Mme le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Je dois avouer à mon tour que suis un peu perdu.
Cela étant, je rejoins le rapporteur lorsqu’il rappelle que le Sénat s’est beaucoup investi pour qu’un vrai débat démocratique sur la PPE ait lieu. (M. le rapporteur acquiesce.)
Je rappelle également qu’à cette époque Daniel Gremillet défendait un objectif de 50 gigawatts pour l’éolien offshore, ce qui est totalement incompatible avec la proposition émanant de certains sénateurs du groupe Les Républicains d’installer ces éoliennes de l’autre côté du Channel. (M. le rapporteur sourit.)
Pour ma part, je pense bien connaître tout ce qui a trait à la PPE, dans la mesure où, je le rappelle, c’est le groupe écologiste à l’œuvre à l’époque de sa mise en place qui avait négocié la périodicité de celle-ci auprès du cabinet du Premier ministre d’alors, Manuel Valls, et ce la veille de la présentation de la future loi Royal. Il s’agissait d’un élément du deal entre socialistes et écologistes. (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Ah !
M. Jean-Raymond Hugonet. Deal de triste mémoire !
M. Ronan Dantec. Je dévoile les dessous de l’accord passé à l’époque, qui a permis d’allonger la durée de la trajectoire énergétique de cinq à dix ans. C’est un point important : l’État proposait initialement une planification sur cinq ans, ce qui était absurde au vu du temps réellement nécessaire à la réalisation des installations nucléaires, qui est bien plus long.
Désormais, la PPE couvre une durée de dix ans. Aussi, pourquoi, alors que l’on débat aujourd’hui de « bécanes » dont aucune ne fonctionnera d’ici dix ans, y toucher maintenant ? Seul un développement à marche forcée des énergies renouvelables qui serait promu par la loi, comme l’a souligné Mme la ministre, pourrait changer la donne dans les dix années à venir. Si l’on modifie la PPE, ce serait donc uniquement pour tenir compte d’une hausse de la part de ces énergies dans le mix énergétique.
C’est pourquoi je ne comprends pas bien la logique de cet article.
Je ne peux pas terminer mon propos – le débat que nous avons cet après-midi est passionnant – sans faire remarquer que nous sommes le seul pays qui puisse, dans le secteur industriel, décider de fabriquer des centrales en série, alors même que le prototype ne fonctionne pas, et ce sans même essayer de comprendre pourquoi celui-ci ne fonctionne pas et attendre que ce ne soit plus le cas ! (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Gérard Longuet. Ce n’est pas le même modèle d’EPR !
M. Ronan Dantec. Il s’agit d’une innovation comme on en a rarement connu ! Il me semble que notre pays court ainsi un vrai risque industriel.
Mme le président. La parole est à M. Jean-Michel Houllegatte, pour explication de vote.
M. Jean-Michel Houllegatte. Notre groupe souhaite revenir au projet de loi initial, c’est-à-dire un texte d’accélération des procédures, qui comporte un certain nombre d’aspects tant administratifs que juridiques.
Or l’article 1er A prévoit que « la programmation pluriannuelle de l’énergie fait l’objet d’une révision simplifiée destinée à la mettre en conformité avec les constructions de réacteurs électronucléaires ou leurs prolongations, poursuivies notamment par cette loi ». En d’autres termes, on inverse le processus : la PPE doit s’adapter au projet de loi relatif à l’accélération des procédures que l’on va voter – ou non – dans les prochaines heures.
Si l’on veut véritablement un débat serein, laissons-le se dérouler sans entrave. Chacun pourra ainsi prendre position.
Personnellement, j’ai, au sens propre comme au sens figuré, beaucoup d’atomes crochus avec Daniel Gremillet. Je suis moi aussi un partisan du développement de la filière électronucléaire, mais ce, sous certaines conditions.
Je le dis en regardant Fabien Gay droit dans les yeux, parce que je crois que l’on partage un certain nombre de points communs à ce sujet. Je considère personnellement que nous avons besoin du nucléaire, mais pas de n’importe quel nucléaire ; il nous faut en effet une filière nucléaire responsable.
Dès lors, nous sommes – je le redis – favorables au retour au texte initial. Discutons sereinement de la PPE et, pour ce faire, évitons de mettre une quelconque forme de pression sur le débat et d’imposer, dans le cadre de ce projet de loi, des décisions qui doivent être prises ultérieurement.
Je profite des quelques secondes qu’il me reste pour corriger une erreur : le réacteur finlandais d’Olkiluoto 3 est actuellement à l’arrêt en raison, non pas d’un problème nucléaire, mais de défaillances au niveau de l’îlot turbine et de l’alternateur. Il ne s’agit pas du tout d’un incident nucléaire, puisque le problème serait exactement le même s’il s’agissait d’une centrale à charbon. (Exclamations amusées sur les travées du groupe GEST.)
M. Ronan Dantec. L’îlot turbine fait tout de même partie de l’EPR !
Mme le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour explication de vote.
Mme Céline Brulin. Madame la ministre, lors de la discussion générale, vous avez conclu votre intervention par une réponse aux critiques, qui émanaient de l’ensemble des travées de cet hémicycle, sur le fait que vous nous obligiez à engager ce débat en dépit du bon sens. Vous avez alors juré vos grands dieux, si je puis dire, que l’examen des différents textes relatifs à notre stratégie énergétique se faisait dans le bon ordre.
Or vous venez de nous expliquer qu’il fallait marcher sur nos deux jambes, le nucléaire et les énergies renouvelables. Cela nous renforce dans notre conviction qu’il aurait peut-être été préférable de discuter de la PPE en premier, voire qu’il aurait peut-être mieux valu que vous présentiez un texte global nous permettant de définir précisément quelle doit être notre production globale d’énergie en fonction de nos besoins réels.
En saucissonnant ainsi les sujets, vous poussez les uns et les autres, parfois même à leur corps défendant, à aborder les débats sous un angle idéologique. Or, si nous avons besoin d’un mix énergétique, cela n’est pas d’abord pour des raisons idéologiques, mais pour répondre à divers besoins auxquels aucune source et aucun mode de production ne peut répondre seul. C’est du reste la raison pour laquelle nous devons diversifier notre production énergétique.
Le processus législatif est désormais lancé, mais il me semble que les débats s’engageraient sous de meilleurs auspices si vous acceptiez de reconnaître, madame la ministre, qu’il aurait été préférable d’examiner les textes dans un ordre différent.
Mme le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour explication de vote.
M. Franck Montaugé. En écoutant attentivement les uns et les autres, j’ai parfois l’impression que certains se bercent de mots…
Madame la ministre, je souhaiterais vous interroger sur un point précis. Aujourd’hui, les autorisations d’exploitation des installations de production d’énergie nucléaire sont limitées à 63,2 gigawatts. Si vous en avez connaissance – je ne doute pas que vous ayez des informations à ce sujet –, quels seront les effets du grand carénage, qui conduira à l’arrêt de certains réacteurs pour des raisons techniques sur le fondement des avis rendus par l’Autorité de sûreté nucléaire ? Il me semble que ce n’est pas neutre, alors que nous avons à nous prononcer sur ces deux amendements.
Par ailleurs, je rappelle que la nouvelle PPE viendra très prochainement en discussion dans cet hémicycle. S’il convient effectivement d’envoyer un signal à la filière, pourquoi pas ?
Enfin, je souhaiterais attirer votre attention sur le scénario « N03 » de RTE, dit de mix équilibré, à l’horizon 2050, qui prévoit un nouveau seuil pour les autorisations d’installation limité à 51 gigawatts pour le nucléaire. Dans ce scénario, le nucléaire existant représenterait 24 gigawatts de capacité installée, les 27 gigawatts restants correspondant à du « nouveau » nucléaire, que les six nouveaux réacteurs EPR 2 et les huit autres à l’étude, qui ont été annoncés par le Président de la République, ne permettraient d’ailleurs pas de couvrir intégralement.
La situation ne me paraît donc pas très claire.
Pour terminer, je suis très inquiet des difficultés que l’on rencontre dans nos territoires – nous le vivons sur le terrain – pour planifier le développement des énergies renouvelables, photovoltaïque, éolien terrestre, voire la méthanisation. Je rappelle que le scénario de RTE, qui repose sur la part d’EnR la plus élevée, anticipe une multiplication par sept de la production d’énergie photovoltaïque et par deux et demi de la production éolienne terrestre.
Or, aujourd’hui, avec ce qui se dessine, on est très loin du compte…
Mme le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Franck Montaugé. Cela pose la question de l’efficacité de notre planification énergétique.
Mme le président. Il faut respecter votre temps de parole !
La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Madame la ministre, dans votre intervention liminaire, qui a duré onze minutes et quarante secondes, vous avez passé huit minutes à énumérer les dispositions que ce texte ne comportait pas et à lister les sujets qu’il ne fallait pas aborder, et trois minutes seulement à expliquer les mesures y figurant.
Et patatras ! Nous sommes confrontés, dès l’examen de l’article 1er A, à une contradiction dont vous êtes responsable, à savoir que nous examinons ce texte avant la PPE, ce qui n’est pas possible !
Nos collègues qui ont défendu les amendements nos 42 et 54 ont donc raison : on ne peut pas discuter sérieusement du nucléaire sans avoir préalablement défini une stratégie concernant notre mix électrique. Débattre de cette programmation donnera sûrement lieu à des désaccords et à des divergences, mais il importe, dans un premier temps, de trancher cette question.
À l’inverse, le rapporteur a parfaitement raison d’avoir modifié l’article 1er A pour tenir compte de cette inversion. Je comprends parfaitement les positions des uns et des autres.
D’un côté, vous voulez accélérer les procédures ; de l’autre, la PPE prévoit toujours la fermeture de douze réacteurs. Plus personne n’y comprend rien ! Je vous le dis franchement, madame la ministre : si nous en sommes là, c’est uniquement de votre faute et c’est lié à la façon dont vous avez voulu aborder ce débat.
Sur le fond, nous sommes d’accord avec la commission, mais nous nous abstiendrons sur les quatre amendements à l’article 1er A en raison de l’ordre dans lequel vous avez voulu examiner les textes – je n’en comprends toujours pas la raison. De cette manière, et sans débat de fond, vous n’allez rien accélérer du tout !
Mme le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 42 et 54.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme le président. L’amendement n° 118, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéas 2 à 5
Remplacer ces alinéas par deux alinéas ainsi rédigés :
1° Le 5° de l’article L. 100-4 est ainsi rédigé :
« 5° De diversifier le mix électrique en visant un meilleur équilibre entre le nucléaire et les énergies renouvelables, selon des modalités fixées en application de l’article L. 100-1 A ; »
La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Cet amendement vise à revenir sur la suppression, par la commission, de l’objectif de 50 % de production d’origine nucléaire dans le mix électrique et à rappeler que la PPE vise à diversifier le mix énergétique pour atteindre « un meilleur équilibre entre le nucléaire et les énergies renouvelables ».
Il ne s’agit pas, contrairement à ce que j’ai entendu dire, de préempter le débat sur la PPE ; il s’agit justement de faire droit à la demande de nombreux sénateurs de ne pas débattre de la PPE aujourd’hui.
Par ailleurs, tout le monde a la bouche remplie des mots « concertation » et « consultation du public », mais vous êtes justement en train de nous demander d’écraser le débat public, mesdames, messieurs les sénateurs !
M. Franck Montaugé. Non, au contraire ! Nous le défendons !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Le débat public est en cours, il a démarré au mois d’octobre !
Il y a une convention de jeunes de 18 à 35 ans, pour finaliser ce débat public, auquel un certain nombre d’entre vous sont invités. Nous appliquons strictement les recommandations formulées par la Commission nationale du débat public pour organiser cet exercice, ce moment démocratique, au cours duquel nous associons l’ensemble des Français à la définition de notre mix énergétique. Et, de votre côté, vous nous demandez d’écraser ce débat !
M. Jean-Michel Houllegatte. Au contraire !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie et M. Franck Montaugé. Nous proposons exactement le contraire !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Pour ma part, cela ne me semble pas être une bonne idée et je ne foulerai pas aux pieds la concertation publique en redéfinissant notre PPE. Si l’on veut que ce débat public soit respecté, le projet de loi sur la PPE ne peut arriver que dans quelques mois et non avant la fin de celui-ci.
Par ailleurs, gouverner, c’est anticiper (Exclamations et applaudissements ironiques sur les travées des groupes Les Républicains et SER.) – vous avez copieusement reproché au Gouvernement de ne pas le faire assez… –, donc laissez-nous anticiper les procédures administratives, qui exigent des mois de travail ! D’ailleurs, ce n’est pas nous qui demandons une loi d’accélération des procédures, ce sont EDF et l’ASN, afin d’être prêtes lorsque la PPE sera adoptée. Ce texte procède donc d’une demande de la filière et nous faisons notre travail en anticipant les choses.
Tout le monde a donc intérêt à sortir des postures politiques, parce que notre responsabilité, c’est de construire la fameuse indépendance énergétique que l’on réclame et qui, j’ai le regret de vous le dire, n’a jamais existé depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Je ne répéterai pas les propos que j’ai tenus sur les amendements précédents.
Néanmoins, je ne vous comprends pas, madame la ministre : vous faites une partie du chemin tout en refusant d’aller au bout de la logique en vous appuyant sur le travail de la commission des affaires économiques, qui, elle, a eu le courage de le faire.
En effet, on ne trouvera pas de jeunes désireux de s’engager dans les métiers souffrant d’une perte de compétences – tout le monde en convient – si l’on n’envoie pas un signal, si l’on ne dessine pas une trajectoire et une vision de long terme. Le rôle du Gouvernement et du Parlement, c’est d’avoir cette vision, d’élaborer cette stratégie pour le pays.
Par ailleurs, je suis d’accord avec vous : il ne faut pas préempter la stratégie définie par la PPE, et c’est aussi la position de la commission. Vous l’avez indiqué précédemment : à l’horizon 2050, nous aurons vingt-huit réacteurs sur lesquels devra être prise une décision : prolongation, si l’ASN juge celle-ci compatible avec la sûreté des installations, ou renouvellement. C’est cette question que la PPE devra examiner.
J’irai plus loin, madame la ministre. Aujourd’hui, la bataille de l’hydrogène est en train de se jouer à travers le monde, y compris sur le sol européen, notamment en Allemagne. Or, si nous n’envoyons pas un signal sur le nucléaire, nous n’aurons pas de recherche et d’innovation en France, et l’électrolyseur à haute température, source de meilleurs rendements dans la production d’hydrogène, ne se fera pas. C’est à tous ces enjeux que la commission a voulu répondre, au travers des articles additionnels qu’elle a adoptés !
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme le président. La parole est à M. Jean-Michel Houllegatte, pour explication de vote.
M. Jean-Michel Houllegatte. Madame la ministre, cet amendement entre en contradiction frontale avec votre propos liminaire. Vous nous avez en effet indiqué – le compte rendu intégral en fait foi – que la place du nucléaire dans le mix énergétique ne serait pas remise en cause et qu’il ne s’agissait pas d’un texte de programmation énergétique.
Il se trouve que, dans sa rédaction initiale, le projet de loi modifie au moins une quinzaine de fois le code de l’urbanisme, une dizaine de fois le code de l’environnement, sans compter les modifications du code général de la propriété des personnes publiques, du code général des impôts et du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique ; en revanche, il n’apporte pas la moindre modification au code de l’énergie, je vous mets au défi d’en trouver une, parce que vous étiez restée « dans votre couloir », dans le cadre d’une feuille de route.
Or, avec cet amendement, j’ai l’impression d’assister à une sortie de route et il me semble même que vous êtes partie dans le décor puisque vous proposez de récrire le 5° de l’article L. 100-4 du code de l’énergie, selon lequel la politique énergétique a pour but de « réduire la part du nucléaire dans la production d’électricité à 50 % à l’horizon 2035 ». L’année 2035, c’est dans douze ans ; par conséquent, même si – je le concède – il sera nécessaire de modifier cette disposition, nous avons le temps de respecter les débats publics qui ont lieu actuellement.
Nous n’écrasons donc pas le débat public, madame la ministre, au contraire : nous voulons le renforcer afin qu’il se déroule sereinement. Pour cela, ne l’encadrons pas par des injonctions, ne laissons pas le Parlement décider d’emblée de modifier la PPE. Cela me semblerait constituer, je le répète, un déni de démocratie participative.
Mme le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Franchement, je veux remercier la commission et son rapporteur, Daniel Gremillet, d’avoir enfin ouvert, d’une façon qui contraigne à la rationalité, un débat de plusieurs mois et qui devra être in fine tranché par le législateur : quel mix énergétique acceptons-nous pour la France ou, plus précisément, sur quels principes doivent se fonder les investissements qui permettront à notre pays d’avoir de l’énergie ?
Organiser un débat selon les formes prescrites par la Commission nationale du débat public, c’est très bien, mais qui peut croire un seul instant que de ce débat public puissent émerger des propositions précises et rigoureuses ?
Prenons l’exemple de l’hydrogène destiné à décarboner l’industrie. Si l’on décide qu’il s’agit d’une priorité, il faut savoir que la seule sidérurgie ou l’ensemble constitué par la chimie et les activités pétrolières exigent une production de plusieurs gigawatts pour fonctionner. De même, pour garder nos données sur notre territoire, vu la croissance de la consommation de numérique, il faudra une électricité parfaitement maîtrisée, ne supportant ni les intermittences ni les variations de fréquence. De la même manière, la mobilité légère – les batteries – ou la mobilité lourde – l’hydrogène – entraînent des besoins considérables en énergie, qu’il faut évaluer.
Pour cela, les investissements, ou Capex, sont importants et les technologies changent. Je veux bien qu’un débat public nous explique quel doit être le mix énergétique, mais vous me permettrez de ne pas prendre très au sérieux ce type de travaux…
En revanche, nous ouvrons aujourd’hui et publiquement, avec le soutien de ceux qui proposent un texte – la commission – et avec l’apport utile de ceux qui le combattent, un débat qui obligera les responsables français compétents à prendre position.
Mme le président. Veuillez conclure, cher collègue.
M. Gérard Longuet. Je voudrais que ces responsables définissent des capacités effectives de production, sans s’appuyer sur de vagues sentiments, sans proposer, au jugé, tel ou tel mix énergétique, tel ou tel cocktail agréable,…
Mme le président. Vous n’avez plus la parole !
M. Gérard Longuet. … car il y va tout de même de l’avenir de la France ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme le président. Mes chers collègues, chacun dispose pour ses explications de vote d’un temps de parole de deux minutes, pas d’une seconde de plus, et cela s’applique à tout le monde !
M. Gérard Longuet. Je n’ai parlé qu’une seule fois et ce sera la dernière, madame la présidente !
Mme le président. Il y a quelques instants, j’ai accordé à M. le rapporteur un dépassement de vingt secondes et cela m’a valu des messages de toutes les travées pour demander une extension des temps de parole. Je vous saurai donc gré d’éviter de dépasser votre temps de parole. Je pense que tout le monde peut, en deux minutes, expliquer sa position. Je vous prie d’y veiller dorénavant.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Coupez les micros !
Mme le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. J’économiserai vingt secondes sur mon temps de parole, que je donne, a posteriori, à Gérard Longuet… (Sourires.)
Je le répète, la volonté de la commission des affaires économiques, avec cet article, est d’envoyer un signal fort, comme l’a dit Mme la ministre, pour relancer la filière nucléaire. Ce signal fort ne peut pas se limiter à des mesures techniques ; il doit certes en contenir quelques-unes afin d’accompagner la création de six réacteurs EPR 2, mais il doit aussi affirmer que le nucléaire a de l’avenir dans ce pays pour les vingt ou trente prochaines années, puisque l’on s’apprête à y construire des EPR.
Madame la ministre, je vous remercie de signaler que la voie choisie par la commission des affaires économiques ne se substitue pas à la PPE. Que souhaitons-nous indiquer avec l’alinéa 3 du présent article ? Simplement que la cible de 50 % est obsolète…
M. Gérard Longuet. Elle est irresponsable !
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. … et n’est est pas cohérente avec la perspective, proposée dans ce projet de loi, de la création de nouveaux EPR. Nous nous contentons donc de supprimer cette cible et nous prenons acte de la suppression de la fermeture annoncée de douze réacteurs supplémentaires.
Ce faisant, nous ne préemptons pas le débat public, parce que la cible de 50 % peut devenir une cible de 75 % – ce serait peut-être la préférence majoritaire de ce côté-ci (Mme la présidente de la commission esquisse un geste en direction du côté droit de l’hémicycle.) – ou de 20 % – ce serait peut-être la préférence de ce côté-là. (Mme la présidente de la commission désigne les travées de gauche.) Nous ne préemptons rien, nous prétendons simplement que ce taux de 50 % est obsolète et nous proposons de faire reposer les mesures techniques sur une vision politique. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Vincent Segouin. Bravo !
Mme le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Je peux comprendre les propos tenus, mais tout cela relève plutôt d’un débat sur la place du nucléaire.
Or l’amendement du Gouvernement vise justement, je le rappelle, à préserver la PPE et toutes les discussions à venir, en précisant simplement que la politique énergétique doit avoir pour objectif de « diversifier le mix électrique en visant un meilleur équilibre entre le nucléaire et les énergies renouvelables ». Nous proposons précisément de poser le débat !
J’entends que ce débat ait lieu, mais ne prenez pas à partie le Gouvernement sur ce point, car il a et garde une ligne très claire, consistant à laisser le débat public aller son terme, à proposer au Parlement de relancer le programme nucléaire et à s’y préparer dès maintenant.
Par ailleurs, monsieur le rapporteur, nous ne vous avons pas attendu pour relancer l’hydrogène bas-carbone. Nous avons passé deux ans à négocier les projets importants d’intérêt européen commun (PIIEC) – IPCEI, en anglais – avec la Commission européenne et, aujourd’hui, quinze projets sur les électrolyseurs sont déjà engagés ; je peux vous assurer que ces dossiers sont sur les rails et qu’ils sont très attractifs, y compris pour le recrutement.
À ce propos, sur la formation non plus, nous ne vous avons pas attendu. D’ailleurs, l’opinion publique est déjà en train de bouger à ce sujet puisque, alors que nous éprouvions des difficultés à remplir les sections spécialisées dans le nucléaire au sein des écoles d’ingénieurs, les demandes pour y étudier sont désormais supérieures aux places disponibles. L’enjeu en la matière consiste à étendre ce phénomène aux bacs professionnels et aux bacs+2, afin de former des soudeurs, des électrotechniciens ou encore des électromécaniciens, dans le but de remplacer les personnes amenées à partir à la retraite prochainement. D’ailleurs, certaines autres réformes peuvent nous y aider…
Mme le président. L’amendement n° 14, présenté par MM. Salmon, Labbé, Dantec, Fernique, Benarroche, Breuiller, Dossus et Gontard, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Rédiger ainsi cet alinéa :
3° L’article L. 311-5-5 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« L’autorisation mentionnée à l’article L. 311-1 ne peut être délivrée lorsqu’elle aurait pour effet de porter atteinte aux objectifs de diversification des sources d’énergie et de réduction de la part de l’électricité d’origine nucléaire.
« L’autorité administrative peut abroger l’autorisation d’exploiter une installation nucléaire de base pour atteindre les objectifs de diversification des sources d’énergie et de réduction de la part de l’électricité d’origine nucléaire. »
La parole est à M. Daniel Salmon.
M. Daniel Salmon. Il est nécessaire de rappeler le cadre normatif dans lequel s’inscrit le projet de loi d’accélération du nucléaire.
Nous sommes lucides, nous savons que, compte tenu du retard pris en matière d’efficacité énergétique et de développement des énergies renouvelables, nous ne pourrons pas nous passer tout de suite du nucléaire existant. Il nous faudra plusieurs décennies pour nous en affranchir, mais il est primordial de ne pas relancer du « nouveau » nucléaire. Nous souhaitons donc sécuriser le cadre juridique en vigueur, en rappelant que tout projet de réacteur nucléaire supplémentaire doit demeurer cohérent avec le mix énergétique et avec l’obligation de réduction de la part du nucléaire dans la production d’électricité.
C’est tout le débat que nous avons en ce moment. Nous ne partageons pas votre vision, que reflète encore l’article L. 100-4 du code de l’énergie. Aujourd’hui, seul l’exploitant a la possibilité de demander l’abrogation des autorisations d’exploiter lorsque le plafond de 63,2 gigawatts est susceptible d’être dépassé. Or ce plafond a pour seul objectif d’éviter l’extension du parc nucléaire et ne permet pas de remplir les objectifs de réduction de la part du nucléaire fixé par la loi.
Ainsi, en donnant au ministre chargé de l’énergie le pouvoir de fermer les centrales nucléaires, nous souhaitons éviter de faire reposer entre les mains exclusives de l’exploitant la possibilité d’abroger des autorisations d’exploiter et garantir le respect des objectifs de décarbonation du mix et de réduction de la part du nucléaire.
Ce n’est pas à l’exploitant de piloter la politique énergétique française…