M. Max Brisson. Cela n’impressionne personne !
M. Franck Riester, ministre délégué. Cette réforme assure que des communes qui présentent une part de résidences secondaires très significative pourront activer ce levier, alors que ce n’était pas le cas aujourd’hui, lorsqu’elles ne faisaient pas partie d’une aire urbaine ou que le niveau de tension sur le marché locatif était un peu moindre que dans les zones les plus tendues du territoire.
En cela, je crois que la réforme répond directement aux aspirations d’un grand nombre d’élus et de territoires, notamment dans les Alpes, en Corse, sur le littoral atlantique et méditerranéen et en Bretagne. C’est aussi une réforme qui conserve le principe d’un zonage territorial pour éviter une augmentation fiscale indiscriminée.
Le Gouvernement travaille en ce moment même en concertation avec les associations d’élus à l’élaboration du décret d’application de cette réforme, qui précisera les zones d’application ; vous l’avez évoqué, monsieur le rapporteur.
Je sais que certains d’entre vous ont pu être interpellés par le fait que les communes ne pourront pas, dès cette année, percevoir le produit de cette majoration. Je tiens donc à vous rassurer : ce décret sera pris dans les meilleurs délais et permettra aux communes entrantes, avant le 1er octobre prochain, de délibérer pour majorer la THRS à compter des impositions de 2024.
Monsieur le sénateur, les objectifs de cette réforme, introduite en loi de finances pour 2023, sont donc très largement convergents avec le texte que vous proposez.
Celle-ci renchérit l’occupation de résidences secondaires dans les zones saturées, et ce dans des proportions très significatives. Elle permet aux communes de disposer de nouvelles ressources pour exercer leurs compétences en matière d’aménagement du territoire, assurer une offre de services publics, malgré la déprise des résidents permanents, et financer des projets immobiliers qui concourront au rééquilibrage que vous appelez de vos vœux.
Les communes pourront aussi faire le choix d’utiliser ce produit supplémentaire pour augmenter leur contribution aux établissements publics fonciers.
Vous le voyez, cette réforme répond de façon ciblée et proportionnée aux enjeux de la rétention foncière et de l’accès au logement.
En rappelant ces éléments, je ne veux toutefois pas laisser penser que le Gouvernement fait de la fiscalité l’alpha et l’oméga pour orienter le marché immobilier.
Une partie du phénomène d’attrition de logements que vous décrivez est liée au rôle des plateformes de location de courte durée, qui ont permis de démocratiser cette activité au détriment de l’offre hôtelière.
Les études disponibles montrent que les prix de l’immobilier augmentent au fur et à mesure que l’activité de location de courte durée croît et que, par substitution, le nombre de locations de longue durée diminue. On constate également une professionnalisation des locations brèves, qui se concentrent sur des biens constituant la première étape d’un parcours résidentiel en habitation principale pour les plus modestes, à savoir les biens de moins de 40 mètres carrés.
Depuis la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite loi Élan, nous avons institué un cadre réglementaire ambitieux pour essayer de maîtriser le phénomène. Cela passe en particulier par la réglementation du changement d’usage, qui ouvre ensuite un droit à compensation, dont les communes ne se sont toutefois pas encore suffisamment saisies. Dominique Faure et Olivia Grégoire mènent actuellement une réflexion sur le sujet.
Je ne serai pas plus long sur ces questions, qui vont au-delà de votre proposition de loi, mais qui montrent que le Gouvernement s’en est emparé et que nous devons avoir, sur ces questions essentielles, une approche ne se cantonnant pas à la fiscalité. Je sais que telle est aussi votre volonté.
Vous l’avez compris, pour toutes ces raisons, l’avis du Gouvernement sera défavorable sur cette proposition de loi, en raison des moyens que vous proposez pour atteindre un objectif auquel, en revanche, le Gouvernement souscrit pleinement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’intention de notre collègue Ronan Dantec, auteur de cette proposition de loi, est tout à fait louable. L’accès au logement, et en particulier la possibilité de demeurer dans sa commune de naissance, de vie ou d’attachement, est encore un enjeu majeur en France, en 2023.
Les questions de logement, quel que soit le point de vue que l’on adopte, sont extrêmement sensibles. On le voit cette semaine avec l’examen concomitant au Sénat de la proposition de loi visant à protéger les logements contre l’occupation illicite et du présent texte, la situation de certains locataires tout à fait licites étant elle aussi difficile.
La présente proposition de loi repose sur l’analyse de l’évolution du marché immobilier dans des zones moins touchées historiquement par la hausse des prix et par la « secondarisation », si vous me permettez ce dernier terme.
C’est un fait connu que l’afflux de populations à fort pouvoir d’achat dans un territoire donné tend à chasser les premiers occupants ou leurs descendants, souvent incapables de suivre financièrement. L’attachement à son territoire de naissance ou de jeunesse reste fort dans notre beau pays, malgré les bouleversements de la vie moderne. Je dirais même que plus la perte de repères est forte, plus, paradoxalement, le besoin d’enracinement est grand.
J’ajoute que le phénomène ne se limite pas aux zones côtières. Dans le Sud-Ouest, on est ainsi habitué à la présence, ancienne, de résidents d’origine britannique, souvent à fort pouvoir d’achat, même si le Brexit a rendu leur situation plus compliquée.
Les auteurs de la proposition de loi disent vouloir préserver le « droit de vivre dans le territoire de naissance et de vie », dans un contexte d’insuffisante régulation du marché du logement.
Nul doute que le marché immobilier souffre de défaillances. En témoignent les difficultés de mise en œuvre de l’encadrement des loyers dans les zones tendues. Par ailleurs, la spéculation immobilière et foncière est une réalité qui pèse lourdement sur beaucoup de nos concitoyens. Inversement, dans les territoires en perte d’attractivité, la revente d’un bien à prix raisonnable peut être difficile.
Pour autant, la réponse apportée dans la proposition de loi est-elle adéquate ? On peut en douter, dans la mesure où celle-ci prévoit de répondre à ces enjeux par la création de deux taxes supplémentaires.
Le texte prévoit d’abord le rétablissement d’une taxe régionale sur les résidences secondaires, dont l’objectif est de renforcer la capacité d’animation territoriale des régions en matière de logement, via des compétences, comme le développement économique, et des dispositifs existants, à l’instar des Sraddet.
La proposition de loi prévoit ensuite une taxe additionnelle à la THRS au profit des établissements fonciers d’État et locaux. Elle leur permettrait de préempter des biens immobiliers dans une optique de rééquilibrage territorial.
À l’instar du rapporteur, j’émets des réserves sur la création d’impôts nouveaux, la pression fiscale étant déjà forte de manière générale. Par ailleurs, on observe déjà l’augmentation des taxes foncières depuis la suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales. Enfin, qui peut nous assurer que ces ressources serviront réellement à financer les politiques indiquées ?
Alors que la taxe d’habitation ne subsiste plus que sur les résidences secondaires, on a vu, lors de l’examen du dernier projet de loi de finances, les difficultés que rencontraient les collectivités afin d’articuler les taux des différentes taxes locales, taxe foncière et THRS.
Bref, le dispositif a le mérite de la simplicité. Par définition, il ne nécessite pas non plus de créer un gage, puisqu’on augmente déjà les recettes publiques. Toutefois, comme M. le rapporteur, il ne me paraît pas adapté en l’état. Ne tapons pas trop sur les propriétaires de résidence secondaire – les hausses des taxes pouvant atteindre, voire dépasser 50 % – alors qu’ils jouent un rôle majeur dans l’économie de nos territoires.
Pour ces différentes raisons, les membres du groupe du RDSE voteront en majorité contre cette proposition de loi. (M. Olivier Cigolotti applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Anglars. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Claude Anglars. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les constats sur les difficultés que rencontrent les ménages pour se loger sont connus. Ce problème public fait régulièrement la une de l’actualité et l’objet de travaux parlementaires.
Lors d’un débat sur la crise du logement, organisé sur l’initiative de notre groupe au mois de janvier 2022, nous avions d’ailleurs effectué le bilan du quinquennat qui s’achevait, marqué par la hausse des prix de l’immobilier et du foncier, ainsi que par la baisse du nombre de nouveaux logements.
Cette proposition de loi a donc un objet louable. Elle vise à « renforcer l’action des collectivités territoriales en matière de politique du logement ». Néanmoins, cet intitulé est excessif, puisque le texte ne concerne en réalité que les régions, ne porte que sur les résidences secondaires et ne prévoit que la création d’une nouvelle taxe.
Le dispositif proposé n’apparaît donc pas satisfaisant, pour deux raisons principales.
Premièrement, la création d’une nouvelle taxe régionale sur les résidences secondaires n’apparaît pas utile, alors que la possibilité donnée aux maires d’agir sur la fiscalité des résidences secondaires vient d’être renforcée. En effet, un débat sur la taxation des résidences secondaires a déjà eu lieu au Sénat voilà à peine un mois, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2023.
Notre collègue Jean-François Husson avait bien noté que la proposition du Gouvernement d’élargir les zonages où les communes sont autorisées à majorer de 60 % la taxe d’habitation des résidences secondaires n’était que la suite de la suppression, non financée et bâclée, de la taxe d’habitation sur la résidence principale.
Finalement, dans un esprit de compromis et d’action, notre groupe a choisi de donner aux communes la possibilité d’augmenter dans la limite de 25 % la taxe d’habitation sur les résidences secondaires sans augmenter la taxe sur le foncier bâti.
Si nous ne sommes pas favorables à la création automatique de nouvelles taxes, c’est aussi parce que l’augmentation de la fiscalité sur les actifs immobiliers ne produit pas les effets escomptés. La délégation aux collectivités territoriales du Sénat l’a clairement démontré dans son rapport du mois de mai 2020 intitulé Les communes face à l’inflation des prix de l’immobilier.
Plusieurs dispositifs juridiques récents visant à limiter la hausse des prix de l’immobilier par l’augmentation de la pression fiscale n’ont eu que des conséquences marginales. Pis, l’augmentation de la pression fiscale a suivi la courbe de la hausse des prix. Ce type de mesures ne peut donc pas être une solution à la crise du logement.
Deuxièmement, le dispositif proposé ne vise pas l’échelle d’action pertinente. Sur le terrain, nous pouvons le constater, le problème du logement est avant tout un problème communal ou intercommunal. Ce sont les communes et, éventuellement, les intercommunalités qui développent les politiques locales de l’habitat par différents moyens, notamment dans les plans locaux d’urbanisme.
Si la décentralisation a rendu plus compliquée la répartition des compétences en matière de politique du logement et de l’habitat entre les départements et les régions, il n’est pas utile de la complexifier davantage. Au contraire, il faut de la clarté !
Les maires ne doivent pas être tributaires d’interventions extérieures d’autres collectivités qui viendraient limiter ou contrer leur action, à plus forte raison dans un marché de l’immobilier où sont déjà présents de nombreux acteurs privés.
C’est encore plus vrai pour les communes rurales, qui représentent 88 % des communes et 33 % de la population et qui sont, peut-être, l’une des réponses à la crise du logement.
Je note ainsi que, depuis la crise du covid-19, les atouts des communes rurales sont plus reconnus et entraînent un changement de la mobilité résidentielle. Selon un rapport de l’Insee publié au mois de décembre 2022, le souhait de migrer vers des municipalités rurales a augmenté depuis la pandémie.
Enfin, mes chers collègues, en janvier 2023, il n’est pas possible de débattre de la situation du logement sans évoquer la mise en œuvre du ZAN, qui oblige à concilier les objectifs des politiques de l’urbanisme, de l’habitat et du logement avec de nouvelles contraintes.
La sobriété foncière qui s’impose est l’occasion de se saisir de certains leviers pour aménager l’habitat, comme la densification des zones construites et la réhabilitation du bâti des centres-bourgs, y compris dans les espaces ruraux.
Pour cela, le fonds vert, qui reprend en partie le fonds Friches, doit perdurer au-delà de l’année pour laquelle il a été mis en place. Ce fonds, déconcentré, à la main des préfets, favorise la réappropriation du bâti existant.
Dans cette perspective, le rôle planificateur des maires sera renforcé du fait de la nécessité de penser et de mettre en œuvre un développement équilibré à l’échelle de la commune.
Vous l’aurez compris, notre groupe partage l’avis réservé du rapporteur de la commission des finances. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot.
Mme Colette Mélot. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’accès à l’immobilier est devenu l’une des principales préoccupations de nos compatriotes. Et pour cause : le logement est désormais le premier poste de dépenses dans le budget des ménages. Cela s’explique par la hausse massive et généralisée des prix de l’immobilier. Depuis le début des années 2000, l’indice des prix brut des logements, neufs et anciens, a augmenté de plus de 180 %.
En outre, plusieurs mesures de la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi Climat et résilience, adoptée en 2021, risquent de compliquer la donne. Les interdictions de louer et de vendre des passoires énergétiques vont contraindre l’offre de logements disponibles et donc entraîner une augmentation des prix. Ces mesures répondent à des objectifs environnementaux que nous partageons tous. Mais les objectifs ne doivent pas nous conduire à ignorer la situation.
De même, l’objectif de zéro artificialisation nette, que nous partageons aussi, limite considérablement les capacités des collectivités à recourir à l’étalement urbain pour augmenter l’offre de logements disponibles. Les conséquences sur le marché de l’immobilier ne seront pas négligeables.
Dans ce contexte national complexe, certaines situations locales se révèlent encore plus compliquées. C’est notamment le cas des zones tendues, où le développement des résidences secondaires contraint encore davantage l’offre de logements disponibles pour les habitants de ces villes.
Nous avons tous conscience que le phénomène concerne de nombreuses communes françaises, créant çà et là des tensions entre la population locale et des habitants saisonniers.
Nous pouvons donc nous accorder sur le constat, mais diverger sur l’analyse des causes. En l’espèce, le diagnostic selon lequel l’augmentation récente des prix de l’immobilier serait due aux résidences secondaires me semble spécieux.
L’étude de l’Insee sur laquelle se fonde l’exposé des motifs révèle deux autres réalités, qu’il serait malvenu d’ignorer.
La première est la modification des structures familiales et, avec elle, l’augmentation de la proportion des foyers au sein de la population. Ainsi, depuis 1982, le nombre de résidences principales s’est accru de plus de 50 %, alors que la population n’a augmenté que de 20 % sur la même période. Il y a donc aujourd’hui plus de résidences principales pour la population globale qu’il n’y en avait voilà quarante ans.
La seconde est le fait que les résidences secondaires ne représentent que 10 % du parc de logements. Au cours des vingt dernières années, leur nombre n’a augmenté que de 35 %, alors même que – je le rappelais à l’instant – les prix de l’immobilier ont augmenté sur cette même période de plus de 180 %. L’augmentation du nombre de résidences secondaires n’explique pas la hausse généralisée des prix de l’immobilier.
Il m’a semblé important de rappeler ces éléments, car ils expliquent pourquoi notre groupe ne soutiendra pas ce texte.
Bien sûr, nous sommes favorables à l’objectif affiché, à savoir le renforcement de l’action des collectivités territoriales en matière de politique du logement, mais la proposition de loi que nous allons examiner se résume en fait à la création de taxes supplémentaires sur les résidences secondaires.
S’il suffisait de taxer davantage les Français pour faire baisser les prix de l’immobilier, alors, il n’y aurait pas de problème d’accès au logement en France.
M. Ronan Dantec. Absolument !
Mme Colette Mélot. Car, il faut le rappeler, nous sommes le pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) où le poids des prélèvements obligatoires est le plus important, après le Danemark.
Enfin, le dispositif proposé risque de gêner les élus locaux. En effet, il donne aux régions la possibilité de créer une taxe, alors qu’il s’agit pour l’instant de décisions prises par les communes et les intercommunalités,…
M. le président. Il faut conclure, chère collègue.
Mme Colette Mélot. … qui demeurent les collectivités de proximité. Cette taxe ne serait appliquée en outre que dans des zones tendues déterminées par décret.
Ce texte apporte donc une mauvaise solution à un vrai problème de société. (M. Bruno Belin applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Breuiller. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Daniel Breuiller. « Personne ne peut plus simplement vivre ici ». Quand Jean Ferrat chantait ces mots, il parlait d’une société moderne où les jeunes « quittent un à un le pays », « pour s’en aller gagner leur vie », « loin de la terre où ils sont nés ».
Aujourd’hui, nous vivons l’inverse. Les jeunes veulent vivre au pays, mais ils ne le peuvent plus. Aucune région n’est épargnée. La hausse des prix de l’immobilier et du foncier, ainsi que la multiplication des Airbnb et des résidences secondaires obligent les jeunes et les catégories moyennes et modestes à se loger toujours plus loin. Cette ségrégation sociale et spatiale se développe à grande vitesse. Ce diagnostic – nous venons de l’entendre – est partagé sur toutes les travées ; la volonté d’agir aussi.
La proposition de loi que mon collègue Ronan Dantec présente au nom de notre groupe montre que nous pourrions agir modestement, à deux niveaux : sur l’effet de l’accroissement du nombre de résidences secondaires sur le prix de l’immobilier ; sur la maîtrise foncière des villes et des métropoles. Ce texte est une première avancée qui sera – nous n’en doutons pas – poursuivie et amplifiée, car il le faut.
Notre assemblée saura se saisir des difficultés que posent les locations Airbnb, la mise en œuvre du ZAN et la spéculation foncière, qui aggravent la situation de mois en mois. Nous l’accompagnerons.
Cette proposition de loi n’est pas là par hasard. Elle fait suite aux nombreuses interpellations de maires de communes littorales ou touristiques qui, tous, sans la moindre exception, dénoncent les conséquences directes de ces difficultés. Selon le collectif de maires du Val-de-Saire, on constate une réduction de la population permanente des communes, une accélération du vieillissement, la fermeture des commerces et de services publics – de classes, voire d’écoles –, la disparition des services médicaux et paramédicaux…
L’article 1er du texte suscite des interrogations, voire des inquiétudes – nous l’entendons –, sur la place des régions dans cette politique. Si cet article ne fait pas consensus, l’amendement de notre collègue Isabelle Briquet, qui vise à le remplacer par celui que nous avions voté collectivement pour décolérer… – pardon ! – décorréler (Rires.) taxe foncière et THRS, permettrait de répondre, s’il était adopté, aux inquiétudes des élus du Pays basque, de Corse, de Bretagne, de Normandie, des Alpes ou des Pyrénées, sans parler de ceux des métropoles. Tous les territoires sont touchés.
Cet amendement, adopté à une large majorité par le Sénat, a été supprimé – je le rappelle – à la suite du recours à l’article 49, alinéa 3, de la Constitution. Nous pouvons rétablir une telle disposition et envoyer ainsi un nouveau signal aux collectivités territoriales, qui nous font confiance, sur la volonté du Sénat d’être à leurs côtés.
S’il existe des désaccords sur l’article 1er – nous pensons pourtant que les régions ont un rôle à jouer –, il ne devrait pas y en avoir sur l’article 2. Les EPFL nous sollicitent et nous demandent des moyens accrus. La proposition faite aux sénateurs de donner des outils aux territoires en renforçant leur pouvoir d’agir devrait susciter un consensus très large sur nos travées. Les EPFL en ont besoin ; ils nous l’ont écrit.
Certes, d’autres dispositifs sont possibles. Vous pourriez ainsi choisir, monsieur le ministre, d’augmenter les dotations de ces établissements, afin de les aider dans leurs travaux. Mais nous ne sommes pas persuadés que cette voie sera retenue dans un avenir proche. C’est la raison pour laquelle nous proposons de donner nous-mêmes à nos collègues – les EPFL sont dirigés par les élus territoriaux – la possibilité de choisir la manière dont ils veulent agir et s’ils veulent agir, en donnant une plus grande autonomie fiscale à ces établissements.
Nous n’imposons aucune obligation, nous proposons simplement de donner aux collectivités territoriales un pouvoir de décider, d’agir, et de nouvelles marges de manœuvre.
Donner plus de pouvoir aux collectivités serait une décision magnifique de notre assemblée, face aux problèmes que chacun constate. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mme Isabelle Briquet et M. Mickaël Vallet applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Duranton.
Mme Nicole Duranton. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme cela est indiqué dans l’exposé des motifs, depuis l’an 2000, la France a connu une hausse vertigineuse des prix de l’immobilier. Nous en avons tous fait le constat dans nos territoires respectifs. Cette hausse a obligé les populations locales à se loger toujours plus loin de leurs lieux de travail et de socialisation. Littoraux, zones frontalières, montagnes, grandes villes et, désormais, certaines communes rurales : aucun espace n’est épargné.
L’augmentation du nombre des résidences secondaires, qui représentent aujourd’hui un logement sur dix selon l’Insee, n’est pas l’unique facteur expliquant cette hausse.
Non, il n’est pas exact de dire que tous les jeunes souhaitent rester dans leur commune d’origine, bien au contraire ! Il est très sain pour un jeune, mais également pour un moins jeune, de vouloir quitter à un moment ou un autre sa commune,…
M. Paul Toussaint Parigi. Ce n’est pas vrai !
Mme Nicole Duranton. … de découvrir d’autres horizons, d’autres environnements, pour mieux y revenir plus tard.
Les élus locaux trouvent tout de même avantage à la présence de ces résidents secondaires. Ces résidents n’ont d’ailleurs de secondaires que le nom, car beaucoup d’entre eux contribuent activement au dynamisme du territoire et au développement de la fameuse attractivité économique que l’on recherche tant.
À titre d’exemple, dans les années 1960-1970, mon père était adjoint au maire de ma commune, en Normandie. La municipalité se réjouissait de l’engouement des Parisiens venant acheter, à 150 kilomètres de la capitale, des longères ou de vieilles fermes à retaper pour en faire des résidences secondaires. Ils participaient activement à l’entretien du patrimoine bâti de la commune et en faisaient d’ailleurs souvent, leur retraite venue, leur résidence principale.
Vous nous proposez d’employer une surimposition, afin de réorganiser le marché local du logement et de tenter de dissuader les propriétaires de conserver des résidences secondaires. Je vous rappelle que nous avons voté dans le dernier projet de loi de finances un élargissement de la disposition autorisant les municipalités classées en zone tendue à voter une surtaxe à la taxe d’habitation pour les logements secondaires. Je pense qu’il nous faut conserver cet équilibre.
Au bout du compte, les seuls qui pourraient céder et remettre sur le marché un bien surimposé seraient ceux qui connaissent de sérieuses difficultés financières. Cela me paraît peu juste et peu conforme à l’objectif qui est le vôtre.
Le rapporteur a eu l’occasion de le rappeler : à l’article 1er, les régions ne sont pas l’échelon pertinent pour mettre en place une nouvelle surtaxe, d’autant qu’elles ne sont même pas demandeuses de cette nouvelle ressource.
M. Ronan Dantec. Ça dépend lesquelles !
Mme Nicole Duranton. La même logique est employée à l’article 2 au profit des établissements publics fonciers locaux, afin de financer la fameuse préemption.
Avec cette double augmentation de la taxe d’habitation, on créerait un régime quasiment confiscatoire pour des propriétaires qui ont parfois simplement hérité d’un bien familial qu’ils se sont moralement engagés à conserver, sans être pour autant une caricature de grand rentier.
En l’état, cette proposition de loi a été examinée par la commission des finances, réunie le 25 janvier, sur le rapport de M. Jean Baptiste Blanc, que je félicite. Elle n’a pas été adoptée en commission, ce qui constitue un signal négatif très fort.
Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain propose, certes, de réécrire l’article 1er pour décorréler la taxe d’habitation sur les résidences secondaires et la taxe foncière sur les propriétés bâties. Je ne pense pas que cette rédaction modifiée, bien que plus consensuelle, soit de nature à améliorer l’état du droit. La corrélation des taux, lorsqu’elle fut instituée, était non pas une lubie jacobine, mais une mesure d’équité.
Moins représentés dans les décisions municipales, les propriétaires de résidences secondaires s’acquittent de la taxe foncière au même titre que leurs voisins résidents permanents, tout en ayant pourtant moins recours aux services publics locaux. Pourtant, si la taxe d’habitation a été supprimée pour les seconds, elle demeure pour les premiers.
N’allons pas trop loin dans la surenchère… La justice fiscale : oui ; le racket fiscal : non !
M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue.
Mme Nicole Duranton. Je souhaite que nous puissions travailler à l’avenir sur ces sujets.
Cette proposition de loi ne répondant en aucun cas au problème soulevé, notre groupe votera à une large majorité contre.
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Briquet. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Isabelle Briquet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi, déposée par nos collègues du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, traduit un réel besoin pour nos concitoyens : lutter contre la hausse des prix immobiliers pour garantir l’accès au logement à toutes et tous.
Cette question, qui est à la croisée des chemins de l’aménagement du territoire et de la justice sociale, appelle une véritable réponse politique de lutte contre les inégalités sociales et la fracture territoriale.
Mes chers collègues, à travers le logement, il s’agit de garantir à tous les citoyens le droit de vivre mieux. L’inégalité face au logement accentue les autres inégalités sociales, en matière d’accès au travail, d’éducation, de soins, de loisirs, etc.
Nous devons donc engager les moyens nécessaires pour permettre d’abord aux ménages, notamment aux plus jeunes, d’habiter dans leur bassin de vie, près de leur lieu de travail, des écoles et de différents services publics. Pour ce faire, nous devons doter les communes des outils indispensables à la maîtrise de leur foncier et de leur tissu économique et social.
La question du logement entre également en résonance avec la mise en œuvre du ZAN, qui nécessite aussi un véritable accompagnement à destination des élus locaux.
Les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain partagent les objectifs affichés dans le texte : permettre aux citoyens qui le souhaitent de rester « vivre au pays », comme on le dit familièrement. Ils proposeront donc trois amendements tendant à renforcer l’efficacité du dispositif.
Ainsi, afin de donner un levier fiscal supplémentaire aux communes, nous proposons de réécrire l’article 1er, dont nous partageons les objectifs. La décorrélation de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires et de la taxe foncière sur les propriétés bâties nous semble en effet un moyen mieux adapté aux besoins des collectivités.
La situation actuelle de corrélation entre les deux taxes n’est en effet pas sans conséquence pour les communes touristiques, qui voient la transformation des résidences principales en résidences secondaires, entraînant un étiolement durable de l’activité sociale et économique.
Notre amendement vise à endiguer le phénomène continu d’accroissement des résidences secondaires au détriment des résidences principales. Il tend également à permettre aux communes d’agir plus librement sur le taux de la THRS et à prendre des décisions en adéquation avec les besoins locaux.
C’est pourquoi, afin de parvenir à un consensus sénatorial, cet amendement tend à reprendre la version présentée par Philippe Bas lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2023, version qui avait été adoptée très largement par notre assemblée.
Si nous partageons l’objectif, nous pouvons aisément nous entendre sur le moyen de l’atteindre, surtout lorsque le moyen en question a déjà emporté l’adhésion de la majorité d’entre nous, sur toutes nos travées. Je ne doute pas que ce qui était pertinent voilà quelques semaines le soit toujours aujourd’hui.
Ce dispositif répond à une attente forte de nombre de communes. Je ne saurais comprendre que notre assemblée en décide différemment lors de l’examen de cette proposition de loi, même si celle-ci a été déposée par un autre groupe.
L’éloignement des populations dû à la hausse du coût des logements touche particulièrement les jeunes ménages. Cette hausse a également un impact réel sur le tissu économique et social des collectivités où nombre d’habitations ont été converties en résidences secondaires. Ce phénomène ne concerne pas uniquement les zones tendues, mais il se développe également dans les zones moins denses, qui voient s’aggraver la dévitalisation de leurs centres-bourgs.
Nous proposerons donc un article additionnel visant à étendre la possibilité de majorer le plafond de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires à toutes les communes qui le souhaitent. Le dispositif ouvrira cette possibilité à toutes les communes concernées par ce phénomène des résidences secondaires. De même, nous ferons passer le taux de la majoration de THRS de 60 % à 100 %.
L’article 2 du texte ouvre une possibilité de taxation spécifique au bénéfice des établissements publics fonciers. Au regard de l’importance de leurs missions, ces derniers constituent de véritables outils d’aménagement du territoire et de maîtrise du foncier. Nous proposons d’élargir le dispositif à l’ensemble des communes, afin d’en accroître la portée et d’en garantir une meilleure effectivité.
Cette proposition de loi a le grand mérite de traiter un sujet primordial, au cœur de la justice sociale, et essentiel pour l’égalité des territoires. Les réponses apportées pourront, certes, être complétées. Néanmoins, elles constituent une première avancée.
Nous devons nous saisir pleinement de ces questions d’habitat et d’aménagement du territoire. C’est pourquoi le groupe socialiste – vous l’avez compris – apportera son soutien à ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)