M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Le vote est réservé.
Article 16
Pour l’année 2023, les objectifs de dépenses de la branche Accidents du travail et maladies professionnelles sont fixés à 14,8 milliards d’euros pour l’ensemble des régimes obligatoires de base de sécurité.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, sur l’article.
Mme Raymonde Poncet Monge. Le travail peut être effectivement émancipateur, apprenant, formateur. Pour qu’il en soit ainsi, nous avons, nous, socialistes, communistes et écologistes, une idée de la société qui permettrait l’épanouissement d’un travail émancipateur.
Mais force est de constater que de plus en plus, dans cette société néolibérale et financiarisée, le travail abîme, rend malade et tue. Le report de l’âge de départ à la retraite va provoquer, vous le savez, des arrêts maladie de longue durée, des maladies professionnelles et des douleurs et maladies chroniques. J’y reviendrai quand nous parlerons de la partie accidents du travail et maladies professionnelles du projet de loi.
Je vous ai conseillé, dans un souci thérapeutique, de soigner votre aveuglement, mes chers collègues, et de regarder les films de Ken Loach sur le sas de précarité. Sur le travail et sur les accidents du travail, je vous propose de regarder une très bonne émission La mise à mort du travail, dont les trois volets sont intitulés : « La destruction », « L’aliénation », « La dépossession ». Vous verrez comment les logiques de rentabilité pulvérisent les liens sociaux et humains.
Vous verrez les conséquences sur les AT-MP : ne vous étonnez pas que les seniors soient aujourd’hui particulièrement exposés aux accidents de travail, notamment les plus graves. Ainsi, 58 % des morts par accidents du travail ont plus de 50 ans, une surreprésentation que l’on retrouve aussi dans les incapacités permanentes liées au travail qui concernent 41 % de cette même tranche d’âge. La fréquence des accidents mortels croît avec l’âge : les salariés âgés de 60 ans ou plus enregistrent le risque le plus élevé, avec 54,2 accidents par milliard d’heures rémunérées.
Nous sommes vraiment sur ce plan un mauvais exemple en Europe. Non seulement cette réforme n’est pas nécessaire, mais elle est dangereuse pour la santé et la qualité de vie des seniors…
M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret, sur l’article.
Mme Corinne Féret. L’article 16 présente les objectifs de dépense de la branche AT-MP. C’est un article obligatoire dans un budget rectificatif de la sécurité sociale. Il maintient le plafond de la branche AT-MP pour l’année 2023 tel qu’il avait été adopté à l’automne 2022.
Alors que les accidents du travail ne cessent d’augmenter, que la santé mentale des travailleurs se dégrade et que la pénibilité demande de vrais moyens, le Gouvernement maintient un budget stable. D’autant que vous n’aurez rien résolu quant à l’employabilité des seniors, comme on l’a dit précédemment, et qu’avec votre réforme on avance plus encore dans l’âge, ce qui augmente les risques d’accident du travail.
C’est bien la démonstration que vous n’avez aucune ambition. D’ailleurs, le Fipu est un écran de fumée financé sur le dos de la branche AT-MP, avec des missions floues qui font doublon avec la médecine du travail, qui aurait, elle aussi, besoin de soutien financier.
Par ailleurs, en proposant une diminution des cotisations des entreprises, vous fragilisez à terme cette branche, et vous déresponsabilisez même les entreprises. Je rappelle que la branche AT-MP est financée à 97 % par les entreprises.
Avec votre réforme, vous reculez de deux ans l’âge légal de départ à la retraite, de 62 à 64 ans, soit deux ans de plus pour tous. Vous le savez, mais nous allons le répéter, ce sont des femmes et des hommes déjà usés à 62 ans qui devront travailler deux ans de plus ; ce sont des femmes et des hommes plus nombreux qui seront en invalidité, car confrontés longtemps, plus longtemps, à la pénibilité. D’autant que votre gouvernement a retiré quatre des dix critères du compte pénibilité en 2017.
M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent, sur l’article.
M. Pierre Laurent. Avec cet article sur la branche AT-MP, on touche à l’un des points scandaleux de cette réforme, en tout cas dans la présentation qui en a été faite.
On a eu les 1 200 euros, dont on a pu vérifier au fur et à mesure qu’il s’agissait d’un gros mensonge. On a eu la même chose concernant les femmes. Puis, s’agissant de la pénibilité, on a découvert peu à peu que ce Fipu, qui n’a rien à voir avec la reconnaissance de la pénibilité, était au contraire un glissement vers une individualisation des situations pour continuer à sortir du calcul des retraites les vrais critères de pénibilité.
De surcroît, on a découvert en avançant dans les débats que, pour financer ce Fipu, par ailleurs extrêmement contestable, 200 millions d’euros seraient ponctionnés sur la branche AT-MP.
On est ainsi perdant sur la question de la pénibilité à la fois pour le calcul des retraites et sur la branche AT-MP, qui est ponctionnée, alors qu’on aurait besoin de beaucoup plus d’argent pour la prévention des maladies professionnelles. On est perdant sur tous les tableaux ! On est perdant sur la prévention primaire des accidents du travail et sur leur reconnaissance.
Par ailleurs, au travers de ce Fipu, on perd sur la prise en compte des critères de pénibilité pour le calcul des montants de retraite.
J’y insiste, on est perdant sur toute la ligne ! Plus on discute de la loi, plus on prend le temps de comprendre et d’expliquer, et plus les gens découvrent que ce qui nous était présenté au début comme de grandes avancées est en réalité du flan et qu’il n’y aura que des perdants avec cette réforme ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE. – Mme Raymonde Poncet Monge applaudit également.)
Amendements identiques de suppression de l’article
M. le président. Je suis saisi de quarante-neuf amendements identiques.
L’amendement n° 304 est présenté par M. Féraud.
L’amendement n° 336 est présenté par M. Pla.
L’amendement n° 390 est présenté par Mme Féret.
L’amendement n° 473 est présenté par M. Fichet.
L’amendement n° 542 est présenté par M. Gillé.
L’amendement n° 561 est présenté par Mme Van Heghe.
L’amendement n° 603 est présenté par M. Redon-Sarrazy.
L’amendement n° 632 est présenté par M. Devinaz.
L’amendement n° 660 est présenté par M. Chantrel.
L’amendement n° 690 est présenté par Mme Le Houerou.
L’amendement n° 719 est présenté par Mme Blatrix Contat.
L’amendement n° 750 est présenté par M. M. Vallet.
L’amendement n° 800 est présenté par Mme de La Gontrie.
L’amendement n° 855 est présenté par M. Jacquin.
L’amendement n° 885 est présenté par M. Durain.
L’amendement n° 922 est présenté par M. Lurel.
L’amendement n° 965 est présenté par M. Cardon.
L’amendement n° 1049 est présenté par Mme G. Jourda.
L’amendement n° 1120 est présenté par M. Éblé.
L’amendement n° 1163 rectifié bis est présenté par Mme Lubin.
L’amendement n° 1196 est présenté par Mme S. Robert.
L’amendement n° 1229 est présenté par M. Mérillou.
L’amendement n° 1297 est présenté par M. Montaugé.
L’amendement n° 1332 est présenté par Mme Préville.
L’amendement n° 1395 est présenté par M. Bourgi.
L’amendement n° 1402 est présenté par M. Houllegatte.
L’amendement n° 1428 est présenté par M. Sueur.
L’amendement n° 1458 est présenté par M. Kerrouche.
L’amendement n° 1489 est présenté par Mme Conway-Mouret.
L’amendement n° 1526 est présenté par Mme M. Filleul.
L’amendement n° 1532 est présenté par M. Stanzione.
L’amendement n° 1562 est présenté par Mme Monier.
L’amendement n° 1614 est présenté par M. J. Bigot.
L’amendement n° 1644 est présenté par Mme Poumirol.
L’amendement n° 1683 est présenté par Mme Bonnefoy.
L’amendement n° 1717 est présenté par M. Bouad.
L’amendement n° 1738 est présenté par M. Leconte.
L’amendement n° 1771 est présenté par Mme Meunier.
L’amendement n° 1784 est présenté par M. Todeschini.
L’amendement n° 1811 est présenté par M. Jomier.
L’amendement n° 1841 est présenté par M. Kanner.
L’amendement n° 1863 est présenté par M. Assouline.
L’amendement n° 1929 est présenté par M. P. Joly.
L’amendement n° 2009 est présenté par Mme Rossignol.
L’amendement n° 2091 est présenté par M. Jeansannetas.
L’amendement n° 2281 est présenté par Mme Espagnac.
L’amendement n° 2290 est présenté par M. Tissot.
L’amendement n° 3198 est présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco et MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé, Parigi et Salmon.
L’amendement n° 4061 rectifié est présenté par Mmes Assassi, Apourceau-Poly et Cohen, MM. Bacchi et Bocquet, Mmes Brulin et Cukierman, M. Gay, Mme Gréaume, MM. Lahellec et P. Laurent, Mme Lienemann, M. Ouzoulias, Mme Varaillas et M. Savoldelli.
Ces 49 amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Rémi Féraud, pour présenter l’amendement n° 304.
M. Rémi Féraud. Après les excellents arguments de nos trois collègues sur l’article 16, je suis le premier à présenter un amendement de suppression de cet article, qui n’enlèvera rien à personne puisque l’objectif de dépenses de la branche accidents du travail et maladies professionnelles reste stable et qu’il est même en légère diminution dans ce projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale.
Pierre Laurent vient de très bien expliquer en quoi cette loi sur les retraites était une supercherie en matière d’avancées sociales. Plus le temps passe, plus on voit que ce que vous appelez des avancées sociales sont en fait des reculs : c’est moins mal que si c’était pire… Je le dis sans plaisanter, alors que dans notre pays les accidents du travail restent extrêmement nombreux et que le recul de l’âge de la retraite aura des conséquences importantes en matière de maladies professionnelles.
Même si nous approchons de la fin de notre débat, même si vous avez voulu – et nous ne cesserons de le répéter – dévitaliser la fonction parlementaire par des procédures destinées à expédier les débats, nous ne désespérons pas que le Gouvernement renonce à sa réforme et surtout que plusieurs de nos collègues, y compris de la majorité sénatoriale, renoncent à la voter. (M. Pierre Laurent et Mme Laurence Cohen applaudissent.)
M. le président. L’amendement n° 336 n’est pas soutenu.
La parole est à Mme Corinne Féret, pour présenter l’amendement n° 390.
Mme Corinne Féret. Monsieur le ministre, dans votre réforme, vous parlez non plus de pénibilité, mais d’usure professionnelle. Or les deux sont très différents !
La pénibilité porte sur le travail et sur ses conditions, soit sur une responsabilité collective ; l’usure porte sur les corps des travailleurs, soit sur une responsabilité individuelle. Nous n’avons pas les mêmes valeurs.
Vous ne revenez pas non plus sur les quatre critères de pénibilité que vous avez supprimés en 2017 : les postures pénibles, les vibrations mécaniques, la manutention manuelle de charges et l’exposition aux produits chimiques qui sont le quotidien de très nombreux salariés.
Les nombreux cortèges que les Français rejoignent chaque semaine et les 90 % d’actifs opposés à la retraite à 64 ans ne trouvent malheureusement pas d’écho auprès de vous. Peut-être les propos d’une aide à domicile vous feront-ils réfléchir : après avoir décrit la pénibilité liée aux nombreux risques physiques et psychosociaux de son métier, elle dit que si la retraite devait arriver à 64 ans, le corps ne pourrait pas suivre. Voilà la réalité du quotidien pour cette femme, comme pour de très nombreux salariés !
En ne répondant pas, vous exprimez votre mépris, un mépris pour les Français et pour les salariés. Votre projet est totalement illégitime. Nous vous demandons de retirer votre réforme.
M. le président. Les amendements nos 473 et 542 ne sont pas soutenus.
La parole est à Mme Sabine Van Heghe, pour présenter l’amendement n° 561.
Mme Sabine Van Heghe. Oui, le travail peut abîmer et l’objectif de dépenses de la branche AT-MP proposé par le Gouvernement s’avère totalement inadapté aux besoins, notamment avec le recul de deux ans de l’âge de la retraite.
C’est la raison pour laquelle nous demandons la suppression de cet article, dont nous aurions aimé débattre. Hélas, votre attitude à l’égard des oppositions de cet hémicycle nous prive du travail parlementaire qui est le nôtre. Vous ne sortirez pas grandis après ce tour de force. D’ailleurs, la rue gronde. Aux six manifestations historiques et aux 90 % des actifs opposés à la retraite à 64 ans, vous répondez par le mépris. Les Français s’en souviendront !
M. le président. Les amendements nos 603 et 632 ne sont pas soutenus.
La parole est à M. Yan Chantrel, pour présenter l’amendement n° 660.
M. Yan Chantrel. Madame la rapporteure, vous évoquiez voilà quelques instants la raison. Cette dernière guiderait votre politique, laissant entendre aux Françaises et aux Français qu’il n’y aurait pas d’alternative à votre réforme, comme le prétendait Margaret Thatcher, ce qui est complètement faux.
Vous défendez un projet de société assumé : protéger les plus privilégiés, afin qu’ils ne prennent pas leur juste part de contribution à la solidarité nationale. Jamais une politique n’est la seule possible. Il existe toujours plusieurs options en démocratie – cette démocratie que vous avez voulu bâillonner !
Depuis le début de l’examen du texte, les travées de gauche de cet hémicycle ont présenté des propositions alternatives, prouvant ainsi qu’une autre réforme était possible qui ne protégerait pas les plus privilégiés, mais qui les ferait contribuer à leur juste niveau à la solidarité nationale, à notre système de protection sociale et au système de retraite.
À rebours, votre politique ne fait que préserver les plus privilégiés : diminution de l’impôt sur la fortune, absence de taxe sur les superprofits, refus de taxer le capital, alors même que ce dernier s’est renforcé au détriment des salaires.
Vous parlez en permanence des travailleurs, mais vous ne les aimez pas ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Si vous les aimiez, vous feriez en sorte d’augmenter leur rémunération au détriment du capital, dont la valeur n’a fait qu’augmenter ces dernières années, contrairement aux salaires des travailleurs.
Commencez par augmenter le revenu minimum pour leur permettre de vivre un peu mieux ! Certains pays en Europe agissent en ce sens, menant des politiques courageuses d’augmentation des plus basses rémunérations.
Nous vous demandons de nouveau de retirer cette réforme profondément injuste et brutale. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
M. le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou, pour présenter l’amendement n° 690.
Mme Annie Le Houerou. L’article 16 maintient la baisse de 2 % en valeur réelle des dépenses de la branche accidents du travail et maladies professionnelles. Monsieur le ministre, vous maintenez cette baisse malgré les six manifestations historiques à ce jour et l’opposition de 90 % des actifs à la retraite à 64 ans. Votre seule réponse reste le mépris. Mépris envers l’opposition sénatoriale. Mépris, surtout, du Président de la République envers les syndicats, qu’il refuse de recevoir. Mépris envers les salariés et les Français. Votre projet n’est pas légitime, retirez-le ! Tenn war an Dreñz, lemel Kuit !
Pour en revenir à l’article 16, en fonction de leur situation, les salariés peuvent bénéficier de la prise en charge de leurs frais de santé, d’indemnités journalières et d’une rente pour eux-mêmes en cas d’incapacité permanente ou pour les ayants droit en cas de décès. La branche AT-MP finance aussi des actions de prévention auprès des entreprises. Son excédent pourrait atteindre 2,2 milliards d’euros pour 2023, montant qui viendrait s’ajouter aux 6 milliards d’euros actuels.
Cette branche est excédentaire parce que les accidents du travail et maladies professionnelles sont notoirement sous-déclarés, la charge de l’indemnisation revenant alors à la branche maladie de l’assurance maladie. En outre, le report de l’âge légal de départ à la retraite augmenterait les risques couverts par la branche AT-MP.
Or le Gouvernement préfère prélever sur ce régime pour financer son projet. Les accidents du travail représentent pourtant 780 décès en 2022 selon l’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS). C’est un chiffre considérable !
Le Gouvernement envisage de porter un nouveau coup rude à cette branche de la sécurité sociale au travers de son projet de compensation de l’augmentation des cotisations sociales patronales de la branche retraite par une diminution des cotisations sociales patronales de la branche AT-MP, alors que les besoins sont immenses.
M. le président. La parole est à Mme Florence Blatrix Contat, pour présenter l’amendement n° 719.
Mme Florence Blatrix Contat. L’objet de cet amendement est de rejeter la confirmation de l’objectif de dépenses de la branche AT-MP, cet article n’apportant aucun nouveau moyen.
Comme à l’article précédent, nous regrettons amèrement que le Gouvernement ne prenne pas suffisamment en compte les conséquences de sa réforme des retraites sur les accidents du travail et maladies professionnelles.
Nous ne cherchons pas à vous adresser de vaines critiques. Il s’agit d’un véritable appel à ouvrir les yeux sur la réalité : nous parlons d’environ 1 000 morts par an par accident du travail et d’environ 2,5 millions de burn-out en France en 2022 – ce n’est pas rien.
Alors que vous proposez de décaler l’âge légal de départ à la retraite de deux ans, ce qui pousserait nombre de salariés à devoir s’user au travail encore plus longtemps dans des conditions pénibles, la prévention des accidents du travail et maladies professionnelles doit prendre une nouvelle ampleur, car les risques vont augmenter.
Pourtant, la sous-déclaration est un phénomène massif. La dernière commission instituée par l’article L. 176-2 du code de la sécurité sociale à s’être penchée sur les sous-déclarations des AT-MP s’est réunie en 2021 ; elle chiffre ce coût annuel entre 1,2 milliard et 2,1 milliards d’euros, la moitié des accidents du travail, estime-t-elle, n’étant pas reconnus. En effet, quelque 72 % ne seraient pas déclarés, non plus que 26 % des accidents avec arrêt.
Les moyens budgétaires révèlent l’ambition des politiques publiques. Je ne peux que regretter qu’ils soient très insuffisants au regard de l’enjeu. Cette réforme des retraites aura des conséquences sur les AT-MP. Écoutez les Français, retirez cette réforme injuste.
M. le président. L’amendement n° 750 n’est pas soutenu.
La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour présenter l’amendement n° 800.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. « “Sergent ! interroge Camember, et la terre du trou ?– Que vous êtes donc plus hermétiquement bouché qu’une bouteille de limonade, sapeur ! Creusez un autre trou ! – C’est vrai !” approuve Camember. » La simplicité du sapeur Camember, que vous avez reconnu, est alors dépassée en sottise par son supérieur, le sergent Bitur, qui le traite de « double mulet cornu » et lui reproche de ne pas avoir fait le deuxième trou assez grand pour qu’on puisse y mettre la terre qui en a été extraite avec celle du premier. Eh bien ! C’est exactement ce que le Gouvernement est en train de faire au travers de ce projet de loi.
Nous assisterons, à partir de 2024, à un transfert de cotisations au profit de la branche vieillesse en provenance de la branche AT-MP : hausse de 0,1 point des cotisations vieillesse, baisse des cotisations AT-MP. Dès lors, les prévisions du PLFSS pour 2023 ne seront pas respectées.
En effet, les cotisations affectées diminueront et, comme l’article 9 rend nécessaire la couverture de nouvelles dépenses liées à la prise en compte de la pénibilité et de la prévention de l’usure professionnelle, les dépenses de la branche augmenteront plus rapidement que celles prévues dans le PLFSS. Voilà pourquoi le Gouvernement se comporte comme le sapeur Camember. Voilà pourquoi nous voulons la suppression de cet article. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)
M. le président. L’amendement n° 855 n’est pas soutenu.
La parole est à M. Jérôme Durain, pour présenter l’amendement n° 885.
M. Jérôme Durain. Je ne vous parlerai pas de trous, mais de vases communicants. Si nous voulons rejeter la confirmation de l’objectif de dépenses de la branche AT-MP proposée par le Gouvernement, c’est que tout est lié dans cette réforme. En effet, ceux qui seraient pénalisés par le report de l’âge légal de départ à la retraite commenceraient par tomber malades, puis verseraient dans la branche AT-MP.
Dès lors, je m’en voudrais de ne pas terminer ce débat sans avoir cité quelques exemples très concrets, envoyés par des habitants de nos circonscriptions. Jean-Luc…
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Mélenchon ?
M. Jérôme Durain. … témoigne : « La question que je me pose, personnellement, est : “Comment arriver à l’âge légal de la retraite, même à 62 ans, avec des maladies professionnelles, des cancers ?” Je pense que le dossier de la pénibilité n’a pas été assez valorisé, voire qu’il est inexistant, ou qu’il est passé à l’as dans les entreprises dépourvues de délégués du personnel, sans parler des x autres raisons. Les 1 200 euros que le Gouvernement fait miroiter ne concerneront qu’une infime minorité de gens. Tous ceux qui travaillent dur font souvent l’objet d’arrêts de travail, surtout les quinquagénaires. »
Josette raconte : « J’ai commencé à travailler à 14 ans et deux mois quand la retraite était à 65 ans. Après 44 ans et demi à mi-temps, parce que j’avais des enfants, je perçois, à 75 ans, 647 euros par mois plus 220 euros de retraite complémentaire : c’est pas beau, ça ? Pleine d’arthrose, je ne peux pas avoir d’aides : trop en forme ! »
J’ajoute cette dame, qui n’a pas signé : « Je suis le débat pour la réforme des retraites. Je suis perdue : c’est à n’y rien comprendre ! Je suis née en 66 ; j’ai commencé à travailler de 82 à 84, sans cotiser pour la retraite ; j’ai eu une période de chômage ; j’ai repris une activité TUC. Je suis aide-soignante dans un Ehpad, de nuit, qui fait partie de la fonction publique, mais nous n’avons pas de pénibilité. J’ai 57 ans, opérée du dos ; à 40 ans, j’avais des problèmes de lombaires, les disques usés, l’arthrose. Je continue de travailler péniblement malgré mes douleurs récurrentes. Les aides-soignantes, on travaille dur : postures, charges… »
Le dernier vase communicant susceptible de vous intéresser est le témoignage suivant : « Je ne vote pas pour votre parti, mais je tenais tout de même à vous remercier d’avoir voté contre le report de l’âge de la retraite à 64 ans. Au vu des votes des sénateurs de droite, c’en est fini pour moi des votes obstacle au RN. Je me rallie donc désormais à ces gens qui n’en peuvent plus. Merci infiniment quand même d’avoir voté contre cet article 7. » (M. Yan Chantrel applaudit.)
M. René-Paul Savary, rapporteur. Si chacun commence à lire sa correspondance…
M. le président. L’amendement n° 922 n’est pas soutenu.
La parole est à M. Rémi Cardon, pour présenter l’amendement n° 965.
M. Rémi Cardon. Je vous promets, monsieur le président, de ne pas dire de « conneries »…
Cet amendement des sénateurs du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain vise à rejeter la confirmation de l’objectif de dépenses de la branche AT-MP telle que proposée par le Gouvernement dans cet article.
Alors que les accidents du travail font 1 000 morts par an, que la santé mentale des travailleurs se dégrade et que la lutte contre la pénibilité exige de vrais moyens, le Gouvernement souhaite maintenir un budget stable pour les accidents du travail et maladies professionnelles par rapport à 2022, sans aucune ambition nouvelle. Pourtant, le texte actuel est un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale ! Nous pourrions anticiper les besoins, au vu du recul de l’âge légal de départ à la retraite qui, de facto, augmentera les risques d’accidents du travail et maladies professionnelles.
Cela montre une nouvelle fois que vous ne vous préoccupez pas des travailleurs, monsieur le ministre, mais uniquement des cadeaux fiscaux que vous voulez couvrir avec cette réforme.
M. le président. Les amendements nos 1049 et 1120 ne sont pas soutenus.
La parole est à Mme Monique Lubin, pour présenter l’amendement n° 1163 rectifié bis.
Mme Monique Lubin. J’insisterai, au sujet de la branche AT-MP, sur le fait qu’aucun véritable effort n’est demandé, une fois de plus, aux entreprises. Le seul petit effort envisagé serait d’ailleurs compensé… C’est un problème.
Lorsque nous avions commencé à travailler avec le rapporteur René-Paul Savary sur l’emploi des seniors, nous avions notamment auditionné le Mouvement des entreprises de France (Medef). Je me souviens bien de la réaction de son représentant lorsque nous lui avions demandé ce qu’il prévoyait pour améliorer la situation au regard de l’emploi des seniors. Il avait tout simplement reconnu que le Medef n’avait pas beaucoup travaillé sur ce sujet…
J’ai l’impression, quatre ans après, que les choses ne se sont guère améliorées. Lors des auditions organisées par la commission des affaires sociales sur ce projet de loi, nous avons entendu les représentants du Medef assurer qu’ils étaient prêts à faire quelques efforts – pas beaucoup ! – à condition qu’on les soulage de certaines cotisations sociales. En clair, pour que le Medef consente à demander aux entreprises de faire des progrès dans le recrutement des personnes de plus de 50 ans ou dans leur maintien dans l’emploi, il faut compenser, il faut faire des cadeaux !
Je m’interroge. L’entreprise n’a-t-elle pas une vocation d’organisation sociale ? N’est-ce pas son rôle de se poser des questions sur l’emploi des Français, jeunes comme âgés ?
M. le président. Les amendements nos 1196 et 1229 ne sont pas soutenus.
La parole est à M. Franck Montaugé, pour présenter l’amendement n° 1297.
M. Franck Montaugé. Dans cette partie du débat consacrée aux accidents du travail et à la prise en compte des travailleurs cassés, usés par une longue et dure vie de labeur souvent commencée jeune, nous avons rappelé combien la prévention était l’angle mort de votre vision du travail au XXIe siècle et combien nous étions opposés à vos modalités de prise en compte de la pénibilité dans le calcul des droits à la retraite.
L’ambition, la vraie, aurait été de donner une place centrale à la prévention, en rapport direct avec les critères de pénibilité élargis à des situations d’affection sanitaire que vous ne voulez pas voir ni prendre en compte.
Évoqué par Émilienne Poumirol dans l’une de ses interventions, le concept de One Health, dont la traduction française est « santé globale », appelle à un dialogue méthodique avec les syndicats, avec les travailleurs et avec les institutions de santé, un dialogue à déployer dans notre système de soins et de prise en charge.
Votre objectif de dépenses de la branche accidents du travail et maladies professionnelles n’intègre en rien les nécessités et urgences. Pour cette raison, nous proposons de rejeter l’article 16.