corinne Imbert, M. Dominique Théophile.
Conclusions de la conférence des présidents
3. Questions d’actualité au Gouvernement
violences dans les manifestations
M. Claude Malhuret ; Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
M. Gilbert Favreau ; M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer ; M. Gilbert Favreau.
impact sur les petits hôpitaux de la loi du 26 avril 2021 visant à améliorer le système de santé
M. Jean-Pierre Moga ; M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention.
mobilisation sociale sur les retraites
M. Fabien Gay ; M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion.
Mme Marie-Laure Phinera-Horth ; M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer.
M. Patrick Kanner ; Mme Élisabeth Borne, Première ministre ; M. Patrick Kanner.
Mme Nathalie Delattre ; M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention.
doctrine de maintien de l’ordre (I)
M. Thomas Dossus ; M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer ; M. Thomas Dossus.
Mme Laurence Garnier ; M. Olivier Véran, ministre délégué auprès de la Première ministre, chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement ; Mme Laurence Garnier.
doctrine de maintien de l’ordre (II)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie ; M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer ; Mme Marie-Pierre de La Gontrie.
position de la commission européenne sur le nucléaire
M. Daniel Gremillet ; M. Roland Lescure, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l’industrie ; M. Daniel Gremillet.
M. Jean Hingray ; Mme Sylvie Retailleau, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche ; M. Jean Hingray.
M. Alain Cadec ; M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
M. Thierry Cozic ; Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et du tourisme ; M. Thierry Cozic.
Mme Corinne Imbert ; M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention ; Mme Corinne Imbert.
M. Patrick Chaize ; M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de la transition numérique et des télécommunications ; M. Patrick Chaize.
4. Candidatures à une commission mixte paritaire
Nomination de membres d’une commission mixte paritaire
compte rendu intégral
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
Mme Corinne Imbert,
M. Dominique Théophile.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Conférence des présidents
M. le président. Les conclusions adoptées par la conférence des présidents, réunie le 22 mars 2023, sont consultables sur le site internet du Sénat.
En l’absence d’observations, je les considère comme adoptées.
Conclusions de la conférence des présidents
SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT
Mercredi 29 mars 2023
À 15 heures
- Questions d’actualité au Gouvernement
• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mercredi 29 mars à 11 heures
SEMAINE SÉNATORIALE
Mardi 4 avril 2023
À 9 h 30
- Questions orales
À 14 h 30 et le soir
- Proposition de loi créant une résidence d’attache pour les Français établis hors de France, présentée par M. Le Gleut et plusieurs de ses collègues (texte n° 843, 2021-2022) (demande du groupe Les Républicains)
Ce texte a été envoyé à la commission des finances.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 27 mars à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 29 mars matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 3 avril à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 4 avril en début d’après-midi
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 3 avril à 15 heures
- Proposition de loi visant à renforcer la prévention et la lutte contre l’intensification et l’extension du risque incendie, présentée par M. Bacci, Mme Loisier, MM. Martin et Rietmann (texte n° 206, 2022-2023) (demande de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable et de la commission des affaires économiques)
Ce texte a été envoyé à la commission spéciale.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : vendredi 24 mars à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mardi 28 mars en début d’après-midi
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 3 avril à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 4 avril en début d’après-midi
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 3 avril à 15 heures
Mercredi 5 avril 2023
À 15 heures
- Questions d’actualité au Gouvernement
• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mercredi 5 avril à 11 heures
De 16 h 30 à 20 h 30
(Ordre du jour réservé au groupe UC)
- Deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale en première lecture, visant à favoriser l’accès de tous les étudiants à une offre de restauration à tarif modéré (texte n° 38, 2021-2022)
Ce texte a été envoyé à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 27 mars à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 29 mars matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 3 avril à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 5 avril matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 4 avril à 15 heures
- Proposition de loi visant à renforcer l’accès des femmes aux responsabilités dans la fonction publique, présentée par Mmes Billon, Filleul, Vérien et plusieurs de leurs collègues (texte n° 123, 2022-2023)
Ce texte a été envoyé à la commission des lois.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 27 mars à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 29 mars matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 3 avril à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 5 avril matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 4 avril à 15 heures
Le soir
- Éventuellement, suite de la proposition de loi visant à renforcer la prévention et la lutte contre l’intensification et l’extension du risque incendie, présentée par M. Bacci, Mme Loisier, MM. Martin et Rietmann (texte n° 206, 2022-2023)
Jeudi 6 avril 2023
De 10 h 30 à 13 heures puis de 14 h 30 à 16 heures
(Ordre du jour réservé au groupe CRCE)
- Proposition de loi visant à revaloriser le statut de secrétaire de mairie, présentée par Mmes Brulin, Cukierman, Gréaume, Varaillas, Assassi et plusieurs de leurs collègues (texte n° 598, 2021-2022)
Ce texte a été envoyé à la commission des lois.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 27 mars à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 29 mars matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 3 avril à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 5 avril matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 5 avril à 15 heures
- Proposition de loi relative à la maîtrise de l’organisation algorithmique du travail, présentée par M. Savoldelli, Mmes Apourceau-Poly, Cohen et plusieurs de leurs collègues (texte n° 770, 2021-2022)
Ce texte a été envoyé à la commission des affaires sociales.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 27 mars à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 29 mars matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 3 avril à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 5 avril matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 5 avril à 15 heures
De 16 heures à 20 heures
(Ordre du jour réservé au groupe SER)
- Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à protéger le groupe Électricité de France d’un démembrement (texte n° 341, 2022-2023)
Ce texte a été envoyé à la commission des finances.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 27 mars à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 29 mars matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 3 avril à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 5 avril matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 5 avril à 15 heures
- Proposition de loi constitutionnelle visant à créer une loi de financement des collectivités territoriales et de leurs groupements et à garantir la compensation financière des transferts de compétences, présentée par M. Kerrouche et plusieurs de ses collègues (texte n° 869 rectifié, 2021-2022)
Ce texte a été envoyé à la commission des lois, avec une saisine pour avis de la commission des finances.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 27 mars à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 29 mars matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 3 avril à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 5 avril matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 5 avril à 15 heures
SEMAINE DE CONTRÔLE
Mardi 11 avril 2023
À 14 h 30 et le soir
- Débat sur le thème « L’avenir de la ressource en eau : comment en améliorer la gestion ? » (demande de la délégation sénatoriale à la prospective)
• Temps attribué à la délégation sénatoriale à la prospective : 8 minutes
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure
• Possibilité pour le Gouvernement de prendre la parole après chaque orateur pour une durée de 2 minutes ; possibilité pour l’orateur de répliquer pendant 1 minute
• Temps de réponse du Gouvernement : 5 minutes
• Conclusion par la délégation sénatoriale à la prospective : 5 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : vendredi 7 avril à 15 heures
- Débat sur le thème « Harcèlement scolaire : quel plan d’action pour des résultats concrets ? » (demande du groupe Les Républicains)
• Temps attribué au groupe Les Républicains : 8 minutes
• Réponse du Gouvernement pour une durée équivalente
• Après la réponse du Gouvernement, séquence de 16 questions-réponses :
2 minutes, y compris la réplique
Possibilité de réponse du Gouvernement pour une durée équivalente
Possibilité pour le Gouvernement de répondre à une réplique pendant 1 minute et à l’auteur de la question de répondre de nouveau pendant 1 minute
• Conclusion par le groupe Les Républicains : 5 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : vendredi 7 avril à 15 heures
- Proposition de loi pour une école de la liberté, de l’égalité des chances et de la laïcité, présentée par M. Brisson et plusieurs de ses collègues (texte n° 320, 2022-2023) (demande du groupe Les Républicains)
Ce texte a été envoyé à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 3 avril à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 5 avril matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : vendredi 7 avril à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 11 avril en début d’après-midi
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : vendredi 7 avril à 15 heures
Mercredi 12 avril 2023
À 15 heures
- Questions d’actualité au Gouvernement
• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mercredi 12 avril à 11 heures
À 16 h 30 et le soir
- Débat d’actualité
• Délai limite de transmission par les groupes des propositions de thème et de format : mardi 4 avril à 15 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : mardi 11 avril à 15 heures
- Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions (demande du Gouvernement)
• Lors de la séance, seuls peuvent intervenir le Gouvernement, le représentant de la commission saisie au fond pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes et, pour explication de vote, un représentant par groupe pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes chacun ainsi qu’un représentant des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe pour une durée ne pouvant excéder trois minutes
• Délai limite pour les inscriptions des orateurs des groupes : mardi 11 avril à 15 heures
- Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi portant fusion des filières à responsabilité élargie des producteurs d’emballages ménagers et des producteurs de papier (demande du Gouvernement)
• Lors de la séance, seuls peuvent intervenir le Gouvernement, le représentant de la commission saisie au fond pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes et, pour explication de vote, un représentant par groupe pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes chacun ainsi qu’un représentant des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe pour une durée ne pouvant excéder trois minutes
• Délai limite pour les inscriptions des orateurs des groupes : mardi 11 avril à 15 heures
- Débat sur la pollution lumineuse (demande de l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques)
• Temps attribué à l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques : 8 minutes
• Réponse du Gouvernement pour une durée équivalente
• Après la réponse du Gouvernement, séquence de 16 questions-réponses :
2 minutes, y compris la réplique
Possibilité de réponse du Gouvernement pour une durée équivalente
Possibilité pour le Gouvernement de répondre à une réplique pendant 1 minute et à l’auteur de la question de répondre de nouveau pendant 1 minute
• Conclusion par l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques : 5 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mardi 11 avril à 15 heures
Jeudi 13 avril 2023
À 10 h 30
- Questions orales
À 14 h 30
- Débat sur l’état de la justice dans les outre-mer (demande du groupe SER)
• Temps attribué au groupe Socialiste, Écologiste et Républicain : 8 minutes
• Réponse du Gouvernement pour une durée équivalente
• Après la réponse du Gouvernement, séquence de 16 questions-réponses :
2 minutes, y compris la réplique
Possibilité de réponse du Gouvernement pour une durée équivalente
Possibilité pour le Gouvernement de répondre à une réplique pendant 1 minute et à l’auteur de la question de répondre de nouveau pendant 1 minute
• Conclusion par le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain : 5 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mercredi 12 avril à 15 heures
Suspension des travaux en séance plénière :
du lundi 17 au dimanche 30 avril 2023
Prochaine réunion de la Conférence des Présidents :
mercredi 5 avril 2023 à 18 heures
3
Questions d’actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Mes chers collègues, je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
Au nom du bureau du Sénat, j’appelle chacun de vous à observer au cours de nos échanges l’une des valeurs essentielles de notre assemblée : le respect, qu’il s’agisse du respect des uns et des autres ou de celui du temps de parole.
violences dans les manifestations
M. le président. La parole est à M. Claude Malhuret, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées des groupes RDPI, RDSE et UC.)
M. Claude Malhuret. Madame la Première ministre, les scènes de guerre civile qui se sont déroulées samedi dernier à Sainte-Soline ont scandalisé les Français. (Exclamations agacées sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.) Des cars de gendarmes en feu, des hordes de Black Blocs venus de toute l’Europe bottés, casqués et cagoulés, armés de cocktails Molotov, de boules de pétanque, de couteaux, de machettes et de mortiers…
Cette ultragauche européenne a fait de la France son terrain de jeu favori, car elle sait qu’elle y trouvera un relais politique : le relais de ceux qui expliquent qu’il faut transformer les révoltes en révolution par un slogan radical, « tout conflictualiser », le relais de ceux qui défilaient samedi avec leurs écharpes tricolores dans une manifestation interdite, illégale et ultraviolente, pistant les forces de l’ordre par des textos sous les hashtags #ToutCramer et #CestLaGuerre.
Alors que, depuis plusieurs semaines, les organisations syndicales défilent dans le calme et la responsabilité, les émeutiers organisent désormais partout des cortèges parallèles, brûlent les ordures et les kiosques, les portes des mairies et des préfectures, cassent les vitrines des commerçants, saccagent les permanences des parlementaires, menacent de mort les jeunes enfants des députés, frappent des maires dont les projets ne leur plaisent pas et, en définitive, finissent par terroriser les manifestants pacifiques. (M. David Assouline s’exclame.)
L’ultragauche pyromane se moque des retraites et des mégabassines. Son objectif, c’est l’insurrection. Sa cible, c’est la République, qu’elle est bien décidée à abattre pour faire de la France un nouveau Venezuela. (Exclamations ironiques sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
Le ministre de l’intérieur a annoncé hier à l’Assemblée nationale de premières sanctions contre certains des traîne-savates incendiaires. Je voudrais que vous nous assuriez, madame la Première ministre, que votre gouvernement prendra toutes les mesures politiques, réglementaires et judiciaires pour protéger ceux qui nous protègent : policiers, gendarmes, pompiers, élus et, plus généralement, toutes les personnes menacées par ces factieux.
Les forces de l’ordre ont eu au cours des dernières semaines plus de 400 blessés, dont 47 ce week-end à Sainte-Soline. C’est à ce prix qu’elles nous protègent, et je voudrais qu’ici – c’est la moindre des choses –, nous leur rendions hommage par nos applaudissements. (Mmes et MM. les sénateurs des groupes INDEP, Les Républicains, UC, RDSE et RDPI se lèvent et applaudissent longuement. – Mmes et MM. les ministres, à leur tour, se lèvent et applaudissent.)
M. Philippe Mouiller. À gauche, vous devriez avoir honte de rester assis !
M. le président. La parole est à Mme la Première ministre. (Des sénateurs des groupes SER, CRCE et GEST se lèvent et applaudissent ironiquement. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Laurence Rossignol. Nous avons bien le droit d’applaudir !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Monsieur Claude Malhuret, comme vous et comme bon nombre de nos compatriotes, j’ai été profondément choquée par le déchaînement de violence samedi dernier, à Sainte-Soline, contre les gendarmes et contre l’ordre républicain.
J’ai été choquée de voir des élus se rendre en écharpe tricolore à une manifestation interdite. (Vifs applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP, RDSE, UC et Les Républicains.)
M. Olivier Paccaud. Nous aussi !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. J’ai été choquée ces dernières semaines d’entendre des élus multiplier les propos incendiaires et parfois même justifier les violences. Renvoyer dos à dos casseurs et forces de l’ordre, c’est indigne de la part d’élus de la République ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP, RDSE, UC et Les Républicains.)
Aujourd’hui, avec vous, avec les Français, je veux à mon tour rendre hommage aux forces de l’ordre, à leur courage et à leur engagement. (Mêmes mouvements.) Je veux dire ma solidarité avec les gendarmes et les policiers qui ont été blessés à Sainte-Soline ou dans les débordements qui ont malheureusement parfois entouré les mobilisations ces derniers jours.
Mesdames, messieurs les sénateurs, les policiers et les gendarmes connaissent leur devoir d’exemplarité et de respect de la déontologie. Le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, l’a encore rappelé hier. (Exclamations sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
Des casseurs et des militants radicalisés venus chercher l’affrontement et défier nos institutions sont à l’origine des scènes que nous avons vues ces derniers jours, notamment à Sainte-Soline. C’est leur comportement qui met en danger chacun : les policiers, les gendarmes, les sapeurs-pompiers, les secours et même les manifestants.
De notre côté, nous faisons tout pour éviter que des débordements ne surviennent. Comme vous tous ici, j’ai une pensée pour les deux manifestants hospitalisés dans un état très grave depuis samedi.
M. Thomas Dossus. À cause de qui ?
M. Guy Benarroche. À cause du ministre de l’intérieur !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Depuis des semaines, le ministre de l’intérieur, les préfets et les forces de l’ordre, au contact des organisations syndicales, travaillent ensemble et ont permis que la grande majorité des mobilisations se tiennent sans heurts. Nous continuerons de nous adapter et de réagir, pour que la violence ne supplante jamais l’expression des revendications.
C’est le sens du dispositif qui encadrait la journée d’hier. Il a permis d’éviter de nombreux débordements, affrontements et dégradations. C’est le sens de la procédure de dissolution du groupuscule Soulèvements de la Terre annoncée hier par le ministre de l’intérieur.
Mme Sophie Primas. Très bien !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, la violence n’a pas sa place dans les cortèges. Nous sommes déterminés à continuer de protéger tous ceux qui veulent exprimer pacifiquement leurs idées et à continuer de protéger les Françaises et les Français. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP, RDSE, UC et Les Républicains.)
situation à sainte-soline
M. le président. La parole est à M. Gilbert Favreau, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Pierre Louault applaudit également.)
M. Gilbert Favreau. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur.
Monsieur le ministre, ce qui vient de se passer autour de la retenue d’eau de Sainte-Soline dans mon département des Deux-Sèvres a bouleversé la France entière. Sainte-Soline, ce sont 357 habitants qui viennent de vivre en moins de six mois un second état de siège.
Je tiens à dire à ces 357 habitants toute ma compassion et mon total soutien, ainsi qu’aux agriculteurs et aux gendarmes.
À quoi avons-nous tous assisté samedi dernier sur nos écrans de télévision ? Certainement pas à une manifestation ordinaire, d’ailleurs interdite par la préfète du département.
Nous avons vu des centaines de casseurs armés, organisés, rompus à l’exercice et déterminés à faire reculer l’État en « cassant du gendarme », avec un bilan redoutable : des dizaines de blessés chez les gendarmes et les manifestants. De plus, ils avaient le soutien d’élus de la République qui se trouvaient sur le terrain, ce qui est intolérable ! (Marques d’approbation sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Cécile Cukierman proteste.)
M. Philippe Mouiller. Ils déshonorent la République !
M. Gilbert Favreau. Monsieur le ministre, comment en sommes-nous arrivés là ? Comment expliquez-vous qu’en France, en 2023, on puisse être confronté à une telle violence à intervalles réguliers ?
Le sujet n’est plus celui de l’eau et pas davantage celui de l’agriculture. Le sujet, c’est l’autorité de l’État.
Monsieur le ministre, alors que l’extrême violence semble habituelle dans ces rassemblements, qu’entendez-vous faire pour restaurer l’autorité de l’État et mettre un terme à l’activisme des casseurs qui sévissent dans les manifestations ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer. Monsieur le sénateur, je crois que Mme la Première ministre a déjà en partie répondu à votre question.
Avec vous, je veux dire évidemment tout mon soutien aux habitants de votre département, singulièrement à ceux de Sainte-Soline, mais également aux agriculteurs. En effet, qu’ont fait l’État et les gendarmes, dont plus de cent ont été blessées, parfois très gravement, pendant deux week-ends consécutifs d’affrontements, sinon protéger les agriculteurs et leur outil de travail ?
Les gendarmes protègent en effet les agriculteurs non seulement dans les Deux-Sèvres, mais aussi partout en France, car ils font parfois l’objet de menaces, d’intimidations ou d’insultes, de la part de gens qui utilisent la violence verbale et physique pour arriver à leurs fins politiques.
Monsieur le sénateur, le ministre de l’intérieur applique le droit et la loi de la République. Il n’a pas la possibilité d’interpeller avant que des faits ne soient commis, y compris lorsque les personnes concernées sont connues des services de renseignement. Je voudrais rappeler d’ailleurs ici que la proposition de loi de M. Retailleau, reprise par mon prédécesseur, a été censurée en partie par le Conseil constitutionnel.
M. Marc-Philippe Daubresse. Eh oui, c’est bien dommage !
M. Gérald Darmanin, ministre. Je constate d’ailleurs que, lorsque le ministre de l’intérieur fait procéder à des interpellations, il est lui-même critiqué. Mais c’est un autre débat, et mieux vaut critiquer le ministre de l’intérieur que de vomir sur les policiers et les gendarmes, comme l’a fait une partie de la gauche et de l’extrême gauche ces derniers jours !
Ensuite, il faut des drones pour avoir des images. Que s’est-il passé à Sainte-Soline ? Les casseurs ont fait voler des drones pour étudier le dispositif des gendarmes,…
M. Thomas Dossus. C’étaient des journalistes !
M. Gérald Darmanin, ministre. … alors que les forces de l’ordre n’ont pu en faire autant, car vous leur avez refusé, mesdames, messieurs les sénateurs, l’usage des drones.
M. Marc-Philippe Daubresse. Pas nous !
M. Gérald Darmanin, ministre. Ils sont donc les seuls à ne pas pouvoir en faire voler ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDPI et INDEP.) Alors, oui, il faut en tirer toutes les conclusions.
Je veux souligner le travail de nos courageux gendarmes : il n’y a pas eu de ZAD (zone à défendre) à Sainte-Soline pendant les deux week-ends d’affrontement : c’est aussi cela, l’autorité de l’État ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Bruno Sido. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Gilbert Favreau, pour la réplique.
M. Gilbert Favreau. Monsieur le ministre, je prends bonne note de vos explications, mais je crois que nous sommes dans une ère nouvelle, qui a commencé par la reculade de l’État à Notre-Dame-des-Landes. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. François Bonhomme. Eh oui !
M. Gilbert Favreau. Cette reculade a sapé l’autorité de l’État et ne cesse d’inspirer les casseurs d’extrême gauche, qui saisissent maintenant toutes les occasions pour tenter d’instaurer un État de non-droit dans notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
impact sur les petits hôpitaux de la loi du 26 avril 2021 visant à améliorer le système de santé
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Moga, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Jean-Pierre Moga. Ma question s’adresse à M. le ministre de la santé et de la prévention.
Monsieur le ministre, samedi dernier, plus de quatre-vingts maires et de nombreux habitants manifestaient devant le pôle de santé du Villeneuvois contre le risque de fermeture de la maternité.
En effet, dans le Lot-et-Garonne comme dans de nombreux autres départements ruraux, d’outre-mer ou de Corse, l’entrée en application de la loi visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification, dite loi Rist, le 3 avril prochain, aura pour effet de bord inéluctable la réduction, voire la fermeture, de services d’urgences et de maternités dans les petits hôpitaux.
Comme vous le savez, le maintien de ces services publics essentiels constitue un enjeu vital pour la santé et pour les territoires concernés.
Les femmes enceintes sont souvent contraintes de parcourir de longues distances pour accéder à l’hôpital le plus proche. Ne pas avoir la certitude de pouvoir accoucher à proximité de son domicile est extrêmement anxiogène.
Nous sommes en droit d’attendre de votre part une réponse qui dépasse les logiques comptables à l’origine de la dégradation des services.
Je partage l’objectif fondamental de plafonner la rémunération de l’intérim médical, qui s’apparente, dans certains cas, à un chantage exercé sur le service public de la santé, au mépris des principes humanistes de la médecine. En revanche, l’application de cette loi peut avoir des effets catastrophiques sur nos petits hôpitaux.
Monsieur le ministre, pensez-vous que les habitants des zones rurales soient des citoyens de seconde zone ? Quel signal comptez-vous leur adresser dans les prochains jours ?
Quelles mesures urgentes envisagez-vous d’adopter, afin de préserver en priorité nos maternités rurales et nos services hospitaliers ? Avez-vous l’intention d’abaisser en zone rurale le seuil des 1 000 naissances par an, afin d’y maintenir nos maternités ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes Les Républicains, INDEP, RDSE, GEST et SER.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et de la prévention.
M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention. Monsieur le sénateur Moga, il n’y a bien entendu pas de citoyens de seconde zone. (M. Bruno Sido manifeste son scepticisme.) Mon travail, sous l’autorité de la Première ministre, est de rétablir l’accès à la santé équitable pour tous, sur l’ensemble de nos territoires.
Vous évoquez deux problèmes. Le premier concerne l’intérim médical, mais nous parlons bien ici des dérives de ce dernier, et non du dispositif lui-même, qui est une pratique normale, qui fonctionne et qui permet de maintenir les petites structures.
Ces dérives de l’intérim médical signeront à court terme, soyez-en certain, la mort de notre service public hospitalier. Quel médecin acceptera encore de travailler pour 4 000 euros par mois lorsqu’un intérimaire travaillant 24 heures percevra la même somme ?
Nous devons donc agir sur deux tableaux : lutter contre les dérives et préserver cette colonne vertébrale de notre système public hospitalier que sont les médecins hospitaliers.
Tout d’abord, il faut limiter le recours à l’intérim, vous l’avez souligné. Ensuite, il faut favoriser l’exercice des médecins hospitaliers en prolongeant les mesures de cet été, lesquelles permettent d’augmenter la rémunération pour les gardes de nuit et le week-end, et de reconnaître la pénibilité.
Il convient également de développer la prime de solidarité territoriale, qui permet à un médecin hospitalier d’aller aider dans un autre hôpital. Elle devient très intéressante financièrement.
Enfin, nous avons relevé le plafond de l’intérim. Il avait été défini en 2016. Avec les évolutions intervenues depuis lors, il est maintenant fixé à 1 390 euros bruts pour 24 heures.
En ce qui concerne les petites maternités, vous évoquez, via la référence aux 1 000 naissances, le rapport du professeur Yves Ville, réalisé à la demande de l’Académie de médecine. C’est un rapport réalisé par des scientifiques, qui n’engage en aucun cas, bien entendu, le Gouvernement ni mon ministère.
Je vous rejoins dans la volonté de maintenir ces unités de proximité, mais nous devons réussir à combiner sécurité, qualité et proximité. C’est ce à quoi je m’emploie, soyez-en assuré. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes INDEP et RDSE.)
mobilisation sociale sur les retraites
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE. – Mmes Martine Filleul et Victoire Jasmin applaudissent également.)
M. Fabien Gay. Madame la Première ministre, depuis une semaine, le débat public se centre sur les violences dans les manifestations contre la réforme des retraites. Celles-ci doivent être condamnées sans ambiguïté (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Jérôme Bascher applaudit.), mais elles ne peuvent détourner l’attention des vraies questions.
La vraie question, c’est qu’après trois mois de mobilisation, une majorité de Français refuse toujours de travailler deux ans de plus pour satisfaire les marchés financiers.
La vraie question, c’est qu’après votre passage en force au Parlement, en détournant des moyens constitutionnels, votre légitimité démocratique est considérablement affaiblie.
La vraie question, c’est la répression syndicale et les réquisitions, la répression du mouvement social avec des nasses, pourtant interdites, des arrestations arbitraires, des armes offensives, qui blessent et qui doivent être proscrites, et la violence policière, révélée par des enregistrements parus dans la presse, des brigades de répression des actions violentes motorisées (Brav-M), qui doivent être dissoutes.
La vraie question, c’est que vous avez perdu toute autorité politique, que vous êtes seuls et que vous ne renouerez pas avec le pays en restant confinés.
La vraie question, c’est qu’hier vous railliez une foule, mais que c’est en fait un peuple qui se tient devant vous, droit, digne, fier, calme, et qui, avec le mouvement social uni et rassemblé, veut être respecté et entendu.
M. Marc-Philippe Daubresse. La foule est en bas, le peuple est en haut !
M. Fabien Gay. Madame la Première ministre, en politique, il faut avoir des convictions et les affirmer, parfois contre vents et marées. Mais lorsque vous piétinez la démocratie sociale, lorsque vous humiliez le Parlement, lorsque vous risquez des drames par le choix de l’autoritarisme, c’est le signe qu’il ne faut pas s’entêter.
L’audace, en politique, c’est parfois de reconnaître que l’on a eu tort et renoncer. Notre pays a besoin de sortir de la crise sociale, politique et démocratique dans laquelle vous l’avez plongé. C’est le seul apaisement possible, et il doit venir de vous.
Nous vous proposons deux issues politiques : le retrait de la réforme ou le référendum d’initiative partagé (RIP). Madame la Première ministre, allez-vous enfin écouter et respecter la majorité du peuple français ? (Applaudissements nourris sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST. – Mme Esther Benbassa applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion.
M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion. Monsieur Gay, vous interrogez Mme la Première ministre et le Gouvernement sur la mise en œuvre, que vous contestez, de la réforme des retraites.
Je voudrais tout d’abord revenir – ce sont des arguments que j’ai déjà partagés avec vous – sur le fait que ce projet de loi est avant tout la concrétisation d’un engagement pris par le Président de la République et par les candidats de la majorité présidentielle aux élections législatives.
Nous avons conduit avec la Première ministre quatre mois de concertation. (Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.) À l’issue de ces travaux, le texte a été considérablement enrichi sur les questions de la prévention de l’usure professionnelle, des carrières longues ou des minima de pension. (Mêmes mouvements.)
Nous avons aussi mis à profit le débat parlementaire. Nous avons eu 175 heures de discussions, soit plus que l’addition des temps consacrés aux deux réformes des retraites précédentes. Ces 175 heures ont permis, là aussi, d’enrichir considérablement le texte. (MM. Pierre Laurent et Fabien Gay protestent.)
Monsieur le sénateur, vous dites deux choses dans votre question.
Premièrement, vous condamnez les violences commises en marge des manifestations. C’est une manière, je crois, de partager l’hommage régulièrement rendu par le Gouvernement, singulièrement par le ministre de l’intérieur, à l’action des forces de police pour protéger les cortèges et garantir le maintien de l’ordre.
M. Jérôme Durain. Et la question ?
M. Olivier Dussopt, ministre. Deuxièmement, vous proposez deux issues : le référendum ou le retrait du texte.
Permettez-nous d’en emprunter une troisième : celle de la reprise du dialogue social. (Exclamations ironiques sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
C’est la raison pour laquelle la Première ministre a proposé de recevoir l’intersyndicale dès le début de la semaine prochaine, pour travailler sur les sujets d’usure professionnelle, de déroulement de carrière et de bien-être au travail. (Mêmes mouvements.)
C’est la raison pour laquelle, monsieur le sénateur, nous souhaitons que l’ensemble des initiatives prises par les partenaires sociaux – je pense notamment à l’accord national interprofessionnel sur le partage de la valeur – puissent faire l’objet d’une concertation et d’un travail commun, afin d’être transposées dans la loi.
Notre objectif est le dialogue, toujours le dialogue. Nos portes sont toujours ouvertes pour avancer ! (Applaudissements sur les travées du RDPI. – Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
orpaillage en guyane
M. le président. La parole est à Mme Marie-Laure Phinera-Horth, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme Marie-Laure Phinera-Horth. Monsieur le ministre de l’intérieur, samedi dernier, la Guyane s’est réveillée sous le choc : Arnaud Blanc, maréchal des logis-chef de l’antenne locale du groupe d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN), a été tué lors d’une opération de lutte contre l’orpaillage illégal. Nos pensées vont à sa famille et à ses proches, ainsi qu’à ses frères d’armes.
Ce drame intervient quelques jours après que des hommes armés de kalachnikovs ont braqué un autre site d’orpaillage et pris en otage le personnel, ainsi qu’un pilote d’hélicoptère.
Ces incidents sont les conséquences d’une forte augmentation de l’orpaillage illégal, mais aussi de la présence de factions en provenance du Brésil.
Nous ne sommes pas au bout de nos peines. En effet, depuis son investiture, le président Lula a déclaré la guerre à l’orpaillage clandestin au Brésil. Ainsi, près de 20 000 garimpeiros ont été chassés de la réserve Yanomani.
On estime à 5 000 le nombre d’orpailleurs illégaux qui pourraient ainsi rejoindre la Guyane et porter à 11 000 le contingent de chercheurs d’or illégaux sur notre territoire.
Pour ne rien arranger, sur les marchés internationaux, le cours de l’or ne cesse de s’envoler ces dernières semaines, rendant les sous-sols de la Guyane plus attrayants que jamais. Vous connaissez, monsieur le ministre, les enjeux environnementaux et sécuritaires auxquels est confrontée la Guyane.
En 2017, le Président de la République lui-même avait conditionné nos aides et nos relations diplomatiques avec le Brésil et le Surinam à une coopération policière et judiciaire contre l’orpaillage illégal. Six ans plus tard, et malgré les opérations Harpie, l’orpaillage illégal demeure un fléau hors de contrôle.
C’est pourquoi, monsieur le ministre, je souhaiterais connaître précisément les mesures que vous entendez prendre pour intensifier l’action de l’État en matière de lutte contre l’orpaillage illégal, préserver l’intégrité du territoire guyanais, protéger les populations guyanaises et préserver l’environnement. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées du groupe UC. – M. Guillaume Chevrollier applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer. Madame la sénatrice, j’ai comme vous, au nom de la Première ministre et du Gouvernement, une pensée pour la famille et pour le sacrifice du maréchal des logis-chef Arnaud Blanc, un militaire du GIGN tout à fait expérimenté. Il a sans doute été assassiné – l’enquête nous le dira – par les trafiquants que vous dénoncez.
Permettez-moi également d’avoir une pensée pour les sapeurs-pompiers de Paris, qui subissent au moment où je vous parle un accident extrêmement grave de la route en Guyane, avec plusieurs blessés dont le pronostic vital est engagé. Je sais que je parle au nom de la représentation nationale en leur rendant hommage en cet instant devant vous.
Madame la sénatrice, la lutte de la France contre l’orpaillage illégal est une lutte pour la souveraineté, contre les trafics en tout genre et contre l’insécurité qui touche nos compatriotes guyanais.
Vous l’avez souligné, ces bandes armées qui pillent le sol de la Guyane, qui polluent – la protection de l’environnement est également en jeu – et qui revendent le produit de leur trafic dans toutes les villes de Guyane, et pas simplement à Cayenne, sont à l’origine de l’augmentation des homicides et des tentatives d’homicide que votre collectivité connaît depuis trop longtemps.
Le Gouvernement a augmenté les moyens alloués à votre territoire : 250 policiers et gendarmes ont été envoyés en Guyane depuis six ans. L’opération civilomilitaire Harpie, imaginée en 2008, qui implique non seulement la gendarmerie nationale, mais également l’armée – je parle aussi au nom de Sébastien Lecornu –, a été renouvelée par le président Hollande, puis par le président Macron en 2018.
Nous réfléchissons, autour de la Première ministre, à un renforcement des moyens, notamment militaires, dans le cadre de la loi de programmation militaire qui vous sera bientôt présentée, afin de mieux prendre en compte le nouveau deal brésilien, de mieux protéger la plus grande frontière française avec un pays étranger, à savoir le Brésil, et évidemment de mieux protéger la forêt amazonienne face aux difficultés que nous connaissons.
Le sacrifice de ce militaire du GIGN ne sera pas vain. Comme tous ses camarades, il était un soldat de la protection de nos frontières et de nos compatriotes guyanais.
Pour les militaires du GIGN, il s’agit non pas seulement de défendre la forêt amazonienne, ce qui est déjà beaucoup, mais aussi de protéger les Guyanais des règlements de compte extrêmement nombreux qui ont lieu sur ce territoire depuis de trop nombreux mois. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Anne-Catherine Loisier applaudit également.)
situation sociale en france
M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Patrick Kanner. Madame la Première ministre, j’ai écouté attentivement les dernières déclarations qui pouvaient définir votre ligne politique depuis l’échec de la réforme des retraites, entériné par votre absence de majorité sur ce texte.
Je retiens le « ni dissolution, ni remaniement, ni référendum » du Président de la République, ainsi que votre proposition de dialoguer la semaine prochaine avec les syndicats, mais sur les seuls sujets sur lesquels vous êtes d’accord, selon les mots mêmes de votre ministre Franck Riester.
En vous mettant au service d’un Président de la République du « triple ni », pour ne pas dire du déni, vous êtes devenue la Première ministre de l’impasse.
Malgré toutes vos tentatives de diversion, malgré votre stratégie assumée du pourrissement, l’opposition à votre réforme des retraites n’a jamais été aussi massive parmi les Français.
Le mouvement social est le plus important depuis les années 1990. Les syndicats montrent depuis le début de cette mobilisation leur grande responsabilité. En les traitant comme vous le faites, madame la Première ministre, vous jouez avec notre pacte républicain.
Je ne veux pas que vous noyiez le poisson en assénant au Sénat vos habituels éléments de langage sur une réforme prétendument « indispensable » pour sauver notre système de retraite. Plus personne ne vous croit !
Vous évoquez l’actuel climat de violence inacceptable qui a émaillé certaines manifestations. Avec les syndicats, nous l’avons dénoncé, comme nous l’avons toujours fait. Nous aussi, mes chers collègues, nous soutenons l’ordre républicain et ceux qui le défendent, policiers et gendarmes ! (Vifs applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
Pour autant, nous avons le droit de nous interroger sur la doctrine du Gouvernement en matière de maintien de l’ordre.
Ce que je veux, madame la Première ministre, c’est que vous répondiez à la proposition de l’intersyndicale, que vous acceptiez la médiation, que vous suspendiez l’application de cette réforme injuste et inutile, enfin que vous preniez en compte la réalité.
Il n’est plus temps de jouer les matamores, comme le fait Emmanuel Macron. Il est temps de répondre avec sérieux aux demandes des syndicats. Je vous offre une tribune pour le faire. Saisissez-la ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
M. François Patriat. C’est très généreux ! (Sourires sur les travées des groupes RDPI et INDEP.)
M. le président. La parole est à Mme la Première ministre.
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Monsieur le sénateur Patrick Kanner, comme chacun ici, qu’il se soit opposé à la réforme des retraites ou qu’il l’ait votée, je vais au contact des Français et j’entends leurs craintes, leurs espoirs et parfois leur colère.
Comme chacun ici, j’entends les revendications de celles et de ceux qui prennent part au mouvement social. Ce sont des revendications qui dépassent la réforme des retraites.
Comme chacun ici, je suis attentive aux témoignages des élus locaux, qui sont en première ligne face aux difficultés de nos concitoyens.
Comme chacun ici, je connais les attentes des Français pour leur pouvoir d’achat, leur santé et l’éducation de leurs enfants.
Monsieur Kanner, ma conviction aujourd’hui est qu’il ne faut pas chercher à renforcer les craintes ni à attiser les colères. (MM. Hussein Bourgi et Didier Marie, ainsi que Mme Cathy Apourceau-Poly, s’exclament.)
Aujourd’hui, il faut apaiser le pays, en rassemblant les bonnes volontés de tous ceux qui, au-delà des clivages, sont prêts à trouver des solutions.
Aujourd’hui, il ne faut pas renoncer à agir. Au contraire, il faut accélérer et apporter des réponses concrètes qui améliorent le quotidien des Françaises et des Français. (Exclamations sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
C’est autour de ces deux axes que je souhaite bâtir dans les prochaines semaines un programme de gouvernement et un agenda législatif,…
M. Rachid Temal. Avec quelle majorité ?
M. Jean-Marc Todeschini. Avec Les Républicains ?
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. … comme le Président de la République m’en a confié la tâche.
Depuis lundi dernier, j’ai donc entamé une série de consultations. J’ai vu hier le président du Sénat et la présidente de l’Assemblée nationale. Je poursuivrai avec les forces politiques,…
M. Rachid Temal. Avec les LR ?
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. … les parlementaires, les élus locaux et les partenaires sociaux, que j’ai invités à une rencontre au début de la semaine prochaine.
Ma seule ambition, c’est de trouver des solutions pour les Français et de bâtir des majorités de projet pour les mettre en œuvre.
Toutes celles et tous ceux qui veulent agir pour nos concitoyens sont les bienvenus. C’est par la concertation, le dialogue et le compromis que nous répondrons aux inquiétudes de nos compatriotes. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour la réplique.
M. Patrick Kanner. « Programme de gouvernement », nous répondez-vous, madame la Première ministre. Mais cela fait soixante-dix mois que vous et vos amis êtes au pouvoir !
Vous n’avez plus de boussole et, surtout, je le pense très sincèrement, vous ne comprenez plus l’esprit des Français. C’est ce qui est terrible aujourd’hui pour notre pays ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST. – M. Bruno Sido s’exclame.)
santé mentale des jeunes
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Mme Nathalie Delattre. Monsieur le président, madame la Première ministre, monsieur le ministre de la santé, mes chers collègues, notre jeunesse est en grande souffrance psychologique.
De plus en plus de jeunes connaissent un état dépressif, certains allant jusqu’à attenter à leurs jours. Nous les pleurons un à un. Pression sociale, pression des réseaux sociaux, harcèlement, écoanxiété, crise sanitaire : les causes de ce mal-être sont multiples, et ses conséquences terribles.
Le Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge vient de publier un rapport intitulé Quand les enfants vont mal : comment les aider ? dont les chiffres concernant la consommation médicamenteuse sont glaçants. Chez les 6-17 ans, un jeune sur deux consomme des psychotropes. En huit ans, cette consommation a explosé : +49 % d’antipsychotiques, +55 % d’hypnotiques et sédatifs, +63 % d’antidépresseurs.
Ce phénomène de surmédication concerne non pas des cas isolés, mais bien des dizaines de milliers d’enfants, et il place la France parmi les pays les plus prescripteurs. De plus, il s’agit de médicaments pour adultes, car aucune médication de ce type n’est autorisée sur le marché aujourd’hui pour nos enfants.
La France privilégie le traitement des symptômes, car elle est sous-dotée en capacités à agir sur les racines du mal. Là est le cœur du problème : la psychiatrie est le parent pauvre de la médecine.
Nous comptons seulement 600 pédopsychiatres pour près de 10 millions d’enfants – la Cour des comptes préconise d’ailleurs de dresser l’état des lieux de cette spécialité –, et 800 médecins scolaires, soit un médecin pour 15 000 élèves.
Mes chers collègues, imaginez-vous le désespoir des parents qui se battent corps et âme pour permettre à leur enfant d’avoir une assistance psychologique quand on leur annonce que, pour obtenir une place dans un centre médico-pédagogique, il faut attendre deux ans… La France, elle aussi, attend depuis des années son plan psychiatrie financé.
Madame la Première ministre, monsieur le ministre de la santé, il est grand temps de mettre en place ce plan budgétaire et d’oser ériger la psychiatrie en grande cause nationale. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et de la prévention.
M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention. Madame Delattre, la santé mentale, particulièrement celle des jeunes, est une priorité pour ce gouvernement. Je partage cette compétence avec mes collègues Pap Ndiaye, Sarah El Haïry et Charlotte Caubel.
Nous n’ignorons rien des difficultés de la pédopsychiatrie, qui ne sont pas nouvelles. Vous avez rappelé les effectifs des pédopsychiatres, qui sont en nombre bien insuffisant. Cependant, vous le savez, il faut dix ans pour former un médecin. Nous n’allons donc pas régler le problème tout de suite.
Pour autant, nous agissons tout de même, en suivant la feuille de route qui a été mise en place en 2018 et renforcée en 2021 par les Assises de la santé mentale et de la psychiatrie. Qu’est-ce qui a été fait ?
Tout d’abord, a été lancé le programme des 1 000 premiers jours, qui permet un accompagnement.
Ensuite, les maisons des adolescents ont été mises en œuvre. Il y en a maintenant une au minimum dans chaque département, et ces structures se déploient pour aller vers les jeunes dans les zones rurales les plus éloignées des grandes villes. C’est en particulier le cas à Poitiers, où un bus se déplace avec une équipe de la maison des adolescents.
Enfin, il y a le déploiement de MonParcoursPsy. On en dit bien des choses, mais avec plus de 300 000 consultations depuis sa création, dont 20 % pour de jeunes mineurs, c’est un véritable succès, sur lequel il faut que nous construisions l’avenir.
J’attends, dans les prochaines semaines, les conclusions des Assises de la pédiatrie et de la santé de l’enfant, que j’ai lancées au moment de la crise de cet hiver. L’un des six chapitres de ce cycle de travail est entièrement consacré à la pédopsychiatrie.
Mesdames, messieurs les sénateurs, nous aurons très bientôt l’occasion d’échanger sur la feuille de route pour la pédopsychiatrie des prochaines années.
doctrine de maintien de l’ordre (I)
M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Thomas Dossus. Monsieur le ministre de l’intérieur, le bilan de ce qui s’est passé samedi dernier à Sainte-Soline est lourd. Je le sais, j’y étais. (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.) Et je l’assume ! (Exclamations indignées sur les mêmes travées.)
Deux manifestants sont dans le coma, entre la vie et la mort. Nous espérons qu’ils s’en sortiront sans séquelles graves. Il y a eu 47 blessés parmi les forces de l’ordre. Nous leur souhaitons évidemment un prompt rétablissement. On dénombre 200 blessés, dont certains ont été mutilés, parmi les manifestants. Nous leur souhaitons aussi un prompt rétablissement. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Pemezec. Et les gendarmes ?
M. Thomas Dossus. Des violences inqualifiables se sont déchaînées, et nous les dénonçons toutes sans ambiguïté. Mais c’est votre bilan du week-end, monsieur le ministre. (Vives protestations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. Jacques Grosperrin. C’est une honte !
M. Thomas Dossus. Vous avez décidé d’exposer 3 000 agents des forces de l’ordre à la violence dans un champ pour défendre, quoi qu’il en coûte, un trou vide.
Vous avez décidé d’interdire une manifestation totalement légitime, parce que vous êtes incapable de faire respecter la loi en matière de partage de l’eau. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Oui, de nombreuses bassines déclarées illégales sont toujours en construction, et vous êtes incapable d’assumer votre responsabilité. Oui, la bassine de Sainte-Soline met en danger la ressource en eau de tout le territoire. (Non ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
Depuis trois jours, vos mensonges ont éclaté au grand jour : des armes de guerre ont bien été employées samedi ; des brigades motorisées étaient bien équipées de LBD ; des secours ont été empêchés d’intervenir sur ordre de la gendarmerie… (Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Mouiller. C’est une honte !
M. Jean-Raymond Hugonet. C’est scandaleux !
M. Thomas Dossus. … et des gaz lacrymogènes ont été envoyés sur des blessés. Vous mentez, comme vous avez menti ici lors du fiasco du Stade de France.
Quel est ce pays où, après avoir mis deux manifestants dans le coma, toute la chaîne de commandement ne s’interroge pas sur la méthode de maintien de l’ordre ? Quel est ce pays où, après un tel fiasco, un ministre peut continuer de mentir à répétition et dissoudre un collectif d’opposants politiques ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées des groupes SER et CRCE. – Huées sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer. Monsieur le sénateur Dossus, je ne suis pas sûr d’avoir bien compris la question. (M. Bruno Sido s’esclaffe.)
Certes, il y avait un peu de bruit, mais il me semble que vous tentiez de faire un distinguo entre la gauche et le gauchisme…
Quoi qu’il en soit, je regrette que des parlementaires revendiquent d’aller dans une manifestation illégale. (Vifs applaudissements prolongés sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDSE, RDPI et INDEP.) Ce faisant, ils ne respectent pas eux-mêmes la loi de la République.
Je regrette que des parlementaires puissent être aux côtés de ceux qui jettent des cocktails Molotov sur des gendarmes. (Mêmes mouvements.)
M. Daniel Breuiller. C’est faux !
M. Gérald Darmanin, ministre. Je regrette que ces parlementaires n’aient pu constater, comme j’en ai eu l’occasion moi-même, les attaques dont ont été victimes les gendarmes, dont certains ont reçu de l’acide sur les pieds.
Je regrette, monsieur le sénateur, que vous n’ayez pas entendu les deux conférences de presse organisées par Mme la préfète avant la manifestation, qui était interdite depuis le 17 mars, ni même celle du procureur de la République.
Manifestement, vous vous êtes assis sur tout cela : sur les violences contre nos gendarmes, sur l’interdiction de manifester, sur les conférences de presse de la préfète de la République et du procureur de la République.
M. Bruno Sido. On est d’accord !
M. Gérald Darmanin, ministre. Je regrette par ailleurs que vous relayiez ici, de nouveau, des fake news.
Non, monsieur le sénateur, les secours n’ont pas été empêchés par les forces de l’ordre. (Protestations sur les travées du groupe GEST.) C’est le Samu des Deux-Sèvres qui le dit lui-même. Écoutez-le. Je sais que cela vous ferait plaisir de penser que les gendarmes souhaitent la mort des gens, mais tel n’est pas le cas. C’est le médecin du GIGN, monsieur le sénateur, qui a fendu la foule, alors qu’il était harcelé par ceux qui étaient, manifestement, vos camarades d’un jour… (M. Thomas Dossus fait un signe de dénégation.)
Vous pouvez hocher la tête, mais c’est tout à fait scandaleux ! Les gendarmes ont même dû faire demi-tour sous une pluie de pavés et de cocktails Molotov, alors qu’ils allaient secourir un manifestant. Voilà la vérité, monsieur le sénateur. (Vifs applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDSE, INDEP et RDPI.)
Moi aussi, je veux avoir une pensée pour toutes les personnes blessées, particulièrement pour celles qui luttent pour la vie. L’enquête judiciaire fera apparaître la vérité, et je suis prêt, avec toute mon administration, à coopérer entièrement avec elle. J’ai dit au président de la commission des lois du Sénat, comme à celui de l’Assemblée nationale, que j’étais à sa disposition pour répondre à vos questions.
M. le président. Il faut conclure !
M. Gérald Darmanin, ministre. En revanche, il y a une chose que je ne ferai jamais : cracher, comme vous, sur la tête des agents des forces de l’ordre. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDSE, INDEP et RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus, pour la réplique.
M. Thomas Dossus. J’assume évidemment ma présence à Sainte-Soline, comme ma mission de contrôle du Gouvernement. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-Baptiste Lemoyne fait un geste d’agacement.)
Vous ne pourrez pas organiser une manifestation à huis clos. Vous ne pourrez pas éborgner à huis clos ! (Huées sur les travées des groupes Les Républicains et UC, où des sénateurs frappent leur pupitre.)
M. Jacques Grosperrin. C’est honteux !
M. Thomas Dossus. Vous êtes le ministre d’un pays dont le président ne peut plus sortir de son palais. Vous êtes le ministre d’un gouvernement qui ne peut plus présenter un seul texte devant le Parlement… (Les huées redoublent et couvrent la voix de l’orateur.)
M. le président. Il faut conclure !
M. Thomas Dossus. Vous êtes le ministre d’un pays bloqué, fracturé par votre autoritarisme…
M. le président. C’est terminé ! (M. le président coupe le micro de l’orateur.)
violences contre les élus
M. le président. La parole est à Mme Laurence Garnier, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Laurence Garnier. Ma question s’adresse à M. Olivier Véran, ministre chargé du renouveau démocratique.
Monsieur le ministre, les violences contre les maires et les élus ont augmenté de 47 % en 2021 et, de nouveau, de 32 % en 2022. En deux ans, elles ont donc presque doublé.
Il s’agit d’insultes et d’agressions, mais aussi, désormais, d’actes criminels. La semaine dernière, la voiture et la maison du maire de Saint-Brevin-les-Pins, en Loire-Atlantique, ont été touchées par un incendie volontaire.
Mme Laurence Rossignol. Ça, c’est l’extrême droite !
Mme Laurence Garnier. Monsieur le ministre, seuls leurs auteurs sont responsables de ces violences.
Cependant, les élus locaux payent aujourd’hui un climat de défiance que vous avez contribué à aggraver. Je rappelle que, en 2018, l’actuel ministre de l’intérieur avait publié la liste des maires augmentant la taxe d’habitation. S’est ensuivie la campagne de dénigrement #BalanceTonMaire, orchestrée par les militants de votre mouvement politique.
Vous semblez aujourd’hui avoir pris la mesure de la situation. Les derniers textes de loi adoptés vont dans le bon sens, mais le remède court après le mal. De nombreuses plaintes restent classées sans suite et les agressions se poursuivent, souvent dans la plus grande impunité.
Monsieur le ministre, avant de vous lancer dans le renouveau démocratique dont vous êtes chargé, comment envisagez-vous de protéger ceux qui font vivre notre République au quotidien dans les 35 000 communes de France ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – MM. Henri Cabanel et Daniel Salmon applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement.
M. Olivier Véran, ministre délégué auprès de la Première ministre, chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement. Madame la sénatrice Laurence Garnier, je vous remercie de m’interpeller en tant que ministre délégué chargé du renouveau démocratique au sujet des violences dont sont victimes, de plus en plus souvent, les élus de la République.
Je partage votre émotion et votre colère face à des actes de violence qui s’aggravent et qui deviennent de plus en plus nombreux.
En revanche, nous avons une divergence sur le diagnostic, madame la sénatrice. En effet, l’histoire contemporaine française, ou l’histoire occidentale en général, nous apprend que les élus sont pris pour cibles par les populations en colère depuis déjà une vingtaine d’années, même s’il est vrai que ce phénomène tend à s’accroître. On peut y voir plusieurs explications.
Il y a tout d’abord une sorte de continuum entre la violence anonyme et sans conséquence des réseaux sociaux et la violence qui s’exprime dans la rue ou lors de conseils municipaux.
On peut aussi identifier un continuum entre la violence qui s’exprime parfois au sein même de la maison du peuple, c’est-à-dire du Parlement – je parle essentiellement de l’Assemblée nationale, en particulier ces dernières semaines –, et la violence qui peut s’exprimer dans la rue.
Nous devons faire figure d’exemples. Nous devons faire bloc pour montrer aux Français que, si nous pouvons avoir des divergences idéologiques profondes, si nous pouvons être en désaccord total sur certaines lois et certaines mesures, nous ne perdons en aucun cas le respect de l’autre ni l’estime pour l’autre.
Madame la sénatrice, il se trouve que j’ai contacté, quelques heures après les incendies dont il a été victime, le maire de Saint-Brevin-les-Pins, Yannick Morez, parce que j’ai été particulièrement touché par les attaques qu’il a subies. L’enquête fera toute la lumière sur cette affaire, mais il semblerait qu’il ait d’abord été victime d’injures et de menaces de mort, avant que son domicile et ses deux voitures ne soient dégradées et incendiées,…
Mme Laurence Rossignol. Par qui ?
M. Olivier Véran, ministre délégué. … au seul motif qu’il avait accepté la demande de l’État d’accueillir dans sa commune un centre d’accueil pour les réfugiés, comme c’est son rôle.
Mme Laurence Rossignol. Qui a fait cela ?
M. Olivier Véran, ministre délégué. Madame la sénatrice Laurence Rossignol, cette fois, c’est probablement l’extrême droite.
Mme Laurence Rossignol. Dites-le, alors !
M. Olivier Véran, ministre délégué. Mais l’ennemi de la République, c’est l’extrême, c’est la radicalité, qu’elle soit de gauche ou de droite.
L’ultradroite et l’ultragauche sont deux ennemis que nous devons combattre. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)
Vous ne verrez jamais d’ambiguïté ni d’ambivalence chez nous. Vous ne verrez jamais de « oui, mais » lorsqu’il s’agit de condamner des violences. Retirez le « mais » après le « oui » avant de nous donner des leçons, madame la sénatrice ! (Protestations sur les travées du groupe SER.)
Madame Garnier, nous devons faire un travail pédagogique pour expliquer aux populations qu’elles doivent respecter les élus.
M. le président. Il faut conclure !
M. Olivier Véran, ministre délégué. Ils font partie de la vie de la Nation. S’attaquer à un maire, c’est s’attaquer à la République, et celle-ci protégera toujours les siens.
Mme Laurence Rossignol. Il faut se calmer, monsieur le ministre !
M. le président. La parole est à Mme Laurence Garnier, pour la réplique.
Mme Laurence Garnier. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse.
Nous constatons tous que les Français votent de moins en moins, tandis que les élus se font agresser de plus en plus. Nous devons tous ensemble surmonter cette crise démocratique que nous traversons. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
doctrine de maintien de l’ordre (II)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Monique de Marco applaudit également.)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
Tout le monde ici condamne les violences (Non ! sur les travées du groupe Les Républicains.), d’où qu’elles viennent et quelles qu’en soient les victimes, que ce soit les manifestants ou les forces de l’ordre, dont nous saluons encore l’engagement. C’est pourquoi les faits commis par la brigade de répression de l’action violente motorisée (Brav-M) la semaine dernière, à Paris, sont inacceptables.
Je reprends quelques témoignages.
Valentin, 19 ans : « Je suis projeté au sol, et une moto me roule sur la jambe gauche, occasionnant un hématome de 56 centimètres. »
Souleymane, 23 ans, s’est vu répondre : « T’as tellement de chance d’être assis là. Je te jure que je te pétais les jambes au sens propre. Je peux te dire qu’on en a cassé, des coudes et des gueules. »
Salomé, 22 ans, a entendu les mots suivants : « Ta vie ne tient qu’à un fil. Je vois la peur dans ton regard, et j’aime ça ! »
Enfin, Paul Boyer, journaliste, 25 ans, a été frappé au visage avec une matraque, sans un mot, par un agent de la Brav-M. Diagnostic : traumatisme crânien et fracture de la main gauche.
M. Philippe Pemezec. Vous entendez ce que vous avez envie d’entendre !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Monsieur le ministre, vous engagez-vous ici, aujourd’hui, à adresser à l’ensemble des forces de l’ordre la lettre du 29 mai 1968 de Maurice Grimaud, alors préfet de police de Paris ? (M. Philippe Pemezec s’exclame.)
Je vous en livre un extrait : « Nous n’avons pas le droit de passer sous silence les excès dans l’emploi de la force. Frapper un manifestant à terre, c’est se frapper soi-même en apparaissant sous un jour qui atteint toute la fonction policière. Vous devez faire une guerre impitoyable à tous ceux qui, par leurs actes inconsidérés, accréditeraient l’image déplaisante que l’on cherche à donner de nous. » (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer. Madame la sénatrice de La Gontrie, qu’il y ait, comme dans toutes les professions, des policiers et des gendarmes qui ne respectent pas les valeurs, le droit ou la déontologie, c’est une évidence.
D’ailleurs, j’en ai sanctionné plus que vous lorsque vous étiez aux responsabilités. Sous le quinquennat de François Hollande, il y a eu en effet des moments marqués par des manifestations difficiles ; je pense à l’examen de la loi Travail de Mme El Khomri. Et vous avez rencontré des difficultés de maintien de l’ordre ; je pense au barrage de Sivens, dont j’entends peu parler dans les interventions du groupe socialiste. (Exclamations sur les travées du groupe SER.)
Oui, madame la sénatrice, j’ai sanctionné des policiers et gendarmes, parfois en leur retirant l’uniforme, car j’estime qu’ils doivent être exemplaires.
M. Hussein Bourgi. Ce n’est pas la question !
M. Gérald Darmanin, ministre. En revanche, je ne serai jamais comme vous dans la démagogie, madame la sénatrice.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. En quoi est-ce de la démagogie que de citer Maurice Grimaud ?
M. Gérald Darmanin, ministre. La démagogie consiste à mettre sur le même plan les « violences » de la police et les violences des casseurs. Quand on vous écoute, on a l’impression que ces manifestations sont un conflit opposant des personnes qui méritent une égalité de traitement. Or, pour nous, il n’y a pas de signe « égal ».
Le parti socialiste a oublié Clemenceau. Le parti socialiste a oublié M. Cazeneuve. Le parti socialiste a oublié M. Badinter. (Protestations sur les travées du groupe SER.)
M. Mickaël Vallet. Nous voulons oublier M. Dussopt !
M. Gérald Darmanin, ministre. Je n’irai pas jusqu’à vous rappeler que vous avez mis en place un schéma de maintien de l’ordre que nous avons été obligés de corriger pour qu’il soit validé par le Conseil d’État.
Madame la sénatrice, devant vos « oui, mais », je ne puis m’empêcher de penser à ma grand-mère, qui était femme de mineur et qui disait que, quand il y a un « oui, mais »…
M. Hussein Bourgi. Mme de La Gontrie n’a pas dit cela ! Écoutez la question !
M. Gérald Darmanin, ministre. Bien sûr, monsieur le sénateur ! Nous avons tous compris que la Nupes avait beaucoup de mal à soutenir les forces de l’ordre. L’opinion publique commence à le voir.
Les policiers ne veulent pas de « oui, mais ». Ou plutôt, leur « oui » s’adresse à l’exigence que nous avons pour eux et leur « mais » exprime une demande de soutien, parce que ce sont des femmes et des hommes, fort mal payés malheureusement, qui protègent nos concitoyens et qui permettent à chacun de manifester dans de bonnes conditions, comme ils l’ont encore montré hier.
Madame la sénatrice, je le répète, je suis prêt à répondre plus longuement devant la commission des lois de votre assemblée, quand son président me le demandera. Mais le procès que vous intentez aux policiers de la République n’est pas digne d’un grand parti de gouvernement comme le vôtre. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que des travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour la réplique.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Monsieur Darmanin, être ministre de l’intérieur, ce n’est pas seulement être le ministre de la police. Vous êtes chargé de la paix civile. Vous devez non seulement défendre les policiers et les gendarmes, mais aussi veiller au respect de l’État de droit. C’est ce que les Français attendent : le respect de l’ordre, mais dans la justice !
Puisque vous vous référez à de grands ministres de l’intérieur de gauche, permettez-moi de citer Pierre Joxe, avec lequel j’ai eu l’honneur de travailler. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.) Plan quinquennal de modernisation de la police, création de la direction de la formation, instauration du code de déontologie,…
M. le président. Il faut conclure !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. … Déclaration des droits de l’homme affichée dans les commissariats : voilà ce qu’il a fait et voilà le modèle que vous devriez suivre ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
position de la commission européenne sur le nucléaire
M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour le groupe Les Républicains.
M. Daniel Gremillet. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, les négociations européennes sont totalement défavorables à l’énergie nucléaire. C’est grave !
Cette énergie n’a été intégrée à la taxonomie verte qu’au prix de conditions drastiques. Pour preuve, les autorisations délivrées après 2040-2045 en sont exclues, de même que les activités de maintenance et du cycle. Aujourd’hui, la directive EnR III et le règlement Industrie à zéro émission l’excluent également. Et la réforme du marché de l’électricité est toujours en attente !
C’est un non-sens pour le climat, car cette énergie n’émet que 6 grammes de CO2 par kilowattheure, selon une étude de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe).
C’est un non-sens pour l’industrie, car la moitié des États membres disposent d’un parc nucléaire, et un quart d’entre eux envisagent de nouveaux réacteurs.
C’est enfin un manque cruel de crédibilité, car il est illusoire de décarboner 75 % de l’hydrogène dans l’industrie ou 5 % dans les transports sans source nucléaire.
Le Gouvernement n’a pas conduit une politique à la hauteur des enjeux. C’est une faute ! Il aurait fallu négocier plus précocement, plus fortement, pour parvenir à un compromis admissible.
Je rappelle d’ailleurs que le Sénat a tiré le signal d’alarme depuis longtemps, au travers de sa résolution de décembre 2021 sur la taxonomie verte et de celle de mars 2022 sur le paquet Ajustement à l’objectif 55. Le Sénat avait aussi adressé une alerte dans son rapport transpartisan de juillet dernier.
Monsieur le ministre de l’industrie, que compte faire le Gouvernement pour obtenir enfin satisfaction auprès de ses partenaires européens ? Y a-t-il encore un couple franco-allemand ?
Mme Sophie Primas. Non !
M. Daniel Gremillet. Il faut garantir à l’énergie et à l’hydrogène nucléaires une complète neutralité technologique. Il y va de notre souveraineté énergétique et de nos engagements climatiques. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Marie-Noëlle Lienemann et M. Mickaël Vallet applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de l’industrie.
M. Roland Lescure, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l’industrie. Monsieur le sénateur Gremillet, je voudrais tout d’abord vous remercier de votre engagement sur le sujet depuis de longues années.
Vous avez fait référence à certaines résolutions adoptées par le Sénat, mais, plus récemment, vous avez été aussi rapporteur du projet de loi présenté par le Gouvernement pour accélérer la mise en œuvre des projets nucléaires. Ce texte a été voté par plus de neuf sénateurs sur dix et par 75 % des députés, ce qui montre que l’union nationale est aujourd’hui de mise derrière le nucléaire. Cela n’a pas toujours été le cas.
Cette union nationale nous permet de porter haut la voix de la France en Europe et de négocier, avec difficulté, vous l’avez dit, l’engagement de l’Europe pour reconnaître le nucléaire comme une des sources d’énergie de l’avenir.
La France ne fait pas tout, toute seule, en Europe : nous sommes vingt-sept ! La ministre de la transition énergétique était à Bruxelles hier et se trouve à Berlin aujourd’hui pour continuer ces négociations. C’est la raison pour laquelle c’est moi qui vous réponds.
Mme Agnès Pannier-Runacher était hier avec ce que l’on appelle l’« alliance du nucléaire », soit onze pays qui, en Europe, défendent le nucléaire comme une source d’avenir et qui sont aujourd’hui associés avec la France. Nous sommes prêts à bloquer avec eux un certain nombre de discussions pour nous assurer que le nucléaire fera partie du futur.
Vous avez parlé du couple franco-allemand. Je dirai que nous dansons un tango un peu difficile avec notre partenaire. Les Allemands ont la conviction que l’hydrogène de demain sera importé et renouvelable, quand nous sommes convaincus que l’hydrogène de demain sera produit en France et nucléaire. Nous devons trouver un compromis, car nous avons besoin d’énormément d’hydrogène pour décarboner l’industrie. Nous allons continuer à travailler dans ce sens.
Pour conclure, je remercie sincèrement le Sénat et l’Assemblée nationale de soutenir le Gouvernement dans ce combat. Il est difficile, mais nous allons le gagner. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour la réplique.
M. Daniel Gremillet. Monsieur le ministre, aujourd’hui, la France souffre, en pleine crise énergétique. Les familles, les collectivités et les entreprises sont touchées.
Nous sommes face au défi de l’emploi dans cette filière. Nous ne réussirons dans le nucléaire que si nous intéressons des jeunes, mais ceux-ci sont dans le doute.
Monsieur le ministre, l’article 194 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne stipule que chaque État membre a le droit de choisir son mix énergétique. (Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit.) Aujourd’hui, la France est bafouée ! Elle n’est plus respectée dans ses choix stratégiques pour son avenir. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
blocage des universités
M. le président. La parole est à M. Jean Hingray, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Jean Hingray. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s’adresse à Mme la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Depuis le début du mouvement social hostile à la réforme des retraites, des dizaines d’universités et de lycées ont été paralysés. Même la faculté d’Assas, pourtant réputée la plus conservatrice de France, a été bloquée, et cela pour la première fois de son histoire.
M. Jacques Fernique. Tout de même !
M. Jean Hingray. Votre gouvernement aura incontestablement réussi quelque chose avec cette douloureuse réforme : faire pâlir d’envie Dany le rouge ! (Mme Esther Benbassa s’exclame.)
La grève, le blocage et la manifestation sont presque devenus des rites initiatiques dans notre pays. Chaque génération veut sa grande mobilisation. Chaque génération veut son mai 1968. (Sourires sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
Cependant, derrière ces manifestations se cachent la précarité et le mal-être des étudiants. C’est pourquoi, madame la ministre, mes interrogations sont multiples.
Que comptez-vous faire pour empêcher une minorité de bloquer la majorité ? Que comptez-vous faire pour que les examens se déroulent dans de bonnes conditions ? Que comptez-vous faire pour les étudiants qui attendent des mesures concrètes, afin d’améliorer leur quotidien ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Mme Sylvie Retailleau, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur Jean Hingray, effectivement, une partie des universités sont bloquées aujourd’hui. Cela concerne quelques dizaines d’établissements sur les deux cents universités et écoles que compte notre pays. Certains campus sont plus touchés que d’autres, au-delà des jours de manifestation nationale.
L’université est un lieu d’émancipation et d’échanges, mais aussi de confrontation des idées. Si les jeunes n’exprimaient pas leurs idées, je pense que l’on craindrait pour notre démocratie.
Pour autant, le blocage, même temporaire, qui empêche les étudiants d’accéder à leurs salles d’étude, n’est pas acceptable. Il faut savoir, d’ailleurs, que cette pratique n’est pas du seul fait des étudiants. Et je salue au passage la gestion de ces blocages par les recteurs, les préfets et les présidents d’université.
J’en viens plus précisément à vos différentes questions. Vous avez raison, les étudiants discutent de bien des choses, et leurs revendications portent en particulier sur la précarité et leurs conditions d’étude.
C’est l’occasion pour moi de vous annoncer que, au terme des concertations que nous menons depuis le 7 octobre, aux niveaux national et territorial, avec l’ensemble des acteurs, le Gouvernement, suivant la feuille de route du Président de la République, a décidé de débloquer un demi-milliard d’euros pour répondre aux problématiques de la vie étudiante, notamment la gestion des bourses, dès la rentrée de 2023, mais aussi la pérennisation du repas à un euro pour tous les boursiers et tous les étudiants précaires. D’autres mesures intéresseront encore la vie étudiante.
Le Gouvernement, sous l’autorité de Mme la Première ministre, travaille pour offrir de bonnes conditions d’étude à tous nos étudiants, et cela dès la rentrée de 2023. Ces mesures ont un caractère historique, avec une augmentation d’environ 20 % des bourses et une amélioration notable des conditions de vie de nos étudiants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Jean Hingray, pour la réplique.
M. Jean Hingray. Madame la ministre, je pense que cette annonce réjouira toutes les travées du Sénat, puisque nous demandons l’augmentation des bourses depuis longtemps.
Dans une semaine, je défendrai, avec mon collègue et ami Pierre-Antoine Levi, une proposition de loi sur les repas étudiants à tarif modéré dans les zones rurales, les zones de montagne et les petites villes.
Nous espérons que notre dispositif de conventionnement avec les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (Crous) pourra être intégré dans ces 500 millions d’euros. En tout cas, madame la ministre, nous sommes très heureux de ces annonces qui, je l’espère, contribueront à atténuer la précarité et le mal-être étudiant. Même si l’on peut toujours espérer plus, il faut se réjouir aujourd’hui de cette bonne nouvelle. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
blocage des ports de pêche
M. le président. La parole est à M. Alain Cadec, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Alain Cadec. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Monsieur le ministre, la France gronde, et les marins pêcheurs sont en colère.
Dans une période où le prix du gasoil ne cesse d’augmenter, après un plan de sortie de flotte qui pénalise notre capacité de pêche, après la proposition de la Commission européenne d’interdire les arts traînants – chaluts et dragues – dans les aires marines protégées, voilà que le Conseil d’État, saisi par trois associations, vous ordonne de fermer des zones de pêche dans le golfe de Gascogne, afin de protéger les dauphins, dont la mortalité récente serait due à des captures accidentelles… Cela fait beaucoup ; je dirais même beaucoup trop !
En effet, si l’on additionne ces mesures, autant dire clairement que l’on abandonne l’idée de préserver une activité nécessaire à ce que nous souhaitons tous : une relative souveraineté alimentaire.
Le plan de sortie de flotte augmente encore un peu plus notre dépendance aux importations, alors que nous faisons déjà venir de l’étranger 70 % des produits de la mer que nous consommons.
Par ailleurs, s’agissant de la fin des arts traînants, programmée par les ONG et la Commission européenne, la conséquence de cette mesure sera la disparition pure et simple de la pêche côtière. Il n’y aura plus sur les étals ni poissons frais ni coquilles Saint-Jacques, par exemple ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.) Or la gestion de cette pêche, en permettant la préservation de la ressource, est exemplaire.
Ces décisions ubuesques vont nous condamner à importer davantage et à consommer des produits surgelés. C’est inacceptable !
Pour ce qui concerne les mesures de protection des cétacés, il existe déjà pour ces espèces des dispositifs de dissuasion acoustique dont l’efficacité n’est plus à démontrer. Et précisons, au passage, que les populations de dauphins sont en augmentation constante.
Monsieur le ministre, que comptez-vous faire face à ce déferlement de contraintes et d’interdictions qui, à terme, condamnera une activité porteuse d’emplois, qui n’a jamais été aussi encadrée et aussi vertueuse ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mmes Françoise Gatel et Valérie Létard applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le sénateur Cadec, je vous remercie de votre question. Il me revient de vous répondre, puisque, comme vous le savez – peut-être vous l’a-t-il dit ? –, Hervé Berville, secrétaire d’État chargé de la mer, est allé à la rencontre des pêcheurs en Vendée.
La colère des pêcheurs, que vous avez évoquée, est fort légitime face à une recommandation de la Commission européenne tendant à interdire certaines techniques de pêche dans des aires maritimes protégées, ce qui s’apparente à un coup de massue.
Cette recommandation balaie d’un revers de main tous les efforts, pourtant productifs, visant à combiner les effets et les exigences de l’activité économique et la préservation des habitats marins.
Le Gouvernement a exprimé dès le 8 mars dernier, au Sénat, l’opposition de la France à ce texte. Premiers à avoir fait cette déclaration, nous sommes désormais rejoints par un certain nombre de pays. L’important est que se constitue une coalition pour faire face à cette recommandation.
Comme l’ont rappelé le Président la République et la Première ministre lors du salon de l’agriculture, pour donner des perspectives à la filière de la pêche et aux pêcheurs, un fonds de 130 millions d’euros sera créé pour le secteur, et des aides seront mises en place pour l’achat de carburant.
À la fin de l’année dernière, à Bruxelles, le Gouvernement avait défendu face à la Commission, par la voix d’Hervé Berville, toutes les façades maritimes françaises, en plaidant pour que les quotas de pêche soient maintenus et deviennent pluriannuels. L’objectif était de donner, enfin, de la visibilité aux pêcheurs.
Par ailleurs, nous soutiendrons la réduction de la dépendance au gasoil des navires de pêche.
Vous l’avez rappelé, monsieur le sénateur, la pêche est une filière clé, à laquelle nous croyons, tout comme vous, et qui fait partie de l’identité française.
La pêche maritime française est également indispensable pour assurer notre souveraineté alimentaire. C’est donc sur ce chemin que nous avançons, en nous opposant à des décisions incompréhensibles de la Commission et au travers des plans de soutien portés par Hervé Berville, qui est aux côtés des pêcheurs, et cela malgré les difficultés que nous rencontrons. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Daphné Ract-Madoux applaudit également.)
lutte contre l’inflation
M. le président. La parole est à M. Thierry Cozic, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Thierry Cozic. Ma question, à laquelle j’associe mon collègue Rachid Temal, s’adresse à M. le ministre de l’économie.
Depuis l’an dernier, l’inflation n’en finit plus de ne plus finir ! Les prix des produits alimentaires ont grimpé de 14,5 % en un an, et une nouvelle hausse de 10 % est à prévoir lors des deux prochains mois. Ce chiffre est le plus élevé depuis 1985.
Face à cela, quelle réponse apportez-vous aux Français ? Vous demandez aux enseignes de pratiquer, pendant trois mois, « les prix les plus bas possible » sur un ensemble de produits de leur choix. Je suis sceptique quant à la crédibilité à accorder à ce genre de déclarations, qui traduisent davantage un vœu pieux que l’institution d’une mesure concrète.
Cette volonté de ne rien imposer aux distributeurs est incompréhensible, car, de l’aveu même de la Banque centrale européenne (BCE), une grande partie de l’inflation serait tirée par la volonté des entreprises de sauvegarder leurs marges, afin de maintenir leurs profits.
Le candidat Macron nous parlait de mettre en place pour les ménages les plus modestes un chèque alimentaire. Ma question est simple : quels engagements comptez-vous prendre devant la représentation nationale, afin de donner à nos concitoyens un cap lisible et clair, qui ne soit pas l’otage de vos revirements incessants et de vos renoncements permanents ?
Ce cap, vous le devez à nos concitoyens, tant la situation est difficile pour les plus précaires d’entre eux. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et du tourisme.
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et du tourisme. Monsieur le sénateur, mais de quels revirements parlez-vous ?
Depuis octobre 2021, le Premier ministre de l’époque, Jean Castex, puis la Première ministre Élisabeth Borne, ont engagé 110 milliards d’euros pour soutenir les factures d’électricité de nos concitoyens. Pas un pays européen n’a autant soutenu le pouvoir d’achat ! On peut être en désaccord sur bien des points, mais pas sur celui-là… (M. Rachid Temal le conteste. – M. Éric Jeansannetas fait mine de jouer du pipeau.)
Non, ce n’est pas de la flûte, monsieur le sénateur : ayez au moins le respect de m’écouter, ce serait sympathique !
Ce montant de 110 milliards d’euros peut se vérifier, de même que les 46 milliards d’euros destinés pour la seule année 2023 au paiement des factures d’énergie. (Exclamations sur les travées du groupe SER.)
M. Hussein Bourgi. Regardez monsieur Cozic !
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée. Monsieur le sénateur, j’ai encore la liberté de regarder où je veux !
M. Hussein Bourgi. Quel manque de respect et de politesse !
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée. Il n’y a jamais eu de revirement de ce gouvernement en matière de soutien au pouvoir d’achat des Français, et vous le savez très bien ! Ce soutien massif, vous l’avez voté ici.
Vous critiquez avec force le trimestre anti-inflation que nous avons mis en place avec la grande distribution.
Or c’est la première fois – vous le savez, car vous connaissez ces sujets, monsieur le sénateur Cozic – que la grande distribution, de façon unanime, s’engage sur une période de trois mois ; en général, les promotions ne durent que deux à quinze jours.
Ces distributeurs, avec lesquels Bruno Le Maire et moi-même avons beaucoup travaillé durant trois mois, ont pris un engagement rapide, collectif et juste : réduire leurs marges pour garantir que les prix n’augmenteront pas.
Lors de ce trimestre anti-inflation, des centaines de produits sont proposées à nos compatriotes. La direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) surveille d’ailleurs, aux côtés des distributeurs, que les efforts sont bien réalisés sur ces marges.
Avec Bruno Le Maire, je souhaite que s’ouvre une négociation avec les industriels, dans le courant du mois de mai, en vue de faire baisser les prix des matières premières.
Je ne vois donc aucun revirement, mais plutôt de la volonté, de la détermination et une inflation qui, globalement, demeure l’une des plus faibles d’Europe ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Rachid Temal. Où est le chèque alimentaire ?
M. le président. La parole est à M. Thierry Cozic, pour la réplique.
M. Thierry Cozic. Madame la ministre, les Français ont besoin de stabilité. Chèque alimentaire abandonné, panier anti-inflation abandonné… À la fin, je crains que les Français eux-mêmes ne soient abandonnés !
Avec vos dispositifs montés comme une usine à gaz, c’est 50 nuances de prix… dans un panier percé. (M. Bruno Sido sourit.)
Avec l’abandon du panier anti-inflation, vous placez le pays dans les mains de la grande distribution, dont les marges ne faiblissent pas, tout en faisant passer cette dernière pour le principal acteur de la lutte contre la vie chère.
La République En Marche se mue en République en marges… (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Bruno Sido. Joli !
M. le président. Il faut conclure !
M. Thierry Cozic. On pourrait en rire si, à la fin, le consommateur ne payait pas la note de tous vos revirements ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du groupe CRCE.)
officines de pharmacie
M. le président. La parole est à Mme Corinne Imbert, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Corinne Imbert. Ma question, à laquelle j’associe mes collègues Marie-Pierre Richer et Bruno Belin, s’adresse à M. le ministre de la santé et de la prévention.
Le projet de décret relatif aux conditions de transfert et de regroupement des officines prévoirait de définir des « territoires fragiles » au sein desquels l’accès au médicament pour la population n’est pas assuré de manière satisfaisante. Or, nous le savons, 99,5 % de la population française habite à moins de quinze minutes d’une pharmacie.
Ce projet de décret proposerait deux critères pour sélectionner ces territoires, sachant que les pharmacies exploitées par un seul pharmacien titulaire de plus de 65 ans seraient exclues du calcul. Comme si, aujourd’hui, elles ne remplissaient pas leurs missions !
Pourquoi les écarter ? Voudrait-on récupérer ces licences pour faciliter des transferts ou des installations dans des zones plus peuplées ?
Monsieur le ministre, où en est ce projet de décret dit « territoires fragiles » relatif au transfert d’officines ? Jusqu’à quel niveau le pouvoir des agences régionales de santé (ARS) sera-t-il élargi en matière d’autorisations de transfert et de regroupement d’officines ?
Surtout, que faites-vous de l’aménagement du territoire et de la prise en compte du maillage existant ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Sonia de La Provôté et M. Pascal Martin applaudissent également.)
M. Jean-François Husson. Excellent !
M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé.
M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention. Madame la sénatrice Imbert, 21 000 officines couvrent actuellement le territoire national. Elles représentent souvent, du fait de leur grande visibilité, le premier recours à un professionnel de santé. Je tiens à les saluer, car elles tiennent cette première ligne dans de nombreux territoires et ont assuré leurs fonctions pendant la crise sanitaire, ainsi qu’aujourd’hui encore, au quotidien.
Vous l’avez dit, l’immense majorité du territoire est couvert par ces officines. Pour autant, il existe encore des territoires – je pense à la Corse et à la Guyane – où 18 % de nos concitoyens sont trop loin d’une pharmacie. C’est également plus ou moins le cas dans certains endroits du Grand Est, que je connais bien, et du Centre-Val de Loire. La situation n’est donc pas totalement satisfaisante, même si elle est globalement tout à fait correcte.
Le décret que vous évoquez, prévu par l’ordonnance du 3 janvier 2018, vise à établir un dispositif d’adaptation territoire par territoire. C’est tout l’esprit de la réforme du système de santé que nous portons, ainsi que des CNR (Conseils nationaux de la refondation) territoriaux Santé, qui ont été mis en place dans une logique de dialogue territorial avec les professionnels de santé concernés, les élus et les citoyens.
Dans cette logique, nous sommes en train d’élaborer des critères, pour que ce décret soit le plus opérationnel possible : des critères de distance, mais également de population, en particulier pour les territoires comptant de nombreuses personnes âgées qui ne peuvent se déplacer. Il s’agit d’un travail de dentellière, territoire par territoire. Voilà pourquoi la rédaction du décret n’est pas tout à fait achevée.
Nous ne nous interdisons rien. Je discute actuellement avec les représentants des pharmaciens, afin de proposer une réponse à ceux de nos concitoyens vivant trop loin d’une officine de pharmacie.
M. Michel Savin. Il faut accélérer !
M. le président. La parole est à Mme Corinne Imbert, pour la réplique.
Mme Corinne Imbert. Je vous remercie, monsieur le ministre, de l’hommage que vous avez rendu aux pharmaciens d’officine, qui comptent en effet parmi les professionnels de santé en première ligne.
Vous avez cité le chiffre de 21 000 officines : cela représente une diminution de 4 000 officines en quelques années. Vous n’y êtes pour rien, certes, mais c’est un état de fait.
Il y a une contradiction entre ce qui motive la rédaction de ce décret, soit la volonté de répondre à quelques situations que vous avez exposées, et ses conséquences, qui conduiront à déstabiliser ce qui est aujourd’hui un exemple en matière d’aménagement du territoire.
Vous le savez, les officines de pharmacie représentent une véritable colonne vertébrale en matière d’accès aux soins et d’aménagement du territoire. Il ne faudrait pas que ce décret fragilise l’existant.
De nombreux Français vivent dans des déserts médicaux. Il devient urgent, monsieur le ministre, de ne pas y ajouter des déserts pharmaceutiques. En déstabilisant ce réseau, vous nuirez aux patients,…
M. le président. Il faut conclure !
Mme Corinne Imbert. … peut-être pour favoriser de gros investisseurs, et vous sacrifierez une fois de plus l’aménagement du territoire, ainsi que le monde rural. Ce ne serait pas acceptable ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Sonia de La Provôté applaudit également.)
présence postale en france
M. le président. La parole est à M. Patrick Chaize, pour le groupe Les Républicains.
M. Patrick Chaize. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, le législateur a confié à La Poste quatre missions de service public, parmi lesquelles la contribution à l’aménagement du territoire. Celle-ci se traduit par l’obligation de maintenir un réseau de 17 000 points de contact, ce qui garantit une densité du réseau postal spécifiquement française.
Le 15 février dernier, l’État, l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF) et La Poste ont signé le sixième contrat de présence postale territoriale, pour la période 2023-2025.
Ce document fixe le cadre permettant à La Poste de contribuer à la mission d’aménagement du territoire. Il prévoit les règles d’adaptation du réseau et de gestion du fonds de péréquation territoriale, d’un montant annuel de 174 millions d’euros, qui doit bénéficier prioritairement aux zones qui en ont le plus besoin.
Face à une fréquentation en chute libre des bureaux de poste, la mutualisation des réseaux territoriaux de La Poste et de l’État est une condition de survie, selon le contrat.
En 2021, le coût du maintien d’un maillage territorial fin du service postal a été évalué par l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) à 348 millions d’euros, tandis que la compensation reçue n’a été que de la moitié. Cette sous-compensation risque d’être très pénalisante, en ne permettant plus d’accomplir les investissements utiles.
Je tiens à préciser que la gestion de ces crédits est largement décentralisée et déconcentrée, pour un pilotage réactif et agile des projets conçus au plus près du terrain, par l’intermédiaire des commissions départementales de présence postale territoriale (CDPPT).
Monsieur le ministre, quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre pour remédier à cette sous-compensation et faire en sorte que la qualité, l’offre de services et l’accessibilité postale soient des réalités dans nos territoires ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de la transition numérique et des télécommunications. Monsieur le sénateur Patrick Chaize, je vous remercie de votre question, qui me permet de saluer votre travail en tant que président de l’Observatoire national de la présence postale (ONPP).
Vous l’avez dit, voilà quelques semaines, l’État, l’AMF et La Poste ont signé le sixième contrat de présence postale territoriale, lequel tire les enseignements du précédent contrat, ainsi que du rapport que vous avez rédigé avec vos collègues Pierre Louault et Rémi Cardon.
Avec Bruno Le Maire, Gabriel Attal et Dominique Faure, j’ai veillé à ce que ce contrat mentionne cinq priorités, et d’abord le maintien de la présence territoriale de La Poste, dans un contexte de baisse très marquée de la fréquentation des bureaux de poste. Pour accompagner le déploiement du réseau France Services, sur lequel veille attentivement Stanislas Guerini, 17 000 points de contact seront donc maintenus sur notre territoire.
Sont également prévus le maintien d’une dotation de 174 millions d’euros, une plus grande accessibilité horaire des bureaux de poste, notamment le week-end et lors des événements locaux, le renforcement des actions de médiation sociale et numérique à destination des populations vulnérables, auquel je suis particulièrement attentif, et l’amélioration de la gouvernance des commissions départementales pour une meilleure utilisation du fonds de péréquation.
L’ensemble de ces actions, dont le financement est prévu par ce contrat de présence postale territoriale, bénéficieront prioritairement aux territoires ruraux, aux territoires de la politique de la ville, aux zones de montagne et aux territoires ultramarins.
Pour répondre à votre question, je rappelle que le Gouvernement s’est engagé à ce que ce soutien soit poursuivi, via une dotation qui sera discutée dans le cadre du projet de loi de finances pour 2024.
Vous le voyez, monsieur le sénateur, le Gouvernement, sous l’autorité de la Première ministre, est extrêmement vigilant, pour que La Poste puisse remplir dans les meilleures conditions sa mission de service public.
M. le président. La parole est à M. Patrick Chaize, pour la réplique.
M. Patrick Chaize. Je vous remercie, monsieur le ministre, de votre réponse qui me donne beaucoup d’espoir.
Vous le comprenez, la sous-compensation et l’augmentation des dépenses obligatoires assèchent le système. Sans modification favorable, on introduira de l’incohérence entre les discours et les actes.
En vue de retrouver de la cohérence, je vous donne l’occasion de corriger la sous-compensation, afin que les Français aient confiance en vous ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.
Notre prochaine séance de questions d’actualité au Gouvernement aura lieu le mercredi 5 avril 2023, à quinze heures.
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Candidatures à une commission mixte paritaire
M. le président. J’informe le Sénat que les candidatures pour siéger au sein de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions ont été publiées.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.
5
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 4 avril 2023 :
À neuf heures trente :
Questions orales.
À quatorze heures trente et le soir :
Proposition de loi créant une résidence d’attache pour les Français établis hors de France, présentée par M. Le Gleut et plusieurs de ses collègues (texte de la commission n° 474, 2022-2023) ;
Proposition de loi visant à renforcer la prévention et la lutte contre l’intensification et l’extension du risque incendie, présentée par M. Bacci, Mme Loisier, MM. Martin et Rietmann (texte de la commission n° 456, 2022-2023).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à seize heures vingt.)
nomination de membres d’une commission mixte paritaire
La liste des candidats désignés par la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale pour faire partie de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions a été publiée conformément à l’article 8 quater du règlement.
Aucune opposition ne s’étant manifestée dans le délai d’une heure prévu par l’article 8 quater du règlement, cette liste est ratifiée. Les représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire sont :
Titulaires : M. François-Noël Buffet, Mme Agnès Canayer, Florence Lassarade, MM. Claude Kern, Jérôme Durain, Jean-Jacques Lozach et Thani Mohamed Soilihi ;
Suppléants : Mmes Catherine Di Folco, Céline Boulay-Espéronnier, Chantal Deseyne, M. Loïc Hervé, Mme Marie-Pierre de La Gontrie, M. Bernard Fialaire et Mme Éliane Assassi.
Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,
le Chef de publication
FRANÇOIS WICKER